La confiance du public dans la justice pénale : bilan des dernières tendances 2004-05

Julian V. Roberts
Département de criminologie
Université d'Ottawa

Rapport à l'intention de Sécurité publique et Protection civile Canada
Novembre 2004

Remerciements

J'aimerais remercier les personnes suivantes de l'aide qu'elles m'ont apportée pour trouver les enquêtes étudiées dans ce rapport : Steve Mihorean (ministère de la Justice Canada), ainsi que Tony Hahn, Stacie Ogg et Emmanuel Chabot (Sécurité publique et Protection civile Canada). Je remercie également Jim Bonta de ses observations sur une première version du présent document.

Julian V. Roberts
Professeur de criminologie
Université d'Ottawa
Jvr1@sympatico.ca

Novembre 2004

Les opinions exprimées sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de Sécurité publique et Protection civile Canada.


Sommaire

En matière de justice pénale, les recherches sur l'opinion publique menées au Canada ont généralement porté sur des questions de fond comme la détermination de la peine, la libération conditionnelle ou le maintien de l'ordre. Il existe déjà un nombre d'études considérable sur tous les principaux secteurs du système de justice pénale dans notre pays et ailleurs. Mais depuis quelques années, les chercheurs et les décisionnaires s'intéressent plutôt aux réactions du public face à la criminalité et à la justice de façon plus générale. La peur du crime et la confiance du public dans la justice sont des exemples de questions cruciales qui ont une portée élargie. Les recherches sur la peur du crime ont été résumées dans un document antérieur (voir Roberts, 2001). Le présent rapport porte plus précisément sur la question qui est sans doute la plus cruciale dans ce domaine : la confiance du public dans le système de justice.

Dans la plupart des pays occidentaux, il est de plus en plus largement admis que promouvoir la confiance du public dans l'administration de la justice est un des principaux objectifs d'un bon gouvernement. Cette constatation découle de l'étude d'enquêtes d'opinion publique menées dans différents pays, dans le cadre desquelles on a demandé aux répondants de dire dans quelle mesure ils avaient confiance dans la justice pénale. La plupart des enquêtes ont révélé de faibles degrés de confiance dans l'appareil de justice pénale par rapport à d'autres institutions publiques comme le régime de soins de santé, les forces armées ou le système scolaire (voir Hough et Roberts, 2004). Au vu de ces résultats, de nombreux pays, notamment la Grande-Bretagne, la Belgique et les États-Unis, ont lancé des initiatives pour promouvoir la confiance du public.

L'objet de ce rapport est de faire le bilan des tendances récentes qui se dégagent d'enquêtes dans le cadre desquelles on a cherché à mesurer la confiance du public dans le système canadien de justice pénale, car même si le sujet a été abordé à plusieurs reprises, les données recueillies n'ont jamais été compilées. Plus particulièrement, nous tentons d'élucider les questions suivantes :

i)  Comment la confiance du public dans la justice pénale a-t-elle été mesurée au Canada et ailleurs?

ii)  Quel est le degré de confiance des Canadiens dans leur système de justice?

iii)  Quels sont les secteurs de l'appareil de justice qui suscitent le plus ou le moins de confiance de la part du public?

iv)  La confiance du public dans un secteur particulier du système de justice varie-t-elle selon la fonction que remplit ce secteur?

v)  Où se situe le degré de confiance du public au Canada par rapport à d'autres pays?

Champ de l'étude

L'étude porte sur toutes les recherches menées au Canada depuis 25 ans (1980 à 2004), plus particulièrement sur les enquêtes représentatives du public, plutôt que sur les études qualitatives comme la recherche par groupes de réflexion. Malheureusement, il nous a été impossible de nous appuyer sur les résultats de sondages continus car, même si la confiance du public dans le système de justice – et ses réactions à ce système – ont fait l'objet de plusieurs enquêtes depuis une décennie, la plupart des sondeurs ont formulé leurs questions différemment, de sorte qu'il est difficile de tirer des conclusions sur les tendances.

Principales constatations

Les récents sondages amènent à penser que les Canadiens ont une opinion plus positive que négative du système en général. L'enquête la plus récente a montré que 46 % d'entre eux avaient confiance dans le système de justice, comparativement à 32 % qui ne s'y fiaient pas. Une proportion importante de Canadiens interrogés lors d'une enquête menée en 2002 se sont dits mécontents de l'action des pouvoirs publics face à la criminalité.

Conclusions

Quelle conclusion devrait-on tirer de cette étude de récents sondages sur la confiance du public dans la justice pénale? Peut-on parler de crise de confiance parmi la population canadienne en ce qui concerne le système de justice? Les résultats démontrent que l'on ne peut pas raisonnablement conclure que la confiance du public est grande. Un pourcentage très élevé de Canadiens disent avoir peu confiance dans la justice ou même n'en avoir aucune. Mais cette conclusion doit être nuancée par les remarques suivantes :

Recommendations

Voici les recommandations qui concluent le rapport :

Introduction

En matière de justice pénale, les recherches sur l'opinion publique menées au Canada ont généralement porté sur des questions de fond comme la détermination de la peine, la libération conditionnelle ou le maintien de l'ordre. Il existe déjà un nombre d'études considérable liées aux principaux secteurs du système de justice pénale dans notre pays et ailleurs (p. ex. Hough et Roberts, 1999; Roberts, 1992, 1995; Roberts et Hough, 2001; Roberts et Stalans, 1997; Tufts, 2000; Zamble et Kalm, 1990). Mais depuis quelques années, les chercheurs et les décisionnaires s'intéressent plutôt aux réactions du public face à la criminalité et à la justice de façon plus générale. La peur du crime et la confiance du public dans la justice sont des exemples de questions cruciales qui ont une portée élargie. Les recherches sur la peur du crime ont été résumées dans un document antérieur (voir Roberts, 2001). Le présent rapport porte plus précisément sur la question qui est peut-être la plus cruciale dans ce domaine : la confiance du public dans le système de justice.  

Dans la plupart des pays occidentaux, il est de plus en plus largement admis que promouvoir la confiance du public dans l'administration de la justice est un des principaux objectifs d'un bon gouvernement. Cette constatation découle de l'étude d'enquêtes d'opinion publique menées dans différents pays, dans le cadre desquelles on a demandé aux répondants de dire dans quelle mesure ils avaient confiance dans la justice pénale. Des enquêtes menées dans plusieurs pays ont révélé une faible confiance dans l'appareil de justice pénale par rapport à d'autres institutions publiques comme le régime de soins de santé, les forces armées ou le système scolaire (voir Hough et Roberts, 2004a; Sherman, 2002). Au vu de ces résultats, de nombreux pays, notamment la Grande-Bretagne, la Belgique et les États-Unis, ont lancé des initiatives pour promouvoir la confiance du public. Par exemple, un des principaux objectifs que s'est fixé le ministère de l'Intérieur britannique est de renforcer la confiance du public (voir Home Office, 2003).

Importance de la confiance du public dans la justice

Les raisons pour lesquelles la confiance du public dans le fonctionnement du système de justice pénale est cruciale sont nombreuses. Premièrement, dans la plupart des cas, la police est mise au courant de la perpétration d'un acte criminel à la suite d'une déclaration de la victime ou d'un témoin – autrement dit, des citoyens. Si ces derniers manquent de confiance dans l'action de la police, ils seront portés à ne pas faire de déclaration. La participation du public est également essentielle lorsque des accusations sont portées contre un suspect. Les poursuites ne peuvent aboutir que si la victime (devenue le plaignant) collabore et accepte de fournir des preuves (si l'affaire est portée devant les tribunaux). La participation des victimes peut avoir des conséquences directes sur l'évolution de l'affaire; en effet, de nombreux accusés plaident coupables une fois qu'ils savent que la victime va témoigner. En outre, la participation d'autres témoins est souvent essentielle pour obtenir une condamnation. Parfois en effet les poursuites doivent être abandonnées parce que des témoins ont refusé de coopérer. Les victimes et les témoins ne coopéreront avec la police et les procureurs que s'ils ont confiance dans le système de justice en général et plus précisément dans les professionnels de la justice pénale avec qui ils sont en contact.

En théorie, le système de justice doit inspirer confiance au public pour que sa légitimité ne puisse être remise en cause. Le pouvoir peut être conféré, mais la légitimité et l'autorité se méritent. Le fait qu'un tribunal peut imposer une sanction (parfois lourde) exige que la collectivité ait confiance dans la légitimité de l'institution qui l'inflige. Qu'entend-on par légitimité? Cela peut vouloir dire bien des choses, mais les notions d'équité et d'intégrité sont au cœur de ce concept. Par exemple, le public n'accordera pas de légitimité à un système de justice qui punit plus sévèrement les minorités – qui est discriminatoire contre ces groupes  – ni à un système dont les membres n'exercent pas leur profession avec intégrité ou n'adhèrent pas aux valeurs de la collectivité (voir Tyler, 1990 et Tyler, 2002 pour une analyse plus approfondie).

