Sommaire d'évaluation Prevention Intervention Toronto

Introduction

Les gangs de jeunes et la violence liée aux gangs représentent un enjeu dans les collectivités socialement défavorisées de Toronto depuis plusieurs dizaines d'années. En effet, les décès liés aux gangs à Toronto ont atteint leur apogée à 35 en 2003, et se situent depuis entre 14 et 30 par année. En 2010, Toronto était au quatrième rang des grandes villes canadiennes, après Winnipeg, Vancouver et Montréal, pour les homicides liés aux gangs par habitant. En 2008, une analyse approfondie menée par des fonctionnaires de la Ville de Toronto et des chercheurs de l'Université de Toronto a permis de conclure que le problème de gangs à Toronto était le plus prononcé dans trois quartiers situés dans la partie nord ouest de la ville : Jane-Finch, Weston-Mt. Dennis et Rexdale.

La Ville de Toronto a reçu 3 956,802 millions de dollars de financement du Centre national de prévention du crime (CNPC) pour mettre en œuvre le programme Prevention Intervention Toronto (PIT). Ce dernier a été administré par la Ville de Toronto et exécuté dans la collectivité par l'organisme Jewish Vocational Services (JVS).

Le programme a été mis en œuvre entre décembre 2009 et le 31 mars 2012.

Description du programme

Le programme PIT est une intervention de 36 semaines qui comporte trois phases distinctes : 1) phase d'évaluation des besoins ; 2) phase de formation de groupe ; 3) phase d'intégration. La phase d'évaluation des besoins a lieu durant les huit premières semaines du programme. Pendant cette phase, les participants et les chargés de cas se rencontrent pour cerner les facteurs de risque et les besoins précis qui forment la base des plans individualisés. Ensuite, la phase de formation de groupe dure vingt semaines pendant lesquelles les participants reçoivent un counseling individuel au sujet de questions comme la violence liée aux gangs, la victimisation, l'éducation, les besoins en matière d'emploi, la maîtrise de la colère, les problèmes de santé, la gestion financière, les relations avec la famille et avec les pairs, la consommation de drogues et d'alcool, la santé mentale et le développement personnel. Enfin, la phase d'intégration compte un volet de huit semaines qui permet aux participants de rencontrer leur chargé de cas pour obtenir de l'aide supplémentaire dans l'atteinte des objectifs du programme. Les chargés de cas aident leurs jeunes à accéder à diverses activités communautaires qui faciliteront leur transition vers un style de vie prosocial.

Évaluation du programme PIT

L'évaluation du programme PIT a été effectuée par une équipe d'évaluation du Centre of Criminology and Socio-legal Studies de l'Université de Toronto. L'étude quasi-expérimentale a été menée à l'aide d'une stratégie multi-méthodes faisant appel à un devis à mesures répétées et à un groupe de référence composé de jeunes n'ayant pas reçu les services du programme. Des entrevues de suivi ont été réalisées immédiatement après le programme (neuf mois), six mois après le programme et un an après le prétest. Le groupe de référence a été sélectionné dans un quartier à risque élevé comparable dans le nord ouest de Toronto.

Des limites méthodologiques étaient associées au groupe de référence. Ses membres ont connu davantage d'attitudes et de comportements négatifs que les participants au programme PIT. Afin que les niveaux de risque variables entre le groupe expérimental et le groupe de référence soient pris en considération, les niveaux de risque ont été mesurés dans les équations d'analyse multivariable. Cette technique devait permettre de veiller à ce que nous puissions attribuer au programme PIT les changements potentiels dans les résultats mesurés.

Les taux d'attrition, plus particulièrement dans le groupe de référence, ont réduit de beaucoup la taille d'échantillon disponible pour l'examen des impacts à long terme, ce qui a diminué la validité de certains des résultats à long terme mesurés un an après la fin du programme.

La difficulté de tenir des dossiers relativement à la prestation de services aux participants a empêché l'équipe d'évaluation de déterminer avec exactitude en quoi le degré d'intervention du programme avait entraîné ou non des changements dans les résultats mesurés. Toutefois, l'équipe d'évaluation disposait du type de données lui permettant d'évaluer la quantité de services assurés en fonction des critères prévus tels qu'ils sont établis dans le plan de travail du projet.

Une dernière préoccupation est liée au fait que l'équipe de recherche n'a pas été en mesure d'obtenir les données officielles sur le dossier criminel des participants au programme PIT. Ces données auraient permis aux chercheurs de comparer les résultats des entrevues auprès des participants et des intervenants avec des statistiques officielles et, par le fait même, d'améliorer la validité et la fiabilité des résultats de l'évaluation. Toutefois, le comité d'examen éthique du CNPC et l'équipe d'évaluation n'ont pu garantir la confidentialité des noms des participants, ce qui les a obligés à renoncer à l'utilisation des dossiers officiels de la police.

Résultats de l'évaluation

Résultats de l'évaluation des processus

La présente étude vise principalement à répondre à des questions relatives à l'évaluation des processus. Deux questions clés consistent à savoir si le projet a profité au groupe cible approprié et s'il a été mis en œuvre comme prévu.

