Les cheminements menant aux crimes graves 2008-01

Les cheminements menant aux crimes graves 2008-01 Version PDF (328 Ko)
Table des matières

Annie K. Yessine et James Bonta

Remerciements

Nous tenons à rendre hommage à M. Kenneth A. Bollen (Ph. D.) et à Mme Linda K. Muthén (Ph. D.), qui ont formulé des recommandations analytiques et des conseils sur le plan statistique très utiles tout au long de la présente étude. De plus, nous adressons des remerciements particuliers à Karl Hanson pour ses observations précieuses concernant une version antérieure du rapport. Enfin, nous aimerions faire état de la contribution de Jennifer Cooney, Louise Grace, Terri-Lynne Scott et Simon Young, qui nous ont aidés à coder les données sur la récidive.

Sommaire

L'établissement des trajectoires criminelles et l'étude de leurs causes figurent parmi les sujets de recherche les plus fondamentaux et les plus importants sur le plan empirique en criminologie développementale (Nagin et Tremblay [2005]). La présente étude visait à contribuer aux travaux de recherche de plus en plus nombreux dans le domaine de la criminologie sur l'évolution du crime et à en élargir la portée de diverses façons. Au moyen d'un modèle mixte de courbe de croissance latente, nous avons cherché à définir les cheminements criminels distincts et à préciser les caractéristiques qui permettent de prédire les trajectoires criminelles futures d'un échantillon de la population canadienne constitué de 514 jeunes hommes et jeunes femmes traduits en justice jusqu'au milieu de l'âge adulte.

Les résultats ont révélé l'existence de deux types principaux de délinquants dont la composition, les activités criminelles et la renonciation à la criminalité pendant leur vie variaient. Ces deux trajectoires criminelles correspondaient étroitement aux catégories proposées par Loeber et Stouthamer-Loeber [1996], Moffitt [1993] et Patterson et coll. [1992] concernant les délinquants chroniques et les renonciateurs précoces. Un groupe, constitué d'environ 12% des délinquants, affichait un taux chronique élevé de criminalité pendant toute la vie. La fréquence et la gravité des infractions de ce groupe se sont intensifiées constamment à partir de l'adolescence. Le reste de l'échantillon se caractérisait par une participation relativement rare et moins grave à des activités criminelles au fil des ans. Les activités criminelles des membres de ce groupe demeuraient assez stables, même si elles avaient tendance à accuser une légère baisse de fréquence et de gravité à partir de l'âge de 26 ans.

Les délinquants classés dans le groupe des délinquants chroniques à criminalité élevée commettaient une plus grande variété d'infractions et un plus grand nombre de crimes avec violence que les délinquants stables à faible criminalité. De plus, selon nos résultats, le risque d'être incarcéré dans un établissement provincial ou fédéral était beaucoup plus élevé dans le cas des délinquants du groupe chronique à criminalité élevée comparativement aux délinquants stables à faible criminalité. Ces constatations donnent à penser que les deux groupes de trajectoire criminelle constitués dans notre étude revêtent une certain valeur pratique pour la prédiction des résultats criminels à long terme.

Parmi les domaines de risque et de besoins résultant de facteurs criminogènes, seules les fréquentations ont permis de prédire avec fiabilité l'appartenance à un groupe après la prise en considération des autres facteurs de risque. Comme on pouvait s'y attendre, le groupe des délinquants chroniques à criminalité élevée comptait plus de délinquants qui avaient des liens négatifs et non constructifs avec leurs pairs que le groupe des délinquants stables à faible criminalité. L'usage d'alcool ou d'autres drogues permettait également d'établir une distinction entre les délinquants du groupe chronique à criminalité élevée et le groupe des délinquants stables à criminalité faible, car une plus forte proportion des jeunes probationnaires qui avaient des problèmes de consommation d'alcool ou d'autres drogues était considérée comme faisant partie des délinquants chroniques à criminalité élevée comparativement à ceux qui n'éprouvaient pas de difficulté dans ce domaine. Les associations statistiquement significatives entre ce facteur de risque et l'appartenance à un groupe, toutefois, sont disparues lorsqu'elles ont été prises en considération en même temps que les modes d'association des jeunes.

Dans l'ensemble, ces constatations ont des répercussions stratégiques et pratiques importantes. L'aspect peut-être le plus digne de mention, c'est la notion que la renonciation à la criminalité n'est pas également inévitable chez tous les délinquants, car un petit nombre de délinquants ne semblent pas renoncer à leurs activités criminelles (au moins jusqu'au milieu de l'âge adulte). Dans le cas de ces délinquants, une intervention délibérée et efficace du système de justice pénale s'impose pour modifier leur trajectoire criminelle. D'après les résultats de la présente étude, les programmes de prévention et d'intervention devraient être conçus pour cibler et modifier l'influence négative des pairs et l'usage d'alcool et d'autres drogues, car en raison de ces deux facteurs de risque criminogènes et domaines de besoins, les adolescents risquent d'embrasser une carrière criminelle.

De plus, selon les constatations actuelles, les décideurs et les intervenants doivent concentrer leurs stratégies d'intervention sur les délinquants qui, au cours d'un certain nombre de mois après leurs premiers démêlés avec le système de justice pénale, adoptent un comportement qui indique des formes fréquentes et(ou) de plus en plus graves d'activité déviante ou criminelle. De cette façon, il devient alors possible de repérer les jeunes délinquants avant qu'ils ne deviennent des délinquants chroniques pour gérer leur comportement d'une manière efficace et au moment opportun afin de réduire la possibilité qu'ils entrent en contact avec les services correctionnels provinciaux ou fédéraux et d'affecter les ressources limitées disponibles de manière rentable.

Introduction

De nombreuses études portant sur les tendances des taux de criminalité ont révélé que les activités criminelles s'accroissent au début de l'adolescence et atteignent un sommet à la fin de l'adolescence avant de diminuer abruptement au début de l'âge adulte (p. ex. Blumstein et Cohen [1987]; Elliott [1994]; Farrington [1986]; Farrington, Lambert et West [1998]; Loeber, Wei, Stouthamer-Loeber, Huizinga et Thornberry [1999]). Cette corrélation générale entre l'âge et le crime semble relativement universelle, car elle a été observée chez les deux sexes, pour divers types d'infractions, dans un certain nombre de pays et au cours de l'histoire (Hirschi et Gottfredson [1983]). Les étapes de la vie situées entre la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte se révèlent donc comme les périodes les plus actives de l'activité criminelle.

Même si la forme de la courbe décrivant le comportement criminel comme étant fonction de l'âge est indiscutable, les théoriciens et les chercheurs ne s'entendent toujours pas sur la meilleure façon d'expliquer la courbe. Alors que certains spécialistes soutiennent que le sommet de la criminalité atteint à l'adolescence constitue fort probablement une variation de l'incidence, d'autres soutiennent que ce phénomène est surtout attribuable à une variation de la prévalence. La courbe âge-criminalité reflète-t-elle un accroissement passager du nombre réel d'actes criminels commis par un sous-groupe de petite taille et constant d'adolescents ou le nombre d'individus désireux de commettre des crimes pendant leur adolescence est-il simplement plus élevé? Au cœur du débat, il y a reconnaissance du fait qu'il peut y avoir une hétérogénéité significative dans les trajectoires criminelles et des mécanismes causals différents qui expliquent les différents stades d'une carrière criminelle.

Les données empiriques sur la courbe âge-criminalité semblent indiquer que la hausse observée de la criminalité pendant l'adolescence cache des cheminements développementaux distincts chez les délinquants. Selon les constatations de diverses études, pour la plupart, l'adolescence est une période où l'on enregistre une hausse temporaire du nombre réel d'individus qui s'adonnent à des activités criminelles (Farrington [1983]; Wolfgang, Thornberry et Figlio [1987]). Toutefois, il y a un petit nombre d'individus qui commettent un grand nombre de crimes et qui persistent dans cette voie au-delà de l'adolescence en embrassant une carrière criminelle (Blumstein, Cohen et Farrington [1988]; Blumstein, Cohen, Roth et Visher [1986]).

Des théoriciens et des chercheurs qui veulent tenir compte des différents modes de criminalité (c.‑à‑d. renoncer au crime ou persister) partent du point de vue de la criminologie développementale. La criminologie développementale porte en particulier sur les questions de stabilité interne des individus et de variation de l'activité criminelle au fil du temps (Loeber et LeBlanc [1990]). Cette sous-discipline de la criminologie fait essentiellement ressortir l'importance de distinguer le mode de criminalité de l'individu pendant son développement au sein de la population de délinquants. L'accent est mis sur l'explication des facteurs qui contribuent au début du comportement criminel et qui sont associés à un mode de criminalité particulier pendant différentes périodes de la vie d'un individu. L'intérêt que suscite un tel cadre conceptuel et empirique réside plus précisément dans l'étude de la nature et du mode de criminalité, du début de la renonciation, pour diverses dimensions (p. ex. taux, type, variété, moment, gravité). Selon les spécialistes de la criminologie développementale, il y a des groupes distincts dans la population de délinquants qui partagent des étiologies distinctes et suivent des trajectoires criminelles distinctes.

Trajectoires du développement

Au cours des dernières années, on a assisté à l'établissement d'un certain nombre de systèmes taxonomiques développementaux pour tenir compte de la continuité individuelle et de la variation du comportement criminel au fil du temps. Parmi les taxonomies les plus influentes figurent celles de Loeber et Stouthamer-Loeber [1996], de Moffitt [1993] et de Patterson, Reid et Dishion [1992]). Malgré une légère variation de l'accent mis, tous soulignent l'existence de deux catégories hypothétiques principales de délinquants dont la composition, les activités criminelles et la renonciation à la criminalité pendant la vie varient. Ce sont a) les délinquants chroniques et b) les renonciateurs précoces. Alors que les délinquants chroniques sont peu nombreux, relativement permanents et souffrent d'une pathologie, les renonciateurs précoces sont nombreux, relativement éphémères et presque conformes aux normes (Moffitt, Caspi, Harrington & Milne [2002]).

Selon les théories de Loeber et Stouthamer-Loeber [1996], de Moffitt [1993] et de Patterson et coll. [1992], le comportement antisocial des délinquants chroniques résulte des processus neurodéveloppementaux anormaux attribuables à des déficiences congénitales mineures, à des dommages au cerveau, au mauvais fonctionnement du système nerveux central et à des déficits intellectuels. Dans le cas de ce groupe de délinquants, le comportement criminel commence pendant l'enfance sous forme d'infractions moins graves, mais il s'aggrave progressivement pendant la vie à mesure que les individus interagissent constamment avec divers facteurs environnementaux à risque élevé, comme des parents incompétents, des liens familiaux rompus et la pauvreté. De plus, on ne s'attend pas en général à ce que les délinquants de ce groupe renoncent à la criminalité pendant leur vie adulte. Même s'ils constituent une petite partie d'une cohorte d'âge, les délinquants chroniques sont considérés comme responsables de la plupart des infractions et des formes les plus graves de criminalité. Cette théorie a été confirmée par diverses études (p. ex. Jeglum-Bartusch, Lynam, Moffitt et Sylva [1997]; Moffitt, Caspi, Dickson, Silva et Stanton [1996]).

Par ailleurs, le deuxième groupe de délinquants, les renonciateurs précoces, commenceraient, selon l'hypothèse, à commettre des infractions plus tard dans leur vie (c.-à-d. pendant leur adolescence) et renonceraient à la criminalité au début de l'âge adulte. On ne croit pas que le comportement antisocial de ce dernier groupe s'explique par des déficiences neuropsychologiques, mais par l'influence de divers processus sociaux (p. ex. écart de maturité, mimétisme social, contingences de renforcement de l'inobservation des règles). Ces délinquants constituent la majorité d'une cohorte d'âge dont les actes peuvent être qualifiés de « rebelles » et de formes d'infractions moins graves.

Les spécialistes de la criminologie développementale posent aussi comme principe que le cheminement développemental des délinquants chroniques et des renonciateurs précoces repose sur des étiologies distinctes. Les prédicteurs du comportement antisocial du premier groupe comprennent les problèmes de santé, le tempérament difficile, les déficits intellectuels, les traits de personnalité antisociale (p. ex. l'insensibilité et l'aliénation), les troubles mentaux, les liens familiaux rompus, les parents incompétents ou les méthodes d'éducation des enfants insatisfaisantes, la déviance des parents et des enfants, le manque d'aptitudes sociales et d'aptitudes pour l'étude ainsi que le faible statut socio-économique (p. ex. Moffitt [1993]; Moffitt et coll. [2002]; Patterson [1982]). Par contre, il n'y a pas de relation entre les prédicteurs les plus solides de la criminalité chez le groupe de renonciateurs précoces et les indicateurs des différences individuelles qui apparaissent au début de la vie et qui sont exacerbés davantage par un environnement social défavorisé. Il y a plutôt un lien avec les expériences vécues pendant la puberté, pendant les années relativement « sans rôle » qui séparent la maturité biologique et l'accès aux privilèges et aux responsabilités des adultes (Moffitt et coll., [2002]). Cela comprend la délinquance des pairs, les attitudes et valeurs relatives à la conscience de soi à l'égard de l'adolescence et de l'âge adulte (p. ex. le désir d'autonomie), le contexte culturel et historique qui influe sur l'adolescence (p. ex. les contingences de renforcement du comportement antisocial) ainsi que l'âge (p. ex. Moffitt [1993]).

Il existe de nombreuses données empiriques sur ces cheminements criminels distincts et sur les processus responsables de leur émergence et de leur poursuiteNote de bas de page 1 (p. ex. Jeglum-Bartusch et coll. [1997]; Moffitt, Lynam et Silva [1994]). En particulier, la prédiction selon laquelle des facteurs neurodéveloppementaux précoces expliquent l'existence des délinquants chroniques (p. ex. Piquero [2001]) et sont aggravés par des facteurs relatifs à la famille et à l'adversité a souvent été corroborée (p. ex. af Klinteberg [2002]; Patterson, DeGarmo et Knutson [2000]; Rutter, Giller et Hagell [1998]). Selon les conclusions d'une étude méta-analytique récente, diverses expériences vécues pendant la petite enfance et l'adolescence ont une incidence sur les démêlés avec la justice pénale à l'âge adulte. D'après l'étude, divers problèmes de comportement (p. ex. agression, déficit d'attention, captativité) et psychologiques (p. ex. repli sur soi, anxiété, aliénation sociale), observés pendant la vie de l'enfant, ainsi que les stratégies parentales inadéquates (p. ex. coercition, manque de surveillance) et d'autres variables familiales (p. ex. conflit familial/interparental et facteurs de stress) ont permis de prédire qui, à l'âge adulte, auraient des démêlés avec le système de justice pénale (Leschied, Nowicki, Rodger et Chiodo [2006]). Enfin, même si elle a moins attiré l'attention, l'hypothèse selon laquelle le comportement antisocial des renonciateurs précoces résulte des processus sociaux et est influencé par des facteurs qui ont trait à l'écart de maturité et par le mimétisme social des modèles antisociaux a également été corroborée par de nombreuses données empiriques (p. ex. Moffitt et Caspi [2001]; Piquero et Brezina [2001]).

Par le passé, une grande partie des efforts théoriques et empiriques ont porté sur la compréhension et la prédiction des trajectoires et des carrières criminelles naturelles des jeunes, considérés au départ comme des non-délinquants. Des ouvrages différents, mais étroitement connexes, ont traité de la définition et de la prédiction des cheminements développementaux des jeunes traduits en justice (c.-à-d. les jeunes délinquants). Malgré quelques différences méthodologiques relativement peu importantes (p. ex. écarts du pouvoir et du taux de criminalité), il convient de noter que les deux types de recherche ont produit des thèses uniformes et des conclusions comparables.