La faible confiance du public dans le système de justice appelle également un désir de réforme : une enquête menée aux États-Unis a révélé que plus de quatre répondants sur cinq étaient favorables à l'idée de  « restructurer complètement le fonctionnement du système de [justice pénale] » [traduction]  (voir Sherman, 2002). Cette volonté de changement radical témoigne d'un manque de confiance dans le fonctionnement actuel du système (ou dans la façon dont le public estime qu'il fonctionne). Si le public a une opinion erronée de la criminalité et de la justice, ces réformes fausseront l'orientation stratégique du système. Par exemple, si le public pense que les prisonniers qui bénéficient d'une libération conditionnelle représentent une menace pour la sécurité de la collectivité, sa confiance dans les commissions des libérations conditionnelles sera minée et il demandera qu'elles soient abolies. De fait, tous les arguments avancés contre la libération conditionnelle ces dernières années sont alimentés par des allégations voulant que les prisonniers en libération conditionnelle représentent une menace pour la sécurité de la collectivité.

Confiance du public et cohésion sociale

Enfin, des recherches menées récemment au Canada, qui s'appuient sur la dernière Enquête sociale générale (ESG) (2003), ont révélé une autre raison pour laquelle le degré de confiance dans la justice et autres institutions publiques est important. Statistique Canada a demandé aux Canadiens d'indiquer le degré de leur confiance dans un certain nombre d'institutions publiques (y compris le système de justice), ainsi que la force de leur sentiment d'appartenance pour le Canada. Les personnes qui avaient une grande confiance dans les institutions publiques canadiennes ont dit avoir un sentiment d'appartenance fort pour le Canada, ce qui semble montrer que la confiance du public dans des institutions fondamentales comme le système de justice favorise la cohésion sociale (Statistique Canada, 2003) Note de bas de page 1

Lien entre la connaissance de la justice pénale et les degrés de confiance

Il existe des liens importants entre la confiance et les attitudes du public envers la justice et le degré de connaissance du système de justice pénale. On peut présumer que la confiance traduit une attitude positive envers le système. Si les gens estiment que la police exerce une discrimination contre certains membres de la population ou qu'elle a excessivement recours à la force face à des suspects, leur confiance dans la police sera certainement minée. De même, s'ils pensent que les peines ne sont pas assez sévères, cela diminuera leur confiance dans le système de justice.

La connaissance peut aussi influencer les opinions et le degré de confiance (voir Chapman, Mirrlees-Black et Brawn (2002); Hough et Park (2002) pour des démonstrations empiriques de l'effet de l'information sur les attitudes du public envers la justice pénale). Par exemple, le fait de croire que les peines sont trop légères dépend finalement de ce que l'on sait des méthodes de détermination de la peine. Les recherches menées au Canada et au Royaume-Uni ont montré que la plupart des gens sous-estiment la sévérité des peines imposées, ce qui contribue sans aucun doute à les amener à penser que les juges sont trop laxistes envers les délinquants reconnus coupables (voir Doob et Roberts, 1988; Hough et Roberts, 1998). Cette perception négative de la magistrature a pour effet de miner la confiance du public.

Objet du rapport

L'objet de ce rapport est de faire le bilan des tendances récentes qui se dégagent d'enquêtes dans le cadre desquelles on a cherché à mesurer la confiance du public dans le système canadien de justice pénale, car même si le sujet a été abordé à plusieurs reprises, les données recueillies n'ont jamais été regroupées et analysées dans un même rapport. En conclusion, nous présentons un résumé des initiatives récentes qui ont été lancées pour renforcer la confiance du public dans le système de justice pénale. Les questions que nous tentons particulièrement d'élucider dans ce rapport sont les suivantes :

i) Comment la confiance du public dans la justice pénale a-t-elle été mesurée au Canada et ailleurs?

ii)  Quel est le degré de confiance des Canadiens dans leur système de justice?

iii)  Quels sont les secteurs de l'appareil de justice qui suscitent le plus ou le moins de confiance de la part du public?

iv)  La confiance du public dans un secteur donné du système de justice varie-t-elle selon la fonction que remplit ce secteur?

v)  Où se situe le degré de confiance du public au Canada par rapport à d'autres pays?  

Champ de l'étude  

L'étude porte sur toutes les recherches menées au Canada depuis 25 ans (1980-2004), plus particulièrement sur les enquêtes représentatives du public, plutôt que sur des études qualitatives comme la recherche par groupes de réflexion.Note de bas de page 2 Malheureusement, il nous a été impossible de nous appuyer sur les résultats de sondages continus, car même si la confiance du public dans le système de justice – et ses réactions à ce système – ont fait l'objet de plusieurs enquêtes depuis une décennie, à l'exception de l'Enquête sociale générale (ESG) – menée seulement quatre foisNote de bas de page 3 -  la plupart des sondeurs ont formulé leurs questions différemment, de sorte qu'il est difficile de tirer des conclusions sur les tendances. L'étude porte également sur des sondages provenant directement de ministères qui les ont commandés; ces documents sont rarement publiés, voire jamais.

Mesurer la confiance

Les sondeurs abordent généralement la question de la confiance du public de deux façons. On demande parfois aux répondants d'évaluer leurs attitudes et opinions à l'égard du système en général ou de secteurs particuliers de l'appareil de justice pénale (p. ex. police, tribunaux, services correctionnels;  « Dans quelle mesure avez vous confiance dans ... »  « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de ... »). Dans d'autres sondages, on leur demande d'évaluer les réalisations du système de justice ou de certains de ses secteurs. Les sondeurs partent du principe que les cotes de confiance sont corrélées, de sorte que l'une peut servir d'indicateur de l'autre. Les résultats des quelques études qui incluaient plusieurs mesures révèlent d'importantes corrélations entre les variables. Autrement dit, les cotes de confiance semblent capter le même concept général. Les cotes des réalisations concernent un ensemble distinct de concepts, mais elles restent clairement liées à la confiance[4].C'est pourquoi dans ce rapport, nous faisons le bilan des résultats de sondages où tous les types de questions ont été utilisés.

Le problème du  « seuil »

Il est difficile de tirer des conclusions comparatives sur le degré de confiance du public dans les différents domaines de la politique publique. Si 60 % des Canadiens disent être très ou assez satisfaits de l'action du gouvernement pour combattre la criminalité, ce pourcentage est-il élevé ou faible? Jusqu'où les degrés de confiance doivent-ils tomber avant que nous puissions parler d'une  « crise de confiance  »? Pour répondre à la question, on peut situer ce pourcentage dans un contexte comparatif et se demander s'il est plus élevé ou plus faible que la proportion de Canadiens qui ont cette opinion au sujet de l'action du gouvernement concernant une autre institution publique, par exemple, le régime de soins de santé. Nous allons présenter dans ce document quelques comparaisons de ce type. Les lecteurs qui souhaitent obtenir plus de précisions sur les variations démographiques concernant les questions traitées ici peuvent consulter les publications originales.  

Satisfaction à l'égard de l'action locale et nationale face à la criminalité

Une enquête récente (2003) menée en Grande-Bretagne (voir Page, Wake et Ames, 2004) a donné une nouvelle dimension aux recherches sur la confiance du public : on a demandé aux répondants de donner leur avis sur l'action des autorités aux échelons national et local. Compte tenu des réponses très différentes selon le niveau concerné, cette distinction pourrait être importante. Les répondants britanniques ont dit avoir beaucoup plus confiance dans l'action au niveau local (voir Hough et Roberts, 2004b). Malheureusement, aucune enquête au Canada n'a encore exploré les opinions du public sur le système de justice pénale, aux échelons local et national. C'est là une lacune importante qu'il faudra combler dans les prochains sondages du domaine.

Résultats des recherches

1. Réactions du public à l'égard du système de justice dans son ensemble

Échelle de confiance (2002)

Au Canada, seules quelques enquêtes ont porté sur le degré de confiance du public à l'égard du système de justice dans son ensemble, bien que, comme on le verra plus loin dans le présent rapport, plusieurs sondages aient été menés pour évaluer les réactions des Canadiens à l'égard de certains secteurs du système.

En 2002, on a demandé aux participants à une enquête nationale d'apprécier le degré de confiance qu'ils accordaient au  « système de justice du Canada ». Sur une échelle de sept, une  « grande confiance » était notée 7 et  « aucune confiance », 1 (Compas, 2002). (Seul 1 % de l'échantillon a répondu  « sans opinion »). Les résultats sont donnés au tableau 1Note de bas de page 5.

Tableau 1. Confiance du public dans le système de justice
  % de répondants
7 = Grande confiance   5%
6 12%
5 29%
4 22%
3 17%
2   8%
1 = Aucune confiance   7%

Source: Compas (2002)

Comme on l'a noté dans l'introduction, l'interprétation des réponses à une question de ce genre est un exercice subjectif. Dix-sept pour cent des personnes interrogées ont choisi l'une des réponses les plus optimistes (6 ou 7), environ le même pourcentage ayant choisi une des options les plus négatives (1 ou 2). Une façon d'interpréter ces données est d'envisager les options comme représentant une échelle de confiance, et de se demander si la proportion des répondants ayant opté pour une réponse positive dépasse la proportion des réponses négatives par rapport au point médian (4). C'est une forme de  « registre » de la confiance, grâce auquel nous comparons les crédits (% d'opinions positives) au déficit (% d'opinions négatives).

Mis à part les 22 % de la catégorie médiane (4), 46 % des répondants se situaient sur le versant positif, 32 % sur le versant négatif, soit un taux de confiance  « net » de 14 %. Globalement, les résultats de ce sondage suggèrent au moins que les Canadiens ont une opinion légèrement plus positive que négative de leur système de justice, bien que la balance ne penche pas très fortement en faveur des opinions positives. En outre, une importante minorité – environ un tiers de l'échantillon  – n'a pas une grande confiance dans le système. Par ailleurs, les résultats qui ressortent d'autres sondages sont moins positifs en ce qui concerne la confiance du public dans la justice.

