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Évaluation des outils d'évaluation du risque destinés aux Autochtones ayant des antécédents de crimes sexuels : Une réponse à l'affaire Ewert (2018)

Les données probantes sont maintenant suffisantes pour justifier l'utilisation de la Statique 99R, mais pas de la Statique-2002R, pour évaluer la probabilité de récidive sexuelle chez les personnes d'origine autochtone.

Contexte

Au Canada, les outils structurés d'évaluation du risque sont utilisés par l'ensemble des administrations (fédérale, provinciales et territoriales) pour déterminer la classification de sécurité, l'intensité du service, la libération conditionnelle et le niveau de surveillance communautaire (Bourgon et al., 2018).

Or, dans l'évaluation du risque de récidive, on se préoccupe constamment de la mesure dans laquelle les outils, élaborés et validés auprès d'échantillons principalement blancs, peuvent être appliqués à d'autres groupes non blancs. Au Canada, la question des préjugés culturels touche surtout les personnes d'origine autochtone, qui sont surreprésentées à toutes les étapes du système de justice pénale (Haag et al., 2016).

Cette question a reçu une attention renouvelée dans la foulée de l'affaire Ewert c. Canada (2015, 2018), où la Cour suprême du Canada a statué que plusieurs échelles d'évaluation du risque bien connues (p. ex., la Statique-99; Hanson et Thornton, 2000) n'étaient pas appuyées par des preuves suffisantes pour justifier leur utilisation auprès des Autochtones ayant des démêlés avec la justice. Plus précisément, elle a déterminé que le Service correctionnel du Canada avait contrevenu au paragraphe 24(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition parce qu'il n'avait pas fait preuve de diligence raisonnable, car il ne s'était pas assuré que ces outils d'évaluation du risque étaient valides auprès des personnes d'origine autochtone.

Cette étude avait pour objectif principal d'examiner à quel point deux outils largement adoptés auprès des personnes ayant des antécédents de crimes sexuels, soit la Statique-99R et la Statique-2002R, estiment bien le risque de récidive chez les Autochtones.

Méthode

Cette étude comptait des Autochtones (n = 653) et des Blancs (= 1 560) tirés de cinq échantillons canadiens indépendants. Tous les échantillons étaient composés d'hommes (18 ans ou plus) qui avaient été déclarés coupables de crimes sexuels et classés par un processus administratif comme présentant un niveau de risque ou de besoins élevé (ces hommes avaient été inscrits dans le Système national de repérage, étaient en détention jusqu'à la fin d'une peine de ressort fédéral ou avaient été renvoyés à un programme d'intervention hautement intensif).

La validité prédictive des outils d'évaluation du risque comporte deux grandes composantes : la discrimination (l'ampleur des différences dans les scores obtenus à l'outil entre ceux qui récidivent et ceux qui ne récidivent pas) et l'étalonnage (à quel point la probabilité de récidive estimée à partir des normes de l'instrument correspond à la probabilité de récidive observée chez l'échantillon).

Constatations

Les membres du groupe autochtone étaient, en moyenne, environ 4 ans plus jeunes (36 ans) que les membres du groupe blanc (41 ans). Le score du groupe autochtone était environ ½ point plus élevé que celui du groupe blanc (4,8 versus 4,3 pour la Statique-99R; 6,1 versus 5,7 pour la Statique-2002R). Le groupe autochtone affichait en outre des taux de récidive sexuelle plus élevés que le groupe blanc (16,2 % versus 11,9 % sur 5 ans).

La Statique-99R a été en mesure de différencier les récidivistes des non-récidivistes tant pour le groupe autochtone (n = 375) que pour le groupe blanc (= 848; valeurs AUC de 0,66 et 0,72 respectivement; bonne discrimination) sur une période de suivi de 10 ans. De plus, la probabilité de récidive sexuelle estimée à partir des normes de la Statique-99R correspondait bien à la probabilité de récidive sexuelle observée chez l'échantillon autochtone. Autrement dit, rien ne démontrait la présence de préjugés culturels dans la Statique-99R.

Les résultats n'étaient toutefois pas aussi positifs pour la Statique-2002R. Les scores totaux étaient en mesure de différencier les récidivistes des non-récidivistes pour le groupe blanc (n = 416), mais pas pour le groupe autochtone (n = 101; valeurs AUC de 0,72 et 0,61 respectivement) sur une période de suivi de 10 ans. En général, les normes de la Statique-2002R surestiment les taux de récidive sexuelle pour les hommes autochtones.

Répercussions

La Statique-99R était l'un des outils en cause dans l'affaire Ewert c. Canada (2015, 2018). Conformément aux constatations d'études antérieures (p. ex., Babchishin, Blais et al., 2012), cette étude appuie l'utilisation de la Statique-99R auprès des hommes autochtones au sein du système de justice pénale, mais pas de la Statique-2002R. Les constatations faites à l'égard de cette dernière étant basées sur un petit échantillon, la conclusion négative pourrait toutefois changer avec l'accumulation de la recherche.

Étant donné que les hommes autochtones ayant des antécédents de crime sexuels obtenaient des scores élevés pour la criminalité générale et faibles pour la délinquance sexuelle, les programmes de réadaptation destinés aux hommes autochtones qui commettent des crimes sexuels pourraient gagner à mettre davantage l'accent sur la criminalité générale (p. ex., attitudes et comportements antisociaux).

De plus, les programmes de traitement seront à leur plus efficace s'ils tiennent compte des valeurs ou des normes culturelles des Autochtones (p. ex., spiritualité), ainsi que des caractéristiques sociodémographiques qui influencent la réaction au traitement (p. ex., faibles niveau d'instruction et statut socioéconomique, oppression systémique, méfiance envers le système de justice pénale; Gutierrez, Chadwick et Wanamaker, 2018).

Comme les outils d'évaluation du risque sont utilisés à tous les points de contact avec le système de justice pénale (p. ex., services de police, détermination de la peine, réadaptation, libération conditionnelle), la poursuite des efforts en vue de valider les échelles d'évaluation du risque auprès des Autochtones demeure une priorité en matière de recherche.

Source

Lee, S. C., Hanson, R. K. et Blais, J. (2019). Évaluation des outils d'évaluation du risque destinés aux Autochtones ayant des antécédents de crimes sexuels : Une réponse à l'affaire Ewert (2018). Rapport de recherche de Sécurité publique Canada. 2023-R002.


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