Les cyberdélinquants sexuels

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Recherche en bref
Vol. 16 No. 4
Juillet 2011

Question

À quelle fréquence les hommes qui commettent des infractions sexuelles en ligne commettent-ils également des infractions sexuelles avec contact?

Contexte

L'utilisation répandue d'Internet préoccupe la population relativement aux individus qui utilisent cette nouvelle technologie pour commettre des infractions sexuelles. Au cours des dernières années, des lois ont été adoptées pour protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle sur Internet, et de plus en plus de cyberdélinquants sexuels ont affaire au système de justice pénale.

Les cyberinfractions sexuelles les plus fréquentes sont celles liées à la possession et à la distribution de pornographie juvénile ou à l'incitation de jeunes à avoir des contacts sexuels en personne. De nombreuses personnes se sont demandé si Internet a créé un nouveau type de délinquants sexuels ou si les cyberdélinquants sont simplement des délinquants sexuels typiques qui utilisent la technologie actuelle. Notamment, on s'est demandé quel est le risque que les cyberdélinquants sexuels quittent le cyberespace pour commettre des infractions sexuelles avec contact.

Les recherches sur le sujet ont produit des résultats discutables. Dans une première étude, presque tous les cyberdélinquants ont admis avoir commis une infraction sexuelle avec contact. Toutefois, l'échantillon de cette étude provenait d'un seul programme de traitement et pourrait ne pas être représentatif. D'autres études ont montré que les cyberdélinquants sexuels avaient rarement été déclarés coupables d'une infraction sexuelle avec contact. Par conséquent, la mesure dans laquelle les cyberdélinquants ont des contacts avec des victimes demeure incertaine.

Méthode

Nous avons mené une analyse documentaire approfondie des infractions sexuelles avec contact commises par des hommes coupables de cyberinfractions sexuelles. La première partie de l'analyse s'intéressait à la proportion de cyberdélinquants ayant déjà commis une infraction sexuelle avec contact au moment de leur condamnation pour un crime sexuel sur Internet (4 697 délinquants provenant de 24 groupes différents). La seconde partie de l'analyse se concentrait sur le taux de récidive sexuelle des hommes ayant été condamnés pour une cyberinfraction sexuelle (2 630 délinquants provenant de 9 groupes). Les méthodes habituelles d'analyse des résultats ont permis de résumer les renseignements provenant de diverses études (méta analyse).

Réponse

Selon les résultats de la première méta-analyse, environ 1 cyberdélinquant sur 8 (12 %) avait des antécédents connus d'infraction sexuelle avec contact au moment de l'infraction à l'origine de la peine. La proportion est plus élevée dans les études qui tiennent compte des infractions déclarées par le délinquant.
D'après les données tirées de six études comportant un volet d'auto-évaluation (N = 523), environ 1 cyberdélinquant sur 2 (55 %) a admis avoir déjà commis une infraction sexuelle avec contact. On a déterminé que la première étude, où presque tous les délinquants avaient admis avoir commis ce genre d'infraction, est un cas déviant. Autrement dit, elle n'est pas représentative des résultats obtenus dans les autres études utilisant des méthodes de recherche semblables.

Les résultats de la deuxième méta-analyse indiquent que 4,6 % des cyberdélinquants ont commis une nouvelle infraction sexuelle – quelle qu'elle soit – dans une période de suivi allant de 1,5 an à 6 ans, que 2,0 % ont commis une infraction sexuelle avec contact et que 3,4 % ont commis une nouvelle infraction liée à la pornographie juvénile. Le total de ces deux types d'infraction (4,6 %) est moins élevé que leur somme, car certains délinquants ont commis les deux. Dans l'ensemble, ces taux sont moins significatifs que les taux de récidive sexuelle chez les délinquants sexuels typiques (environ 10 % après 5 ans).

Les résultats de ces deux analyses quantitatives portent à croire que bien des cyberdélinquants ressemblent aux délinquants sexuels typiques. Ils laissent aussi penser qu'il pourrait exister un sous-groupe distinct de délinquants ayant commis uniquement des infractions en ligne et ne présentant qu'un risque relativement faible de commettre un jour une infraction sexuelle avec contact.

Répercussions sur les politiques

  1. Les politiques correctionnelles concernant les cyberdélinquants sexuels devraient s'appuyer principalement sur leurs infractions connues et non sur le risque qu'ils commettent une infraction sexuelle avec contact. En général, le risque qu'un cyberdélinquant sexuel commette une infraction sexuelle avec contact est faible; il équivaut au risque qu'un délinquant n'ayant jamais été accusé d'infraction sexuelle en commette une.
  2. Étant donné qu'environ la moitié des cyberdélinquants sexuels ont déjà commis une infraction sexuelle avec contact, les politiques les concernant devraient tenir compte du risque qu'ils en commettent une. Certains cyberdélinquants pourraient tirer profit de la supervision et des traitements spécialisés normalement offerts aux délinquants sexuels typiques. Toutefois, bon nombre d'entre eux présentent un risque très faible de commettre une infraction sexuelle avec contact. Par conséquent, leur offrir des services intensifs pourrait s'avérer une mauvaise utilisation de ressources limitées.
  3. Il est nécessaire d'élaborer des procédures spécialisées d'évaluation du risque pour les cyberdélinquants sexuels. La plupart des outils d'évaluation actuels se basent sur l'existence d'une victime réelle et ne peuvent pas être appliqués aux délinquants dont les seules infractions concernent des images virtuelles. De plus, le faible taux de récidive sexuelle des cyberdélinquants suggère que ces outils auraient tendance à surestimer leur risque de récidive sexuelle.

Source

Pour de plus amples renseignements

R. Karl Hanson, Ph.D.
Recherche correctionnelle
Sécurité publique Canada
340, av. Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0P8
Tél. : (613) 991-2840
Téléc. : (613) 990-8295
Courriel : karl.hanson@ps-sp.gc.ca

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