Échelle de satisfaction (2002)

En 2002, Léger Marketing a demandé aux répondants d'un sondage d'indiquer leur degré de satisfaction du système judiciaire[6], en indiquant s'ils étaient très satisfaits, satisfaits, mécontents ou très mécontents du système judiciaire. Seuls 3 % étaient très satisfaits, 51 % satisfaits, 30 % mécontents et 11 % très mécontents (6 % se déclarant  « sans opinion »). Le solde de confiance positif s'établit donc à 10 %. Les optimistes peuvent souligner que, dans l'ensemble, les répondants étaient plus satisfaits que mécontents. Les pessimistes, toutefois, peuvent faire remarquer qu'au total, 41 % des répondants étaient mécontents et que le pourcentage des très mécontents était presque quatre fois plus élevé que le pourcentage des très satisfaits (Léger Marketing, 2002).

Échelle des impressions à propos de la justice (1994)

Une autre approche  « globale » de la question avait été adoptée dans un sondage précédent. Lors d'une enquête menée au Canada en 1994, on a demandé aux répondants de donner leurs impressions du système de justice, en recourant à une échelle de dix points où 10 correspondait à une impression  « très positive  » et 1 à une impression  « très négative ». Si l'on élimine les répondants se situant aux points médians de cette échelle (5 à 6), 22 % avaient une impression positive (points 7 à 10 sur l'échelle), et un pourcentage beaucoup plus élevé (50 %), une impression négative (points 1 à 4; voir Insight Canada, 1994). Il s'ensuit un  « déficit » de confiance de 38 % – un résultat beaucoup plus négatif que les conclusions des sondages récents. La question n'est pas exactement la même que celle qui a été posée plus récemment sur la confiance (voir plus haut); néanmoins, pris ensemble, les deux sondages amènent à penser que la réaction du public à l'égard du système de justice est peut-être devenue plus favorable au cours des dernières années. D'un autre côté, la structure différente des réponses aux deux sondages peut tout simplement résulter de la différence entre les libellés des questions posées.

Perceptions du public des degrés de confiance

Une autre perspective du degré de confiance du public peut être dérivée du public lui-même. En 2002, on a demandé à un échantillon de Canadiens d'approuver ou de désapprouver une série d'affirmations concernant la justice, dont deux étaient pertinentes pour le présent rapport :  « Le système de justice favorise ceux qui ont de l'argent » et  « Le degré de méfiance à l'égard de l'ordre juridique est élevé ». Pour ce qui est de la première affirmation, au moins les deux tiers des répondants ont approuvé : près de la moitié, fortement, en cochant  « 7 » sur une échelle de sept points (Compas, 2002). Quant à l'affirmation concernant la méfiance, près de la moitié des répondants l'ont approuvée, 16 % avaient une opinion neutre et seulement un sur cinq l'ont désapprouvée (Compas, 2002). Ces tendances appuient l'opinion voulant qu'il existe un malaise prononcé au sein de la population canadienne à l'égard du système de justice au Canada.

Confiance du public dans la justice

L'opinion un peu négative de la justice qui ressort des sondages que nous venons d'analyser s'est également manifestée lors d'une enquête menée en Alberta. Le gouvernement albertain est un chef de file pour ce qui est de promouvoir la confiance du public dans la justice pénale. En 1998, le procureur général de l'Alberta a organisé un sommet dans le but de  « dégager un consensus sur les mesures à prendre pour rehausser la confiance du public et élargir la participation communautaire au système de justice » [traduction] (ministère de la Justice de l'Alberta, 1999; on trouvera dans les sections suivantes de ce rapport un résumé de cette initiative). Ce sommet avait été précédé par une enquête qui explorait les réactions des Albertains à l'égard de la justice dans leur province. Une des questions posées était la suivante :  « Globalement, dans quelle mesure êtes-vous satisfait du travail qu'effectue le ministère de la Justice de l'AlbertaNote de bas de page 7?  ». Les résultats ont montré que les Albertains étaient uniformément divisés : 49 % étaient très ou assez satisfaits et 48 % étaient assez ou très mécontents (3 % s'étant déclarés  « sans opinion »). On aboutit à une cote de confiance qui est neutre.

Satisfaction du public à l'égard des mesures prises par les pouvoirs publics face à la criminalité

Une autre manière d'explorer la confiance ou la satisfaction du public à l'égard du système de justice est de demander aux gens d'exprimer leur degré de satisfaction envers les pouvoirs publics chargés de la justice pénale. Cette approche a rarement été adoptée au Canada; toutefois, lors d'une enquête effectuée pour le compte du solliciteur général du Canada (comme il s'appelait alors) en 2002, on a posé la question suivante :  « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de l'action des administrations fédérales, provinciales et municipales face à la criminalité au Canada? ». Les réponses possibles étaient : très satisfait, assez satisfait, pas très satisfait ou pas satisfait du tout. Les résultats ont fait ressortir des niveaux relativement modestes de satisfaction : seuls 6 % des répondants étaient très satisfaits, 54 % étaient assez satisfaits et quatre répondants sur dix n'étaient pas très satisfaits ou pas satisfaits du tout (Ipsos-Reid, 2002).

Si l'on adopte un point de vue de  « vérificateur » pour interpréter ces sondages, on est amené à penser que la satisfaction à l'égard de la justice est loin d'être répandue. Quand la cote de confiance nette qui se dégage des enquêtes est positive, la marge est assez étroite; dans tous les sondages, des pourcentages importants de répondants expriment un manque de confiance dans le système de justice.

Comparaison internationale (Canada et Royaume-Uni)

Comment ces degrés de confiance du public se comparent-ils avec ceux constatés dans d'autres pays? Comme on l'a noté dans l'introduction, lors d'une enquête réalisée en Angleterre et au pays de Galles en 2003 par l'institut de sondage MORI, on a posé une question concernant la réaction à la criminalité  « dans la région où vous habitez » ainsi qu'au niveau national. On a constaté un  « crédit  » de confiance net de 29 % dans le premier cas, mais un  « déficit » de 4 % dans le second (voir Page et autres, 2004). Vu que la formulation de la question concernant le niveau national britannique semble se rapprocher davantage du libellé des sondages réalisés au Canada, les degrés de confiance sont probablement supérieurs au Canada qu'en Grande-Bretagne. Toutefois, deux réserves s'imposent. Premièrement, le libellé MORI pourrait encourager une opinion plus critique de la part des répondants . centrée sur la réduction de la criminalité – que la formulation canadienne. Deuxièmement, lorsque MORI a demandé aux répondants d'apprécier la réaction à la criminalité  « dans la région où vous habitez », cela a donné un  « crédit » de confiance de 29 %. Comme on l'a souligné, les comparaisons avec le Canada ne sont pas possibles en ce qui concerne cette question parce qu'aucun sondage n'a exploré la confiance dans la justice au niveau local.

2. Comparaisons avec d'autres institutions publiques

Peu d'enquêtes portent sur la confiance du public dans le système de justice par rapport à d'autres institutions publiques. Cependant, les données limitées dont on dispose actuellement, tirées de l'Enquête sociale générale (ESG) de 2003, autorisent une telle analyse comparative. Les répondants avaient le choix entre quatre appréciations et pouvaient dire qu'ils avaient :  « une très grande confiance »,  « une grande confiance »,  « peu confiance » ou  « pas du tout confiance  ». Le tableau 2 résume le degré de confiance exprimé par les Canadiens à l'égard de plusieurs institutions publiques.

Comme on peut le constater, un peu plus de la moitié (57 %) des répondants ont déclaré avoir une grande ou très grande confiance dans le système de justice; un tiers ont dit avoir peu ou pas du tout confiance. À nouveau, l'interprétation de cette tendance s'avère un exercice subjectif. On peut dire, au moins, que la proportion des répondants qui ont déclaré avoir une très grande confiance était deux fois plus élevée que celle des personnes qui n'ont exprimé aucune confiance. En revanche, les Canadiens continuent d'avoir plus de confiance dans le régime de soins de santé, bien que ce soit une institution qui ait fait l'objet de nombreuses critiques au cours des dernières années : 67 % des personnes interrogées ont déclaré avoir confiance dans le régime de soins de santé, comparativement à 57 % pour ce qui est du système de justice. S'il y a une crise de confiance dans le régime de soins de santé, le problème est encore plus grand en ce qui concerne la confiance à l'égard du système de justice.

Tableau 2. Confiance à l'égard d'institutions publiques choisies
   Très grande confiance Grande confiance Peu confiance Pas du tout confiance
Police 35% 48% 11%   2%
Entreprises locales 19% 61% 11%   1%
Banques 9% 49% 21%   6%
Régime de soins de santé 19% 48% 24%   4%
Système scolaire 17% 48% 21%   3%
Système de justice 14% 43% 27%   7%
Entreprises   8% 38% 33% 10%
Parlement   8% 35% 35% 10%
Système d'aide sociale   9% 32% 29%   9%

Nota : Les chiffres ayant été arrondis, la somme des pourcentages peut ne pas correspondre à 100.
Source : Statistique Canada (2003).