Par exemple, une étude de suivi sur 20 ans d'un vaste échantillon de jeunes délinquants en Californie a montré que l'aptitude cognitive, les problèmes de comportement précoces et l'âge précoce au moment de la première arrestation étaient, parmi d'autres facteurs de risque, des prédicteurs importants de la criminalité chronique à l'âge adulte (Ge, Donnellan et Wenk [2001]). De même, Blokland, Nagin et Nieuwbeerta [2005] ont constaté que les groupes de trajectoires criminelles dans un échantillon de condamnés de la Hollande correspondaient à ceux proposés dans les théories de Loeber et Stouthamer-Loeber [1996], de Moffitt [1993] et de Patterson et coll. [1992]. Au moyen de ce même échantillon de délinquants hollandais, Blokland et Nieuwbeerta [2005] ont aussi démontré que les variations individuelles des circonstances de la vie qui inhibaient le crime avaient un effet différentiel sur le comportement criminel d'un groupe de trajectoire criminelle à l'autre. Comme l'ont prédit les spécialistes en taxonomie du développement, se marier et(ou) devenir parent ne diminuait pas beaucoup le taux de condamnation des délinquants chroniques contrairement aux groupes de renonciateurs.

Limites de la criminologie développementale

Malgré la contribution théorique, empirique et pratique éventuelle que le point de vue développemental peut apporter au domaine de la criminologie et de la psychologie criminelle, les connaissances sur certaines questions importantes sont encore limitées. Nous avons noté qu'il existe de nombreuses études empiriques confirmant les théories de Loeber et Stouthamer-Loeber [1996], de Moffitt [1993] et de Patterson et coll. [1992]. Or, il est possible de trouver dans la littérature des éléments contradictoires concernant les taxonomies.

L'aspect peut-être le plus digne de mention, c'est que le nombre réel et le genre de trajectoires criminelles distinctes ne sont pas encore déterminés avec précision. Même si les taxonomies théoriques originales portent sur la présence de deux prototypes fondamentaux, les recherches sur l'existence d'un groupe de délinquants chroniques et d'un groupe de renonciateurs précoces ont depuis lors révélé qu'un certain nombre de délinquants ne correspondaient pas aux systèmes de classement. Cela donne à penser que le système de taxonomie double néglige la présence d'autres types de trajectoires criminelles possibles logiquement.
La majorité des études ont révélé un certain nombre de groupes de trajectoires distincts dont le nombre varie généralement de trois à cinq. En particulier, un troisième genre de délinquant, qui se caractérise par un taux de criminalité persistant, mais faible pendant une certaine période de leur vie (p. ex. de l'enfance à l'adolescence, de l'adolescence à l'âge adulte), semble se retrouver d'une étude longitudinale à l'autre (p. ex. D'Unger, Land, McCall et Nagin [1998]; Fergusson et coll. [2000]; Laub, Nagin et Sampson [1998]; Moffitt et coll. [2002]; Nagin, Farrington et Moffitt [1995]; Sampson et Laub [2003]). De même, la constatation selon laquelle plus d'un groupe dont le comportement criminel ressemble aux trajectoires proposées des renonciateurs précoces et(ou) des délinquants chroniques a été faite à de multiples reprises (p. ex. Day, Beve, Duschene, Rosenthal, Sun et Theodor [2007]; D'Unger, Land et McCall [2002]; Land et Nagin [1996]; Loeber, Farrington, Stouthamer-Loeber, Moffitt et Caspi [1998]; Nagin et Land [1993]; White, Bates et Buyske [2001]; Wiesner et Silbereisen [2003].

De plus, nous voulons insister sur le fait que la littérature actuelle se compose en grande partie d'études limitées aux hommes. Selon l'énoncé original de la taxonomie développementale de Moffit [1993], la théorie décrivait le comportement des femmes et des hommes, même si l'on croit que, dans l'ensemble, moins de femmes deviennent délinquantes et, parmi les délinquants, le pourcentage de délinquants chroniques est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Le manque d'études sur les trajectoires criminelles des femmes résulte en grande partie de circonstances pratiques. Idéalement, pour étudier adéquatement les taux de criminalité des femmes dans un cadre de taxonomie développementale, il faudrait un vaste échantillon représentatif comprenant des délinquantes chroniques précoces et des renonciatrices tardives qui seraient l'objet d'une étude longitudinale depuis l'enfance jusqu'à l'adolescence et à l'âge adulte assortie de mesures répétées du comportement antisocial. Les échantillons longitudinaux constitués d'un nombre important de délinquantes sont cependant rares.

Une autre faiblesse méthodologique de la littérature concerne la non-prise en considération de la période d'incarcération. Le fait de ne pas tenir compte de la période d'incarcération peut avoir des conséquences graves au moment de l'estimation des trajectoires criminelles (Eggleston, Laub et Sampson [2004]; Piquero, Blumstein, Brame, Haapanen, Mulvey et Nagin [2001]). Cela comprend, par exemple, la sous-estimation de la fréquence ou de la gravité des crimes des délinquants chroniques.

De même, dans la majorité des études longitudinales précédentes, la longueur de la période de suivi pose problème. C'est-à-dire que peu d'études longitudinales sur les trajectoires criminelles ont suivi les jeunes délinquants jusqu'au milieu ou la fin de l'âge adulte (p. ex. Day et coll. [2007]; Farrington, Coid, Harnett, Jolliffe, Soteriou, Turner et West [2006]; Laub et Sampson [2003]). Comme l'ont fait remarquer Loeber et Stouthamer-Loeber [1998], il est facile de simplifier à l'extrême la conceptualisation de la stabilité et du changement de la variation individuelle du comportement criminel au fil du temps. De toute évidence, la durée des carrières criminelles ou des trajectoires criminelles dépend de la durée du suivi. On ne peut pas supposer, par exemple, que les jeunes délinquants qui ne s'adonnent pas à des activités criminelles pendant un certain nombre d'années ont réellement renoncé à la criminalité pendant les périodes suivantes de leur vie adulte (p. ex. ils peuvent commettre des crimes par intermittence ou ils peuvent être incarcérés).

De plus, il vaut la peine de noter que bon nombre des constatations de l'étude originale réalisée par Moffitt et ses collègues (c.-à-dire Dunedin Multidisciplinary Health and Development Study) pour mettre à l'essai leur système taxonomique théorique proposé ont depuis lors été obtenues au moyen d'autres échantillons dans plusieurs pays, dont les États-Unis, la Finlande, la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et la Suède. Malgré les études réalisées au fil des ans, jusqu'à présent, seules deux études longitudinales ont porté sur les trajectoires criminelles de délinquants canadiens (Day et coll. [2007]; LeBlanc [1996]).
En plus de contribuer potentiellement à la littérature actuelle, l'examen de certaines questions pratiques revêt un intérêt particulier au moment de l'étude des trajectoires criminelles des délinquants canadiens. Au Canada, la responsabilité des services correctionnels est partagée par le gouvernement fédéral et les provinces ou territoires. Les délinquants qui purgent une peine de deux ans ou plus (y compris les peines d'emprisonnement à perpétuité) relèvent de la compétence fédérale. Les délinquants condamnés à une peine de moins de deux ans relèvent des provinces ou territoires. Il s'agit d'une distinction importante, car relativement peu de crimes donnent lieu à une peine de ressort provincial, et encore moins se soldent pas une incarcération dans un pénitencier fédéral. Sur un nombre estimatif d'environ 300 000 condamnations prononcées par le tribunal pour adultes en 2004-2005, un peu plus du quart (26,7 % ou 80 000) ont donné lieu à une incarcération dans un établissement provincial ou territorial. Moins de 2 % de ces délinquants (environ 4 500) ont été admis dans un établissement fédéral (Sécurité publique et Protection civile Canada [2006]). En 2005-2006, l'âge médian de la population fédérale à l'admission s'élevait à 32 ans. De toute évidence, notre capacité de repérer les délinquants qui courent un risque élevé d'être incarcérés dans un pénitencier fédéral à un stade précoce de leur carrière criminelle est utile pour les spécialistes de la justice pénale et les décideurs.

La prévisibilité du comportement criminel et la perspective de l'efficience

Nous avons vu que les théoriciens et les chercheurs de la criminologie développementale soutiennent que les processus responsables du comportement criminel peuvent être différents pour différents types de délinquants. Nous avons également vu que les processus peuvent fonctionner à différents stades de développement dans l'évolution naturelle du comportement antisocial. Quel que soit le paradigme particulier, tous s'entendent sur l'importance de repérer les jeunes délinquants qui risquent le plus de continuer de commettre des infractions, de comprendre les facteurs qui contribuent à la récidive et de concentrer les ressources pour les interventions sur les délinquants chroniques et les auteurs d'infractions graves. Au moment de la détermination des délinquants chroniques à risque élevé (et des caractéristiques qui les différencient des délinquants relativement passagers à faible risque) aux fins de concentrer les ressources sur eux, on suppose qu'il n'est ni possible, ni souhaitable de cibler tous les délinquants et(ou) d'intervenir auprès d'eux. Il est donc possible d'évaluer l'efficacité d'un système de justice pénale pour ce qui est de réduire les taux de criminalité et les coûts sociaux et humains, qui résultent du crime et d'autres actes antisociaux, d'après sa capacité de recenser efficacement le petit nombre de délinquants qui commettent une proportion élevée des infractions graves. C'est seulement à ce moment-là qu'il est possible de déployer avec sagesse les efforts et d'autres ressources pour les interventions et de les répartir de manière utile.

À cet égard, les systèmes de justice pénale font face à deux dangers principaux. Il est possible de se concentrer sur certains délinquants qui ne sont peut-être pas plus dangereux ou susceptibles de récidiver que d'autres délinquants de la population d'où ils sont issus. Une fois de plus, il y a des coûts humains liés au fait de classer incorrectement des délinquants chroniques comme présentant un faible risque de récidive. Le règlement approprié des cas par les responsables de la justice pénale est donc crucial pour le bon fonctionnement de tout système correctionnel ou de justice pénale, en particulier lorsqu'il s'agit d'un groupe relativement petit de délinquants à risque élevé qui commettent une part disproportionnée des crimes. Cette responsabilité comporte l'obligation d'évaluer le risque, ce qui soulève une question fondamentale : pouvons-nous établir des prédictions assez précises pour permettre de changer la récidive? En d'autres termes, le degré d'exactitude prédictive obtenu actuellement au moment de l'évaluation du risque de récidive permet-il de traiter les délinquants différemment?

Selon le point de vue partagé par la plupart des théoriciens et chercheurs, il est possible de prédire efficacement la récidive générale et violente dans les populations criminelles types, et plus particulièrement chez les groupes de délinquants violents et sexuels (p. ex. Andrews et Bonta [2006]; Campbell, French et Gendreau [2007]; Gendreau, Little et Goggin [1996]; Glover, Nicholson, Hemmati, Bernfeld et Quinsey [2002]; Hanson et Morton-Bourgon [2007]; Rice et Harris [1997]; Smith et Aloisi [1999]). Le degré de succès d'une prédiction, toutefois, continue de dépendre des méthodes qu'utilisent les spécialistes de la justice pénale pour évaluer le niveau de risque que présente le délinquant (c.-à-d. clinique par rapport à actuariel)Note 2. La plupart soutiendraient que les évaluations actuarielles du risque que pose un délinquant sont supérieures aux méthodes de prédiction cliniques non structurées (Bonta [2002]; Grove et Meehl [1996]; Grove, Zald, Lebow, Snitz et Nelson [2000]; Hanson et Morton-Bourgon [2007])Note 3. Le présent document est fondé sur l'affirmation selon laquelle un point de vue théorique et des méthodes scientifiques qui visent à comprendre et à prédire une variation individuelle du comportement criminel sur le plan des trajectoires ou des carrières criminelles peuvent contribuer à la conception d'outils d'évaluation actuariels améliorés et au perfectionnement des outils actuels.

Objet de l'étude actuelle

Pour la présente étude, nous avons utilisé un échantillon de jeunes probationnaires canadiens de sexe masculin et de sexe féminin qui ont été suivis jusqu'au milieu de l'âge adulte afin d'examiner l'existence de cheminements criminels distincts et de déterminer les caractéristiques qui permettent de prédire les trajectoires criminelles. Nous y sommes arrivés au moyen d'un cadre de modélisation d'une équation structurelle (croissance mixte). Les conclusions de cette étude peuvent contribuer à l'atteinte de l'objectif ultime du système correctionnel ou du système de justice pénale afin de réduire les coûts humains et sociaux liés au crime et à la lutte contre celui-ci. La connaissance des variables personnelles et sociales liées aux crimes graves et à la récidive aidera à repérer rapidement les individus qui posent problème et à élaborer et mettre en œuvre des stratégies de réadaptation efficaces.

Méthode

Participants

L'échantillon comprenait 514 jeunes du Manitoba (Canada) qui étaient en probation pendant les années 1986 à 1991. Les jeunes délinquants se définissaient alors selon la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC [1984]) comme étant les jeunes âgés de 12 à 17 ans. Au moment de leur condamnation pour l'infraction à l'origine de leur peine, l'âge des participants (N = 514) variait de 12 à 19 ans, l'âge moyen étant de 16 ans (É.T. = 1,6)Note 1. Environ 44 % des membres de l'échantillon vivaient avec leurs deux parents, moins de 10 % avec un parent, le tiers avec un adulte qui n'était pas un parent et 14 % avaient été placés dans un foyer d'accueil ou de groupe. Comme il fallait s'y attendre dans le cas d'une population de délinquants, l'échantillon n'était pas équilibré entre garçons et filles. Quatre-vingt-cinq pour cent (85,4 %; n = 438) des jeunes probationnaires étaient de sexe masculin et seulement 15 % (14,6 %; n = 75) étaient de sexe féminin. De plus, un peu plus de la moitié des participants étaient autochtones (55,4 %; n = 285). La surreprésentation des délinquants autochtones était prévue, car l'échantillon a été tiré au Manitoba.

D'après les scores à l'admission sous surveillance de leur évaluation primaire du risque – Version 1 (EPR – V1; Bonta, Parkinson, Pang, Barkwell et Wallace-Capretta [1994]), 19,8 % (n = 102) des jeunes délinquants ont été classés dans la catégorie du risque et des besoins faibles, 54,3 % (n = 279), dans la catégorie du risque et des besoins moyens, et 25,9 % (n = 133) dans la catégorie du risque et des besoins élevés (le score  moyen de l'EPR– V1 pour l'échantillon s'établissait à 7,5 [É.-T. = 3,4], les scores variant de 0 à 18). La majorité des jeunes probationnaires étaient des délinquants primaires. Seulement 13,6 % (n = 70) avaient déjà été condamnés une ou plusieurs fois, les crimes sans violence représentant 84,3 % (n = 59) des cas. De plus, seulement 3,9 % (n = 23) des jeunes probationnaires avaient déjà été incarcérés dans un établissement (p. ex. pénitencier, garde en milieu ouvert, garde en milieu fermé) avant la condamnation pour l'infraction à l'origine de la peine.

Sur les 506 délinquants pour lesquels des renseignements étaient disponibles sur le genre d'infraction la plus grave à l'origine de la peine, les données indiquaient que l'échantillon se composait en grande partie de délinquants non violents. En particulier, environ les trois quarts (76,5 %; n = 393) des jeunes délinquants ont été reconnus coupables d'une infraction désignée non violente tandis que les personnes violentes constituaient 21,3 %, et les auteurs d'infractions sexuelles avec violence seulement 2,2 % de l'échantillon. En ce qui concerne les peines résultant des condamnations pour les infractions désignées, 11,3 % (n = 58) des membres de l'échantillon (N = 514) se sont vu imposer une forme de peine en milieu carcéral en plus de leur période de probation (cinq délinquants ont été condamnés à la période déjà purgée). Pour être plus précis, 15 délinquants ont été incarcérés dans un établissement pour adultes, 14 ont purgé une peine en milieu fermé, et 29 se sont vu infliger une peine en milieu ouvert. La durée des peines de ces 58 délinquants variait de 2 à 729 jours, la durée moyenne étant de 180,6 jours (É.‑T = 148,5).

