Tribunaux de traitement de la toxicomanie : Analyse quantitative de la qualité des études et du traitement 2009-04

Tribunaux de traitement de la toxicomanie : Analyse quantitative de la qualité des études et du traitement 2009-04 Version PDF (301 Ko)

Leticia Gutierrez & Guy Bourgon

Résumé
L'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie a été remise en question sur la base de deux grands facteurs, soit la qualité des études et la qualité du traitement. Ces deux facteurs font l'objet de la présente étude. La question de la qualité des études est examinée suivant les lignes directrices du Comité de collaboration sur les données collectives relatives aux résultats (CCDCR), et la qualité du traitement est évaluée sous l'angle du respect des principes du risque, du besoin et de la réceptivité (principe RBR). Suivant les lignes directrices du CCDCR, une des quatre cotes suivantes a été attribuée à chacune des études d'après la qualité de la méthodologie sous-jacente : « rejetée », « faible », « bonne » ou « déterminante ». Les lignes directrices du CCDCR ont servi aux méta-analyses s'intéressant aux résultats de traitement des délinquants sexuels (Hanson, Bourgon, Helmus et Hodgson, 2009) et aux résultats des programmes de surveillance dans la collectivité (Simpson, 2008). Des études antérieures confirment que le respect des principes RBR influe sur l'efficacité des traitements administrés aux délinquants, et ce, pour une variété de populations de délinquants et un large spectre de besoins criminogènes (p. ex. toxicomanie, délinquance sexuelle). Au total, 96 études ont été évaluées sous l'angle de la qualité de la méthodologie et de la qualité du traitement. Les résultats révèlent que la qualité des études laisse à désirer et qu'une grande partie des différences notées entre les études est explicable par ce constat. En outre, les analyses donnent à penser que, malgré le faible degré de respect des principes RBR observé, plus un traitement repose sur ces principes, plus il est associé à une diminution des taux de récidive. D'après une analyse ne tenant compte que des études jugées acceptables, l'estimation la moins biaisée de l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie – du point de vue de l'effet positif sur les taux de récidive – est établie à plus ou moins 8 %. Une analyse des lacunes et des avenues de recherche à explorer clôt le rapport.

Note de l'auteur
Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne traduisent pas nécessairement celles de Sécurité publique Canada. Prière de faire parvenir toute correspondance au sujet de cet article à Leticia Gutierrez, Recherche correctionnelle, Sécurité publique Canada, 340, av. Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) Canada K1A 0P8. Courriel : Leticia.Gutierrez@ps-sp.gc.ca.

Remerciements
Les auteurs remercient Karl Hanson, qui a contribué à l'élaboration des analyses et méthodes statistiques aux fins de la présente étude, et Leslie Helmus, qui a donné de la formation à l'égard des lignes directrices du CCDCR et qui a fait le codage des études aux fins de la vérification de l'objectivité des évaluateurs. Les auteurs tiennent également à remercier Shannon Hodgson, Jan Roehl et David Wilson, qui ont fourni des renseignements (p. ex. évaluations des tribunaux, rapports non publiés) utiles à la réalisation de l'étude. Enfin, les auteurs remercient Tanya Rugge et Jim Bonta pour leurs commentaires et leurs suggestions.

Introduction

Le premier tribunal de traitement de la toxicomanie a été institué à Miami en 1989 en réaction aux taux croissants d'infractions liées à la drogue aux États-Unis. À cette époque, la consommation de crack était répandue, et les tribunaux infligeaient des peines d'emprisonnement plus longues et plus nombreuses aux délinquants toxicomanes.
Résultat : le surpeuplement des prisons a pris une ampleur préoccupante. Dans le but de désengorger les prisons, des tribunaux de traitement de la toxicomanie ont été créés pour offrir aux délinquants admissibles une solution de rechange à l'incarcération, soit un traitement structuré soumis à une surveillance judiciaire et se déroulant dans la collectivité. On croyait que ces tribunaux, et le programme connexe de traitement de la toxicomanie, aideraient les délinquants à s'affranchir de leur dépendance et, par ricochet, qu'ils auraient un effet à la baisse sur les taux de récidive. Depuis l'établissement du premier tribunal de traitement de la toxicomanie, ces tribunaux sont devenus une solution de rechange populaire à l'incarcération chez les délinquants toxicomanes non violents. De nos jours, on dénombre plus de 1 700 tribunaux de traitement de la toxicomanie aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Australie, et d'autres sont en cours de planification (Weekes, Mugford, Bourgon et Price, 2007).

Compte tenu de la popularité des tribunaux de traitement de la toxicomanie, un certain nombre de chercheurs ont voulu déterminer si ces tribunaux avaient bel et bien pour effet de réduire les taux de récidive. Jusqu'à maintenant, trois méta-analyses ont été réalisées, et toutes concluent à une diminution des taux de récidive. Lowenkamp, Holsinger et Latessa (2005) ont effectué la première méta-analyse des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Les résultats de leur analyse, fondée sur des valeurs d'effet pondérées découlant de 22 études, ont révélé que les tribunaux de traitement de la toxicomanie engendraient une diminution des taux de récidive de l'ordre de 7,5 %. La deuxième méta-analyse, produite par Latimer, Morton-Bourgon et Chrétien (2006), porte sur 54 études et fait état d'une réduction globale de la récidive de 12,5 %. Enfin, Wilson, Mitchell et Mackenzie (2006) concluent, dans la troisième méta-analyse regroupant 50 études, que la diminution du taux de récidive est de 12,3 %.

En dépit des résultats positifs qui ressortent de ces trois méta-analyses quant à l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie, les spécialistes ne s'entendent pas sur la fiabilité de ces conclusions en raison de deux facteurs potentiellement modérateurs : la qualité des études et la qualité du traitement.

Qualité des études
Les trois méta-analyses examinées font toutes état de nombreux problèmes en ce qui a trait à la méthode d'évaluation des résultats des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Dans les méta‑analyses, tout comme dans les études prises individuellement, la qualité de la méthodologie peut jouer un rôle important dans l'interprétation des résultats (Cook et Campbell, 1979; Farrington, 2002). De fait, les estimations peuvent être faussées par l'inclusion d'études biaisées dans une méta-analyse portant sur la capacité des programmes, comme les tribunaux de traitement de la toxicomanie, à engendrer une diminution des taux de récidive.

Toute une variété de facteurs peuvent introduire un biais dans une étude. Les études à répartition aléatoire sont considérées comme ce qui se fait de mieux; les autres types d'études sont jugés inférieurs à divers degrés (Farrington, 1983; Sherman, Gottfredson, MacKenzie, Eck, Reuter et Bushway, 1997). Bien que le nombre d'études randomisées dans le domaine de la criminologie ait augmenté ces dernières années, ce type d'étude présente des contraintes d'ordre éthique, juridique et pratique qui rendent son utilisation complexe (Farrington & Welch, 2005; Sherman et coll., 1997). Par conséquent, les modèles quasi expérimentaux, quoique de moins grande qualité, sont les plus employés dans la recherche en matière de justice pénale. La randomisation peut neutraliser les effets des facteurs de confusion connus et inconnus (Farrington, 2002). Les modèles à répartition aléatoire offrent une plus grande certitude qu'un quelconque effet est vraisemblablement attribuable à une manipulation (p. ex. traitement) plutôt qu'à des différences préexistantes entre les deux groupes. Dans les modèles non randomisés, les chercheurs doivent s'employer à réduire au maximum toutes sources de biais potentielles entre les groupes qui pourraient fausser les résultats, particulièrement dans le cas des études quasi expérimentales où le traitement est souvent déterminé par la situation (p. ex. type d'arrestation) ou par les caractéristiques du délinquant (p. ex. motivation, niveau de risque).