Variation régionale

Le tableau suivant (tableau 3) montre une répartition régionale des degrés de confiance du public à l'égard de quatre institutions publiques, tirée de l'ESG de 2003. Comme on peut le constater, il y a relativement peu d'écart entre les degrés de confiance à l'égard du système de justice. Le pourcentage des répondants déclarant avoir confiance est le plus élevé au Nouveau-Brunswick (66 % déclarant avoir une  « très grande » ou  « grande » confiance dans le système de justice) et le plus faible en Colombie-Britannique (50 %). Le tableau 3 montre également que la confiance dans les autres institutions publiques diverge dans une plus large mesure, particulièrement en ce qui a trait au système d'aide sociale, où l'écart entre les degrés de confiance est de 35 %.

Tableau 3. Variation régionale de la confiance : pourcentage des Canadiens ayant une « très grande » ou  « grande » confiance dans un échantillon d'institutions publiques
  Système de justice Système de soins de santé Système scolaire Système d'aide sociale
Terre-Neuve 62% 63% 72% 38%
Î-P-É. 63% 68% 76% 40%
Nouvelle-Écosse 59% 63% 62% 34%
Nouveau-Brunswick 66% 71% 67% 42%
Québec 65% 74% 78% 64%
Ontario 57% 69% 58% 33%
Manitoba 46% 62% 66% 32%
Saskatchewan 51% 65% 75% 29%
Alberta 51% 64% 62% 34%
Colombie-Britannique 50% 56% 59% 31%
Étendue 16% 18% 20% 35%

Source : Statistique Canada (2003) Comparaison internationale —  Canada et États-Unis.

Le tableau suivant (tableau 4) résume les conclusions d'une enquête auprès de répondants américains. Note de bas de page 8Comme on peut le constater, le pourcentage de répondants exprimant de la confiance dans le système de justice pénale est significativement moindre que le pourcentage exprimant de la confiance dans la plupart des autres institutions publiques. La tendance au Canada n'est donc pas unique. De fait, la population, dans la plupart des pays occidentaux, accorde moins de confiance au système de justice qu'à la plupart des autres institutions publiques.

Tableau 4. Confiance du public américain dans les institutions (2003)
  Pourcentage de répondants accordant une  « très grande » ou une  « grande » confiance à l'institution concernée
Armée 82%
Police 61%
Présidence 55%
Banques et secteur bancaire 50%
Églises ou groupes religieux 50%
Cour suprême 47%
Système de santé 44%
Écoles publiques 40%
Nouvelles télévisées 35%
Journaux 33%
Congrès 29%
Système de justice pénale 29%
Mouvement syndical 28%
Grandes entreprises 22%

Source: Gallup Organization (2003)

Comparaisons internationales (Canada et pays européens)

Le tableau 5 situe la confiance dans la justice dans un contexte élargi, en comparant le degré de confiance des Canadiens à l'égard de la justice avec celui enregistré dans 14 pays européens. Comme on peut le constater, la fourchette dans laquelle s'inscrit la confiance du public dans tous ces pays est frappante : au Danemark, environ quatre répondants sur cinq accordent une très grande ou une grande confiance à leur système de justice, alors que seulement 32 % des Italiens interrogés ont la même opinion du système de justice de leur pays. La proportion de Canadiens qui accordent une très grande ou une grande confiance à leur système de justice est légèrement supérieure à la moyenne européenne.Note de bas de page 9

Tableau 5. Confiance dans le système de justice, Canada et pays européens (2001)
  Très grande ou grande confiance Peu ou pas du tout confiance
Danemark 79% 21%
Autriche 69% 31%
Finlande 66% 34%
Allemagne 62% 38%
Suède 61% 39%
Canada(2003) 57% 43%
Irlande 55% 45%
Royaume-Uni 49% 51%
Irlande du Nord 48% 52%
Grèce 47% 53%
France 46% 54%
Portugal 40% 60%
Belgique 37% 63%
Espagne 32% 68%
Italie 32% 68%
Moyenne européenne 45% 55%

Sources: Sourcebook of European Values Study (2001); Statistics Canada (2003)

Passons maintenant aux cotes accordées par le public aux divers secteurs du système de justice pénale.

3. Confiance accordée à certains secteurs de la justice pénale

Une conclusion quasi générale émerge concernant la confiance du public dans différents secteurs du système de justice. Dans toutes les juridictions et au fil du temps, une nette hiérarchie se dégage : la police bénéficie des évaluations les plus positives (voir Hough and Roberts, 2004b). Le tableau 6 révèle cette tendance à partir de données recueillies par le Angus Reid Group en 1997. La police a bénéficié de l'évaluation la plus positive du public; 37 % des personnes interrogées ont dit accorder une très grande confiance à la police locale, avec des degrés de confiance presque aussi élevés accordés à la GRC. En revanche, seulement 3 % des répondants ont déclaré accorder une très grande confiance au régime de libération conditionnelle, et seulement 4 % ont exprimé ce degré de confiance dans le système de justice pour les jeunes.Note de bas de page 10

Tableau 6. Degrés de confiance du public dans les organismes de justice pénale au Canada (1997)Note de bas de page 11
  Très grande confiance Confiance relative Peu confiance Pas du tout confiance
Police locale 37% 49% 10%   3%
GRC 33% 50%   8%   3%
Tribunaux  7% 45% 30% 17%
Système carcéral  6% 36% 34% 20%
Régime de libération conditionnelle  3% 22% 37% 35%
Système de justice pour les jeunes  4% 22% 33% 39%

Source: Angus Reid (1997)

Tel que mentionné précédemment, déterminer si le public accorde ou non sa confiance au système de justice est un exercice subjectif. Si l'on adopte un point de vue de  « vérificateur », on peut se demander si la proportion des répondants qui donnent une réponse positive dépasse le pourcentage de ceux qui donnent une réponse négative. Ici encore, si l'on part du principe que les quatre réponses possibles représentent une échelle avec deux options positives et deux options négatives, on peut dire que le public canadien est plus positif que négatif dans son attitude à l'égard des forces de police locales et fédérales (opinions positives de 73 % et 72 % respectivement). Toutefois, la population est également partagée en ce qui concerne les tribunaux, et plus négative que positive à propos du système carcéral et du système de libération conditionnelle (voir tableau 7).

Tableau 7. Degrés de confiance du public dans les secteurs de la justice pénale, Canada (1997)
  % de l'échantillon  « très » ou  « relativement  » confiant % de l'échantillon  « peu » ou  « pas du tout » confiant
Police locale 86% 13%
GRC 83% 11%
Tribunaux 52% 47%
Système carcéral 42% 54%
Régime de libération conditionnelle 25% 72%
Système de justice pénale pour les adolescents 26% 72%

Source: Angus Reid (1997)

Une tendance similaire émerge des résultats d'un sondage effectué par Environics un an plus tard. Comme il ressort du tableau 7, la police et la Cour suprême attirent plus de réponses positives de la part des citoyens que les autres organismes.

Tableau 8. Degrés de confiance du public dans les organismes de justice pénale au Canada (1998)
  Très grande confiance Confiance relative Juste un peu confiance Pas confiance du tout
GRC 34% 46% 10%   5%
Cour suprême 20% 49% 19%   7%
Police locale 30% 50% 11%   6%
Cours provinciales 12% 48% 25% 11%
Juges 11% 50% 23% 13%
Avocats   7% 38% 30% 22%
Commission des libérations conditionnelles   4% 31% 31% 26%

Nota : Les réponses  « sans opinion » sont exclues.      
Source : Extrait de Stein (2001).

L'enquête la plus récente menée pour mesurer la confiance du public dans les secteurs du système de justice a été réalisée en 2002. Les résultats apparaissent au tableau 9. Une fois encore, le secteur policier de la justice pénale a obtenu les cotes de confiance les plus élevées de la part du public.[12]

Tableau 9. Confiance dans les secteurs du système de justice (2002)
  % de l'échantillon  « très » ou  « relativement » confiant % de l'échantillon  « peu » ou  « pas du tout » confiant
GRC 88%   9%
Police locale 83% 12%
Police provinciale 78% 11%
Cour suprême 78% 18%
Procureurs 71% 24%
Tribunaux 62% 36%
Système carcéral 49% 48%
Régime de libération conditionnelle 36% 61%

Nota :

1. Le rapport remis au gouvernement par Ipsos-Reid amalgamait les réponses endeux catégories, bien que quatre options aient été proposées aux répondants.
2. Le total de la ligne numéro trois donne 89 %; les 11 % manquants ne peuvent pas  être expliqués par une erreur d'arrondi; le lecteur est prié de s'adresser à Ipsos-Reidpour toute clarification.

Source : Ipsos-Reid (2002).

Le tableau 10 résume les données fournies par les répondants dans une seule ville (Kingston, en Ontario). On aurait pu s'attendre à ce que les cotes de confiance soient différentes dans une ville dans laquelle sont situés plusieurs établissements correctionnels fédéraux. Toutefois comme on peut le constater au tableau 10, l'ensemble des cotes diffère peu de celles relevées au niveau national.