Procédures

L'échantillon original comprenait 600 jeunes probationnaires choisis au hasard de chaque année de tous les cas clos entre 1986 et 1991Note de bas de page 2. Pour pouvoir être inclus dans la présente étude, les délinquants devaient avoir moins de 20 ans au moment de leur condamnation pour une infraction désignée. L'ancienne règle a été adoptée pour réduire la possibilité d'erreurs d'entrée des données et limiter l'étude aux jeunes délinquants. Quatre délinquants ont été exclus de l'échantillon initial en raison de leur âge (20 ans ou plus), ce qui a réduit la taille de l'échantillon à 587 délinquants. 

Au Canada, la pratique courante des agents de probation consiste à interroger les délinquants au moment de leur placement sous surveillance. L'objectif de l'évaluation est de recueillir des renseignements sur les caractéristiques démographiques personnelles et sociales du délinquant, notamment divers indicateurs des antécédents criminels, de l'adaptation affective et de la situation personnelle. Bon nombre de ces facteurs sont considérés comme pertinents à leur activité criminelle, et à ce titre, ils peuvent aider les agents de probation à évaluer le risque de récidive et à déterminer des domaines d'intervention.

  1. Au moment où l'échantillon a été tiré, les renseignements recueillis par les agents de probation ont servi à créer une base de données complète comprenant un certain nombre de variables fondamentales qu'un examen de la littérature avaient permis de considérer comme pertinentes pour la compréhension et la prédiction de la carrière criminelle des jeunes délinquants. Une recherche systématique dans le Système de gestion des délinquants (SGD) du Service correctionnel du Canada (SCC) a également été effectuée pour compléter les renseignements qui manquaient dans la base de données originale (p. ex. date de naissance, numéro d'identification du Système d'empreintes digitales). De plus, les antécédents criminels demandés à la Sous-direction des services d'information sur les casiers judiciaires canadiens (c.-à-d. le Centre d'information de la police canadienne [CIPC]) en 1993 ont été obtenus pour compléter (et corroborer) les renseignements qui n'étaient pas facilement accessibles. Les antécédents criminels de la GRC comprennent la condamnation et la peine des délinquants.

À la fin de la période de suivi en 2005, on a demandé les casiers judiciaires à jour à la GRCNote de bas de page 3. Pour environ le quart de l'échantillon (25,2 % ou 149 délinquants), la GRC n'avait pas de dossier sur les activités criminelles dans son système, même si, dans bien des cas, un dossier précédent du CIPC était disponible. Dans beaucoup de cas, la GRC informe l'organisme contributeur (p. ex. les services de police des provinces ou territoires) que les données sur un individu en particulier ont été expurgées. Toutefois, il n'y a pas moyen de s'assurer que l'organisme contributeur a expurgé les renseignements de ses propres fichiers et systèmes. Pour cette raison, une demande a été présentée à la province du Manitoba pour qu'elle essaie de repérer les dossiers sur les antécédents criminels dans son propre système, le Profil des délinquants du Service correctionnel du Manitoba, sur tous les délinquants pour lesquels la GRC n'a trouvé aucune preuve d'activité criminelle. De cette façon, nous avons obtenu des renseignements sur les antécédents criminels de 38 délinquants. Six dossiers sur les antécédents criminels du Manitoba ont cependant été rejetés parce qu'ils ne comprenaient pas d'entrées (p. ex. seulement le nom), ce qui a permis de coder la carrière criminelle de 32 autres jeunes probationnaires.

Même si les délinquants dont nous n'avions pas de renseignements sur les activités criminelles (c.-à-d. aucun dossier antérieur ou mis à jour du CIPC et aucun dossier provincial) ont été exclus, ceux pour lesquels ni un nouveau dossier du CIPC ni un dossier provincial ne pouvait être extrait, mais pour lesquels un dossier antérieur du CIPC était disponible, n'ont pas été exclus de l'étude. Ces cas (n = 44) ont été considérés comme des délinquants non récidivistes, malgré les condamnations révélées par le dossier du CIPC de 1993Note de bas de page 4. Compte tenu de ces critères d'exclusion, seulement 73 des 149 jeunes délinquants pour lesquels la GRC ne pouvait pas extraire des renseignements sur les antécédents criminels ont été exclus de l'étude, ce qui a permis d'obtenir un échantillon final de 514 délinquantsNote de bas de page 5.

Mesures

Critère de résultat

Les comportements criminels développementaux ont été définis au moyen d'un examen rétrospectif des antécédents criminels des délinquants. Deux mesures différentes de la criminalité ont été codées et ont servi par la suite de variables dépendantes dans les analyses statistiques.

Indice de gravité du crime. L'indice de gravité du crime (IGC) a été conçu spécialement aux fins de la présente étude pour évaluer la gravité et la fréquence des comportements criminels. Une mesure qui combine la gravité et la fréquence des infractions a été élaborée, car il y a généralement une forte corrélation (mais qui n'est pas parfaite) entre les deux dimensions du comportement criminel, qui permet d'établir une distinction entre les non-délinquants et les délinquants chroniques (Tolan et Gorman-Smith [1998]). En général, les récidivistes fréquents commettent également des crimes graves. Toutefois, tout comme un délinquant pourrait obtenir un score élevé sur le plan de la fréquence sans avoir commis les infractions les plus graves, un autre délinquant pourrait recevoir un score élevé en ce qui concerne la gravité sans avoir récidivé fréquemment.

En théorie, selon la typologie développementale du comportement antisocial de Moffit [1993], les renonciateurs précoces (délinquants pendant leur adolescence) et les délinquants chroniques (délinquants qui récidivent pendant toute leur vie) ne diffèrent pas en ce qui concerne la fréquence des actes antisociaux pendant l'adolescence. Ce qui différencie réellement les deux groups pendant cette période, c'est une combinaison de variété et de gravité des comportements criminels. En combinant les deux méthodes d'évaluation, nous avons pu compenser les lacunes de chaque mesure. Par exemple, l'inclusion d'un élément de gravité dans une évaluation simple de la fréquence de l'activité criminelle offre aux chercheurs l'avantage supplémentaire de pouvoir établir une distinction entre les délinquants qui ont commis un nombre modéré d'infractions de gravité variable (Potenza, Osgood et Plake [1992], cités par Chung, Hill, Hawkins, Gilchrist et Nagin [2002]).
Les scores de l'indice de gravité du crime ont été définis au moyen de sept niveaux. Le tableau 1 résume les définitions opérationnelles de chaque niveau. Comme nous pouvons le constater, le niveau 1 indique qu'aucune infraction n'a été commise, le niveau 2 comprend une infraction sans violence et le niveau 3 indique plus d'une infraction sans violence. Contrairement aux trois premiers niveaux, les niveaux 4, 5, 6 et 7 comprennent au moins un crime avec violence, avec ou sans une ou plusieurs condamnations pour infraction sans violence.

Les infractions sans violence comprenaient tous les crimes contre les biens (p. ex. introduction par effraction et vol), les crimes contre les mœurs et la décence (p. ex. les appels téléphoniques obscènes, la tenue d'une maison de prostitution), les infractions en matière de drogue (p. ex. possession de drogue d'usage restreint, trafic), les infractions relatives à l'alcool et au code de la route (p. ex. conduite pendant interdiction, omission de rester sur les lieux d'un accident) et d'autres infractions comme troubler la paix, l'omission de se présenter et la violation des conditions de la probation et de la libération conditionnelle. Par contre, les crimes avec violence comprenaient tous les crimes contre la personne (p. ex. vol à main armée, voies de fait), les crimes avec violence contre les biens (p. ex. incendie criminel, dommages volontaires) et la plupart des infractions sexuelles (p. ex. viol, agression sexuelle). Les infractions sexuelles ayant trait à la prostitution et à la pornographie (c.-à-d. les crimes contre les mœurs et la décence) ont été considérées comme non violentes.

Tableau 1 : Indice de gravité du crime
Score Définition opérationnelle
1 Aucune infraction
2 1 infraction sans violence
3 > 1 infraction sans violence
4 1 infraction avec violence
5 1 infraction avec violence + ≥  1 infraction(s) sans violence
6 > 1 infraction avec violence
7 > 1 infraction avec violence + ≥  1 infraction (s) sans violence

Indice de la récidive canadien (Gendreau et Leipciger [1978]).  L'indice de la récidive canadien est une mesure conçue pour faire face à certains des problèmes et des limites que présente la mesure des taux de criminalité et de récidive et déterminer comment les outils s'appliquent aux provinces et territoires canadiens. Les problèmes de mesure pourraient comprendre le manque de sensibilité à la gravité des infractions, les variations de la signification des concepts et des définitions opérationnelles des actes criminels, et l'aspect pratique du système de notation. La mesure représente la version canadienne de l'indice des résultats de la récidive de Moberg et Erikson [1972]. Cet indice quantifie la récidive sur un continuum basé sur les peines imposées aux délinquants aux États-Unis. La justification de cette mesure de la récidive est qu'il existe un lien entre les pénalités imposées pour les infractions connues et l'interprétation de la gravité par la société (Mobert et Erikson [1972]). Cette échelle se compose de huit catégories, allant de 1 (réincarcération pendant deux ans ou plus) à 8 (aucune activité illégale). Selon les analyses préliminaires des taux de récidive examinés d'une catégorie de prévision à l'autre pour un échantillon de jeunes délinquants adultes primaires incarcérés, la mesure était un indicateur valide de la gravité de l'infraction (Gendreau et Leipciger [1978]).

Pour faciliter l'interprétation et rendre l'échelle plus pertinente à la présente étude, une version légèrement modifiée de l'outil original a été utilisée. Plus précisément, les catégories de l'indice ont été inversées pour que les scores plus élevés reflètent l'accroissement de la gravité du comportement criminel. De plus, la catégorie concernant les fugitifs et les personnes recherchées a été supprimée, car il n'y avait pas assez de renseignements dans les dossiers sur les antécédents criminels des délinquants pour permettre de coder les éléments et(ou) parce que nous ne prévoyions pas que ces éléments seraient utilisés souvent. Une description complète de l'indice de la récidive canadien utilisé dans la présente étude figure au tableau 2Note de bas de page 6.

Tableau 2 : Indice de la récidive canadien
Score Définition opérationnelle
1 Aucune activité illégale figurant dans quelque dossier que ce soit sur les antécédents criminels
2 Reconnu coupable d'une infraction pour laquelle une amende inférieure à 100 $ a été imposée et(ou) une absolution sous condition ou inconditionnelle a été accordée
3 Reconnu coupable d'une infraction et assujetti à une ordonnance de probation et(ou) pour laquelle une condamnation avec sursis et(ou) une ordonnance de service communautaire ou la restitution et(ou) une amende de 100 $ ou plus ont été imposées
4 Réincarcération et(ou) violation de l'ordonnance de probation ou des conditions de la libération conditionnelle
5 Reconnu coupable d'une infraction pour laquelle une peine de 90 jours ou moins et(ou) le temps déjà passé ont été imposésa
6 Reconnu coupable d'une infraction pour laquelle une peine de plus de 90 jours, mais de moins de deux ans a été imposée
7 Reconnu coupable d'une infraction pour laquelle une peine de deux ans ou plus a été imposée

a Le temps déjà passé a reçu un score de 5, sauf si des renseignements précis sont disponibles sur les antécédents criminels indiquant que la durée de la peine est supérieure à 90 jours.

Ajustements pour l'intervalle d'exposition au risque

Il convient de noter que le calcul de l'indice de gravité du crime et de l'indice de la récidive canadien a été compliqué par le fait que certains délinquants avaient passé un certain temps en milieu carcéral pendant l'étude. Cela aurait suscité moins de préoccupations si nous avions employé des mesures d'auto-évaluation de la criminalité, car pendant leur détention, les individus peuvent encore commettre et signaler des crimes avec ou sans violence (Chung et coll. [2002]). Dans la présente étude, toutefois, nous avons utilisé exclusivement des dossiers officiels. Par conséquent, il a fallu apporter des ajustements pour « l'intervalle d'exposition au risque » aux mesures de suivi de la criminalité. À cette fin, nous avons divisé les scores des délinquants dans les deux indices par le logarithme naturel du nombre de mois où ils avaient été « libres » de commettre une infraction (c.-à-d. le nombre de mois où ils n'étaient pas incarcérés) pendant la période particulière d'évaluationNote de bas de page 7. L'ajustement pour l'intervalle d'exposition au risque a permis de surmonter les limites des études précédentes qui n'avaient pas pris en considération la période d'incarcération. Les valeurs de l'IGC et de l'IRC pour les délinquants qui n'ont pas récidivé pendant une période particulière de la vie parce qu'ils avaient été incarcérés pendant la totalité de la période et qu'ils n'avaient pas eu, par conséquent, la possibilité de récidiver ont été considérées comme des valeurs manquantesNote de bas de page 8. De même, les catégories d'âge pour lesquelles il n'y avait pas de score de la criminalité se sont également vues attribuer des valeurs manquantes pour éviter de formuler des hypothèses sur la gravité de l'infraction faute de renseignements.

Moment de l'évaluation

Nous avons attribué aux délinquants un score de l'indice de gravité du crime et de l'indice de récidive criminelle pour chacune de cinq périodes commençant à l'âge où le délinquant a été reconnu coupable de l'infraction à l'origine de la peine. Nous avons établi le modèle des trajectoires criminelles en fonction de l'âge plutôt que des années, car il y a une hétérogénéité d'âge considérable à chaque cohorte d'année. Par conséquent, l'âge chronologique a été considéré comme une mesure plus appropriée et moins biaisée de la période. Les périodes d'âge ont été définies théoriquement pour traduire les stades significatifs du développement humain, à savoir : 1) le début de l'adolescence (de 12 à 15 ans); 2) la fin de l'adolescence (de 16 à 20 ans); 3) le début de l'âge adulte (de 21 à 25 ans); 4) l'âge adulte (de 26 à 30 ans); 5) le milieu de l'âge adulte (31 ans et plus). Les deux mesures des résultats ont donc produit un score composé reflétant les niveaux de gravité et de fréquence des actes criminels commis pendant cette période de la vie.

Prédicteurs juvéniles

Sauf dans un cas, les prédicteurs de la trajectoire criminelle ont été mesurés par les agents de probation lorsque les jeunes délinquants ont été placés sous surveillance, c'est-à-dire avant la collecte de données sur la récidive. L'exception avait trait aux variables des antécédents criminels où les dossiers des antécédents criminels de suivi ont servi de source de renseignements. Les prédicteurs juvéniles choisis visaient à opérationnaliser les concepts qui, selon un examen de la littérature, étaient théoriquement et empiriquement pertinents à la compréhension des trajectoires criminelles de développement. Ces concepts reflètent les aspects de la vie des délinquants qui se rapportent aux pairs, à la famille, à l'éducation, au logement, à l'attitude, à l'usage d'alcool et d'autres drogues, aux finances et aux antécédents criminels. Les huit domaines généraux ont été codés sur une échelle de trois points, les scores totaux allant de 0 à 2 et les scores plus élevés indiquant un risque plus élevé de criminalité. Une description générale des variables prédictives est présentée ci-dessous. Les statistiques descriptives des facteurs de risque figurent au tableau 3.

Fréquentations. Les fréquentations constituent une variable prédictive nominale qui traduit le degré de possibilités, de participation et de liens avec les pairs antisociaux. Nous avons attribué le score de 0 à l'influence et au soutien positifs par les pairs (c.-à-d. aucune relation négative), le score de 1 aux délinquants qui fréquentaient périodiquement des pairs négatifs et un score de 2 aux délinquants qui entretenaient régulièrement et fréquemment des liens défavorables et non constructifs.

