Résumé de recherche sur le crime organisé no 16 - Mobilité du crime organisé : clan de la Camorra

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Les groupes du crime organisé qui adoptent des comportements prédateurs ou qui fournissent des biens ou des services illicites transposent différemment leurs opérations et pour divers motifs. Il faut accorder une attention particulière aux nombreux types de mouvement : individus, filiales ou quartiers généraux.

En 2010, Morselli, Turcotte et Tenti ont rédigé un rapport pour le compte de Sécurité publique Canada, La mobilité des groupes criminels. Dans le rapport, les auteurs ont passé en revue plusieurs études de cas et commentaires antérieurs. Fondé sur un processus inductif (c'est-à-dire basé sur les faits), le rapport a offert un cadre conceptuel permettant de comprendre comment les groupes du crime organisé en viennent à quitter leur lieu d'origine et à s'établir ailleurs (avec ou sans succès).

Le présent rapport vise à appliquer le cadre de Morselli, Turcotte et Tenti à une récente étude de cas sur le déplacement d'un groupe criminel de la Camorra, de la Campanie (Italie) vers l'Écosse et les Pays-Bas. Selon le cadre de Morselli et de ses collaborateurs, deux types distincts de facteurs expliquent la mobilité des groupes criminels : i) les facteurs de désintérêt, c'est-à-dire les éléments qui poussent un groupe criminel à quitter un milieu et ii) les facteurs d'intérêt, c'est-à-dire les éléments qui attirent un groupe criminel vers un milieu. L'auteur du présent rapport fait état de certaines limites du cadre et propose des façons de l'améliorer.

Selon l'auteur du rapport, le cadre des facteurs de désintérêt et d'intérêt Morselli et de ses collaborateurs est un outil analytique pertinent qui permet de comprendre les facteurs à l'origine de la mobilité des groupes criminels, mais il faudrait l'améliorer en tenant compte de la nature d'un groupe criminel donné et de la nature du déplacement effectué. Il faut faire une distinction entre les groupes au comportement purement prédateur et les groupes qui peuvent fournir certains biens et services illicites. En ce qui a trait à la nature du déplacement, on fait une distinction entre trois types de déplacements différents : i) le déplacement d'un ou de plusieurs membres pendant une période limitée; ii) l'ouverture d'une filiale dans le nouveau lieu d'activités et iii) le déplacement du quartier général du groupe, de sa tête dirigeante et des fonds communs. La nature du groupe et de son déplacement peut avoir un effet considérable sur le type de facteurs de désintérêt et d'intérêt et doit donc être prise en compte. Il est donc crucial de redéfinir le cadre, et ces caractéristiques, pour mieux saisir la diversité des facteurs de désintérêt et d'intérêt qui peuvent entrer en jeu dans le monde interlope. Il peut y avoir une interaction entre les facteurs de désintérêt et d'intérêt; on ne doit pas considérer que ces facteurs s'excluent mutuellement.

L'analyse du déplacement d'un groupe criminel de la Camorra (le clan « La Torre ») de l'Italie vers l'Écosse et les Pays-Bas révèle qu'il peut y avoir une interaction entre les facteurs de désintérêt et d'intérêt. Les criminels peuvent être forcés de quitter un territoire donné, et parallèlement, choisir leur nouveau lieu d'activités en fonction du caractère licite et illicite des possibilités anticipées. Dans le cas du clan La Torre, des facteurs d'intérêt précis sont entrés en ligne de compte. En Écosse, il s'agit de l'absence de législation antimafia, et, par conséquent, l'incapacité des autorités italiennes d'extrader les suspects, la présence d'une économie passablement florissante, reposant sur l'industrie pétrolière et gazière au large des côtes d'Aberdeen. Quant à Amsterdam, il s'agit de l'emplacement stratégique de la ville, à la jonction de nombreux circuits du trafic des stupéfiants, la présence sur place d'intermédiaires impliqués dans le trafic de drogues et d'autres biens illégaux et la présence de deux autres entrepreneurs originaires de la même région de l'Italie.