En plus des différences préexistantes entre les groupes, il importe de considérer les différences potentielles pouvant émaner des mesures. À titre d'exemple, il peut y avoir introduction d'un biais lorsque la fiabilité et la validité des mesures de résultats diffèrent entre les groupes (p. ex. durée des périodes étudiées dans une étude sur la récidive). D'autres facteurs, comme les taux d'attrition différentielle (p. ex. les abandons) et les procédures de répartition non aléatoire peuvent également alourdir le biais (Cook & Campbell, 1979; Farrington, 2003).

La fiabilité des résultats d'une étude peut également être influencée par des facteurs de validité descriptive (Farrington, 2003). La validité descriptive correspond aux caractéristiques quantitatives et qualitatives de la description des différents éléments de l'étude qui contribuent à une valeur de l'effet. Parmi les indicateurs de validité descriptive, notons la taille de l'échantillon, la description de l'intervention et la qualité des variables de contrôle employées pour déterminer les effets d'une intervention (p. ex. mesures des risques). Ces facteurs ont une influence notable sur le degré de confiance que l'on peut accorder aux résultats d'une étude. Les facteurs de validité descriptive remettent les résultats en contexte, facilitent la reproduction de l'étude et améliorent la validité des analyses (Farrington, 2002; 2003).

En raison de la structure des tribunaux de traitement de la toxicomanie, certaines difficultés méthodologiques sont fréquemment observées. En premier lieu, le caractère inadéquat des groupes témoins pose problème compte tenu de la nature volontaire du recours aux tribunaux de traitement de la toxicomanie, c.-à-d. que les délinquants choisissent eux-mêmes de participer ou non au programme. En deuxième lieu, les taux d'attrition dans les programmes de traitement de la toxicomanie sont élevés. Le biais s'amplifie à mesure que le taux d'attrition au sein du groupe soumis à un traitement augmente puisque l'attrition est souvent faible, voire nulle, dans le groupe témoin. Bien que l'attrition soit une difficulté rencontrée dans la plupart des études, le phénomène complique particulièrement les évaluations des tribunaux de traitement de la toxicomanie en raison des taux d'abandon élevés qui leur sont associés (Cissner et Rempel, 2005; Weekes et coll., 2007). Cissner et Rempel (2005) estiment que le taux d'attrition moyen correspond à 40 % pour ce type de tribunal. D'après les études soumises à leur méta‑analyse, Latimer et coll. (2005) estiment que le taux d'attrition moyen est de l'ordre de 45,2 %, les taux variant entre 9 % et 84,4 %. Enfin, les mesures de résultats biaisées constituent une source de problèmes dans le contexte des tribunaux de traitement de la toxicomanie puisque ce modèle est fondamentalement différent du cadre traditionnel de justice pénale et qu'il peut donner lieu à des différences systématiques entre les deux groupes. À titre d'exemple, la déclaration de culpabilité et la détermination de la peine sont repoussées jusqu'à ce que le participant ait achevé le programme. Il peut en résulter des différences au sein même des groupes lorsque les dates de détermination de la peine sont utilisées pour cerner les récidives. Le tribunal de traitement de la toxicomanie gère à l'interne les cas de mauvaise conduite en imposant différentes sanctions, et la non‑conformité est souvent examinée sous l'angle du comportement et des progrès dans le cadre du traitement plutôt que du point de vue de la criminalité. Cette situation peut donc donner lieu à un biais systématique dans les résultats, en faveur du groupe soumis à un traitement de la toxicomanie plutôt que du groupe témoin.

Étant donné que la qualité de l'étude est un élément important à considérer dans l'interprétation des résultats, particulièrement en contexte de méta-analyse, il n'est pas surprenant qu'un certain nombre d'outils visant à évaluer la qualité des études aient été élaborés aux fins de l'évaluation des résultats. Bien qu'ils soient plus fréquemment utilisés dans le domaine médical (p. ex. Deeks et coll., 2003; Jüni, Witschi, Bloch et Matthias, 1999), ces outils d'évaluation de la qualité ont récemment été mis à profit dans le cadre d'examens des interventions en matière de justice pénale (Sherman et coll., 1997; Hanson et Bourgon, 2008). La présente analyse repose sur les lignes directrices du Comité de collaboration sur les données collectives relatives aux résultats(CCDCR, 2007a, 2007b), lesquelles ont été élaborées aux fins des études portant sur l'efficacité des traitements de la délinquance sexuelle. Les lignes directrices du CCDCR ont été rédigées par un groupe de chercheurs dans le but d'évaluer la qualité des études portant sur les résultats de traitement et ainsi distinguer les analyses biaisées des analyses qui le sont moins.

Les recherches ont révélé que la qualité des études traitant des résultats de traitement joue un rôle crucial dans l'estimation de l'efficacité des programmes d'intervention (Cook et Campbell, 1979; Farrington, 2002). Les études qui limitent le degré de biais inhérent à leur structure offrent les résultats les plus fiables. Les études portant sur les tribunaux de traitement de la toxicomanie en particulier soulèvent de nombreuses difficultés quant à la fiabilité de la méthodologie sous-jacente. En fait, les problèmes liés à la qualité des études pourraient jouer un rôle dans les mesures d'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie établies jusqu'à maintenant.

Qualité du traitement
Le deuxième facteur qui peut influer sur les résultats des méta-analyses réalisées jusqu'à maintenant est la qualité variable du traitement d'un tribunal de traitement de la toxicomanie à un autre. Les définitions d'un traitement correctionnel efficace et les opinions à cet égard ont évolué depuis la vague d'études qui, dans les années 1970, concluaient que « rien ne fonctionne » (Martinson, 1974). On a alors assisté à la naissance d'un mouvement axé sur l'adoption de pratiques de traitement fondées sur des données probantes et cohérentes sur le plan théorique. Les interventions qui reposent sur les principes du risque, du besoin et de la réceptivité (RBR) se sont révélées les plus efficaces pour de nombreux types de délinquants (p. ex. délinquants violents, délinquants sexuels, toxicomanes, etc.; Andrews, Bonta et Hoge, 1990; Andrews et Bonta, 2006). Les tribunaux de traitement de la toxicomanie s'appuient sur une gamme de programmes de traitement offerts dans la collectivité et indépendants du système judiciaire. Cette structure complique les processus d'assurance de la qualité et de communication entre les tribunaux et les responsables des programmes de traitement. En outre, bon nombre des programmes offerts dans la collectivité ne ciblent pas spécifiquement les délinquants, mais plutôt les toxicomanes en général. Ainsi, la qualité des programmes de traitement diffère eu égard à leur respect des principes d'un programme correctionnel efficace (risque, besoin et réceptivité).

La théorie du comportement criminel reposant sur les principes du risque, du besoin et de la réceptivité a été d'une importance cruciale dans l'élaboration de programmes correctionnels efficaces. Selon cette théorie, le niveau de risque du délinquant ainsi que ses caractéristiques criminogènes et personnelles doivent dicter le type et le niveau de traitement à administrer. Il a été établi que le respect des principes RBR entraîne une diminution marquée des taux de récidive (Andrews, Bonta et Hoge, 1990; Andrews et Bonta, 2006).

Principe du risque. Le premier volet de la théorie RBR est le principe du risque, lequel dit qu'on peut prévoir le niveau de risque d'un délinquant et que la fréquence et l'intensité de l'intervention correctionnelle doivent être fonction du niveau de risque. Autrement dit, un délinquant à risque élevé devrait se voir administrer un traitement plus intense et sur une base plus fréquente, étant donné que les probabilités de résultats négatifs sont plus élevées pour lui que pour un délinquant à faible risque. À l'opposé, les délinquants à faible risque devraient être aiguillés vers un traitement peu intense ou encore ne subir aucun traitement (Andrews et Bonta, 2006).