Tableau 10. Confiance du public dans les secteurs de la justice pénale,résidants de Kingston
  Grande confiance Confiance relative Peu confiance Pas du tout confiance
Police provinciale 57% 34%   6%   1%
Police locale 56% 32%   8%   2%
Tribunaux 17% 50% 21%   8%
Service correctionnel du Canada 15% 47% 25%   7%
Commission des libérations conditionnelles 10% 41% 25% 11%

Nota : Les pourcentages ne totalisent pas 100 % en raison de l'exclusion des réponses  « sans opinion ».
Source : Environics Research Group Limited (2000).

Changements au fil du temps

Le tableau 11 donne une comparaison des réponses sur la confiance pendant une période de neuf ans (1989-1998). Bien qu'une comparaison soit seulement possible pour cinq secteurs de la justice pénale, il ressort clairement de ce tableau qu'en l'occurrence, la proportion des répondants qui disent avoir confiance a régressé, quoique marginalement seulement en ce qui concerne la police. Faute de données supplémentaires, il est difficile de déterminer s'il s'agit d'une tendance; pour le moment, il suffit simplement de noter que les degrés de confiance dans la justice étaient un peu plus faibles en 1998 qu'en 1989.

Tableau 11. Comparaison des degrés de confiance (1989 et 1998)
  Grande confiance ou confiance relative Peu ou pas confiance
  1989 1998 1989 1998
GRC   82% 80%  (-2%)   11% 15% (+4%)
Police locale   81% 80%  (-1%)   16% 17% (+1%)
Cour suprême   76% 69%  (-7%)   18% 26% (+8%)
Cours provinciales   66% 60%  (-6%)   28% 36% (+8%)
Avocats   56%   45% (-12%)   40%   52% (+12%)

Sources : Riopelle-Ouellet (1991); Environics (1998; tiré de Stein, 2001).

4. Cotes de fonctions particulières

Il est clair, au vu des tableaux précédents, que le degré de confiance du public dans la justice varie considérablement en fonction d'un secteur donné du système de justice. On constate également une variation des cotes de confiance au sein d'un seul et même secteur. Un certain nombre de sondages ont exploré de façon approfondie la cote accordée par le public aux organismes du système de justice pénale : on a demandé aux répondants d'évaluer la confiance que leur inspirent les principaux secteurs du système de justice pénale par rapport aux fonctions qu'ils sont chargés de remplir. On trouvera un récapitulatif de ces cotes au tableau 11. Ces données sont tirées de l'Enquête sociale générale réalisée par Statistique Canada en 1999 (Tufts, 2000)Note de bas de page 13.

Comme pour les sondages que l'on a déjà décrits, les cotes sont significativement plus positives pour la police que pour les tribunaux ou les autorités correctionnelles. Toutefois, les évaluations du public ne sont pas uniformes pour toutes les fonctions; les gens ont le sentiment que ces organismes sont plus efficaces dans l'exercice de certaines de leurs fonctions que dans d'autres. Ainsi, les autorités correctionnelles obtiennent des cotes plus favorables pour la supervision ou le contrôle des prisonniers que pour la surveillance des délinquants en liberté conditionnelle. De la même façon, la police est mieux cotée pour son accessibilité que pour sa capacité à répondre promptement à des demandes de service (voir tableau 12).

Tableau 12. Évaluations de la police, des tribunaux et des prisons (1999)
  % de répondants qui jugent les réalisations de l'organisme satisfaisants
Police  
Est accessible 66%
Assure la sécurité des citoyens 62%
Fournit de l'information sur la réduction de la criminalité 54%
Réagit promptement 49%
Tribunaux  
Assurent un procès équitable aux accusés 41%
Déterminent la culpabilité ou l'innocence 21%
Aident les victimes de la criminalité 15%
Rendent justice diligemment 13%
Autorités correctionnelles  
Supervisent/contrôlent les prisonniers 26%
Aident les prisonniers à devenir respectueux de la loi 14%
Relâchent des délinquants qui ne sont pas susceptibles  de commettre de nouvelles infractions 15%
Assurent la surveillance des délinquants en liberté conditionnelle 13%

Source: Tufts (2000)

Comparaison internationale : Grande-Bretagne

La hiérarchie des degrés de confiance qui ressort des enquêtes canadiennes peut également être constatée ailleurs. L'enquête britannique sur la criminalité (British Crime Survey) a fourni plusieurs indices sur l'opinion de la population à l'égard de différents éléments du système de justice pénale. Comme l'avaient montré plusieurs enquêtes et sondages précédents, la police tend à occuper une place de choix dans de telles comparaisons (voir tableau 13).

Tableau 13. Évaluations des organismes de justice pénale en Grande-Bretagne
  % de répondants qui jugent les réalisations bonnes ou excellentes
Police 48%
Prisons 25%
Ministère public 23%
Service de probation 24%
Juges 25%
Tribunaux pour adolescents 14%

Source: Nicholas et Walker (2004)

Globalement, des résultats similaires ressortent d'un sondage effectué par l'organisation MORI en 2003. Les répondants devaient indiquer dans quelle mesure ils étaient convaincus que différents secteurs du système de justice pénale faisaient du bon travail. Cette formulation amalgame les concepts de confiance et d'évaluation dans une même question, mais la hiérarchie des professions qui en émerge est comparable à celle qui se dégage de sondages où l'on demande uniquement aux répondants d'évaluer le travail effectué par diverses professions.

Le tableau 14 illustre les résultats de l'enquête britannique sur la criminalité : le public a plus confiance dans la police, et moins confiance dans les tribunaux et les prisons. On constate un écart de 30 % entre les  « cotes » de confiance. Bien que celles-ci soient significativement plus basses pour certains secteurs du système de justice que pour d'autres, le  « bilan » est positif même pour le secteur qui bénéficie des plus faibles cotes de confiance – les tribunaux pour adolescents. Toutefois, comme on l'a déjà noté, il est difficile de dire ce qui constituerait effectivement un bilan acceptable.

Tableau 14. Confiance dans les secteurs du système de justice pénale en Grande-Bretagne
  Beaucoup ou assez de confiance Pas beaucoup ou pas de confiance du tout
Police locale 76% 22%
Police en Angleterre et au pays de Galles 73% 25%
Service de probation 59% 29%
Ministère public 57% 36%
Juges 54% 43%
Tribunaux 51% 44%
Prisons 48% 43%
Tribunaux pour adolescents 46% 38%

Source: MORI (2003)

Comparaison entre la Grande-Bretagne, le Canada et la Nouvelle-Zélande

On trouve, au tableau 15, un récapitulatif des cotes attribuées par le public à des professionnels de la justice pénale en Grande-Bretagne, au Canada et en Nouvelle-Zélande. Alors que, généralement, le libellé différent des questions rend plus compliquées les comparaisons entre pays, des enquêtes récentes menées au Canada et en Nouvelle-Zélande utilisaient exactement les mêmes questions que celles de l'enquête britannique sur la criminalité. On a demandé aux gens, dans les deux pays :  « Comment évaluez-vous les réalisations de chacun de ces groupes? » [traduction] Les résultats figurent au tableau 15, et on peut en tirer plusieurs conclusions. Premièrement, comme la police britannique, la police canadienne obtient une cote plus positive que les autres organismes. Deuxièmement, les évaluations sont moins favorables en Grande-Bretagne, en particulier en ce qui concerne les professionnels responsables des poursuites. Ainsi, plus de la moitié de l'échantillon canadien considère que les procureurs font du bon ou de l'excellent travail, contre seulement environ un quart de l'échantillon britannique.Note de bas de page 14Les juges, eux aussi, bénéficient d'évaluations plus positives au Canada qu'en Grande-Bretagne.

Tableau 15. Comparaison de l'évaluation par le public des professionnels de la justice au Canada, en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande
  Excellent ou bon Moyen Médiocre ou très médiocre
Canada      
Police 67% 25%   7%
Avocats de la défense 56% 36%   6%
Procureurs 53% 40%   5%
Juges 50% 31% 17%
Grande-Bretagne      
Police 53% 30%   6%
Avocats de la défense N/A N/A N/A
Procureurs 23% 53% 24%
Juges 21% 49% 32%
Nouvelle-Zélande      
Police 74% 19%   7%
Avocats de la défense 45% 42% 13%
Procureurs N/A N/A N/A
Juges 42% 37% 22%

Sources : Mirrlees-Black, (2001); Paulin et coll. (2003); Roberts (2002).

Comparaisons des évaluations par le public de diverses fonctions particulières, au fil du temps

On dispose des données de trois des quatre Enquêtes sociales générales qui ont été effectuées jusqu'ici (1988, 1993 et 1999). On peut ainsi effectuer une comparaison relative des degrés de confiance au cours de la dernière décennie concernant les tribunaux et la police. Le tableau 16 indique les pourcentages de répondants aux trois éditions de l'enquête qui ont jugé médiocre l'action de la police et des tribunaux. Comme on peut le constater, les pourcentages sont relativement stables. Les faibles augmentations du pourcentage des répondants ayant une opinion négative des tribunaux pourraient être dues à une erreur aléatoire. Ces tendances contrastent avec celles qui se dégagent du tableau précédent qui indiquait une détérioration des cotes attribuées par le public. Il est possible que la perception globale des secteurs de la justice pénale se soit détériorée, mais que les opinions du public sur les différentes fonctions en cause soient restées stables.