Famille. Le domaine familial des jeunes délinquants a été évalué au moyen de deux facteurs de risque individuels : les relations familiales et l'abus d'alcool dans la famille. Les délinquants ont reçu un point si le milieu familial était désorganisé et(ou) stressant et un autre point s'il y avait un abus d'alcool évident dans leur famille.
Niveau d'instruction. En ce qui concerne le niveau d'instruction, les jeunes probationnaires ont reçu un score de 0 s'ils avaient atteint le niveau d'instruction prévu pour leur âge lorsqu'ils ont été placés sous surveillance par suite de l'infraction à l'origine de leur peine. Ils ont reçu un score de 1 si leur niveau d'instruction était d'une année inférieure au niveau normal et un score de 2 si leur dernière année terminée était inférieure de deux ans ou plus à la norme.

Logement. Le concept du logement a servi à mesurer la stabilité du logement et a été codé au moyen du nombre réel de changements d'adresse pendant les 12 mois précédents l'infraction à l'origine de leur peine (l'année précédant l'incarcération si le délinquant s'est vu imposer une peine d'incarcération avant d'être assujetti à une ordonnance de probation). Un score de 0 a été attribué s'il n'y avait eu aucun changement d'adresse pendant l'année précédant la période de probation (ou d'incarcération), un score de 1 si les jeunes probationnaires avaient changé d'adresse une fois et un score de 2 si deux ou plusieurs changements d'adresse avaient eu lieu pendant l'année précédente.

Attitude. Le concept de l'attitude indiquait l'attitude générale des délinquants à l'égard de la probation. Les délinquants ont reçu un score de 0 s'ils étaient réceptifs à une aide et motivés à changer leur comportement, un score de 1 s'ils étaient relativement neutres envers leur crime et la perspective de changer leur comportement et un score de 2 s'ils étaient généralement négatifs et non motivés à changer et(ou) s'ils rationalisaient leur comportement.

Tableau 3 : Statistiques descriptives des variables prédictives (N = 514)
Variable prédictive (Score)
% (n)
Variable prédictive (Score)
% (n)
Fréquentations   Attitude  
     Aucun problème (0) 24,9 (128)      Aucun problème (0) 52,1 (268)
     Certains problèmes (1) 60,9 (313)      Certains problèmes (1) 34,4 (177)
     Problèmes graves (2) 14,2 (73)      Problèmes graves (2) 13,4 (69)
Famille   Toxicomanie  
     Aucun problème (0) 31,5 (162)      Aucun problème (0) 57,4 (295)
     Certains problèmes (1) 43,6 (224)      Certains problèmes (1) 35,8 (184)
     Problèmes graves (2) 24,9 (128)      Problèmes graves (2) 6,8 (35)
Niveau d'instruction   Gestion financière  
     Niveau prévu (0) 22,8 (117)      Aucun problème (0) 45,1 (232)
     1 an sous la norme (1) 41,6 (214)      Certains problèmes (1) 37,0 (190)
     ≥  2 ans sous la norme (2) 35,6 (183)      Problèmes graves (2) 17,9 (92)
Logement   Antécédents criminels  
     Aucun problème (0) 50,2 (258)      Risque faible (0) 86,2 (443)
     Certains problèmes (1) 24,1 (124)      Risque moyen (1) 8,2 (42)
     Problèmes graves (2) 25,7 (132)      Risque élevé (2) 5,7 (29)

Toxicomanie.  La toxicomanie a servi à mesurer à quel point la consommation d'alcool et(ou) de drogue des probationnaires était problématique. Les délinquants ont reçu un score de 0 si leur consommation d'alcool et(ou) de drogue ne nuisait pas à leur fonctionnement, un score de 1 s'il y avait des signes d'abus occasionnel et une certaine perturbation du fonctionnement et un score de 2 si l'abus était fréquent et nuisait sérieusement au fonctionnement et, par conséquent, devait être traité.

Gestion financière.  Le domaine financier comprenait deux variables dichotomiques : le recours à l'aide sociale et la gestion financière. Les délinquants ont reçu un point s'ils touchaient de l'aide sociale pendant l'année précédant l'infraction à l'origine de leur peine (l'année précédant l'incarcération si le délinquant s'était vu imposer une forme quelconque de peine d'incarcération avant d'être assujetti à une ordonnance de probation) et un autre point s'il y avait une preuve de difficultés dans le domaine de la gestion financière (p. ex. chèques sans provision, faillite, saisie)Note de bas de page 1.

Antécédents criminels.  Des données sur un certain nombre de facteurs statiques et inchangeables comme l'âge des délinquants au moment de la première condamnation et l'existence d'une condamnation antérieure, une peine d'incarcération antérieure et une peine d'emprisonnement avant la période de probation ont été recueillies. Les délinquants ont été classés dans les catégories à risque faible, moyen ou élevé en ce qui concerne le concept des antécédents criminels s'ils comptaient, respectivement, aucun, un ou deux points ou plus d'après les critères suivants : a) leur âge était inférieur à l'âge médian de l'échantillon lorsqu'ils ont été condamnés pour la première fois; b) ils avaient été condamnés une ou plusieurs fois; c) ils avaient déjà été incarcérés à la suite d'une condamnation précédente (avant l'infraction à l'origine de la peine); d) ils avaient été incarcérés avant d'être assujettis à une ordonnance de probation (qui faisait partie de la condamnation pour l'infraction à l'origine de la peine).

Certaines des variables utilisées pour créer les facteurs de risque criminogènes et les domaines de besoins importants correspondaient aux éléments d'une version révisée du système de classement des risques et des besoins du Wisconsin (Bonta et coll. [1994]). Par conséquent, nous présentons aussi les scores des délinquants pour la version de l'échelle actuarielle révisée du risque et des besoins applicable aux jeunes.

L'outil original du Wisconsin (Baird, Heinz et Bemus [1979]) comprenait 11 éléments de risque et 12 éléments de besoin additionnés pour produire deux scores totaux distincts permettant de placer les délinquants dans la catégorie du risque et des besoins de niveau faible, moyen ou élevé, respectivement. Une étude sur la validité prédictive des mesures du risque et des besoins a produit des résultats contradictoires et fait ressortir leurs points faibles en cas d'application aux jeunes délinquants (Sabourin [1986]). Après l'évaluation de Sabourin [1986], certaines révisions ont été apportées aux versions des échelles applicables aux adultes et aux jeunes. Malgré ces modifications, une deuxième étude (Barkwell [1991]) sur les outils révisés d'évaluation du risque et des besoins a encore révélé les limites de la version applicable aux jeunes.

À la lumière de ces études, Bonta et ses collègues (Bonta et coll. [1994]) ont entrepris une série d'études pour examiner les propriétés psychométriques et la validité prédictive des échelles. Selon les conclusions de leur évaluation, il faut procéder à un certain nombre de modifications, notamment l'exclusion des éléments qui n'ont aucune validité prédictive, la simplification de bon nombre des règles de notation et la combinaison des éléments relatifs au risque et aux besoins en une échelle plutôt que deux évaluations individuelles. Ces dernières recommandations ont débouché sur une version applicable aux jeunes de l'outil de classement (EPR – V1), et cet outil a été utilisé dans la présente étude, car elle avait une validité prédictive améliorée chez les jeunes probationnaires (Bonta, Parkinson, Barkwell et Wallace-Capretta [1994]). Nous appelons cet outil l'évaluation primaire du risque – version 1 (EPR – V1, 1997; l'instrument a été révisé pour les jeunes à la fin des années 90, et beaucoup plus d'éléments ont été ajoutés).

Gestion des données et questions connexes

Dans la présente étude, toutes les données ont été entrées dans l'Ensemble des programmes statistiques relatifs aux sciences sociales (SPSS). Des analyses ont été effectuées au moyen du progiciel de statistiques Mplus 4.2 (Muthén et Muthén [1998, 2006]). Mplus facilite l'analyse des relations des modèles d'équations structurelles en permettant aux chercheurs d'examiner les modèles causals et la solidité des relations entre les variables et en concevant des modèles de relations complexes. De plus, une des caractéristiques utiles de Mplus, c'est qu'il peut manquer des données dans toutes les parties du modèle, sauf les variables de base (c.-à-d. les prédicteurs et(ou) les covariables).

Dans la présente étude, des données sur la majorité des prédicteurs individuels étaient disponibles pour tous les participants. Toutefois, il manquait une ou plusieurs valeurs pour deux variables : le niveau d'instruction (13) et le logement (8). Comme il manquait des données sur les participants pour les deux variables dans au plus 10 % de l'échantillon, pour utiliser tous les cas disponibles pour lesquels des renseignements sur la récidive étaient disponibles, nous avons imputé ces valeurs manquantes en nous basant sur la médiane de l'échantillon pour le reste de l'ensemble de données.

Stratégie d'analyse

Diverses méthodes statistiques ont été utilisées dans les études antérieures pour l'analyse des systèmes taxonomiques. Malgré le fait qu'il n'y ait pas de consensus dans la littérature sur ce qui constitue l'approche la plus appropriée, un modèle statistique pourrait être préféré aux autres pour des raisons théoriques et de fond. Dans la présente étude, nous avons choisi d'examiner l'hétérogénéité des tendances criminelles et les facteurs responsables de cette variabilité au moyen du modèle d'équations structurelles (MES).

Le MES est un cadre général servant à décrire et à estimer des modèles statistiques paramétriques. En plus d'être souple en ce qui concerne le plan de recherche (p. ex. calendrier de collecte des données différent et(ou) nombre de séries d'un individu à l'autre), l'approche permet aux chercheurs de déterminer la forme fonctionnelle ou les tendances temporelles des données (p. ex. accroissement, décroissement ou stabilité dans les résultats au fil du temps; relation linéaire, quadratique ou asymptotique). Cette approche permet aussi l'inclusion de prédicteurs à variation dans le temps (p. ex. participation à une intervention) et des interactions avec le temps (p. ex. effets qui sont spécialement prononcés pendant une période particulière). En outre, le MES n'est pas assujetti aux contraintes et aux limites des stratégies de rechange pour l'analyse des variations avec le temps parce qu'il fait appel à des variables latentes pour réduire l'erreur de mesure en permettant l'inclusion de variables contextuelles et en utilisant les données de tous les participants, même si elles sont incomplètes.

Dans le cadre général du MES, nous avons choisi précisément d'utiliser des modèles de courbe de croissance latente (CCL). En un mot, les modèles de courbe de croissance latente permettent de séparer les trajectoires au fil du temps pour des mesures répétées. Par conséquent, chaque cas de l'échantillon peut afficher une tendance temporelle distincte marquée par une pente et(ou) un point d'interception différent avec le temps. Dans la présente étude, nous avons utilisé des techniques de modélisation de courbe de croissance dans un cadre mixte. Par conséquent, l'hétérogénéité du développement d'un résultat au fil du temps a été représentée par des variables latentes catégoriques. Cela signifie que le modèle de croissance permet de faire varier différents groupes d'individus en fonction de différentes courbes de croissance moyenne (au lieu d'établir la variation individuelle en fonction d'une seule courbe de croissance moyenne). Le modèle mixte de courbe de croissance latente comprend donc deux missions centrales : la spécification de trajectoires de développement chez des individus qui partagent une ou plusieurs caractéristiques dignes de mention et la prise en compte de la présence de prédicteurs distinctifs des groupes. Les méthodes statistiques font donc une distinction entre les groupes qui diffèrent sur le plan des tendances criminelles au fil du temps (p. ex. commencer à commettre des infractions au même stade, mais perpétrer des infractions différentes au fil du temps). Cela peut produire des résultats plus intéressants et plus utiles que les études qui portent sur les différences entre le comportement criminel à un seul point dans le temps.

Résultats

Les données ont été analysées en quatre étapes. Pendant la première étape, nous avons examiné la forme fonctionnelle du cheminement criminel général des délinquants de l'échantillon au moyen de modèles de trajectoire latente pour déterminer les modèles d'équations structurelles optimaux convenant aux données actuelles. Pendant la deuxième étape, nous avons utilisé des modèles de croissance mixtes fondés sur les modèles inconditionnels optimaux estimés pendant la première étape pour définir des sous-groupes de jeunes probationnaires ayant des trajectoires criminelles distinctes du début de l'adolescence au milieu de l'âge adulte. Pendant la troisième étape des analyses, nous avons élargi les modèles inconditionnels et introduit des facteurs de risque antécédents qui ont été évalués lorsque les jeunes probationnaires ont été placés sous surveillance comme prédicteurs de l'appartenance au groupe de trajectoire criminelle. Enfin, nous avons évalué la validité externe et l'utilité pratique du classement des infractions pour les services correctionnels canadiens. À cette fin, nous avons effectué une analyse de régression de la variable distale représentant l'incarcération des adultes sur l'appartenance au groupe de trajectoire criminelle.

Étant donné que l'échantillon à l'étude comprenait un groupe de délinquants traduits en justice, tous les jeunes probationnaires, y compris les non-récidivistes qui n'avaient jamais été condamnés au criminel après l'infraction répertoriée (n = 48 ou 9,3 % de l'échantillon), ont été inclus dans les analyses. Les non-récidivistes ont également adopté le comportement qui nous intéressait à un moment donné et ont donc contribué à une analyse du changement. Le tableau 4 présente certaines statistiques de base sur le comportement criminel des délinquants pendant les périodes d'évaluation. Comme on peut le constater, le mode d'activité criminelle général produit pour l'échantillon du Manitoba ressemble à la courbe âge-criminalité classique, car le taux de criminalité a atteint un sommet à la fin de l'adolescence et a diminué graduellement à l'âge adulte.

Courbes de croissance temporelles et groupes de trajectoire criminelle

Les premières séries d'analyses visaient à indiquer la forme de la trajectoire développementale de la progression des jeunes vers un comportement criminel pendant les diverses périodes de leur vie. Un certain nombre de modèles de trajectoires latentes inconditionnelles (sans covariables) ont été estimés pour explorer la forme fonctionnelle de croissance qui convenait le mieux aux données de l'indice de gravité du crime et de l'indice de la récidive canadien. Des analyses distinctes ont été effectuées pour chaque variable dépendante. La stratégie d'adaptation au modèle correspondait aux recommandations et aux exemples de la littératureNote de bas de page 2 (p. ex. K. A. Bollen, communication personnelle [28 mars 2007]; Bollen et Curran [2004]; Chassin, Flora et King [2004]. Nous avons commencé par supposer un seul groupe et nous avons adapté aux données des fonctions d'interception et linéaires, puis d'interception, linéaires et quadratiques. Ensuite, nous avons ajouté des relations autorégressives.

Tableau 4 : Analyses longitudinales descriptives de l'échantillon
Période
(Âge)
N %  toute récidive IGC ajusté
M (É.-T.)
IRC ajusté
M (É.-T.)
12 – 15 221 32,1 6,97 (4,59) 8,26 (7,27)
16 – 20 514 71,6 8,15 (5,33) 8,47 (4,61)
21 – 25 510 63,5 8,04 (5,74) 7,98 (5,59)
26 – 30 505 51,3 6,58 (5,32) 6,71 (4,96)
31 et plus 425 29,2 5,33 (4,21) 5,80 (5,07)

Notes. IGC = Indice de gravité du crime; IRC = Indice de la récidive canadien. Les scores de l'IGC et de l'IRC ont été ajustés pour tenir compte de l'intervalle d'exposition au risque dans la collectivité. Un nombre beaucoup moins élevé de délinquants ont été évalués pendant la première période (de 12 à 15 ans). Cela n'est pas surprenant, car l'âge moyen des membres de l'échantillon au moment de la condamnation pour l'infraction répertoriée était de 16 ans.