Principe du besoin. Le deuxième volet de la théorie RBR porte sur l'importance de cibler les besoins criminogènes du délinquant (facteurs de risque dynamiques) plutôt que les besoins non criminogènes (facteurs faiblement corrélés à la récidive) afin de réduire les taux de récidive (Andrews et coll., 1990; Andrews et Bonta, 2006). Les besoins criminogènes sont des facteurs qui, lorsqu'ils sont améliorés ou enrayés, peuvent vraisemblablement avoir un effet positif sur les taux de récidive. On dénombre sept catégories de besoins criminogènes (p. ex. attitudes antisociales, emploi et scolarité, etc.) qui font partie des « huit facteurs centraux » du comportement criminel (les antécédents criminels complètent la liste, mais il s'agit d'un facteur de risque statique).

Principe de la réceptivité. Le dernier principe de la théorie RBR traite de la réceptivité générale et de la réceptivité spécifique, et il pourrait très bien être rebaptisé « principe des interventions adaptées » (Wormith, Althouse, Simpson, Reitzel, Fagan et Morgan, 2007). La réceptivité consiste en l'adaptation de l'intervention au style d'apprentissage et aux aptitudes du délinquant (Andrews et coll., 1990; Andrews et Bonta, 2006). Selon le principe de la réceptivité générale, les approches cognitivo-comportementales sont les plus efficaces. La réceptivité spécifique correspond à l'adaptation du traitement à la personnalité, au sexe, à l'origine ethnique, à la motivation, à l'âge, à la langue et aux caractéristiques interpersonnelles du délinquant (Bonta, 1995). D'après les études, la prise en considération de ces facteurs dans la détermination des paramètres de l'intervention favorise la réussite du traitement et la diminution des taux de récidive (Andrews et Bonta, 2006).

Les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont recours à divers types de programmes de traitement et font appel à de nombreux fournisseurs pour la prestation de services variés (p. ex. Alcooliques Anonymes, acupuncture, pratiques parentales positives, etc.). Il faut donc veiller à ce que les services soient administrés de manière appropriée et à ce que l'intervention soit adaptée au niveau de risque et aux besoins du délinquant. Compte tenu des recherches à ce jour, le fait d'évaluer la mesure dans laquelle les programmes respectent les principes RBR pourrait clarifier les estimations méta-analytiques de l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie au regard de la réduction des taux de récidive.

Objet
Les méta-analyses réalisées jusqu'à maintenant dans le but d'évaluer l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie ont fait état de résultats positifs. Toutefois, les opinions mitigées quant à l'influence des lacunes méthodologiques et à l'efficacité variable du traitement ont amené les chercheurs à douter de la validité des résultats. L'objectif de la présente étude est de reproduire les méta-analyses existantes afin de cerner les forces et les lacunes méthodologiques des évaluations et d'évaluer l'influence de la qualité des études sur les estimations de l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie. En outre, nous examinerons le rôle de la qualité du traitement (respect des principes RBR) et son influence sur les estimations méta-analytiques de l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Enfin, nous produirons l'estimation la moins biaisée possible de l'efficacité de ces tribunaux en prenant appui uniquement sur les études dont le biais est minimal, à la lumière de la cote attribuée suivant les lignes directrices du CCDCR.

Méthode

Échantillon
Puisqu'un des principaux objectifs de la présente étude est de reproduire les méta-analyses existantes et d'examiner les effets de la qualité des études et de la qualité du traitement, seules les études qui ont fait l'objet des trois méta-analyses (Latimer et coll., 2006; Lowenkamp et coll., 2006; Wilson et coll., 2006) ont été prises en considération. Les études proviennent de la bibliothèque de Sécurité publique Canada, d'Internet (p. ex. sites Web d'instituts de recherche ou d'entreprises spécialisées dans les évaluations) ou directement des auteurs ou des tribunaux de traitement de la toxicomanie (qui les ont fournies par messagerie électronique, par télécopieur ou par la poste). Bien que tous les efforts aient été déployés pour mettre la main sur les 102 études répertoriées dans les méta-analyses originales, quatre d'entre elles sont demeurées introuvables. De plus, deux des études ont dû être exclues de l'analyse puisqu'elles ne donnaient pas de renseignements sur un éventuel groupe témoin. Sept autres ont été ignorées parce que les renseignements sur le groupe soumis à un traitement étaient incomplets. La valeur de l'effet ne pouvait donc pas être calculée pour ces études. La présente étude rassemble 96 rapports, qui portent sur 103 tribunaux de traitement de la toxicomanie (certains rapports faisaient état de résultats pour plus d'un tribunal) et sur une population de 50 640 délinquants.

Description des mesures
Lignes directrices du Comité de collaboration sur les données collectives relatives aux résultats (CCDCR, 2007a; 2007b). Les lignes directrices du CCDCR constituent une échelle exhaustive élaborée aux fins de l'évaluation de la qualité des études portant sur les délinquants sexuels. En 1997, des sommités du domaine ont formé le Comité de collaboration sur les données collectives relatives aux résultats et ils ont ensemble créé ces lignes directrices dans le but de faciliter l'évaluation de la qualité des études traitant des résultats des traitements administrés aux délinquants sexuels et, en définitive, de réduire les biais dans les analyses systématiques. Selon les lignes directrices du CCDCR, la qualité d'une étude combine deux aspects : la confiance que l'on peut accorder aux conclusions de l'étude et le degré de biais introduit par les caractéristiques de l'étude. Ces lignes directrices ont servi aux méta‑analyses des traitements administrés aux délinquants sexuels (Hanson, Bourgon, Helmus et Hodgson, 2009; Helmus, 2008) et des programmes de surveillance dans la collectivité (Simpson, 2008), et les données révèlent qu'on peut s'y fier pour évaluer les études sur les résultats de traitement (CCDCR, 2007a, 2007b; Helmus, 2008).

Les lignes directrices du CCDCR comportent 20 points (en plus d'un point dans le cas des modèles englobant plusieurs établissements) : 9 visant à évaluer la confiance et 11 visant à évaluer le degré de biais et la direction du biais introduit dans l'évaluation. Les points relatifs à la confiance sont évalués suivant une échelle allant de 0 (faible niveau de confiance) à 2 (niveau de confiance élevé). Les points relatifs au degré de biais sont évalués selon une échelle allant de 0 (biais considérable) à 2 (biais minimal ou négligeable). La direction du biais est quant à elle associée à la cote 1 (effet à la hausse sur les résultats de traitement), 0 (effet nul ou minimal sur les résultats de traitement), -1 (effet à la baisse sur les résultats de traitement) ou 99 (direction du biais impossible à déterminer). Lorsque les renseignements sont insuffisants pour évaluer un point, ce dernier est assorti de la mention « renseignements insuffisants ».

Une fois les 20 points cotés, des cotes globales pour la confiance, le biais et la direction du biais sont accordées à chacune des études. D'après ces cotes globales, on attribue aux études l'une ou l'autre des mentions suivantes : rejetée, faible, bonne ou déterminante. Les études rejetées sont celles qui sont associées à un niveau de confiance faible ou celles qui présentent un biais considérable pouvant avoir un effet sur les résultats obtenus. Les études jugées faibles sont associées à un niveau de confiance moyen et à un biais léger. Bien qu'elles puissent contenir des lacunes importantes, ces études offrent des renseignements utiles et relativement fiables sur les résultats de traitement. Les études considérées bonnes sont associées à un niveau de confiance élevé et présentent un biais léger; les auteurs de ces études ont déployé tous les efforts possibles pour limiter les facteurs de confusion susceptibles d'entacher la validité de leur analyse. Enfin, les études dites déterminantes sont associées à un niveau de confiance élevé et elles présentent un biais minimal; elles présentent des lacunes mineures qui n'ont vraisemblablement pas d'incidence sur les résultats.