L'étude a aussi révélé que les groupes mafieux ont tendance à être fortement localisés et dépendants de leur territoire d'origine. Il n'est pas facile de déplacer le racket de protection et c'est un phénomène relativement rare. Par contre, les cas de diversification des activités semblent beaucoup plus fréquents. Cela ne veut pas dire que le processus de diversification n'a aucun effet sur les activités économiques des nouvelles régions choisies, mais simplement que le même phénomène peut prendre différentes formes selon la région.

L'examen des facteurs de désintérêt et d'intérêt établis par Morselli et ses collaborateurs ainsi que l'analyse empirique des mouvements d'un clan de la Camorra ont permis de dégager les éléments suivants : i) il y a lieu de surveiller de près les secteurs économiques où il existe une forte proportion de transactions non retraçables, car elles peuvent être liées au blanchiment d'argent; ii) il peut être difficile de retracer les investissements de produits illégaux effectués au sein de l'économie légitime, en particulier lorsque l'activité criminelle et l'investissement ont lieu dans des pays différents. Les pratiques commerciales suspectes devraient être surveillées de près; iii) un territoire donné peut devenir moins attrayant en signifiant aux criminels la ferme intention des autorités locales de lutter contre la criminalité et de réagir rapidement aux tentatives d'un certain groupe de tirer profit d'une possibilité de criminalité et iv) comme les groupes criminels peuvent diversifier leurs activités et leurs stratégies opérationnelles, les autorités doivent aussi diversifier leurs interventions.

Contrairement à ce qui ressort de nombreux comptes rendus populaires, on ne saurait surestimer le comportement stratégique. Il entre cependant encore en jeu, en particulier dans le cas de groupes au comportement purement prédateur. Les recherches futures devraient fournir un examen plus détaillé des modèles de déplacement des groupes prédateurs et les distinguer des groupes fournisseurs de biens et de services illégaux.

Enfin, en ce qui a trait aux groupes fournisseurs de biens et de services illégaux, il est possible d'établir un prix d'équilibre supérieur entre l'offre et la demande, et de réduire ainsi le nombre de consommateurs éventuels.

Nota : Le présent rapport fait partie d'une série de trois études menées par des experts européens sur la mobilité des groupes criminels, qui ont examiné le cadre proposé par Morselli et ses collaborateurs. Le résumé de recherche no traite du cadre décrivant les facteurs de désintérêt et d'intérêt liés à la mobilité des groupes criminels.

Camapana, Paolo. Réponse au rapport La mobilité des groupes criminels : Une réflexion à la lumière des recherches effectuées récemment sur la diversification fonctionnelle d'un clan de la Camorra, Ottawa (Ontario), Sécurité publique Canada, 2010.

Morselli, Carlo et Mathilde Turcotte, en collaboration avec Valentina Tenti. La mobilité des groupes criminels, Ottawa (Ontario), Sécurité publique Canada, 2010.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la recherche en matière de crime organisé au sein de Sécurité publique Canada, veuillez communiquer avec l'Unité de recherche sur le crime organisé à l'adresse ocr.rco@ps-sp.gc.ca.

Les résumés de recherche sur le crime organisé sontrédigés pour Sécurité publique Canada et le Comité national de coordination sur le crime organisé (CNC). Le CNC et ses comités régionaux et provinciaux de coordination travaillent à différents niveaux en misant sur un but commun : établir des liens entre les organismes d'application de la loi et les décideurs du secteur public afin de lutter contre le crime organisé. Les résumés de recherche sur le crime organisé appuient les objectifs de recherche du CNC en faisant ressortir des renseignements fondés sur la recherche qui sont pertinents pour l'élaboration de politiques ou d'opérations. Les opinions exprimées dans le présent résumé sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les opinions de Sécurité publique Canada ou du Comité national de coordination sur le crime organisé.

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