Pour étudier l'adaptation individuelle et comparative des modèles de courbe de croissance, nous avons tenu compte d'un certain nombre de mesures d'adaptation (p. ex. la statistique sur le rapport de vraisemblance TML [ou test chi au carré], l'indice Tucker-Lewis (TLI; Tucker et Lewis [1973]). Comme il est possible d'avoir un modèle qui s'adapte bien à plusieurs ou à la totalité des mesures d'adaptation générales, mais qui s'adapte mal à ses éléments (ou vice versa) (Bollen et Curran [2006]), nous avons aussi tenu compte de diverses mesures d'adaptation des éléments pour évaluer dans quelle mesure chaque modèle correspondait à l'ensemble des données. Pour être plus précis, nous avons filtré les estimations des paramètres pour détecter des « solutions inappropriées » (p. ex. variances d'erreur négatives, corrélations de la magnitude absolue supérieure à un) et nous avons examiné la proportion de la variabilité dans les variables observées prises en compte par les facteurs de la trajectoire latente sous-jacente (c.-à-d. R2yt).

Selon les constatations, pour les deux mesures des résultats, un modèle de courbe de croissance latente spécifié avec une fonction quadratique représentait le mieux la forme de la trajectoire de développement de la progression des jeunes vers un comportement criminel depuis le début de l'adolescence jusqu'au milieu de l'âge adulte. De plus, il y avait une importante hétérogénéité (c.‑à-d. une variabilité autour de la moyenne) dans le comportement criminel et les facteurs de croissance pour les modèles de courbe de croissance latente quadratique de l'indice de gravité du crime et de l'indice de la récidive canadien. Par conséquent, les cotes moyennes de comportement criminel des jeunes délinquants à la fin de leur adolescence, deuxième période d'âge et les taux de variation du comportement criminel au fil du temps différaient dans la présente étude.

Nos analyses ultérieures ont donc visé à expliquer cette variabilité. À cette fin, nous avons utilisé un modèle de croissance mixte. Le modèle de croissance mixte permet aux chercheurs de déterminer les grappes d'individus ayant des trajectoires de développement semblables. L'approche suppose que la population se compose de divers sous-groupes distincts, chacun défini par une courbe de croissance prototypique. L'appartenance à un groupe n'est pas connue, mais est déduite des données.

Dans le modèle de croissance mixte, pour choisir le modèle, il faut déterminer le nombre de groupes, qui décrit le mieux les données. Cependant, il ne convient pas d'utiliser le logarithme du rapport de vraisemblance (c.-à-d. la différence du test du chi carré) pour la comparaison des modèles, car un modèle de groupe k n'est pas niché dans un modèle de groupe k + 1. Plusieurs statistiques sont disponibles pour aider à déterminer le nombre optimal de groupes à extraire. Dans l'étude actuelle, nous avons évalué l'ajustement du modèle au moyen de l'un des facteurs de sélection les plus populaires, à savoir le critère d'information de Bayes (CIB; Raftery [1993]; Schwartz [1978]). De plus, pour que les constatations soient signifiantes, nous avons aussi évalué l'ajustement du modèle en examinant visuellement les formes des trajectoires qui en ont résulté.

Pour déterminer le nombre optimal de groupes de trajectoires à extraire, nous avons d'abord précisé un seul groupe, puis nous avons mis à l'essai des solutions mixtes de croissance de deux groupes à quatre groupes. Pour l'IGC et l'IRC, les résultats indiquaient que la solution à deux groupes produisait une amélioration importante des statistiques d'ajustement par rapport à la solution à un groupe. Toutefois, les modèles mixtes ne produisaient pas une solution digne de confiance lorsque plus de deux groupes étaient précisés, ce qui donne à penser que le modèle à deux groupes convenait le mieux à nos données. Comme nous le verrons en détail plus loin, nous avons classé ces groupes en deux catégories : type stable à criminalité faible et type chronique à criminalité élevée. Le type chronique à criminalité élevée représentait environ 12 % des délinquants selon la mesure du résultat.

L'examen des estimations de la variance de la vraisemblance maximale a révélé que la modélisation des données de l'indice de gravité du crime et de l'indice de la récidive canadien avec une solution mixte à deux groupes (comparativement au modèle de la CCL à un groupe) diminuait généralement la variabilité des éléments du point d'interception et de la pente. Pour les deux variables de résultat, cependant, il y avait encore une hétérogénéité importante dans le comportement criminel initial et des facteurs de croissance des modèles de trajectoires latentes quadratiques à deux groupes. Pour expliquer cette variabilité restante, nous avons introduit divers facteurs de risque qui ont été évalués lorsque les jeunes probationnaires ont été placés sous surveillance. Même si l'un de nos objectifs consistait à améliorer l'ajustement du modèle, l'identification de prédicteurs significatifs de l'appartenance à un groupe de trajectoires revêtait beaucoup d'intérêt.

Facteurs de risque associés aux trajectoires criminelles

Les relations entre les facteurs de risque et l'appartenance à un groupe ont été examinées dans une série d'analyses de régression logistiques binaires. Les analyses de régression initiales ont servi à tester des modèles multiples de prédiction à une variable pour évaluer séparément l'effet unique de chaque facteur de risqueNote 3. Selon les constatations, les fréquentations étaient un prédicteur important de l'appartenance à un groupe pour l'indice de gravité du crime et l'indice de la récidive canadien. La toxicomanie était aussi associée aux différences entre les groupes, mais les résultats n'avaient une signification statistique que lorsque l'IGC était utilisé comme mesure du résultat.

Comme les fréquentations et la toxicomanie atteignaient au moins un niveau marginal de signification (p < 0,05) dans les analyses à une variable pour l'IGC, les deux prédicteurs ont été entrés simultanément dans un modèle de régression logistique à variables multiples pour permettre d'examiner l'effet de chaque facteur de risque sur l'autre prédicteur dans le modèle. Dans cette dernière analyse, seules les fréquentations sont demeurées un prédicteur statistiquement significatif de l'appartenance à un groupe. Le modèle de courbe de croissance latente conditionnel, qui comprend les fréquentations comme seul facteur de risque, a donc été choisi comme modèle optimal pour déterminer l'appartenance à un groupe.

Description de la solution mixte optimale conditionnelle de la croissance à deux groupes

Après la sélection du modèle fondée sur la statistique d'ajustement optimal, chaque délinquant a été classé dans le groupe qui correspondait le mieux à son comportement criminel selon la probabilité postérieure maximale de l'appartenance au groupe. Pour chaque individu de l'échantillon, les probabilités postérieures d'appartenance au groupe servent à estimer la probabilité que l'individu fasse partie de chaque groupe de trajectoires. Cette procédure est fondée sur l'hypothèse que l'erreur de classement qu'on commet lorsqu'on classe un délinquant dans un seul groupe de trajectoires est faible et que, par conséquent, elle ne cause pas un biais important dans les estimations paramétriques des erreurs-types. Les probabilités moyennes d'appartenance à un groupe des délinquants classés dans chaque groupe étaient de 0,929 et 0,975 pour l'IGC, et 0,886 et 0,971 pour l'IRC. De plus, moins de 7 % de l'échantillon (25 délinquants pour l'IGC et 35 pour l'IRC) pouvaient être considérés comme « difficiles à classer », en ce sens qu'ils avaient une probabilité supérieure à 0,25 et inférieure à 0,75 d'être classés dans l'autre groupe.

Une représentation graphique des solutions résultantes est présentée aux figures 1A et 1B pour l'IGC et l'IRC, respectivement. Les lignes continues dans les graphiques représentent les trajectoires que suppose le modèle (c.-à-d. estimées ou prévues) tandis que les lignes pointillées représentent les trajectoires moyennes observées. L'examen des courbes de croissance ajustées corrobore davantage la notion selon laquelle les modèles conditionnels à deux groupes de courbe de croissance latente quadratique réussissent bien à reproduire les moyennes observées (c.-à-d. les données de l'IGC et de l'IRC).

Figure 1A : Courbes de croissance estimées et observées pour l'indice de gravité du crime (IGC) avec deux groupes de trajectoires criminelles

Figure 1A : Courbes de croissance estimées et observées pour l'indice de gravité du crime (IGC) avec deux groupes de trajectoires criminelles

Figure 1B : Courbes de croissance estimées et observées pour l'indice de la récidive canadien (IRC) avec deux groupes de trajectoires criminelles
Figure 1B : Courbes de croissance estimées et observées pour l'indice de la récidive canadien (IRC) avec deux groupes de trajectoires criminelles

En outre, nous pouvons voir que la plupart des délinquants ont commis relativement peu d'infractions et(ou) n'ont pas perpétré de crimes graves pendant leur vie tandis qu'une minorité de délinquants ont commis des crimes plus fréquents, graves et persistants. La tendance générale des résultats est très semblable pour les deux mesures de résultat. Plus précisément, un groupe formé d'environ 12 % des délinquants a affiché un niveau de criminalité chronique élevé au fil des ans. La fréquence et la gravité des infractions de ce groupe se sont accrues constamment à partir de l'adolescence. Le groupe le plus nombreux, les délinquants qui ont commis peu d'infractions, comptait environ 88 % des délinquants de l'échantillon. Les membres de ce groupe avaient commis peu d'infractions et(ou) des infractions moins graves au fil des ans. Leur comportement criminel demeurait relativement stable, même s'il avait tendance à accuser une légère baisse de fréquence et de gravité, qui était surtout évidente pendant les deux dernières périodes d'évaluation (c.‑à‑d. à partir de 26 ans).

Comme on s'y attendait, la plupart (≈ 96 %) des délinquantes étaient du type stable à criminalité faible. D'un point de vue différent, le groupe de trajectoires criminelles de délinquants stables à criminalité faible comprenait un ratio hommes/femmes de 5 contre 1 tandis qu'il y avait environ 24 fois plus d'hommes que de femmes dans le groupe des trajectoires de délinquants chroniques à criminalité élevée. Il n'est pas plus étonnant que tous les délinquants non récidivistes ont été classés dans le groupe de trajectoires criminelles de délinquants stables à criminalité faible. Les taux de récidive réels des deux groupes à chacune des cinq séries d'évaluations sont présentés au tableau 5.

Tableau 5 : Taux de récidive des groupes de délinquants chroniques à criminalité élevée et de délinquants stables à criminalité faible pour chaque période
Appartenance au groupe fondée sur l'indice de gravité du crime
  Période 1
12-15 ans
% (n)
Période 2
16-20 ans
% (n)
Période 3
21-25 ans
 % (n)
Période 4
26-30 ans
% (n)
Période 5
31 ans +
% (n)
Chroniques à criminalité élevée 40,0 (25) 85,5 (69) 82,6 (69) 81,2 (69) 91,9 (62)
Stables à criminalité faible 31,1 (196) 69,4 (445) 60,5 (441) 46,1 (436) 17,9 (363)
Appartenance au groupe fondé sur l'indice de la récidive canadien
  Période 1
12-15 ans
% (n)
Période 2
16-20 ans
% (n)
Période 3
21-25 ans
% (n)
Période 4
26-30 ans
% (n)
Période 5
31 ans +
% (n)
Chroniques à criminalité élevée 38,5 (26) 88,9 (54) 88,9 (54) 90,6 (53) 89,4 (47)
Stables à criminalité faible 31,3 (195) 69,6 (460) 60,5 (456) 46,2 (452) 21,2 (378)

L'examen du tableau 5 révèle qu'il y a quelques points dignes de mention. Premièrement, pour chaque période d'évaluation, les délinquants chroniques à criminalité élevée ont enregistré un taux de récidive beaucoup plus élevé que les délinquants stables à criminalité faible. Deuxièmement, les écarts des taux de récidive entre les deux groupes de délinquants sont devenus progressivement plus prononcés au fil du temps, les différences les plus marquées étant observées pendant l'âge adulte (milieu) (26 ans et plus). Après l'âge de 15 ans, de 80 à 90 % des délinquants chroniques à criminalité élevée ont été condamnés au moins une fois au cours de chacune des quatre périodes d'évaluation. Par contre, le taux de récidive des délinquants stables à criminalité faible a diminué de 70 % pendant la fin de l'adolescence (16-20 ans) pour s'établir à environ 20 % au cours de la dernière période (lorsque les délinquants avaient 31 ans ou plus). Ces constatations sont conformes aux courbes de croissance ajustées décrites aux figures 1A et 1B. Nous pouvons y constater que les cheminements criminels des deux groupes sont assez semblables jusqu'au début de l'âge adulte et qu'ils commencent ensuite à différer de telle manière que le groupe des délinquants chroniques à criminalité élevée a continué de commettre des crimes plus fréquents et(ou) plus graves pendant l'âge adulte.

De plus, il est intéressant de noter que presque tous les délinquants chroniques à criminalité élevée (95,7 %) et seulement 56,0 % des délinquants stables à criminalité faible ont été reconnus coupables d'au moins un crime avec violence (χ2 (1, N = 510) = 39,55, p < 0,001) à l'âge adulte (21 ans et plus). De même, une proportion beaucoup plus grande de délinquants chroniques à criminalité élevée ont été condamnés par suite d'un crime avec violence entre l'âge de 16 ans et de 20 ans. Toutefois, l'écart entre les deux groupes pendant cette période d'évaluation était un peu moins marqué. Plus précisément, 73,9 % des délinquants du groupe des délinquants chroniques à criminalité élevée et 51,2 % des délinquants stables à criminalité faible ont été reconnus coupables d'un crime avec violence pendant la fin de leur adolescence   (χ2 (1, N = 514) = 12,38, p < 0,001).

De plus, il y avait des différences statistiquement significatives entre les deux groupes en ce qui concerne le nombre global de condamnations et les condamnations pour crimes avec violence prononcées après l'infraction à l'origine de la peine. Les délinquants chroniques à criminalité élevée ont en fait été condamnés à nouveau en général et par suite d'actes de violence en particulier plus de deux fois plus que les délinquants stables à criminalité faible. Le nombre réel de nouvelles condamnations était légèrement supérieur à dix dans le cas des délinquants chroniques à criminalité élevée (≈  4 nouvelles condamnations par suite d'actes de violence), contre environ cinq dans le cas des délinquants stables à criminalité faible (≈  1,5 nouvelle condamnation par suite d'actes de violence). Les statistiques t indépendantes de l'échantillon étaient t (df = 512) = 8,19 pour l'ensemble et t (df = 512) = 7,12 pour les crimes avec violence seulement (deux ps < 0,001). Les deux groupes différaient aussi sur le plan de la multicriminalité, les délinquants chroniques à criminalité élevée comptant en moyenne près de cinq genres d'infractions différents pendant leur vie et les délinquants stables à criminalité faible, environ trois (t (df = 512) = 8,72, p < 0,001)Note 1.

Il est clair d'après ces constatations que le groupe des délinquants chroniques à criminalité élevée se composait de délinquants qui posaient un risque et avaient des besoins plus grands que le groupe des délinquants stables à criminalité faible. Les lecteurs intéressés peuvent consulter l'annexe A pour

connaître les pourcentages réels de délinquants de chaque groupe qui se classent dans chaque sous-population de facteurs de risque et de besoins d'après le modèle de courbe de croissance latente finale (c.‑à-d. le modèle qui comprenait les fréquentations comme variable prédictive). L'annexe A présente aussi la répartition des scores faibles, moyens et élevés de l'évaluation primaire du risque – Version 1 pour les groupes de délinquants chroniques à criminalité élevée et de délinquants stables à criminalité faible. De plus, les associations à une variable entre les facteurs de risque criminogènes et les domaines de besoins et l'appartenance à un groupe de trajectoires criminelles figurent au tableau 6. Elles sont présentées comme des rapports de cotes calculés à partir des données figurant à l'annexe A.