De légères modifications ont été apportées aux lignes directrices du CCDCR afin qu'elles s'appliquent aux évaluations des programmes destinés aux délinquants en général plutôt qu'aux évaluations des programmes s'adressant aux délinquants sexuels uniquement. Pour les besoins de la présente étude, trois points ont été modifiés (définition du traitement, qualité de la recherche de différences préexistantes et confiance dans la durée du suivi).

Principes du risque, du besoin et de la réceptivité (RBR; Andrews, Bonta et Hoge, 1990). Ainsi qu'il a été mentionné précédemment, les principes RBR ont pour but l'administration de traitements correctionnels efficaces. Chacun des principes vise à orienter les fournisseurs de traitement dans la création d'un plan de traitement adapté au niveau de risque, aux besoins criminogènes et au style d'apprentissage du délinquant. D'après les résultats de l'étude de Andrews et Bonta (2006), la prise en considération de ces principes dans l'aménagement des traitements correctionnels en établissement et en milieu communautaire a un effet positif sur les taux de récidive, et ce, pour de nombreux groupes de délinquants. Dans le présent contexte, on peut procéder à l'évaluation de la qualité du traitement en examinant si un programme donné respecte les principes RBR. En fonction des renseignements figurant dans les évaluations, une cote de 1 ou de 0 a été attribuée à chaque principe selon qu'il est respecté ou non. Un programme peut intégrer aucun, un, deux ou trois principes. Puisque les tribunaux de traitement de la toxicomanie comportent deux composantes distinctes mais étroitement liées, le respect des principes RBR a été évalué en deux temps, d'abord pour le tribunal puis pour le programme de traitement.

Démarche
Un numéro d'identification unique a été attribué à chacune des 96 études ayant fait l'objet de l'analyse. Après avoir reçu une formation à propos de l'application des lignes directrices du CCDCR, l'auteur principal a évalué la qualité de chacune des études. Afin d'assurer un codage fiable suivant les lignes directrices modifiées, un deuxième intervenant a procédé au codage de 10 des 96 études. Le degré de concordance entre les résultats des deux évaluateurs a été établi pour ce qui est de la confiance (80 %), du degré de biais (80 %), de la direction du biais (70 %) et de la qualité globale de l'étude (90 %).

À la suite de l'évaluation de la qualité des études, chaque étude et chaque valeur d'effet ont été codées en fonction d'une variété de descripteurs (p. ex. caractéristiques de la méthodologie, échantillon de délinquants, mesures des résultats). Parmi les renseignements nécessaires au calcul de la valeur de l'effet, notons la taille de l'échantillon, le nombre de récidivistes et les données utilisées pour évaluer l'efficacité du traitement (p. ex. rapport de cotes dérivé d'une analyse de régression logistique). Dans les cas où plus d'une mesure de la récidive était donnée, la plus inclusive a été retenue (p. ex. toutes les arrestations plutôt que seulement les condamnations liées à la drogue). En ce qui concerne le type de récidive, la donnée la plus générale a été privilégiée par rapport aux données spécifiques (p. ex. possession de drogues, vol ou prostitution). Dans la mesure du possible, les données sur la récidive ont été codées séparément pour les participants ayant achevé le programme et les participants qui l'ont abandonné, mais elles ont été combinées ultérieurement aux fins du calcul de la valeur de l'effet.

La qualité du traitement offert par chaque tribunal de traitement de la toxicomanie a été évaluée sur la base du respect des principes du risque, du besoin et de la réceptivité. Un programme qui respecte le principe du besoin doit cibler l'ensemble des besoins criminogènes du délinquant et non pas seulement son problème de toxicomanie (lequel constitue la priorité des tribunaux de traitement de la toxicomanie). Une intervention qui respecte le principe de la réceptivité doit être adaptée au style d'apprentissage du délinquant et favoriser une approche cognitivo-comportementale (Andrews et coll., 1990). L'objectivité des évaluateurs quant à la qualité du traitement a été estimée de la même façon que pour la qualité des études. Un troisième évaluateur a codé 10 études, et la concordance des résultats en ce qui a trait aux principes RBR a été établie à 100 %.

Plan de l'analyse
Dans un premier temps, les renseignements de nature descriptive (caractéristiques des études et cotes attribuées d'après les lignes directrices du CCDCR) ont été rassemblés. Dans un deuxième temps, une valeur d'effet a été calculée pour chaque échantillon unique. Le rapport de cotes a été jugé comme étant la valeur d'effet qui donne l'estimation la plus fiable de l'effet des tribunaux de traitement de la toxicomanie puisque les deux variables d'intérêt sont dichotomiques (administration d'un traitement par rapport à aucun traitement; récidive par rapport à aucune récidive). En outre, par rapport aux coefficients de corrélation, les rapports de cotes constituent des estimations plus robustes de l'effet du traitement lorsque la qualité des études n'est pas optimale.

Le rapport de cotes est une mesure comparative du risque pour un résultat donné. Il permet de calculer la probabilité qu'un résultat donné soit obtenu lorsqu'une personne est exposée à un facteur d'intérêt (traitement) par rapport à une personne qui n'y est pas exposée (Westergren, Karlsson, Andersson, Ohlsson et Hallberg, 2001). Un rapport de cotes de 1,0 indique que le ratio de récidive pour le groupe soumis à un traitement est le même que celui associé au groupe témoin et que, par conséquent, le traitement ne produit aucun effet. Un rapport de cotes qui se rapproche de 0 fait état d'un risque faible de récidive pour le groupe soumis à un traitement par rapport au groupe témoin. Cette situation témoigne alors d'un traitement plus efficace.

Comme l'ont suggéré Hanson et Broom (2005), les transformations des valeurs d'effet décrites ci-dessous ont été opérées avant de procéder au calcul des valeurs d'effet moyennes. Les rapports de cotes ne suivent pas une loi normale (courbe très asymétrique de 0 à l'infini). C'est pourquoi ils ont été convertis en rapports de cotes logarithmiques, aux fins de la normalisation de la distribution. De plus, les valeurs d'effet ont été pondérées afin que les études reposant sur des échantillons plus vastes pèsent davantage dans la valeur globale de l'effet que les études fondées sur de petits échantillons. Chaque valeur d'effet a ainsi été pondérée en fonction de l'inverse de sa variance. Les valeurs d'effets moyennes ont finalement été reconverties en rapports de cotes, et ce sont ces valeurs d'effet dont fait état le présent rapport.

Les tableaux des valeurs d'effet figurant ci-dessous présentent les rapports de cotes moyens pondérés, les intervalles de confiance (IC) au seuil de 95%, le nombre d'études (k), le nombre total de sujets inclus dans le calcul du rapport de cotes moyen (N) ainsi que les valeurs de Q et de H² (statistique de Birge). La statistique Q est dérivée d'un test fréquemment utilisé pour déterminer l'homogénéité de la variance, particulièrement dans les méta-analyses (Medina et coll., 2006). La distribution des valeurs de Q est la même que la distribution des valeurs du χ2. Les valeurs de H² (statistique de Birge) figurent également dans les tableauxNote de bas de page 1. La statistique Q permet de déterminer l'homogénéité de la variance tandis que la statistique H² permet au chercheur d'évaluer l'importance des écarts de résultats entre les études. Un ratio H² peu élevé témoigne d'un faible écart et un ratio H² élevé traduit un écart important. Enfin, pour comparer les valeurs d'effet selon différents niveaux d'une même variable (p. ex. différents degrés de qualité des études), des tests du χ2 ont été effectuésNote de bas de page 2.