Ainsi, les données canadiennes ont une stabilité qui est assez comparable à celle qui se dégage de plusieurs éditions de l'enquête britannique sur la criminalité (p. ex. Mirrlees-Black, 2001). La seule exception à cet égard est l'évaluation des services de police qui est moins favorable en Grande-Bretagne pendant la période allant de 1996 à 2000. En effet, en 1996, 64 % des répondants considéraient que la police faisait du bon ou de l'excellent travail, mais en 2000, ce pourcentage chutait à 53 % (Mirrlees-Black, 2001).Note de bas de page 15

Tableau 16. Évaluations de la police et des tribunaux, Canada (1988 à 1999) :pourcentage de répondants jugeant leur action médiocre
  1988 1993 1999
Police      
Est accessible   5%   5%   4%
Assure la sécurité des citoyens --   7%   5%
Fait appliquer les lois   5%   6%   5%
Fournit de l'information sur la prévention  de la criminalité   9% 12%   9%
Répond rapidement aux appels   9%   9%   8%
Courts      
Assurent un procès équitable aux accusés   9% 12% 11%
Déterminent la culpabilité ou l'innocence 17% 21% 20%
Aident les victimes 33% 42% 35%
Rendent justice diligemment 37% 50% 41%

Source: Tufts (2000)

5. Les prisons

Il existe des données qui permettent une comparaison entre trois pays (États-Unis, Canada et Grande-Bretagne) des cotes attribuées par le public au système carcéral. Le tableau 17 fait ressortir des tendances semblables dans les trois pays. Bien que les réponses possibles diffèrent légèrement, il semble évident que la population des trois pays soit plus portée à penser que la prison est plus susceptible de paralyser les délinquants que de les réadapter.

Tableau 17. Évaluations par le public du système carcéral, dans trois pays
Canada
  Bon travail Travail passable Travail médiocre Sans opinion
Maintien de la sécurité 26% 32% 20% 21%
Promotion de la réadaptation 14% 32% 28% 26%
États-Unis
  Excellent Bon Satisfai-sant Médiocre Sans opinion
Maintien de la sécurité 18% 49% 23% 8% 2%
Promotion de la réadaptation 2% 12% 34% 48% 4%
Grande-Bretagne
  Grande confiance Confiance relative Pas très confiance Pas confiance du tout Sans opinion
Maintaining security 25% 64% 7% 1% 3%
Promoting rehabilitation 5% 39% 40% 9% 7%

Sources:  Gallup (2000); MORI (2003); Tufts (2000)

6. Appréciation des professionnels de la justice pénale

Une autre façon d'explorer la confiance dans la justice pénale est de comparer les perceptions que le public a de différentes professions appartenant à ce secteur. Le tableau 18 met en contexte, dans une certaine mesure, les degrés de confiance que suscitent, parmi la population, les professionnels de la justice pénale au Canada. Ce tableau confirme à nouveau la tendance qui se dégage des sondages précédents : le public a plus confiance dans la police que dans les autres professionnels de la justice pénale. Toutefois, à l'exception des avocats, le pourcentage de répondants exprimant une grande confiance envers les autres professionnels de la justice pénale était relativement élevé. En outre, comme on le précisera dans la conclusion de ce rapport, il est probablement irréaliste de s'attendre à ce que la cote de confiance du public à l'égard des professionnels de la justice pénale soit aussi favorable que celles concernant les professionnels de la santé ou de l'enseignement.

Tableau 18. Degrés de confiance dans diverses professions (2000)
  % de répondants exprimant un degré élevé de confiance dans la profession
Personnel infirmier 89%
Médecins 79%
Enseignants 74%
Police 72%
Bénévoles 63%
Juges 59%
Procureurs 52%
Employés d'ONG (temps plein) 51%
Enquêteurs 50%
Chefs religieux 49%
Chefs d'entreprise 43%
Fonctionnaires provinciaux 42%
Fonctionnaires fédéraux 37%
Avocats 34%
Journalistes 34%
Chefs syndicaux 24%
Politiciens 19%
Lobbyistes 14%

Source: Ekos Research Associates (2000)

Le tableau 19 confirme la hiérarchie des professions établie dans une étude de 1993. Le pourcentage de la population accordant une grande confiance à la police était beaucoup plus élevé que celui des gens qui exprimaient le même degré de confiance envers les juges ou les avocats.

Tableau 19. Degrés de confiance dans certaines professions (1993)
  % accordant  « une grande confiance » à la profession en cause
Médecins 48%
Police 48%
Enseignants 45%
Prêtres et ministres du culte 30%
Juges 27%
Journalistes 15%
Avocats 11%
Politiciens   4%

 Source: Angus Reid (1993)

Discussion et conclusions

Pourquoi le public a-t-il peu confiance dans la justice?

Cet examen de récents sondages d'opinion publique sur le système de justice pénale a révélé que la population canadienne ne fait pas particulièrement confiance à la justice. Cette constatation doit toutefois être mise en contexte. On ne peut logiquement s'attendre à ce que la cote de confiance ou d'efficacité de la justice pénale corresponde à celle d'autres institutions publiques et ce, pour plusieurs raisons.

Différentes missions  

Dans la documentation internationale (voir Hough et Roberts, 2004b), on trouve partout cette constatation : la cote que le public attribue généralement au système de justice et la confiance qu'il manifeste à son égard sont d'habitude moins favorables qu'envers le régime de soins de santé, le système scolaire ou les forces armées. Cette tendance se dessine également lorsqu'on demande aux gens de coter certaines professions : le personnel infirmier, les enseignants et les militaires sont mieux cotés par le public que les avocats, les juges ou les membres des commissions des libérations conditionnelles. Cependant, il ne faut pas oublier que les professions cotées plus favorablement ont en commun une mission – aider ou protéger la population. En revanche, les juges sont chargés de missions multiples, entre autres, celle de s'assurer que les accusés sont jugés équitablement. De la même manière, les procureurs doivent agir dans l'intérêt public, ce qui ne signifie pas toujours intenter des poursuites ou en appeler d'un acquittement ou d'une peine prononcée.  

En outre, comme le notent Kritzer et Voelker (1998), à propos des tribunaux du Wisconsin :  « Il n'est pas surprenant que les gens manifestent une certaine insatisfaction à l'égard des tribunaux : ils les associent à des choses peu plaisantes – actes criminels, blessures, divorce, etc. Bien des gens, peut-être la plupart d'entre eux, sont probablement aussi peu portés à faire appel volontairement aux tribunaux qu'à se faire arracher leurs dents de sagesse. » [traduction] (p. 59). La mission de la justice pénale n'est pas principalement d'aider les victimes, mais plutôt de travailler en faveur de la sécurité publique et d'imposer des sanctions appropriées. Il est donc probablement impropre de faire des comparaisons entre la confiance à l'égard du système de justice et la confiance envers le système de santé, dont le but premier est le bien-être du citoyen qui y a recours.  

La perception du public à l'égard des professionnels de la justice pénale

Les citoyens font souvent peu de cas de la complexité des rôles de certains professionnels du secteur de la justice pénale. Par exemple, les gens sont nombreux à présumer que l'avocat de la Couronne  « représente » la victime de la même manière que l'avocat de la défense représente l'accusé (Roberts, 2002). Le public a tendance à se rallier à un type de justice axée sur le  « contrôle de la criminalité » plutôt que vouée à  « l'application régulière de la loi »; bien des gens sont agacés et frustrés par les garanties de procédure ou les protections constitutionnelles accordées aux suspects. En deux mots, les missions professionnelles des représentants du système de justice leur garantissent en fait une cote moins favorable que celle dont bénéficient les professionnels du secteur des soins de santé ou de l'éducation.

La police a une mission qui concorde mieux avec l'image qu'en a le public. Les agents de police protègent la société et facilitent les poursuites engagées contre les criminels en recueillant des preuves. Ce sont là des rôles que le public peut facilement endosser, et cela explique dans une large mesure l'écart entre les degrés de confiance du public à l'égard de la police et à l'égard des autres professionnels du système de justice pénale.  

Relative visibilité des professionnels de la justice pénale  

Il existe également une explication plus prosaïque de la cote favorable accordée par le public à la police. Les agents de police sont les professionnels de la justice pénale les plus visibles. Le public les voit quotidiennement à l'œuvre, remplissant habituellement un rôle utile et salutaire à leurs concitoyens, par exemple, en réglant la circulation ou en prenant les dispositions nécessaires lors d'un accident. Les juges remplissent les devoirs de leur charge dans des salles d'audience où généralement peu de représentants du public sont présents. Les délibérations des membres des commissions des libérations conditionnelles sont encore moins publiques. L'attention de la population n'est attirée sur ces professions que lorsque les médias en parlent, habituellement lorsqu'une décision a été prise et qu'aux yeux d'un journaliste, elle semble, d'une certaine façon, porter à la controverse. Il n'est donc pas étonnant que la cote accordée par le public aux juges, aux procureurs et aux membres des commissions des libérations conditionnelles soit moins favorable que celle qu'il attribue à la police.  

Victimisation et perceptions du crime : Tendances 

Un autre facteur qui mine la confiance du public à l'égard du système de justice pénale est l'évolution du taux de criminalité et la façon dont cela est perçu par le public. L'ESG de 1999 a montré qu'un quart des répondants avaient été victimes d'un acte criminel sous une forme ou sous une autre au cours des 12 mois précédents (Besserer et Trainor, 2000). Les données recueillies en 2000 dans le cadre de l'Enquête internationale sur les victimes de la criminalité (EIVC) démontrent que le nombre des actes criminels déclarés par des victimes au Canada est plus élevé que dans la plupart des autres pays participant à l'enquête (Besserer, 2002; figure 1).  