Comme prévu, les fréquentations ont permis de distinguer les délinquants chroniques à criminalité élevée des délinquants stables à criminalité faible pour l'indice de gravité du crime et l'indice de la récidive canadien. En particulier, les chances d'être classés dans le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée plutôt que dans le groupe de délinquants stables à criminalité faible étaient trois fois plus grandes dans le cas des délinquants qui avaient rencontré certains problèmes ou des problèmes graves dans leurs fréquentations comparativement à ceux qui n'avaient eu aucun problème (les RC variaient de 2,89 à 4,29; tous les p < 0,05). De plus, les problèmes de toxicomanie laissaient entrevoir des chances accrues d'appartenir au groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée par rapport au groupe de délinquants stables à criminalité faible, même si les effets, lorsque l'IRC servait de mesure de résultat, n'avaient une signification statistique que pour les jeunes probationnaires ayant de graves problèmes de toxicomanie comparativement à ceux qui n'avaient aucun problème  (RC = 3,05; p < 0,05). Pour l'IGC, les rapports de cote étaient de 2,08 dans le cas de certains problèmes et de 2,90 dans le cas des problèmes graves (les deux p < 0,05). C'est-à-dire qu'il y avait une plus grande proportion des jeunes probationnaires qui avaient des problèmes de toxicomanie dans le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée (47,8 % en cas de certains problèmes et 11,6 % en cas de problèmes graves) que dans le groupe de délinquants stables à criminalité faible (33,9 % en cas de certains problèmes et 6,1 % en cas de problèmes graves).

Enfin, nous tenons à souligner que les scores de la mesure du risque de l'EPR– V1 actuarielle ont également permis de distinguer les deux groupes de trajectoires criminelles. Les chances d'avoir été classés dans le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée (comparativement au groupe de délinquants stables à criminalité faible) étaient de deux à quatre fois plus grandes pour les délinquants classés dans la catégorie du risque et des besoins élevés de l'EPR – VI que pour ceux classés dans la catégorie du risque et des besoins moyens ou faibles (les RC étaient de 3,89 pour l'IGC, p < 0,01 et de 1,99 pour l'IRC, p < 0,05). En d'autres termes, le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée était constitué d'une plus grande proportion de jeunes probationnaires à risque et besoins élevés (≈  45%) que le groupe de délinquants stables à criminalité faible (≈  23 %).

Tableau 6 : Relations entre l'appartenance à un groupe de trajectoires et les facteurs de risque chez les jeunes
Modèle IGC IRC
Facteur de risque RC I.C. de 95%  RC I.C. de 95 %.
Fréquentations        
     Certains problèmes     2,89** 1,30 – 6,42  3,33* 1,33 – 8,31
     Problèmes graves    4,29** 1,70 – 10,83 3,31* 1,11 – 9,86
Famille        
     Certains problèmes 1,67 0,90 – 3,11 1,22 0,62 – 2,37
     Problèmes graves 1,57 0,79 – 3,12 1,21 0,57 – 2,57
Niveau d'instruction        
     1 an sous la norme 1,64 0,83 – 3,24 1,19 0,61 – 2,32
     ≥  2 ans sous la norme 1,88 0,98 – 3,59 0,75 0,38 – 1,49
Logement        
     Certains problèmes 0,75 0,38 – 1,49 0,84 0,40 – 1,78
     Problèmes graves 1,52 0,86 – 2,69 1,57 0,84 – 2,96
Attitude        
     Certains problèmes 1,50 0,87 – 2,58 0,98 0,53 – 1,82
     Problèmes graves 1,18 0,54 – 2,58 1,17 0,52 – 2,64
Toxicomanie        
     Certains problèmes   2,08** 1,21 – 3,55 1,77  0,97 – 3,22
     Problèmes graves 2,90* 1,23 – 6,86 3,05* 1,23 – 7,57
Gestion financière        
     Certains problèmes 1,03 0,59 – 1,80 1,25 0,67 – 2,32
     Problèmes graves 0,99 0,49 – 2,01 1,19 0,55 – 2,59
Antécédents criminels        
     Risque moyen 1,00 0,57 – 1,72 1,51 0,79 – 2,86
     Risque élevé 1,24 0,59 – 2,62 2,19 0,98 – 4,92

N. B. Pour chaque RC, la condition de référence était « faible risque » ou aucun problème en ce qui concerne le prédicteur juvénile.
** p < 0,01; * p < 0,05.

Prédiction de l'incarcération dans un établissement provincial ou fédéral

La capacité des trajectoires criminelles de prédire les démêlés ultérieurs avec les systèmes de justice provinciaux et fédéral est un critère important permettant d'évaluer la validité externe et l'utilité pratique du système de classement pour les services correctionnels canadiens. Afin d'analyser plus précisément les données du point de vue correctionnel canadien, nous avons examiné la prévalence de l'occurrence du résultat distal représentant les incarcérations (c.-à-d. les admissions dans une prison provinciale ou un pénitencier fédéral) dans chaque groupe de trajectoires criminelles (voir le tableau 7). Les cheminements criminels des délinquants non incarcérés, incarcérés dans un établissement provincial ou incarcérés dans un établissement fédéral sont présentés aux figures 2A et 2B. Les taux généraux d'incarcération dans un établissement provincial ou fédéral de l'échantillon s'établissaient à 51,4 % et 12,6 %, respectivement (36 % des délinquants n'ont pas été incarcérés dans un établissement provincial ou fédéral pendant leur vie). Les lecteurs intéressés peuvent se reporter à l'annexe B pour connaître la proportion de délinquants non incarcérés, incarcérés dans un établissement provincial ou incarcérés dans un établissement fédéral qui se trouvent dans chaque sous-population de facteurs de risque criminogènes et de besoins (et les scores de l'EPR –V1).

Tableau 7 : Résultats sur le plan de l'incarcération selon l'appartenance à un groupe
  Résultat sur le plan de l'incarcération % (n)
  Aucune incarcération Établissement provincial Établissement fédéral
Groupe de trajectoires criminelles basé sur l'IGC      
     Chroniques à criminalité élevée 10,1 (7) 56,5 (39) 33,3 (23)
     Stables à criminalité faible    40,0 (178)   50,6 (225)  9,4 (42)
Groupe de trajectoires criminelles basé sur l'IRC      
     Chroniques à criminalité élevée 5,6 (3) 42,6 (23) 51,9 (28)
     Stables à criminalité faible  39,6 (182)   52,4 (241)  8,0 (37)

Figure 2A : Trajectoires criminelles observées des délinquants non incarcérés, incarcérés dans un établissement provincial ou incarcérés dans un établissement fédéral au moyen de l'indice de gravité du crime

Figure 2A : Trajectoires criminelles observées des délinquants non incarcérés, incarcérés dans un établissement provincial ou incarcérés dans un établissement fédéral au moyen de l'indice de gravité du crime

Figure 2B : Trajectoires criminelles observées des délinquants non incarcérés, incarcérés dans un établissement provincial ou incarcérés dans un établissement fédéral au moyen de l'indice de la récidive canadien

Figure 2B : Trajectoires criminelles observées des délinquants non incarcérés, incarcérés dans un établissement provincial ou incarcérés dans un établissement fédéral au moyen de l'indice de la récidive canadien

Comme on peut le constater, l'appartenance au groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée était associée à un risque beaucoup plus grand d'incarcération dans un établissement provincial ou fédéral. En particulier, les chances de s'être vu infliger une peine d'incarcération dans un établissement provincial (comparativement au fait d'avoir évité l'emprisonnement plus tard pendant leur vie) étaient de quatre à cinq fois plus grandes dans le cas des délinquants chroniques à criminalité élevée que dans le cas des délinquants stables à criminalité faible (les RC étaient de 4,17 et de 5,07 pour l'IGC et l'IRC, respectivement; les deux p < 0,01). De même, les chances d'être incarcérés dans un pénitencier fédéral (comparativement à l'incarcération dans un établissement provincial seulement) étaient au moins trois fois plus grandes dans le cas des délinquants chroniques à criminalité élevée que dans le cas des délinquants stables à criminalité faible (RC = 3,16 pour l'IGC et RC = 7,81 pour l'IRC; les deux p < 0,01). Comme on s'y attendait, la comparaison des délinquants chroniques à criminalité élevée et des délinquants stables à criminalité faible qui ont été incarcérés dans un pénitencier fédéral à un groupe formé de délinquants non incarcérés ou incarcérés dans un établissement provincial était encore plus frappante, car jusqu'à 50 % des délinquants chroniques à criminalité élevée ont été incarcérés dans un établissement fédéral tandis qu'au plus 10 % des délinquants stables à criminalité faible l'ont été. Les rapports de cotes étaient RC = 4,80 pour l'IGC et RC = 12,15 pour l'IRC (deux p < 0,01).

Au tableau 7, il est également intéressant de noter les différences dans la répartition des résultats sur le plan de l'incarcération entre les classements d'après l'indice de gravité du crime et l'indice de la récidive canadien. Alors que les chiffres réels sur le nombre de délinquants non incarcérés, incarcérés dans un établissement provincial ou incarcérés dans un établissement fédéral qui se classent dans le groupe de délinquants stables à criminalité faible étaient assez semblables, quelle que soit la mesure des résultats, le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée défini par l'IRC comprenait une proportion plus grande de délinquants qui ont fini par être incarcérés dans un pénitencier fédéral, par rapport aux proportions de délinquants qui n'ont jamais été condamnés à une peine d'emprisonnement et(ou) qui n'ont été incarcérés que dans un établissement provincial que le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée défini par l' IGC. Dans les analyses précédentes, nous avons démontré que l'indice de la récidive canadien était, en fait, un meilleur outil d'évaluation que l'indice de gravité du crime pour prédire les incarcérations dans les établissements provinciaux ou fédéraux pour adultes. Nous nous y attendions, car l'IRC a servi à évaluer la fréquence ou la gravité des infractions directement à partir des peines (des scores de 6 et 7 représentaient essentiellement des peines d'incarcération dans des établissements provinciaux et fédéraux, respectivement).

Discussion

L'étude actuelle visait à décrire et à prédire le cheminement criminel d'un groupe de jeunes probationnaires canadiens. Un objectif principal consistait à fournir un soutien empirique aux concepts théoriques proposés par Loeber et Stouthamer-Loeber [1996], Moffitt [1993] et Patterson et coll. [1992]. Ce faisant, nous avons essayé d'examiner certaines des limites d'études précédentes. Pour atteindre nos buts, nous avons choisi un échantillon de 514 jeunes de sexe masculin et de sexe féminin assujettis à une ordonnance de probation au Manitoba (Canada). Nous avons suivi ces délinquants au fil du temps et nous avons évalué la fréquence et la gravité de leurs infractions à cinq stades de développement significatifs de leur vie. Pour être plus explicites, nous avons cherché à définir des sous-groupes distincts de jeunes traduits en justice ayant des trajectoires criminelles différentes depuis le début de l'adolescence jusqu'au milieu de l'âge adulte. Nous avons aussi tenté de déterminer les facteurs de risque criminogènes et les besoins évalués lorsque les jeunes délinquants ont été placés sous surveillance, qui aideraient à établir une distinction entre les trajectoires criminelles d'un groupe à l'autre. Enfin, nous avons examiné la pertinence pratique du classement des trajectoires criminelles pour les services correctionnels canadiens.

Tendances temporelles du comportement criminel

Des analyses préliminaires ont montré que la courbe âge-criminalité résultant de l'établissement de la moyenne des condamnations de tous les délinquants dans la présente étude était comparable à la courbe tracée dans de nombreuses études (p. ex. Blockland et coll. [2005]; Day et coll. [2007]; Farrington et coll. [2006]; Loeber et coll. [1999]. Comme le montre généralement la courbe, le rapport global âge-criminalité pour notre échantillon était unimodal et positivement asymétrique, indiquant une hausse marquée pendant l'adolescence suivie d'une baisse graduelle à l'âge adulte.

Il est intéressant de noter que le rapport âge-criminalité que nous avons obtenu était fondé sur des données longitudinales qui ont servi à évaluer la fréquence et la gravité des infractions. Malgré le fait que les études précédentes aient généralement porté sur une seule dimension (p. ex. Blockland et coll. [2005]; Chung et coll. [2002]), nous soutenons qu'il faut tenir compte des deux dimensions lorsqu'on mesure le comportement criminel. Entre autres, les données simples sur la fréquence ne permettent pas de distinguer les délinquants qui ont commis un nombre moyen d'infractions de gravité variable, tandis que les échelles sur la gravité, lorsqu'elles sont utilisées par elles-mêmes, ne permettent pas de distinguer les délinquants qui se sont tous adonnés à certain genre d'activité criminelle, mais à divers taux de récidive. En combinant les deux méthodes, nous avons donc pu corriger les lacunes de chaque méthode.

Groupes de trajectoires criminelles

Compte tenu de ces constatations initiales, nous nous sommes ensuite demandé si la forme de notre courbe globale âge-criminalité résultait simplement de la superposition des trajectoires criminelles individuelles de forme semblable ou si elle dissimulait une diversité sous-jacente des cheminements criminels développementaux. Mettant à profit les points forts et les capacités de la génération la plus récente de techniques de modélisation de la croissance, nous avons démontré l'existence de sous-groupes de jeunes probationnaires qui ont suivi des trajectoires criminelles distinctes depuis le début de l'adolescence jusqu'au milieu de l'âge adulte. Nous avons défini deux groupes, qui différaient sur le plan statistique en ce qui concerne les paramètres des modèles de croissance mixte (c.-à-d. le niveau initial de criminalité et le taux de progression de la criminalité au fil du temps). En d'autres termes, en plus de révéler les différences individuelles à n'importe quel moment (dans ce cas, la fréquence/gravité des infractions à la fin de l'adolescence), qui auraient pu être déterminées au moyen d'un examen transversal, les analyses ont également permis de définir les groupes qui variaient selon l'évolution observée au cours des séries d'évaluations.

Ces constatations contrastaient avec les résultats d'études empiriques récentes selon lesquelles il y avait plus de deux groupes distincts de trajectoires criminelles (p. ex. Day et coll. [2007]; Blockland et coll. [2005]; Moffitt [2003]; Wiesner et Silbereisen [2003]). Cependant, les deux trajectoires criminelles définies dans la présente étude correspondaient à peu près aux catégories proposées de délinquants chroniques et de renonciateurs précoces de Loeber et Stouthamer-Loeber [1996], Moffitt [1993] et Patterson et coll. [1992]. Une petite partie des jeunes (≈ 12 %) commettaient des infractions fréquentes et(ou) graves pendant leur vie. La fréquence et la gravité des infractions des délinquants de ce groupe augmentaient graduellement à partir du début de l'adolescence (de 12 à 15 ans) et ne montraient pas beaucoup de signes de baisse. Nous avons aussi constaté une trajectoire beaucoup plus courante (≈ 88 %) qui englobait des infractions relativement moins fréquentes et(ou) moins graves au fil du temps.

La taille de notre groupe de délinquants chroniques était légèrement plus grande que le pourcentage de 3 à 8 % de la population qui avait, par hypothèse, embrassé une carrière criminelle continue (ou chronique) (p. ex. Cohen et Vila [1996]; Farrington et coll. [2006]; Moffitt [1993]), et(ou) qui comprenait des groupes de délinquants chroniques à criminalité élevée dans d'autres études empiriques (p. ex. Chung et coll. [2002]; D'Unger et coll. [2002]; Farrington et coll. [2006]). Cela était prévu, sinon pour la simple raison que nous avons examiné les cheminements criminels de jeunes traduits en justice (c.-à-d. des jeunes délinquants connus) plutôt que des jeunes d'un échantillon comprenant des délinquants et des non-délinquants. 

Il n'était pas surprenant non plus que presque toutes les délinquantes (≈ 96 %) ont été classées dans le groupe de délinquants stables à criminalité faible. En fait, le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée comptait plus de 20 fois plus d'hommes que de femmes tandis que le ratio homme-femme dans le groupe de délinquants stables à faible criminalité n'était que de 5 contre 1. Ces résultats correspondent aux théories originales de Moffit [1993] ainsi qu'aux résultats d'études empiriques qui portaient précisément sur les cheminements criminels de délinquantes (p. ex. D'Unger et coll. [2002]; Fergusson et coll. [2000]; Kratzer et Hodgins [1999]).