Résultats

Descripteurs
Comme l'indique le tableau 1, la plupart des études n'ont pas été publiées (77 %) et s'intéressent aux tribunaux de traitement de la toxicomanie aux États-Unis (95 %) au milieu et à la fin des années 1990. Les auteurs recourent surtout aux modèles non randomisés (88 %); 12 études seulement reposent sur des modèles randomisés. La plupart des études portent sur les délinquants adultes (k = 74).Parmi les études qui précisent les taux de rétention ou de réussite (k = 74), le taux de réussite moyen correspond à 39,9 % (ÉT = 19,2). Fait à noter, 53 des 55 études codées par Latimer et coll. (2006), les 23 études codées par Lowenkamp et coll. (2005) et 63 des 67 études codées par Wilson et coll. (2006) ont été prises en considération dans la présente analyse.

Tableau 1. Descripteurs de l'étude – fréquences et pourcentages
Descripteurs de l'étude k %
Type de rapport: Rapport publié 23 22,3
  Rapport non publié 79 76,7
  Autre 1 1,0
       
Modèle Randomisé 12 11,7
  Non randomisé 91 88,3
       
Pays États-Unis 98 95,1
  Canada 2 1,9
  Australie 3 2,9
       
Année 1989-1994 22 21,4
  1995-1999 65 63,1
  2000-2005 16 15,5
       
Population Adultes 74 71,.8
  Jeunes 11 10,7
  Mixte 7 7,0
  Inconnue 11 10,7

Qualité des études

La qualité globale des études a été évaluée au moyen des cotes attribuées conformément aux lignes directrices du CCDCR. Parmi les études ayant fait l'objet des méta-analyses originales, plus des trois quarts (k = 78) ont été rejetées, 23 ont été considérées faibles, seulement 2 ont été jugées bonnes et aucune n'a été estimée déterminante. Les études jugées faibles ou bonnes ont été regroupées dans une catégorie d'études dites « acceptables » (k = 25). Le tableau 2 répertorie les points des lignes directrices du CCDCR se rapportant à la confiance. On constate que plus de la moitié des études (k = 56) sont associées à un niveau de confiance global faible. Fait intéressant, la grande majorité des études (k = 72) sont associées à un niveau de confiance faible au regard de la qualité de la recherche de différences préexistantes, et plus de la moitié des études (k = 59) sont associées à un niveau de confiance faible pour ce qui est de l'efficacité des procédures statistiques.

Tableau 2. Répartition des études selon le niveau de confiance associé à chacun des points des lignes directrices du CCDCR
Points des lignes directrices du CCDCR se rapportant à la confiance Niveau de confiance faible Niveau de confiance moyen Niveau de confiance élevé Renseignements insuffisants
Niveau de confiance global 56 46 1 --
Définition du traitement 56 46 1 --
Définition de la comparaison 54 46 3 --
Taille de l'échantillon du groupe soumis à un traitement 7 64 32 --
Taille de l'échantillon du groupe témoin 10 63 30 --
Qualité de la recherche de différences préexistantes 72 27 2 2
Durée du suivi 8 72 18 5
Validité et fiabilité des renseignements sur la récidive 1 67 14 21
Recherche d'une association à tout prix 19 50 34 --
Efficacité des procédures statistiques 59 39 5 --

L'examen des cotes attribuées au regard du biais (tableau 3) révèle que près de la moitié des études (= 46) présentent un biais global considérable. Dans la majorité des études, la direction du biais est obscure, mais dans celles où elle est connue (k = 42), on constate que le biais a principalement un effet à la hausse sur les résultats de traitement (k = 39). Un certain nombre de points ont été très souvent associés à un biais considérable : abandon du programme, sujets retenus, évaluation de la comparaison qui introduit le moins de biais et sélection des sujets. Enfin, 53 évaluations ont été jugées comme étant des échecs (taux d'attrition supérieur à 49 %).

Tableau 3. Répartition des études selon le degré de biais et la direction du biais associées à chacun des points des lignes directrices du CCDCR
Points des lignes directrices du CCDCR se rapportant au biais Degré de biais   Direction du biais
  Négligeable Moyen Considérable

Renseignements
insuffisants

Aucun biais Effet à la hausse Effet à la baisse Effet inconnu
Biais global 1 56 46 -- 1 39 3 60
Facteurs divers -- 31 2 70 -- 5 3 70
Participation de l'expérimentateur 74 21 2 6 74 15 -- 14
Gestion à l'aveugle des données 4 12 --  87 4 4 -- 95
Sélection des sujets 8 55 35 5 8 56 -- 39
Abandon du programme 1 16 66  20 1 1 79 22
Sujets retenus 1 16 64 22 1 2 55 45
Attrition pendant le suivi 72 9 8 14 72 2 2 27
A Priori Equivalency 10 63 28 2 10 56 3 34
Findings on Equivalency 2 19 18 64 2 9 3 89
Equivalency of Follow-up 54 25 5 19 53 6 1 43
Least Bias Comparison 6 58 39 -- 7 49 2 45

Efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie

Les rapports de cotes moyens pondérés, qui procurent une estimation de l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie, ont été calculés à partir d'études utilisées pour chacune des méta-analyses originales. Le rapport de cotes moyen pondéré se rapportant aux études utilisées par Latimer et coll. (2006) est établi à 0,721 (IC de 0,684 à 0,759 au seuil de 95 %). Pour ce qui est des études ayant servi à la méta-analyse de Lowenkamp et coll. (2005), le rapport de cotes moyen pondéré correspond à 0,671 (IC de 0,623 à 0,723 au seuil de 95 %). Enfin, le rapport de cotes moyen pondéré des études utilisées par Wilson et coll. (2006) équivaut à 0,669 (IC de 0,638 à 0,700 au seuil de 95 %). Le rapport de cotes moyen pondéré pour l'ensemble des études (k = 96) se chiffre quant à lui à 0,671 (IC de 0,646 à 0,698 au seuil de 95 %).

Les valeurs d'effet moyennes pondérées ont ensuite été calculées d'après les cotes globales attribuées au regard de la qualité des études suivant les lignes directrices du CCDCR (rejetée, faible, bonne). Le tableau 4 indique les rapports de cotes moyens pondérés, les intervalles de confiance au seuil de 95 % ainsi que les valeurs de k, de N, de Q et de H² pour les études groupées selon qu'elles ont été rejetées, jugées faibles ou considérées bonnes, selon le niveau de confiance global (faible, moyen ou élevé), selon le degré global de biais (considérable, moyen ou minimal) et selon la direction globale du biais (effet nul, effet inconnu, effet à la hausse sur les résultats de traitement, effet à la baisse sur les résultats de traitement). Faits importants à noter, les valeurs de Q sont très grandes, et seulement deux études ont été jugées bonnes.

Les rapports de cotes associés à chaque degré de qualité globale ne sont pas significativement différents (χ2 = 4,38; dl = 2; p > 0,05). C'est aussi le cas des rapports de cotes ayant trait au biais global (χ2 = 5,44; dl = 2; p > 0,05). En revanche, les rapports de cotes présentent des différences significatives sur le plan de la confiance globale (χ2 = 10,58; dl = 2; p < 0,05) et de la direction globale du biais (χ2 = 100,69; dl = 3; p < 0,05).

Les données du tableau 5 n'ont trait qu'aux études acceptables (c.-à-d. jugées faibles ou bonnes). Le rapport de cotes moyen pondéré global dégagé pour les études acceptables correspond à 0,711(IC de 0,660 à 0,766 au seuil de 95 %). Ces 25 études ont ensuite été réparties selon le niveau global de confiance, le degré de biais et la direction du biais. On ne relève aucune différence significative sur le plan de la confiance globale (χ2 = 0,64; dl = 1; p > 0,05) ou du degré de biais (χ2 = 2,70; dl = 1; p > 0,05). Les rapports de cotes au regard de la direction du biais font toutefois état de différences significatives (χ2 = 25,07; dl = 3; p < 0,05).