En outre, le public a une opinion exagérément pessimiste de l'évolution de la criminalité. Même si, au Canada, pendant dix années consécutives (de 1991 à 2001), les taux de criminalité ont chuté (Wallace, 2004), en 2002, moins d'un Canadien sur dix croyait que ces taux avaient effectivement baissé. Environ un tiers des personnes interrogées pensaient qu'en réalité, ces taux avaient augmenté (Ipsos-Reid, 2002).  

Images de la justice

Enfin, il est important de prendre en considération ce qui vient à l'esprit des gens lorsqu'ils pensent au système de justice. Quand on leur demande de dire ce qu'évoque  « spontanément » pour eux la justice pénale, les gens vont citer des choses comme la détermination de la peine, les prisons et la libération conditionnelle. En fait, ces secteurs sont à la fois les plus visibles et les moins populaires. C'est un facteur qui doit avoir une influence sur les cotes attribuées par le public lorsqu'on lui pose des questions sur le  « système dans son ensemble ». Les cotes accordées aux tribunaux et aux services correctionnels ont tendance à faire chuter les cotes globales du système de justice. Ne serait-ce que pour cette raison, il est important d'approfondir les réactions du public à l'égard de certains secteurs, ainsi que les cotes attribuées au système dans son ensemble.

Causes du manque de confiance

Comme on l'a noté dans l'introduction, il y a un rapport entre la connaissance et la confiance. La plupart des Canadiens ont plusieurs idées fausses à propos du problème que pose la criminalité et de la nature des réactions de la justice pénale. Plus précisément, beaucoup de Canadiens :

Ces idées fausses - qui se fondent toutes sur des représentations inexactes du crime et de la justice dans les médias - contribuent sans aucun doute à miner la confiance du public dans le système de justice pénale et envers les professionnels qui le font fonctionner. Lorsqu'on leur demande pourquoi ils ont peu ou pas confiance dans le système de justice, la plupart des Canadiens répondent en citant certains aspects de la détermination de la peine et de la libération conditionnelle. Des recherches par groupes de discussion menées en 2003 ont permis de constater que  « les gens avaient généralement le sentiment que la durée des peines était beaucoup trop courte » [traduction] (Angus Reid, 2003, p. 14). De nombreux sondages d'opinion publique ont été effectués au Canada au cours des 20 dernières années, et leurs résultats révèlent un désenchantement généralisé à propos de la détermination de la peine (ou de ce que les gens perçoivent comme étant la façon dont les peines sont déterminées).Note de bas de page 16

La mesure dans laquelle les Canadiens pensent que le crime est un problème qui préoccupe les pouvoirs publics est une autre cause du manque de confiance de la population à l'égard de la justice pénale. En 1997, dans le cadre d'un sondage effectué pour le gouvernement fédéral, on a posé la question suivante :  « Comment compareriez-vous l'attitude du gouvernement fédéral à l'égard du crime et votre propre attitude à ce propos? Est-ce que le gouvernement fédéral est beaucoup plus préoccupé par la criminalité que vous, un peu plus préoccupé, un peu moins préoccupé, beaucoup moins préoccupé ou aussi préoccupé que vous l'êtes? » [traduction]. Environ un quart des répondants croyaient que le gouvernement était aussi préoccupé qu'ils l'étaient. Cependant, parmi ceux qui estimaient qu'il y avait un écart entre les degrés de préoccupation, ils étaient beaucoup plus nombreux à croire que le gouvernement était moins préoccupé qu'eux par la criminalité (20 % des répondants estimaient que le gouvernement était plus préoccupé qu'eux, alors que 50 % déclaraient que le gouvernement l'était moins; Palmer, 1997).

Initiatives visant l'amélioration de la confiance du public

Plusieurs pays ont lancé des initiatives destinées à améliorer la confiance du public dans l'administration de la justice (pour de plus amples informations, voir Hough et Roberts, 2004b). La première étape vers l'élaboration d'une stratégie qui a été le plus fréquemment utilisée est l'organisation d'une conférence nationale ou internationale sur le sujet, avec la participation des principaux intéressés. De telles conférences ont été organisées en Belgique, en Australie, aux États-Unis et dans d'autres pays. Il est important de noter, cependant, qu'aucune de ces initiatives n'a été officiellement évaluée; nous ne savons donc pas dans quelle mesure elles ont été utiles pour relever le degré de confiance du public.

C'est aux États-Unis que la question de la confiance du public dans la justice a été à l'origine du plus grand nombre d'initiatives. On a effectué dans ce pays plus d'enquêtes sur le sujet qu'ailleurs. Les résultats de ces enquêtes, menées à l'échelle nationale et à celle des États, ont inspiré divers types de mesures, en réaction à ce qui est perçu comme une crise de la confiance du public dans le système de justice, notamment dans les tribunaux de juridiction criminelle. Parmi les initiatives lancées le plus fréquemment aux États-Unis, on peut noter :

Comités consultatifs de citoyens :En Californie, un groupe d'étude distinct a été établi et chargé de formuler des propositions ayant pour but d'amorcer et d'améliorer la collaboration entre les tribunaux et les collectivités, à l'échelle de l'État et des localités. Dans la foulée de cette initiative, un rapport exhaustif et un manuel ont été publiés (le manuel peut être consulté à l'adresse : www.courtinfo.ca.gov/programs/community/handbook.htm). En Caroline du Sud, le barreau a d'abord organisé une série de sommets des citoyens sur la justice et, ensuite, une conférence à l'échelle de l'État qui a eu lieu en 1998.

Tribunaux en  « tournée » et audiences dans les écoles : En Arizona, le tribunal part en tournée dans tout l'État, et ses audiences sont suivies de discussions avec le public. Au Wisconsin, le programme connu sous le nom de  « Justice on Wheels » donne aux citoyens de l'État la possibilité d'entendre des plaidoiries. Au Minnesota, la Cour suprême part en tournée pour entendre des plaidoiries lors d'audiences tenues dans des écoles. Ce programme touche plus de 4 000 jeunes par an.

Programmes éducatifs :Au Kansas, la Cour suprême collabore avec l'association du barreau de l'État pour mettre au point et coordonner des projets d'éducation publique qui ont le droit pour thème.

Programmes de sensibilisation du public : L'association des avocats plaidants du Nevada (Trial Lawyers' Association) a mis en œuvre un programme de vulgarisation du droit dans le but d'éclairer le public sur des questions d'ordre juridique. Dans l'Utah, un comité de sensibilisation du public (Public Outreach Committee), qui regroupe des représentants des tribunaux et du barreau, coordonne et parraine plusieurs forums publics.

Activités de rayonnement à l'intention des médias : Dans plusieurs États, l'appareil judiciaire a mis sur pied des activités de rayonnement à l'intention des médias. Par exemple, la magistrature du Colorado, en collaboration avec l'association du barreau de cet État, organise des séminaires et des ateliers à l'intention des membres des médias. Au Tennessee, l'Université Vanderbilt offre des ateliers d'une journée sur le thème :  « Le droit pour les journalistes ». Le but de ces initiatives est de rehausser la confiance du public dans la justice en améliorant la qualité de la couverture des médias à cet égard.

Activités de rayonnement de la magistrature : Une des initiatives les plus couramment lancées aux États-Unis est l'organisation de réunions publiques auxquelles participent des membres de la magistrature. Les tribunaux de l'État de New York délèguent des juges pour prendre la parole dans le cadre de diverses réunions de type communautaire. Au Wisconsin, il existe un service de conférenciers de la magistrature (Judicial Speakers Bureau) qui a établi une liste de plus de 100 juges disposés à participer à des tribunes organisées localement. En Arkansas, dans le cadre de réunions organisées sur le thème :  « Rencontrez vos juges », les citoyens ont la possibilité de poser des questions à des juges.

Faciliter la participation du public : Dans de nombreux États, les citoyens sont appelés à participer à des consultations officielles. En Arizona, l'opinion des collectivités a été sollicitée dans le cadre d'une série de sommets des citoyens. En Californie, 57 des 58 tribunaux de première instance ont mis au point un plan stratégique qui s'appuie sur la participation de la collectivité. Dans le comté d'Orange, on a également fait une enquête parmi les gens qui avaient eu recours aux tribunaux. Les résultats sont utilisés pour aider les tribunaux à planifier leurs activités à long terme. En Oregon, une conférence sur la justice et les citoyens a été organisée à l'échelle de l'État, sur le thème :  « Rehausser la confiance dans le système de justice en faisant participer les citoyens ». Venus des quatre coins de l'État, des citoyens ont ainsi pu cerner les problèmes que pose l'administration de la justice, ainsi que les priorités en la matière, en discuter et recommander des solutions.

Amélioration de sites Web :Ces dernières années, tous les États ont apporté des améliorations à leur site Web afin de fournir plus de renseignements aux citoyens. Le barreau du district de Columbia a créé un site Web en 1999, ce qui a suscité des réactions extrêmement positives de la part du public. Dans de nombreux États, sur le site des tribunaux qui mettent en ligne les jugements rendus, on trouve également une page réservée à l'information des citoyens (p. ex. le site Web des tribunaux de Caroline du Nord : www.nccourts.org). Sur le site de certains États comme celui de Washington, on trouve une page réservée exclusivement à la question de la confiance du public : www.courts.wa.gov/programs_orgs/. Des informations y sont données sur les activités qui concernent la confiance du public et qui sont organisées dans chaque comté de l'État.