À la lumière de ces constatations, nous avons effectué des analyses supplémentaires pour examiner les cheminements criminels des délinquantes séparément de ceux des délinquants stables à criminalité faible et des délinquants chroniques à criminalité élevéeNote 1. Nous avons ainsi remarqué que la forme de la trajectoire criminelle des délinquantes était parallèle à celle des délinquants stables à criminalité faible, mais comprenait un peu moins d'infractions fréquentes et(ou) graves. À cet égard, nous tenons à rappeler au lecteur que les analyses de croissance mixte ne militaient pas en faveur d'une solution à trois groupes, ce qui justifiait la conclusion selon laquelle, empiriquement, le comportement criminel des délinquantes ne différait pas assez de celui des délinquants stables à criminalité faible pour qu'on crée un groupe de trajectoire distinct.

Il faut cependant faire preuve de prudence lorsqu'on interprète cette dernière série de constatations. D'une part, l'invariance statistique selon le sexe peut être attribuable au nombre relativement faible de délinquantes dans l'échantillon actuel. D'autre part, nous pourrions expliquer la différence discernable entre les sexes par le fait que nous avons opérationnalisé le comportement criminel au moyen d'une combinaison de la fréquence et de la gravité des infractions. C'est-à-dire que par rapport à leurs homologues féminines, le ratio des hommes violents (p. ex. voies de fait) aux hommes non violents (p. ex. crimes contre les biens) est beaucoup plus élevé chez les hommes (voir Blanchette et Brown [2006] pour un examen de cette question). Par conséquent, il reste possible que les délinquantes dans la présente étude auraient eu un comportement criminel exacerbé (c.-à-d. plus proche de celui des délinquants stables à criminalité faible) si nous avions utilisé une mesure de la criminalité fondée seulement sur les taux d'incidence et n'avions pas tenu compte de la gravité des infractions.

D'après la double taxonomie de Loeber et Stouthamer-Loeber [1996], Moffitt [1993] et Patterson et coll. [1992] et les conclusions d'études récentes (p. ex. Eklund et af Klinteberg [2006]), nous nous attendions aussi à ce que les délinquants chroniques à criminalité élevée commettent de manière disproportionnée une variété plus grande d'infractions et plus de crimes avec violence comparativement aux délinquants stables à criminalité faibleNote 2. Nos résultats correspondent à ces implications théoriques et empiriques. Dans notre étude, les délinquants classés dans le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée ont commis environ deux fois plus de genres différents d'infractions que les délinquants stables à criminalité faible. Il y avait aussi une distinction claire entre les groupes de délinquants chroniques à criminalité élevée et de délinquants stables à criminalité faible sur le plan de la violence. Alors que plus de 95 % des délinquants chroniques à criminalité élevée ont été reconnus coupables d'au moins un crime avec violence à partir de la fin de l'adolescence (16 ans et plus), moins des trois quarts des délinquants stables à criminalité faible ont été reconnus coupables d'un crime avec violence pendant ces périodes de leur vie. Si nous restreignons les périodes d'âge pour inclure seulement l'âge adulte (26 ans et plus), le pourcentage de condamnations pour crimes avec violence chez les délinquants chroniques à criminalité élevée demeurait relativement inchangé (94,2 %) tandis que le pourcentage tombait à environ 30 % chez les délinquants stables à criminalité faible.
Les pourcentages réels de crimes avec violence pour les deux groupes de délinquants étaient plus élevés que prévu et beaucoup plus élevés que ceux d'autres études longitudinales utilisant une méthodologie et(ou) une période de suivi comparables. Par exemple, au moyen de leur échantillon de délinquants identifiés, Eklund et af Klinteberg [2006] ont constaté que 45 % des délinquants ayant un cheminement criminel persistant et seulement 2,8 % des délinquants ayant renoncé ont été reconnus coupables d'un ou plusieurs crimes avec violence entre l'âge de 25 ans et de 34 ans.

Qu'est-ce qui pourrait expliquer l'incidence relativement élevée du comportement violent des délinquants de notre échantillon comparativement à celui d'autres groupes de délinquants? Nous ne pouvons répondre à cette question qu'en nous livrant à des conjectures, car nous n'avons pas de bonnes données sur les détails des actes criminels. De même, nous n'avons pas une connaissance approfondie de ce que représentait un crime avec violence dans d'autres études. Cela pourrait expliquer une partie de la divergence des constatations. Comme l'a fait remarquer Tremblay [2006], le terme violence sert à englober un éventail étendu de comportements qui pendant l'adolescence peuvent varier de l'intimidation à l'école au meurtre.

Néanmoins, nous sommes convaincus que nos deux groupes de délinquants présentaient un risque plus grand que ceux d'autres études. Bon nombre des adolescents étaient probablement des clients d'un certain nombre d'organismes sociaux différents avant d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale. L'examen des données a révélé que 14 % des adolescents avaient été placés dans un foyer d'accueil ou de groupe, environ la moitié avait changé d'adresse une ou plusieurs fois pendant l'année précédant leur période de probation et près du tiers recevaient des prestations d'aide sociale au moment où ils ont été placés sous surveillance. En plus de bénéficier de l'aide de divers organismes de services sociaux, jusqu'à 30 % des jeunes probationnaires avaient des antécédents criminels remontant avant l'âge de 15 ans.

Facteurs de risque associés aux trajectoires criminelles

Un examen de l'évaluation primaire du risque – version 1 a fourni une preuve supplémentaire que nous avions un échantillon de délinquants à risque élevé ayant plusieurs besoins. Dans notre étude, non seulement l'EPR –V1 a-t-elle été un prédicteur important de l'appartenance à un groupe de trajectoire criminelle, mais plus des trois quarts des délinquants ont été classés comme présentant un risque moyen ou élevé et ayant des besoins moyens ou grands. Comme cet outil d'évaluation actuariel permet d'obtenir un score total à partir de divers concepts liés traditionnellement au comportement criminel, ces résultats donnent à penser que la majorité des délinquants de l'échantillon avaient de multiples besoins résultant de facteurs criminogènes, d'où leur risque de récidive. 

Si nous examinons l'ensemble de ces constatations, nous avons raison de croire que les groupes de trajectoire criminelle produits dans notre étude étaient assez distincts pour nous permettre d'examiner les comportements criminels afin de déterminer les caractéristiques qui pourraient refléter différents cheminements étiologiques. Par conséquent, il est intéressant de déterminer ce qui distingue les jeunes probationnaires classés dans le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée de leurs homologues au comportement plus passager.

Parmi les facteurs de risque criminogènes et les domaines de besoins étudiés, seules les fréquentations ont permis de prédire de manière fiable l'appartenance à un groupe pour nos deux mesures de résultat et après la prise en compte d'autres facteurs de risque opposés. Comme il fallait s'y attendre, le groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée comprenait plus de délinquants qui avaient des liens négatifs et non constructifs avec leurs pairs que le groupe des délinquants stables à criminalité faible. Comparativement aux jeunes qui avaient généralement un mode de fréquentation prosocial, les chances d'appartenance au groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée étaient de beaucoup accrues (environ trois à quatre fois plus) pour les jeunes probationnaires qui avaient des problèmes sur le plan des fréquentations.

Même si cela n'a pas été mesuré directement, il est logique de déduire que les délinquants chroniques à criminalité élevée ont reçu un soutien social de leurs pairs pour adopter un comportement criminel et commettre d'autres actes déviants. Comme on pouvait s'y attendre du point de vue de l'apprentissage social et d'après les principes de la théorie de l'association différentielle, l'interaction avec les pairs qui tolèrent ou même adoptent un comportement antisocial et qui agissent comme renforçateurs ou modèles de rôle accroît le risque de comportement criminel (Coie, Terry, Zakriski et Lochman [1995]; Dishion, Eddy, Haas, Li et Spracklen [1997]; Tremblay, Masse, Vitaro et Dobkin [1995]). L'importance du soutien des pairs antisociaux n'est pas seulement pertinente du point de vue théorique, mais elle a aussi été validée empiriquement à maintes reprises. En fait, de nombreuses études ont montré que le rôle des fréquentations était l'un des plus importants facteurs de risque dans l'étude de la délinquance et de la criminalité persistante, surtout lorsqu'il s'agit du comportement de jeunes (p. ex. Brendgen, Vitaro et Bukowski [1998]; Chung et coll. [2002]; Farrington et coll. [2006]; Lacourse, Nagin, Tremblay, Vitaro et Claes [2003]; Wiesner & Silbereisen [2003]).

Même si nous avons montré une association moins convaincante avec l'appartenance au groupe, nous devons aussi signaler que la toxicomanie permet aussi de distinguer les groupes de délinquants chroniques à criminalité élevée et de délinquants stables à criminalité faible. En particulier, une plus grande proportion de jeunes probationnaires qui avaient des problèmes de toxicomanie ont été considérés comme des délinquants chroniques à criminalité élevée que les délinquants qui n'avaient pas de difficulté dans ce domaine. L'effet statistiquement significatif de ce facteur de risque criminogène et domaine de besoins, toutefois, a disparu lorsqu'il a été examiné en même temps que les fréquentations. Fait surprenant, aucun des autres facteurs de risque et domaines de besoins relativement bien établis chez les jeunes n'a permis de prédire de manière significative et fiable l'appartenance aux groupes des délinquants chroniques à criminalité élevée et de délinquants stables à criminalité faible.

Comme il a été mentionné plus haut, notre groupe de délinquants chroniques à criminalité élevée comprenait un groupe présentant un risque allant de moyen à élevé selon l'EPR – version V1. Les résultats de la présente étude ont montré que, même s'ils éprouvaient des problèmes ayant trait à de nombreux aspects différents de leur vie personnelle et sociale, les relations avec les pairs avaient une influence prédominante qui a rendu les jeunes probationnaires vulnérables aux contacts récurrents et durables avec le système de justice pénale. Nous interprétons cette constatation comme si elle voulait dire que les modes de fréquentation sont si étroitement liés à d'autres domaines de la vie quotidienne des jeunes (p. ex. famille, école) et à d'autres facteurs de risque éventuel (p. ex. toxicomanie, attitude) qu'ils expliquent une bonne partie de l'influence attribuable à ces autres facteurs de risque criminogènes et domaines de besoins.

Prédiction de l'incarcération dans un établissement provincial ou fédéral

Un autre ensemble intéressant de constatations concerne le risque que les délinquants classés dans chaque groupe de trajectoire aient des démêlés avec le système de justice pénale provincial ou fédéral pour adultes. D'autres analyses ont indiqué que le risque d'être incarcéré dans une prison provinciale ou un pénitencier fédéral était beaucoup plus grand pour les délinquants chroniques à criminalité élevée que pour les délinquants stables à criminalité faible. Dans le groupe des délinquants chroniques à criminalité élevée, les probabilités d'appartenance aux groupes de délinquants non incarcérés, de délinquants incarcérés dans un établissement provincial et de délinquants incarcérés dans un établissement fédéral étaient d'environ 10 %, 40 % et 50 % respectivement. Des résultats presque opposés ont été constatés pour le groupe de délinquants stables à criminalité faible, qui comprenait environ 40 % de délinquants non incarcérés, 50 % de délinquants incarcérés dans un établissement provincial et 10 % de délinquants incarcérés dans un établissement fédéral. De toute évidence, beaucoup plus de jeunes probationnaires du groupe des délinquants chroniques à criminalité élevée risquaient d'avoir des démêlés avec le système de justice provincial ou fédéral pendant leur vie. Par conséquent, les deux groupes de trajectoire criminelle dans notre étude avaient une valeur pratique pour la prédiction des résultats criminels à long terme.

Répercussions stratégiques et pratiques

Nous voulons insister sur le fait que les peines d'incarcération ont été prises en considération dans le calcul de l'intervalle d'exposition au risque dans la collectivité. Par conséquent, la « lucarne des occasions » de comportement criminel a été considérablement réduite pour bon nombre des délinquants chroniques à criminalité élevée, surtout pendant les phases ultérieures de leur vie. Cependant ces ajustements ne semblent pas avoir eu une incidence sur leur comportement criminel dans la collectivité, car ils ont néanmoins continué de s'adonner à des activités criminelles fréquentes et(ou) graves au fil des ans. Ces résultats correspondent à la littérature sur la réadaptation des délinquants, selon laquelle les sanctions et les punitions n'ont pas pour effet de réduire la récidive (voir Andrews et Bonta [2006]). Afin de susciter un changement positif chez les délinquants, il faut leur offrir des services, en particulier dans le cas des délinquants persistants à risque élevé.   

Jusqu'à tout récemment, les théoriciens et les chercheurs qui voulaient comprendre la renonciation à la criminalité ont centré leurs recherches sur les processus sociaux par lesquels les délinquants cessent de participer à des activités criminelles par eux-mêmes, sans l'aide délibérée du système de justice pénale (McNeill, Batchelor, Burnett et Knox [2005; Sampson et Laub [2003]). Nous convenons que cela peut donner de bons résultats pour la plupart des délinquants. Dans notre étude, il est raisonnable de croire que beaucoup de délinquants stables à criminalité faible ont cessé naturellement de commettre des infractions en vieillissant. La question de savoir si la baisse de criminalité attribuable à l'âge observée pour la plus grande partie de notre échantillon reflète simplement un changement dans l'attachement d'un individu à diverses institutions sociales, un changement de possibilités ou un changement psychologique profondément ancré (c.-à-d. croissance et maturité) qui se rapporte à la notion de mimétisme social de Moffit [1993] déborde le cadre de la présente étude. Or, selon une assertion probable, ces délinquants réagissent simplement aux niveaux de changement des contrôles sociaux (p. ex. mariage, emploi, éducation des enfants) en passant à l'âge adulte (Sampson et Laub [1993, 2003]; Sampson, Laub et Wimer [2006]). 

Un élément peut-être plus important pour la présente étude, c'est la constatation selon laquelle la renonciation à la criminalité n'était pas, comme l'ont prétendu Laub et Sampson [2003], également inévitable pour tous les délinquants. Cela est conforme à plusieurs autres études (p. ex. Blockland et coll. [2005]; Schaffer, Petras, Ialongo, Poduska et Kellam [2003]). En réalité, il semble y avoir une petite partie des délinquants qui commettent un pourcentage disproportionné des actes criminels, et les types d'infractions les plus graves, et qui doivent faire l'objet d'interventions délibérées pour finir par renoncer à la criminalité. Ce sont ces délinquants auxquels il faut consacrer les ressources et les efforts.

Il existe un grand nombre d'études qui ont porté sur les caractéristiques des programmes et des services qui peuvent réduire la probabilité que les jeunes continuent de vivre de la criminalité (Leschied et coll. [2006]). En un mot, les principales causes de variation des résultats des interventions délibérées auprès des délinquants ont trait au principe du risque (c.-à-d. réserver les services intensifs aux délinquants à risque élevé), au principe des besoins (c.-à-d. viser les besoins issus des facteurs criminogènes) et au principe de la réceptivité (c.-à-d. recourir à des stratégies d'intervention cognitivo-comportementales qui tiennent compte du mode et des capacités d'apprentissage du délinquant) (Andrews et Bonta [2006]; Bonta et Andrews [2007]). Sans donner trop de détails, nous pouvons ajouter qu'il y a d'autres caractéristiques des programmes correctionnels efficaces, à savoir une base théorique solide, la défense des intérêts et la médiation, le respect des relations (c.-à-d. la qualité de l'influence interpersonnelle favorisant ou non l'apprentissage) et des principes de la contingence (c.-à-d. direction de l'influence interpersonnelle favorisant ou non le crime), la prestation des services dans la collectivité ou des cadres non résidentiels et l'intégrité du traitement. L'intégrité du traitement concerne les structures de gestion (p. ex. ressources suffisantes) et les pratiques (p. ex. formation adéquate) qui sont nécessaires pour l'exécution efficace des programmes (Bonta et Andrews [2007]).