Tableau 4. Rapports de cotes selon le degré de qualité global et les points des lignes directrices du CCDCR
Variable (facteur) Rapport de cotes moyen Rapport de cotes moyen Q k N H²
Faible Élevé

Ensemble des études

0,671

0,646                    

0,698

620,82*

96

50 640

6,53

Études rejetées

0,657

0,627                 

0,688

524,08*

71

36 439

7,49

Études jugées faibles

0,704

0,653                    

0,760

90,25*

23

13 338

4,10

Études jugées bonnes

0,850

0,611                  

1,185

2,11

2

863

2,11

Confiance

 

 

 

 

 

 

 

Faible

0,726

0,682

0,772

403,82*

50

21 034

8,24

Moyenne

0,636

0,606

0,671

206,42*

45

29 371

4,69

Élevée

0,531

0,259

1,088

1

235

–―

Degré de biais

 

 

 

 

 

 

 

Considérable

0,650

0,614

0,689

336,15*

42

23 055

8,00

Moyen

0,686

0,649

0,724

279,23*

53

26 957

5,37

Minimal ou léger

0,967

0,665

1,405

1

628

Direction du biais

 

 

 

 

 

 

 

Effet nul

0,531

0,259

1,088

1

235

Effet inconnu

0,721

0,684

0,760

282,23*

57

28 385

5,04

Effet à la baisse

2,070

1,589

2,697

1,22

3

1 351

0,61

Effet à la hausse

0,578

0,544

0,614

236,68*

35

20 669

6,96

 * p < 0,01, test bilatéral.

Tableau 5. Rapports de cotes associés aux études acceptables (k = 25) selon les points des lignes directrices du CCDCR

Variable (facteur)

Rapport de cotes moyen IC au seuil de 95 % Q k N H²
Faible Élevé

Études acceptables

0,711

0,660

0,766

93,54*

25

14 201

3,90

Niveau de confiance

 

 

 

 

 

 

 

Moyen

0,713

0,662

0,769

92,90*

24

13 966

4,04

Élevé

0,531

0,259

1,088

1

235

Degré de biais

 

 

 

 

 

 

 

Moyen

0,702

0,651

0,757

90,84*

24

13 573

3,95

Minimal ou léger

0,967

0,665

1,405

1

628

Direction du biais

 

 

 

 

 

 

 

Effet nul

0,531

0,259

1,088

1

235

Effet inconnu

0,705

0,650

0,764

53,74*

18

11 221

3,16

Effet à la hausse

0,591

0,476

0,733

14,73*

5

2 143

3,68

Effet à la baisse

1,836

1,230

2,740

1

602

* p < 0,01, test bilatéral.

Une fois les rapports de cotes établis, ils ont été convertis sous forme de pourcentages représentant l'écart entre les taux de récidive. La figure 1 indique les écarts correspondant à chacune des trois méta-analyses, aux différentes catégories d'études aux termes des lignes directrices du CCDCR (rejetées, faibles, bonnes) et aux études acceptables (études jugées faibles ou bonnes). Si on ne tient compte que des études dont la méthodologie est acceptable (k = 25), on constate que les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont un effet à la baisse sur les taux de récidive (-8,4 %). Si on exclut les études jugées faibles et qu'on ne prend en considération que les meilleures études (études considérées bonnes), la diminution globale des taux de récidive est alors portée à 4 %.

Figure 1. Écarts entre les taux de récidive et intervalles de confiance au seuil de 95 % pour les trois méta-analyses, pour les différentes catégories d'études aux termes des lignes directrices du CCDCR et pour les études acceptables

Figure 1. Écarts entre les taux de récidive et intervalles de confiance au seuil de 95 % pour les trois méta-analyses, pour les différentes catégories d'études aux termes des lignes directrices du CCDCR et pour les études acceptables

Effets de la qualité du traitement
La dernière analyse visait à examiner l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie en fonction de la qualité du traitement administré. Seules les études dont la méthodologie a été jugée acceptable ont été prises en considération. Selon les données des 25 études acceptables, 11 tribunaux de traitement de la toxicomanie ne respectent aucun des principes RBR, 13 en respectent un et 1 tribunal seulement en respecte deux. Aucun tribunal de traitement de la toxicomanie ne respecte les trois principes. Le tableau 6 présente les statistiques méta-analytiques sommaires selon le nombre de principes RBR respectés. Les rapports de cotes pour les catégories « 1 principe RBR », « 2 principes RBR » et « 3 principes RBR » présentent des différences significatives (χ2 = 14,82; dl = 2; p < 0,05). On a également établi une comparaison entre les tribunaux qui respectent l'un ou l'autre des principes et ceux qui n'en tiennent pas compte du tout. Les rapports de cotes sont significativement différents (χ2 = 6,45; dl = 1; p < 0,05). La tendance linéaire a par la suite été testée et elle s'est révélée significative (t = 3,05, p < 0,01) : plus un tribunal respecte les principes RBR, plus il est efficace.

Tableau 6. Nombre de principes respectés – Études acceptables (k = 25)
Variable (facteur) Rapport de cotes moyen IC au seuil de 95 % Q k N H²
Faible Élevé

Études acceptables

0,711

.0,660

0,766

93,54*

25

14 201

3,90

Aucun principe RBR

0,821

..0,718

0,938

38,15*

11

5 511

3,82

1 principe RBR

0,682

..0,623

0,746

40,57*

13

8 442

3,38

2 principes RBR

0,306

..0,179

0,523

1

248

3 principes RBR

 

1, 2 ou 3 principes RBR

0,667

..0,610 .0,729 48,94* 14

8 690

3,76

Analyse

Certains doutes ont été soulevés quant à l'exactitude des trois récentes méta-analyses s'intéressant à l'efficacité des tribunaux de la toxicomanie. Deux sources de biais potentielles dans les évaluations des tribunaux de traitement de la toxicomanie réalisées jusqu'à maintenant ont été évoquées : les importantes lacunes méthodologiques et la qualité variable du traitement. Les lignes directrices du CCDCR, conçues aux fins des études sur les résultats de traitement des délinquants, ont orienté l'évaluation de la qualité des études dans le cadre de la présente analyse. La qualité du traitement a également été évaluée sous l'angle du respect des principes d'un programme correctionnel efficace (risque, besoin et réceptivité). Cette méthode a permis une analyse empirique de l'influence des deux facteurs sur les estimations méta‑analytiques de l'efficacité de ces tribunaux spécialisés.

Constatations relatives à la qualité des études
D'après l'évaluation faite à partir des lignes directrices du CCDCR, tout près des trois quarts des études ont été rejetées pour cause de lacunes méthodologiques importantes, et seulement 25 études ont été jugées acceptables sur le plan méthodologique (études considérées faibles ou bonnes). À peine deux des études dites acceptables ont été jugées bonnes, et aucune d'elles n'a été estimée déterminante. Autrement dit, la grande majorité des études ayant fait l'objet des méta-analyses originales comportent des problèmes d'ordre méthodologique qui ont pu avoir une incidence sur l'interprétation des conclusions. Les résultats de la présente analyse portent à croire que les études sur les tribunaux de traitement de la toxicomanie présentent des lacunes méthodologiques importantes qui restreignent le niveau de confiance que les chercheurs peuvent accorder aux conclusions.

