Évaluer le risque que présentent les délinquants auteurs d'actes de violence conjugale

Évaluer le risque que présentent les délinquants auteurs d'actes de violence conjugale Version PDF (705 Ko)

Recherche en bref
Vol. 16 No. 3
Mai 2011

Question

Comment pouvons-nous évaluer le risque de récidive chez les délinquants auteurs de violence conjugale?

Contexte

La violence conjugale constitue une infraction qui préoccupe grandement la population. Les délinquants reconnus coupables de violence conjugale représentent une proportion considérable des détenus et des personnes en surveillance dans la collectivité (p. ex. en période de probation). L'évaluation du risque de récidive est importante au chapitre de la sécurité publique et a également des conséquences pour le délinquant.

De nombreuses études ont été réalisées au cours des 20 dernières années en ce qui concerne les facteurs favorisant la récidive chez les auteurs d'actes de violence conjugale (p. ex. la toxicomanie). Plusieurs instruments d'évaluation du risque ont également été élaborés pour prédire la possibilité de récidive. Des outils d'évaluation du risque s'avèrent utiles à plusieurs étapes dans le cadre du système de justice pénale, notamment pour la prise de décisions concernant la mise en liberté dans la collectivité (p. ex. la liberté sous caution ou la semi-liberté), les niveaux et les conditions de surveillance (p. ex. la mesure dans laquelle un délinquant doit être surveillé ou l'interdiction d'entrer en contact avec la victime) et même la durée de la peine ou le type.

Méthode

Pour analyser l'évaluation du risque de violence conjugale, nous avons passé en revue l'instrument d'évaluation du risque ayant fait l'objet d'une recherche approfondie : l'inventaire d'évaluation du risque de violence conjugale (ERVC). L'ERVC a été élaboré au Canada. Il s'agit de l'outil d'évaluation du risque chez les délinquants auteurs d'actes de violence conjugale le plus répandu; il est utilisé dans au moins 15 pays et il a été traduit en 10 langues. L'ERVC compte 20 éléments liés à la violence conjugale. Selon la note du délinquant pour chacun de ces points, l'évaluateur juge globalement si les délinquants présentent un risque faible, modéré ou élevé de récidiver avec violence à l'endroit de leur partenaire actuel ou d'autres partenaires.

Réponse

Bien qu'il soit bon de mener d'autres recherches et de perfectionner l'ERVC, il s'agit d'une échelle du risque utile pour évaluer les délinquants ayant commis des actes de violence conjugale. Les 20 éléments établis dans l'ERVC sont généralement appuyés par des travaux de recherche, même si certains éléments sont mieux étayés que d'autres. Il prévoit un guide de notation afin d'orienter les évaluateurs vers l'information dont ils ont besoin. Ce guide définit également la façon d'attribuer une note et d'interpréter les résultats justement.

Dix études mettant l'ERVC à l'épreuve ont été réalisées, principalement au Canada, mais également aux États-Unis, en Espagne et en Suède. Ces études laissent entendre que l'ERVC est moyennement précis pour prédire les délinquants les plus à risque de récidiver par un acte de violence conjugale. Il semble que l'ERVC prédit la récidive pour différents groupes cibles, comme les délinquants mis en liberté ou sous surveillance dans la collectivité ou les délinquants présentant des troubles mentaux. Bon nombre de ces études visaient notamment des cas de délinquants qui ne sont pas de race blanche, mais elles n'ont pas conclu précisément l'efficacité de l'ERVC appliquée à des délinquants de minorités visibles. Elle n'a pas été appliquée à des délinquantes ou à des délinquants juvéniles.

L'ERVC prédit la récidive sensiblement de la même façon que la majorité des autres outils visant précisément les auteurs d'actes de violence conjugale. Toutefois, le fait que l'ERVC ait fait l'objet d'une recherche plus approfondie que les autres échelles permet aux évaluateurs de l'utiliser en sachant qu'elle a déjà été appliquée à divers groupes de délinquants. Certaines échelles d'évaluation du risque de violence conjugale semblent aider à prédire le risque de récidive de la même façon. Toutefois, d'autres échelles d'évaluation du risque visant précisément les délinquants violents (p. ex. le Guide d'évaluation du risque de violence) ou les délinquants généraux (p. ex. des inventaires du niveau de service) sont susceptibles de donner de meilleurs résultats. Par conséquent, une évaluation des risques optimale devrait tenir compte des points communs et des différences entre les auteurs d'actes de violence conjugale et d'autres groupes de délinquants.

Il est également important de souligner que toute évaluation du risque susceptible d'avoir des répercussions négatives pour un délinquant (que ce soit l'EVRC ou un autre inventaire) devrait être réalisée par un évaluateur qualifié qui a accès à de l'information exhaustive et qui comprend les forces et les limites de l'outil utilisé.

Répercussions sur les politiques

1. L'EVRC est une méthode défendable pour l'évaluation du risque que présentent les délinquants auteurs d'actes de violence. Elle peut aider à étayer les décisions correctionnelles (p. ex., la mise en liberté sous caution, la détermination de la peine, le traitement, la mise en semi-liberté, la mise en liberté sous surveillance dans la collectivité) de façon à mieux protéger la population tout en soumettant le délinquant à la sanction la moins restrictive possible.

2. Bien que l'ERVC ait fait l'objet d'un plus grand nombre de recherches que d'autres outils d'évaluation du risque, il n'a pas été mis à l'épreuve auprès de délinquantes coupables de violence conjugale ni de délinquants autochtones. Par conséquent, les spécialistes au sein du système de justice pénale devraient faire preuve de circonspection lorsqu'ils évaluent le risque que présentent ces groupes.

3. Les outils d'évaluation du risque comme l'ERVC, qui visent précisément les délinquants auteurs d'actes de violence conjugale, devraient appuyer les méthodes d'évaluation du risque appliquées pour les délinquants en général plutôt que les remplacer.

Source

Pour de plus amples renseignements

Guy Bourgon, Ph.D.
Recherche correctionnelle
Sécurité publique Canada
340, av. Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0P8
Tél. : (613) 991-2033
Téléc. : (613) 990-8295
Courriel : guy.bourgon@ps-sp.gc.ca

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