Étant donné l'état actuel des connaissances, il importe que les organismes utilisent les renseignements disponibles pour concevoir des programmes qui respectent les principes de la réadaptation efficace des délinquants et qu'ils les mettent en œuvre au cours de périodes de développement appropriées dans la vie d'un individu. Les constatations observées dans la présente étude font ressortir l'importance pour les adolescents d'établir et d'entretenir des relations sociales positives avec des pairs prosociaux. À un moindre degré, les résultats indiquent aussi la nécessité pour les parents et les autres adultes qui exercent une influence dans la vie d'un adolescent de surveiller et de restreindre leur consommation de drogues et d'alcool. Dans le cadre des programmes de prévention et d'intervention, il faut donc envisager de cibler et de changer l'influence négative des pairs et la consommation de substances intoxicantes, car ils font courir aux adolescents le risque d'embrasser une carrière criminelle. Selon toute probabilité, les programmes et les services qui réussissent à réduire ces facteurs de risque criminogènes et ces domaines de besoins auront vraisemblablement une influence sur d'autres facteurs dynamiques généralement liés au comportement criminel et, comme l'a fait remarquer Farrington (sous presse), ils produiront des avantages étendus en réduisant le nombre d'autres types de problèmes sociaux.

Pour permettre l'affectation efficace des ressources et la réduction des conséquences négatives associées aux crimes graves et persistants, il est donc important d'offrir des programmes et des services aux délinquants qui, pendant leur adolescence, fréquentent des pairs déviants et éprouvent des problèmes de consommation d'alcool et(ou) de drogues. Selon les constatations actuelles, les décideurs et les spécialistes doivent concentrer leurs stratégies d'intervention sur les délinquants qui, pendant un certain nombre de mois après leurs premiers démêlés avec le système de justice pénale, ont un comportement qui révèle des activités déviantes ou criminelles fréquentes et(ou) de plus en plus graves. Il devient ainsi possible de repérer les jeunes délinquants avant qu'ils ne deviennent des délinquants chroniques et de gérer leur comportement d'une manière efficace et au moment opportun de façon à réduire la probabilité qu'ils aient des démêlés avec les systèmes de justice provincial et fédéral.

Limites et orientations de la recherche future

Selon les constatations actuelles, il est clair qu'il faut mettre en œuvre les stratégies d'intervention pendant les premières étapes de la carrière criminelle d'un délinquant. À cet égard, il importe de mentionner que la présente étude portait sur les trajectoires criminelles et les facteurs de risque associés des jeunes traduits en justice au début et au milieu de l'adolescence. Les résultats auraient pu avoir fait ressortir la nécessité d'intervenir plus rapidement si nous avions recueilli des données concernant un échantillon normatif pendant les périodes de développement qui couvrent l'enfance.

Au moyen des données du Seattle Social Development Project, Chung et ses coll. [2002] ont montré qu'un certain nombre de concepts du développement social, comme les pairs antisociaux, la création de relations à l'école et la disponibilité des drogues, mesurés à la fin de l'enfance (de 10 à 12 ans) influençaient le cheminement criminel de l'adolescence au début de l'âge adulte. Dans une étude récente, Côté, Vaillancourt, LeBlanc, Nagin et Tremblay [2006] ont aussi constaté que les facteurs de risque familiaux associés traditionnellement au comportement antisocial pendant l'adolescence (p. ex. stratégies hostiles ou inefficaces des parents, faible revenu) permettaient aussi de prédire le recours fréquent et régulier à l'agression physique au début et au milieu de l'enfance. Ces derniers résultats sont dignes de mention, car l'agression physique entre l'âge de 6 et 12 ans laissait présager la violence physique à 17 ans (Kokko, Tremblay, Lacourse, Nagin et Vitaro [2006]).

Dans le même ordre d'idées, on a besoin d'études longitudinales supplémentaires sur un grand nombre de délinquants pendant des périodes de suivi qui vont jusqu'à la fin de l'âge adulte. Non seulement cela garantirait-il davantage que nous avons repéré des renonciateurs authentiques, mais cela permettrait aussi aux chercheurs d'examiner différentes phases du processus de renonciation. Comme l'ont mentionné Loeber et Stouthamer-Loeber [1998], on ne peut pas supposer que les causes de la renonciation à la criminalité sont les mêmes pour différentes périodes de développement. Pour une meilleure affectation des ressources en matière de prévention et de réadaptation, il est donc justifié de réaliser des études longitudinales qui recueillent des données sur de longues périodes.
Il serait aussi avantageux pour la littérature actuelle d'élargir d'autres façons la portée de ces recherches. L'une des lacunes les plus importantes concerne le choix ou la disponibilité des facteurs de risque, qui se limitait à l'utilisation de variables fixes dans le temps. Toutefois, les techniques de modélisation de la courbe de croissance contemporaines offrent la possibilité d'examiner les relations entre des trajectoires criminelles distinctes et des prédicteurs qui varient avec le temps (c.-à-d. les variables dynamiques dont les scores réels pour certains individus fluctuent d'une période d'évaluation à l'autre). Ces modèles de courbe de croissance sont complexes et, à notre connaissance, aucune étude n'a été publiée sur les trajectoires criminelles utilisant des variables prédictives variant avec le temps. L'ouvrage qui se rapproche le plus de cette stratégie méthodologique et analytique de pointe a été rédigé par Wiesner et Silbereisen [2003], qui ont examiné les associations entre les trajectoires de jeunes délinquants et les facteurs de risque à moyenne temporelleNote 1.

À cet égard, nous devons signaler que des données récentes indiquent que les problèmes psychologiques chez les jeunes qui ont des démêlés avec la justice restent relativement stables dans le temps (Wareham et Dembo [2007]), et que les chercheurs peuvent prédire la criminalité et estimer la longueur de la carrière criminelle à partir des variables disponibles après la première condamnation par le tribunal (Francis, Soothill et Piquero [2007]). Nous soutiendrions néanmoins que l'inclusion de prédicteurs qui varient avec le temps pourrait aider les chercheurs à établir que des changements dans certaines variables sont associées à la criminalité (ou à la renonciation à la criminalité) pendant diverses étapes du développement dans la vie. De plus, elle pourrait permettre un examen plus précis et plus approfondi des relations de cause à effet et des interactions entre la personne et la situation.

De plus, en ce qui concerne le choix des variables prédictives, nous voulons noter que nous avons évalué exclusivement les facteurs qui reflétaient la personne et son environnement social et que nous n'avons pas tenu compte des indicateurs sociaux-cognitifs importants comme les objectifs et les motifs d'un individu. L'examen des relations entre les processus psychologiques sous-jacents et le comportement criminel révélerait une image plus représentative et globale du phénomène à l'étude. Par exemple, il pourrait être utile d'expliquer pourquoi les délinquants chroniques sont plus violents ou pourquoi les renonciateurs précoces (délinquants qui affichent un faible taux de criminalité) cessent de commettre des crimes.

Pallier aux lacunes susmentionnées suppose que nous pourrions examiner un certain nombre de thèmes centraux du programme de recherche de Moffitt [2003]. Par exemple, nous serions mieux à même de combler l'écart critique pendant les périodes de la petite enfance concernant les corrélats neurodéveloppementaux de la criminalité chronique. Nous serions aussi en terrain assez solide pour examiner de façon plus approfondie l'effet du comportement criminel grave et chronique sur d'autres modes de comportement généralement négatifs. Certains domaines dignes d'examen ont déjà été proposés, à savoir l'emploi et la réussite scolaire, la santé physique et mentale générale, le mauvais usage des substances intoxicantes ainsi que les relations familiales, matrimoniales et sociales (p. ex. Aalsma et Lapsley [2001]; Moffitt et coll. [2002]; Piquero et White [2003]).

Une autre limite méthodologique de l'étude actuelle concerne l'attrition. La perte de sujets était un problème à cause des raisons décrites plus haut (p. ex. expurgation des dossiers criminels) et dans la mesure où nous n'avons pas recueilli précisément des données sur la situation actuelle (p. ex. décès, émigration). Même si les analyses des effets de sélection n'ont pas indiqué que les constatations étaient très biaisées en raison de la perte de sujets, elles ont néanmoins donné à penser que le groupe de délinquants qui ont été exclus de l'étude comprenait probablement un grand nombre de délinquants qui avaient renoncé au crime plutôt que de persister dans la criminalité.

Enfin, nous tenons à rappeler au lecteur que l'échantillon de notre étude était assez considérable et ne se limitait pas aux délinquants de sexe masculin. Toutefois, il faut poursuivre les recherches au moyen de données complètes et exactes sur un plus grand nombre de délinquants chroniques à risque élevé et (ou) de délinquantes. Cela faciliterait un examen plus systématique de deux domaines d'études essentiels qui ont été négligés dans les études antérieures, soit l'étude des effets de l'interaction (c.-à-d. les influences combinées de divers facteurs de risque) et(ou) les différences de genre concernant des trajectoires criminelles distinctes. De même, il faut reprendre l'étude actuelle avec un autre échantillon de délinquants canadiens qui, idéalement, proviendraient de divers territoires ou provinces.

Compte tenu des limites susmentionnées, nous croyons que notre étude a contribué à la littérature actuelle en criminologie développementale de plusieurs façons importantes. Ce qui est peut-être plus digne de mention, c'est que nous avons utilisé pleinement les données longitudinales en employant une stratégie d'analyse de pointe. Cette stratégie nous a permis de saisir les tendances complexes de la stabilité et du changement dans le comportement criminel d'une période de développement à une autre. Nous espérons maintenant que les constatations actuelles offriront certaines orientations précieuses aux décideurs et aux autorités de la justice pénale et qu'elles finiront par déboucher sur une pratique plus efficace.

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Annexe A

Répartition selon le risque et les besoins des groupes de délinquants d'après l'IGC et l'IRC (N = 514)
  Groupe de délinquants
Variable de résultat Indice de gravité du crime Indice de la récidive canadien
Prédicteur juvénile n (%)
Délinquants chroniques à criminalité élevée
(N = 69)
n (%)
Délinquants stables à criminalité faible
 (N = 445)
n (%)
Délinquants chroniques à criminalité élevée
(N = 54)
n (%)
Délinquants
stables à criminalité
faible
 (N = 460)
Fréquentations        
     Aucun problème 7 (10,1) 121 (27,2) 5 (9,3) 123 (26,7)
     Certains problèmes 47 (68,1) 266 (59,8) 40 (74,1) 273 (59,3)
     Problèmes graves 15 (21,7) 58 (13,0) 9 (16,6) 64 (13,9)
Famille        
     Aucun problème 17 (24,6) 145 (32,6) 15 (27,8) 147 (32,0)
     Certains problèmes 32 (46,4) 192 (43,1) 25 (46,3) 199 (43,3)
     Problèmes graves 20 (29,0) 108 (24,3) 14 (25,9) 114 (24,8)
Niveau d'instruction        
     Niveau prévu 15 (21,7) 148 (33,3) 16 (29,6) 147 (32,0)
     1 an sous la norme 23 (33,3) 137 (30,8) 16 (29,6) 144 (31,3)
     ≥  2 ans sous la norme 31 (44,9) 160 (36,0) 22 (40,7) 169 (36,7)
Logement        
     Aucun problème 33 (47,8) 225 (50,6) 25 (46,3) 233 (50,7)
     Certains problèmes 12 (17,4) 112 (25,2) 10 (18,5) 114 (24,8)
     Problèmes graves 24 (34,8) 108 (24,3) 19 (35,2) 113 (24,6)
Attitude        
     Aucun problème 31 (44,9) 237 (53,3) 28 (51,9) 240 (52,2)
     Certains problèmes 29 (42,0) 148 (33,3) 18 (33,3) 159 (34,6)
     Problèmes graves 9 (13,0) 60 (13,5) 8 (14,8) 61 (13,3)
Toxicomanie        
     Aucun problème 28 (40,6) 267 (60,0) 23 (42,6) 272 (59,1)
     Certains problèmes 33 (47,8) 151 (33,9) 24 (44,4) 160 (34,8)
     Problèmes graves 8 (11,6) 27 (6,1) 7 (13,0) 28 (6,1)
Gestion financière        
     Aucun problème 31 (44,9) 201 (45,2) 22 (40,7) 210 (45,7)
     Certains problèmes 26 (37,7) 164 (36,9) 22 (40,7) 168 (36,5)
     Problèmes graves 12 (17,4) 80 (18,0) 10 (18,5) 82 (17,8)
Antécédents criminels        
     Faible risque 27 (39,1) 179 (40,2) 16 (29,6) 190 (41,3)
     Risque moyen 31 (44,9) 206 (46,3) 27 (50,0) 210 (45,7)
     Risque élevé 11 (15,9) 60 (13,5) 11 (20,4) 60 (13,1)
EPR- V1        
     Faible risque 7 (10,1) 95 (21,3) 8 (14,8) 94 (20,4)
     Risque moyen 26 (37,7) 253 (56,9) 25 (46,3) 254 (55,2)
     Risque élevé 36 (52,2) 97 (21,8) 21 (38,9) 112 (24,3)

Annexe B

Répartition du risque et des besoins des délinquants selon le résultat distal représentant les incarcérations (N =514)
  Groupe de délinquants
Prédicteur juvénile n (%)
Non-incarcération
(N = 185)
n (%)
Établissement
provincial
 (N = 264)
n (%)
Établissement
fédéral
(N = 65)
Fréquentations      
Aucun problème 65 (35,1) 52 (19,7) 11 (16,9)
Certains problèmes 104 (56,2) 171 (64,8) 38 (58,5)
Problèmes graves 16 (8,6) 41 (15,5) 16 (24,6)
Famille      
Aucun problème 75 (40,5) 72 (27,3) 15 (23,1)
Certains problèmes 73 (39,5) 119 (45,1) 32 (49,2)
Problèmes graves 37 (20,0) 73 (27,7) 18 (27,7)
Niveau d'instruction      
     Niveau prévu 68 (36,8) 73 (27,7) 22 (33,8)
     1 an sous la norme 56 (30,3) 83 (31,4) 21 (32,3)
     ≥  2 ans sous la norme 61 (33,0) 108 (40,9) 22 (33,8)
Logement      
Aucun problème 112 (60,5) 122 (46,2) 24 (36,9)
Certains problèmes 34 (18,4) 74 (28,0) 16 (24,6)
Problèmes graves 39 (21,1) 68 (25,8) 25 (38,5)
Attitude      
Aucun problème 113 (61,1) 127 (48,1) 28 (43,1)
Certains problèmes 54 (29,2) 101 (38,3) 22 (33,8)
Problèmes graves 18 (9,7) 36 (13,6) 15 (23,1)
Toxicomanie      
Aucun problème 126 (68,1) 138 (52,3) 31 (47,7)
Certains problèmes 51 (27,6) 105 (39,8) 28 (43,1)
Problèmes graves 8 (4,3) 21 (8,0) 6 (9,2)
Gestion financière      
Aucun problème 100 (54,1) 105 (39,8) 27 (41,5)
Certains problèmes 60 (32,4) 108 (40,9) 22 (33,8)
Problèmes graves 25 (13,5) 51 (19,3) 16 (24,6)
Antécédents criminels      
Faible risque 92 (49,7) 96 (36,4) 18 (27,7)
Risque moyen 83 (44,9) 124 (47,0) 30 (46,2)
Risque élevé 10 (5,4) 44 (16,7) 17 (26,4)
EPR – V1      
Faible risque 57 (30,8) 36 (13,6) 9 (13,8)
Risque moyen 107 (57,8) 149 (56,4) 23 (35,4)
Risque élevé 21 (11,4) 79 (29,9) 33 (50,8)
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