En ce qui a trait au biais, l'analyse révèle que 44 % des études évaluées présentent un biais considérable. Dans les cas où la direction du biais est connue, on note pratiquement toujours un effet artificiel à la hausse sur les résultats des programmes offerts par les tribunaux de traitement de la toxicomanie. Dans trois études seulement, on constate un biais qui tire les résultats de traitement vers le bas, et une seule étude ne comporte pas de biais. L'évaluation de la qualité des études donne à penser qu'on ne peut accorder qu'une mince confiance aux résultats de la plupart de ces études puisqu'elles présentent un biais important, lequel gonfle les résultats positifs dégagés.

Une analyse plus poussée des points prévus aux lignes directrices du CCDCR fait ressortir des problèmes bien précis. L'attrition s'est révélée une difficulté considérable sur le plan méthodologique, comme le soulignent les études sur les tribunaux de traitement de la toxicomanie. Les taux d'attrition associés aux programmes offerts par ces tribunaux ont fait l'objet d'analyses approfondies et sont établis à plus ou mois 50 % (Cissner & Rempel, 2005). Ce pourcentage se rapproche des conclusions du présent rapport : plus de la moitié des études font mention de taux d'attrition supérieurs à 49 % et le taux de réussite moyen se situe à environ 40 %. Des taux d'attrition aussi élevés ont une incidence importante sur la qualité des études. En effet, plus le taux d'abandon est élevé, plus il est ardu de mesurer l'efficacité de l'intervention.

La stratégie préconisée pour composer avec le phénomène d'attrition consiste à réaliser des analyses tenant compte des sujets retenus au début de l'étude (CCDCR, 2007a; 2007b; Thomas, Ciliska, Dobbins et Micucci, 2004). Selon cette méthode, on incorpore à l'analyse de l'efficacité de l'intervention les données se rapportant à tous les sujets, peu importe qu'ils aient abandonné ou terminé le traitement. Fait important à noter, les analyses tenant compte des sujets retenus génèrent des estimations plus prudentes des effets du traitement compte tenu du fait que plus le taux d'attrition augmente, plus le nombre de participants qui reçoivent réellement le traitement est faible. Néanmoins, les analyses tenant compte des sujets retenus produisent une estimation plus précise de l'efficacité du traitement que les analyses qui ne prennent en considération que les cas d'achèvement. Ces analyses surestiment l'efficacité du programme puisqu'elles font fi des décrocheurs. En outre, la proportion de décrocheurs potentiels dans le groupe témoin est plus importante que dans le groupe de participants ayant terminé le programme. Les études portent également à croire que les décrocheurs récidivent même davantage que les participants n'ayant pas été soumis à un traitement, ce qui vient fausser encore plus la comparaison entre le groupe des participants ayant achevé le traitement et le groupe de participants n'ayant pas été soumis à un traitement (Hanson et coll., 2002; Seager, Jellicoe et Dhaliwal, 2004).

Dans la présente étude, toutes les valeurs d'effet ont été calculées au moyen d'une analyse tenant compte des sujets retenus au début de l'étude; il fallait donc connaître les données sur la récidive se rapportant tant aux participants ayant achevé le programme qu'à ceux qui l'ont abandonné en cours de route. Quant aux études individuelles, moins de 30 % d'entre elles reposent sur une analyse tenant compte des sujets retenus. Dans le cadre des prochaines évaluations des tribunaux de traitement de la toxicomanie, les chercheurs devraient recueillir de l'information sur l'ensemble des participants admis afin d'obtenir une estimation moins baisée de l'efficacité des programmes. De surcroît, les chercheurs devraient tenir compte de l'intensité et de la durée des interventions dans leur choix des données à inclure dans leurs estimations (p. ex. analyses de covariance).

Les différences préexistantes entre les groupes (groupe soumis à un traitement par rapport au groupe témoin) constituent le deuxième problème d'ordre méthodologique qui est ressorti de l'évaluation de la qualité des études. D'après les cotes accordées suivant les lignes directrices du CCDCR, dans 70 % des études, la recherche de différences préexistantes n'a pas été adéquatement opérée. Même si les auteurs comparent souvent le groupe soumis à un traitement et le groupe témoin en fonction de variables démographiques (p. ex. âge, origine ethnique, sexe), rares sont les études où les groupes ont été comparés sur la base de facteurs liés au risque ou sur la base de cotes de risque validées. Il est primordial, particulièrement dans les études non randomisées, que les chercheurs fassent la preuve de l'équivalence des groupes puisque les différences se rapportant au risque pourraient expliquer les différences relevées dans les résultats.

À l'avenir, les chercheurs pourraient améliorer la qualité de leurs analyses en ayant recours à des évaluations du risque validées pour établir l'équivalence des groupes. Toutefois, dans certains cas, il se pourrait que cette méthode ne soit pas une option envisageable (p. ex. dans les modèles rétrospectifs). Une bonne solution de rechange à considérer pour l'évaluation du risque consisterait alors à construire une échelle des indicateurs du risque de récidive (les besoins criminogènes), à valider cette échelle par rapport au groupe témoin puis à l'utiliser pour faire la preuve de l'équivalence des groupes (Hanson, Broom et Stephenson, 2004). Une étude qui repose sur une mesure validée du risque ou sur l'élaboration et la validation d'une échelle permet de conclure avec plus de certitude que les différences entre les résultats des deux groupes sont attribuables au traitement plutôt qu'à des différences préexistantes. En outre, une telle mesure pourrait venir renforcer les stratégies méthodologiques (p. ex. appariement des sujets) ou les mesures de contrôle statistiques a posteriori (p. ex. analyse de covariance) visant à neutraliser les différences préexistantes.

Effets des tribunaux de traitement de la toxicomanie : Qualité des études
Un des principaux objectifs de la présente analyse consistait à estimer l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie tout en tenant compte de l'influence de la qualité des études. Si on prend en considération toutes les études répertoriées dans les méta-analyses originales, le rapport de cotes global est établi à 0,671 (IC de 0,646 à 0,698 au seuil de 95 %; k = 96), ce qui se traduit par un écart de 11 % entre le taux de récidive du groupe soumis à un traitement et le taux de récidive du groupe témoin. Cet écart se rapproche davantage du résultat dont font état Lowenkamp et coll. (2005). En fait, les valeurs d'effet estimées dans le cadre de la présente analyse (d'après les études de Latimer et Wilson) mènent toutes deux à conclure à un effet moindre que les valeurs d'effet rapportées dans les méta-analyses originales. Deux facteurs peuvent expliquer cette situation. D'abord, les chercheurs ne calculent pas tous les valeurs d'effet globales de la même façon. Les auteurs ont donc été contactés à ce sujet. Résultat : seule la méta-analyse de Lowenkamp et coll. (2005) repose sur des analyses tenant compte des sujets retenus au début de l'étude pour le calcul des valeurs d'effet globales (communications personnelles, 2006). Ensuite, il est probable que la qualité des études ne soit pas étrangère à la situation. Les valeurs de Q et de H2 témoignent clairement d'écarts de résultats considérables entre les études.

La comparaison des valeurs d'effet fondées sur les cotes de qualité globale des études ne fait pas ressortir de différences significatives (χ2 = 4,38; dl = 2; p > 0,05), ce qui porte à croire qu'il n'y a pas une corrélation significative entre les valeurs d'effet et la qualité globale des études. Il convient de faire preuve de prudence dans l'interprétation de ces conclusions puisque les études considérées comme faibles sont relativement peu nombreuses (k = 23) et que seulement deux études ont été jugées bonnes. Compte tenu du fait que la majorité des études ont été rejetées aux termes des lignes directrices du CCDCR, il importe de noter que les écarts de résultats entre les études sont considérables (voir le tableau 4). En fait, les seules études pour lesquelles la variance est homogène sont les deux études jugées bonnes sur le plan de la qualité globale et les trois études dont le biais a un effet à la baisse sur les résultats de traitement.