Sondages périodiques d'opinion publique : La préoccupation que suscite la confiance du public a également entraîné la multiplication des sondages d'opinion publique, l'idée étant qu'évaluer régulièrement l'opinion publique est un mécanisme utile pour fournir de l'information sur leurs activités à des organismes comme les services locaux de police. En effet, les informations ainsi recueillies peuvent permettre à la police locale d'adapter ses initiatives en fonction des préoccupations particulières de la collectivité (National Institute of Justice, 2003).

Organisations non gouvernementales américaines : Tous les exemples d'initiatives cités jusqu'ici visent des responsables de l'administration de la justice. Toutefois, des ONG ont également décidé de participer aux efforts consentis pour rehausser la confiance du public. Par exemple, l'American Bar Association, par l'intermédiaire de sa division responsable de l'éducation juridique du public, fait la promotion d'activités dont l'objectif est de rehausser la confiance du public. En 1997, l'ABA a adopté une résolution voulant que cette division :  « prenne l'initiative de créer un consortium d'organismes qui se consacrent à l'éducation du public...et a) poursuive des recherches sur les causes de la baisse de confiance dans l'appareil judiciaire et le système de justice... et b) élabore et mette en œuvre des programmes éducatifs axés sur le long terme... ainsi que sur l'amélioration de la confiance du public  » [traduction] (American Bar Association, 1997).

Promouvoir la confiance du public dans la justice en Alberta

Même si plusieurs pays occidentaux ont lancé des initiatives pour favoriser une plus grande confiance du public dans la justice, une seule juridiction du Canada a suivi cet exemple. En 1999, le gouvernement albertain a convoqué un  « Sommet sur la justice » consacré à ce problème. Au préalable, des réunions publiques avaient été organisées dans 17 localités de la province, et les résultats de ces consultations ont été transmis aux délégués lors du sommet. Les principaux intervenants, ainsi que des citoyens sélectionnés au hasard dans toute la province, ont été réunis afin de discuter des résultats d'un sondage d'opinion portant sur la confiance du public dans le système de justice (voir ministère de la Justice de l'Alberta, 1999). Le gouvernement a établi un comité directeur dont la mission est de  « rehausser la confiance du public et élargir la participation communautaire au système de justice  » [traduction].

Le rapport du sommet, rendu public quelques mois plus tard, renfermait 25 recommandations fondamentales qui reflétaient les huit thèmes abordés lors des réunions. Le premier de ces thèmes était :  « Améliorer les connaissances du public, son éducation et sa sensibilisation » [traduction]. Dans le rapport du sommet, il est noté que :  « Le fait que les Albertains connaissent mal le système de justice et que peu d'efforts aient été consentis pour les éduquer et les sensibiliser en la matière a été considéré comme un obstacle majeur à l'amélioration du système... de l'avis des délégués, si l'on améliorait la connaissance et la compréhension du système, on éliminerait beaucoup de frustration, de crainte et d'antagonisme » [traduction] (ministère de la Justice de l'Alberta, 1999, p. 5). Parmi les recommandations touchant particulièrement la question de la confiance du public, on relève notamment que les délégués ont préconisé, entre autres, la tenue d'autres sommets pour garantir un examen permanent du système de justice Note de bas de page 17.

À l'inverse de ce qui s'est passé dans d'autres juridictions, où les initiatives axées sur la confiance du public sont restées ponctuelles, le gouvernement de l'Alberta a assuré un suivi et a tenu la population informée des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées au sommet. Un certain nombre d'initiatives particulières ont été lancées sur le thème de l'amélioration des connaissances, de l'éducation et de la sensibilisation du public.

Conclusions

En bout de ligne, quelle conclusion devrait-on tirer de cette étude de récents sondages sur la confiance du public dans la justice pénale? Peut-on parler de crise de confiance parmi la population canadienne en ce qui concerne le système de justice? Les résultats démontrent que l'on ne peut pas raisonnablement conclure que la confiance du public est grande. Un pourcentage très élevé de Canadiens disent avoir peu confiance dans la justice ou même n'en avoir aucune. Mais cette conclusion doit être nuancée par les remarques suivantes :

Toutefois, il faut reconnaître que certains secteurs de la justice font face à un problème d'image.

Quelques recommandations

Bibliographie

Notes

  1. 1

    Bien entendu, il s'agit d'un résultat corrélatif qui montre une association entre des variables sans prouver pour autant que si une variable change, l'autre change aussi nécessairement. Il est possible également qu'un fort sentiment d'appartenance pour le Canada conduise à une grande confiance dans ses institutions. Nous ne savons pas si le sentiment d'appartenance favorise la confiance ou si c'est l'inverse. Il est également plausible que les deux sentiments se nourrissent mutuellement, suivant un modèle de causalité bidirectionnelle.

  2. 2

    Un certain nombre de recherches par groupes de réflexion ont été commandées (p. ex. Angus Reid, 1996). Les résultats sont généralement les mêmes que ceux des sondages représentatifs de la population.

  3. 3

    Bien que Statistique Canada ait publié des résultats de base sur la confiance dans la justice (et d'autres institutions publiques), les cotes des différents secteurs du système de justice, établies par l'ESG de 2003, n'ont pas encore été publiées.

  4. 4

    L'étude des différences théoriques entre les cotes de confiance et les cotes portant sur les réalisations dépasse le cadre du présent rapport. Mais la confiance pourrait bien être  « prospective », au sens où les gens qui font confiance à la police, par exemple, s'attendent à la voir intervenir et faire le nécessaire s'ils ont besoin d'aide, alors que les cotes sur les réalisations pourraient être plus rétrospectives et découler de ce que sait le répondant ou de ce qu'il a lu sur le système ou ses différents secteurs.

  5. 5

    Sauf indication contraire, tous les tableaux qui suivent résument les données d'enquêtes effectuées au Canada.

  6. 6

    À proprement parler, l'expression  « système judiciaire » évoque l'appareil judiciaire; toutefois, il paraît probable que la plupart des gens interprètent l'expression plus librement comme signifiant  « système de justice » (et en fait, l'enquête comportait également des questions ne concernant pas les tribunaux); c'est pour cette raison qu'elle a été incluse dans le présent rapport.

  7. 7

    Les options étaient : très satisfait, assez satisfait, assez mécontent, très mécontent.

  8. 8

    Nous n'approfondirons pas le sujet davantage dans le présent rapport, mais les données américaines relatives à la confiance fournies ici masquent d'importantes différences raciales, les répondants afro-américains faisant état de degrés de confiance significativement moindres à l'égard de certains secteurs du système de justice pénale, notamment la police (voir Sherman, 2002).

  9. 9

    La moyenne est calculée à partir d.une liste plus importante de 32 pays européens (voir Sourcebook of European Values Study, 2001).

  10. 10

    Tous les sondages sur la justice pour les jeunes dont disposait l'auteur au moment de la rédaction du présent rapport avaient été effectués avant l'adoption de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il est possible que la couverture généralement positive de la nouvelle loi ait pu accroître la confiance du public dans ce secteur particulier du système de justice.

  11. 11

    Les chiffres ayant été arrondis, la somme des pourcentages peut ne pas correspondre à 100. Ces statistiques sont tirées du rapport original (voir références) qui n'explique pas les pourcentages manquants. Il est possible qu.ils représentent les réponses  « sans opinion ». Quoi qu'il en soit, le lecteur curieux est prié de s'adresser au Angus Reid Group pour toute clarification.

  12. 12

    La hiérarchie de la  « satisfaction » constatée à l'échelle nationale a également émergé d'une enquête récente en Alberta. Ainsi, 94 % des répondants avaient confiance dans leur police locale, 90 % dans la GRC, 44 % dans les tribunaux, 37 % dans le système carcéral, 22 % dans le régime de libération conditionnelle, et seulement 11 % dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (ministère de la Justice de l'Alberta, 1999).

  13. 13

    Tel que noté précédemment, les données détaillées sur les attitudes, tirées de l'ESG de 2003 de Statistique Canada, ne sont toujours pas disponibles.

  14. 14

    La publicité considérable générée par plusieurs poursuites qui n'ont pas abouti peut très bien expliquer l'évaluation moins favorable des procureurs britanniques.

  15. 15

    Bien qu'ils ne soient pas directement comparables, les résultats de l'enquête MORI 2003 suggèrent un nouveau déclin de la confiance de la population dans la police. Seuls 9 % des répondants ont dit être  « tout à fait convaincus » que la police en Angleterre et au pays de Galles faisait du bon travail.

  16. 16

    Des recherches menées au Canada et ailleurs ont démontré que la plupart des citoyens sous-estiment la sévérité des peines imposées. Cela s'inscrit dans le cadre d'une opinion générale du public sur la justice pénale, jugée plus indulgente qu'elle ne l'est en fait (voir Roberts, 1995; Doob et Roberts, 1988).

  17. 17

    Certaines recommandations reflétaient simplement les aspirations des délégués (p. ex.  « Le système de justice devrait évoluer au fil du temps, à l'image des valeurs et des besoins de la société »;  « Le droit et le processus judiciaire devraient refléter la volonté démocratique des Canadiens » [traduction]).

Date de modification :