Néanmoins, les résultats donnent à penser que plus la qualité des études est bonne, moins l'effet des tribunaux de traitement de la toxicomanie est grand (autrement dit, la valeur du rapport de cotes se rapproche de 1). En fait, lorsqu'on ne tient compte que des études acceptables, l'effet global des tribunaux de traitement de la toxicomanie est moins important – on note un écart de 8 % entre les taux de récidive. Par conséquent, cette estimation constitue, selon toute vraisemblance, une estimation plus fiable que les estimations antérieures des effets des tribunaux de traitement de la toxicomanie sur les taux de récidive puisque seules les études jugées acceptables sur le plan méthodologique sont prises en considération.

Effets des tribunaux de traitement de la toxicomanie : Qualité du traitement
Le deuxième volet de l'analyse visait à évaluer le lien entre la qualité du traitement et l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Si on considère uniquement les études acceptables, le rapport de cotes global correspond à 0,711 (IC de 0,660 à 0,766 au seuil de 95 %; k = 25). D'après les résultats, l'effet des tribunaux de traitement de la toxicomanie augmente lorsque les principes RBR sont respectés (= 3,05, p < 0,01). Voilà qui va dans le sens des études en matière de justice pénale s'intéressant à l'efficacité du traitement et au respect des principes du risque, du besoin et de la réceptivité (Andrews et Bonta, 2006; Simpson, 2008). Par ailleurs, le respect d'aucun des trois principes correspond à une réduction des taux de récidive de 5 %, le respect d'un principe, à une diminution de 11 % et le respect de deux principes, à une réduction de 31 %. Aucune des études examinées dans le cadre de la méta-analyse ne faisait intervenir le respect des trois principes RBR; toutefois, d'autres méta-analyses portent à croire qu'un traitement qui repose sur les trois principes est associé à une diminution des taux de récidive pouvant aller jusqu'à 35 % (Andrews et Bonta, 2006). Il semble également que les principes RBR ont à voir avec l'homogénéité des études acceptables. Cette tendance est particulièrement évidente si on compare les valeurs de H2 se rapportant aux études rejetées (k = 71; H2 = 7,49), aux études acceptables (k = 25; H2 = 3,90) et aux études acceptables portant sur des traitements respectant un ou plus d'un principe RBR (k = 14; H2 = 3,76). Ces données indiquent que la qualité des études et la qualité du traitement peuvent expliquer une grande partie des écarts de résultats observés dans les évaluations des tribunaux de traitement de la toxicomanie.

L'analyse des besoins ciblés par les tribunaux de traitement de la toxicomanie indique qu'en plus d'être axé sur la toxicomanie, le traitement vise souvent aussi à améliorer le bien-être général du délinquant (p. ex. santé mentale, détente). Les tribunaux de traitement de la toxicomanie auraient avantage à puiser dans les ouvrages pour intégrer à leurs programmes les principes d'une intervention correctionnelle efficace. À titre d'exemple, recourir à des évaluations du risque validées pour cibler les besoins criminogènes pourrait améliorer l'efficacité des programmes correctionnels d'un point de vue pénal et accroître le bien-être des délinquants. Il est important que les responsables des programmes de traitement en milieu communautaire fassent la distinction entre les délinquants toxicomanes et les toxicomanes qui n'ont pas de démêlés avec la justice. Cette distinction fait en sorte que les programmes offerts par les tribunaux de traitement de la toxicomanie n'ont d'autres choix que d'intégrer des stratégies qui se sont révélées efficaces pour les populations de délinquants (principes RBR).

En bref
En résumé, les résultats de la présente analyse donnent à penser que la qualité des études et la qualité du traitement influent de façon marquée sur les résultats des évaluations des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Les modèles quasi expérimentaux, les groupes témoins, les taux d'attrition élevés ainsi que les recherches inadéquates de différences préexistantes entre les groupes sont sources de problèmes d'ordre méthodologique qui faussent souvent les évaluations en faveur du traitement. L'évaluation de la qualité des études à l'aide des lignes directrices du CCDCR donne à penser que les estimations de la mesure dans laquelle les tribunaux de traitement de la toxicomanie réduisent les taux de récidive découlent principalement d'études reposant sur une méthodologie fortement biaisée. Ces constatations portent donc à croire que la qualité des études a une incidence sur les résultats. Plus la méthodologie est défaillante, plus les écarts de résultats entre les études sont grands. Le biais introduit dans les études traitant des tribunaux de traitement de la toxicomanie tend à surestimer les résultats de traitement, si bien que plus la méthodologie est déficiente et que les écarts se creusent, plus les valeurs d'effet augmentent.

Le rôle de la qualité du traitement a également été scruté, et les résultats semblent indiquer que ce facteur est effectivement lié à l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Dans le cas des études dont la méthodologie est acceptable, plus les principes RBR sont respectés, plus le traitement est efficace. En outre, plus les principes RBR sont respectés, plus l'homogénéité des études est faible.

De façon globale, les conclusions de l'analyse donnent à penser que les études s'intéressant aux tribunaux de traitement de la toxicomanie sont truffées de problèmes d'ordre méthodologique, que la qualité des études influe considérablement sur les résultats et que la direction du biais que présente une étude mérite une attention particulière. Les résultats de l'étude révèlent en outre que l'efficacité du traitement est fonction du respect des principes RBR d'une intervention correctionnelle efficace. L'évaluation du degré de respect des principes RBR fait ressortir deux constats, soit que très peu de programmes respectent au moins un principe et qu'aucun programme ne tient compte des trois principes.

Bien que les tribunaux de traitement de la toxicomanie représentent une solution de rechange à l'incarcération, l'obtention des résultats souhaités (une diminution des taux de récidive) passe par la mise en œuvre adéquate du modèle des tribunaux de traitement de la toxicomanie et par le respect des principes d'une intervention correctionnelle efficace. Afin de rendre fidèlement compte de ce qui se passe derrière les murs des tribunaux de traitement de la toxicomanie, les évaluations doivent être de bonne qualité. À l'heure actuelle, il est difficile de tirer des conclusions puisque les études acceptables sont très peu nombreuses. L'estimation la moins biaisée de la diminution des taux de récidive correspond à plus ou moins 8 %. La réalisation d'autres études reposant sur une méthodologie plus fiable s'impose afin d'estimer l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie.

Lacunes et futures études
La présente étude comporte des lacunes qui pourront servir à orienter les futures analyses. Les renseignements utilisés pour coder les études par rapport aux lignes directrices du CCDCR et aux principes du risque, du besoin et de la réceptivité sont exclusivement tirés des rapports consultés. Une extension de la présente étude aura pour objectif d'explorer plus en profondeur la question de la qualité du traitement. Pour ce faire, les équipes d'évaluation de même que les tribunaux de traitement de la toxicomanie seront contactés dans le but que soient recueillis des renseignements plus détaillés.

Il est à espérer que les futures études réalisées dans le domaine s'attarderont à l'influence de la méthodologie sur les résultats et que les auteurs feront bon usage des conclusions ainsi tirées pour concevoir les prochaines évaluations. Souhaitons également que les tribunaux de traitement de la toxicomanie sauront mieux tirer profit des connaissances acquises au regard des pratiques d'intervention correctionnelle efficaces afin d'améliorer la qualité des traitements offerts et de freiner les comportements criminels.

Bibliographie

Les références précédées d'un astérisque ont fait l'objet de la méta-analyse.

Notes

  1. 1

    Statistique de Birge : [H² = Q / (k-1)].

  2. 2

    Qtot – SQi, où i désigne chaque niveau de la variable indépendante et dl correspond à i – 1.

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