Groupe cible

Le programme a profité au groupe cible visé. Le programme PIT ciblait les jeunes âgés de 13 à 24 ans, membres d'un gang ou à risque de l'être. Les jeunes ont été dirigés vers le programme par diverses sources, notamment les écoles, les organismes communautaires, les travailleurs auprès des jeunes et les parents. En outre, les intervenants du programme PIT ont participé à diverses activités de sensibilisation communautaire en vue de trouver des jeunes qui pourraient bénéficier des services offerts dans le cadre du programme. Avant d'admettre un jeune au programme, il fallait effectuer une référence pour procéder à une sélection visant à déterminer l'admissibilité au programme. Sur les 322 jeunes recrutés et soumis au processus de sélection, 312 ont été admis au programme PIT, ce qui représente un taux d'admission de 96,9 %.

Le programme PIT a profité au groupe cible approprié. Selon les résultats, 35,0 % des jeunes admis étaient membres d'un gang ou l'avaient déjà été, 57,2 % participaient à des activités de gangs selon la description du projet Eurogang, et 81,1 % atteignaient le seuil minimum de risque d'adhésion à un gang. De façon générale, 87,6 % des jeunes admis remplissaient au moins un de ces trois critères. Les  antécédents criminels des participants font état d'une incidence modérée ou élevée de démêlés avec le système de justice pénale. Par exemple, à l'étape du prétest, 61,4 % des participants ont indiqué avoir proféré des menaces physiques au cours des six derniers mois. Tout juste plus de la moitié (56 %) avaient perpétré une agression physique, 39,8 % avaient pris part à une bagarre entre gangs, 29,5 % avaient commis un vol ou de l'extorsion et tout juste plus de la moitié (58,6 %) avaient été arrêtés au moins une fois avant le programme.

Mise en œuvre du programme

Les résultats laissent entendre que les responsables se sont heurtés à des difficultés pour mettre en œuvre le programme comme prévu, notamment en ce qui concerne le suivi et la documentation des activités pour chaque participant. Selon le plan du programme, chaque participant devrait recevoir 12 heures de gestion de cas individuelle durant la phase d'évaluation des besoins (1,5 heure par semaine sur huit semaines). Toutefois, le participant moyen a reçu seulement 2,4 heures de gestion de cas au cours de cette période. En effet, selon les données de suivi officielles de l'organisme JVS, le tiers des participants (32,5 %) n'ont reçu aucun service de gestion de cas durant la phase d'évaluation des besoins. Or, il est important d'offrir le degré d'intervention requis à cette étape afin de dresser des plans individualisés pour chaque participant.

Au cours des premier et deuxième cycles du programme, la majorité des chargés de cas ont signalé que des plans de gestion de cas officiels (c.-à-d. des plans écrits) n'avaient pas été établis pour leurs participants individuels. Durant le cycle final du programme, aucun processus structuré prévoyant l'élaboration, l'exécution et le suivi des plans de gestion de cas n'a pu être relevé. Selon les données du groupe de discussion avec les intervenants, ces derniers interprétaient de façon très peu semblable les objectifs précis de la phase d'évaluation des besoins. Certains avaient l'impression que cette phase portait plus sur le recrutement que sur l'évaluation, tandis que d'autres croyaient qu'il s'agissait d'établir des relations ou des rapports entre les chargés de cas et les jeunes. Cependant, peu d'entre eux ont indiqué qu'il s'agissait d'une période d'évaluation approfondie des besoins et de planification individualisée.

Durant la phase de formation du programme, les jeunes étaient censés recevoir huit heures de formation de groupe par semaine, ou 160 heures sur la période complète de vingt semaines. Or, les données de suivi officielles de l'organisme JVS révèlent que le participant moyen a reçu 29,2 heures de formation de groupe (ou 1,5 heure par semaine), soit moins de 20 % du degré d'intervention recommandé. Dans l'ensemble, aucun des participants n'a reçu le nombre d'heures de formation de groupe recommandé. Toutefois, malgré les faiblesses susmentionnées, la plupart des participants voyaient la formation de groupe d'un bon œil.

La phase d'intégration du programme durait huit semaines et visait : 1) à répondre aux besoins les plus importants des participants cernés au cours de la phase d'évaluation; et 2) à éliminer progressivement la dépendance aux soutiens offerts par le programme en dirigeant les jeunes vers de nouvelles ressources communautaires qui pourraient les aider à atteindre les objectifs du programme. Durant cette période, les participants étaient censés recevoir 12 heures de gestion de cas individuelle (1,5 heure par semaine), mais selon les données de suivi officielles de l'organisme JVS, le participant moyen a reçu 5,4 heures de gestion de cas au cours de cette période.

Les données des groupes de discussion laissent entendre que des difficultés se sont posées quant à l'accessibilité au programme. L'un des sites n'avait pas l'équipement nécessaire pour permettre au personnel de laisser entrer les participants dans l'immeuble à distance, ce qui a entraîné des retards et l'absence fréquente de participants. Plusieurs jeunes ont indiqué qu'ils avaient quitté le programme parce qu'ils ne pouvaient pas accéder aux services durant la période de 9 h à 17 h en raison de leurs obligations scolaires ou professionnelles. Les évaluateurs et le gestionnaire de programme de la Ville de Toronto ont souligné que ces facteurs avaient contribué à limiter la mise en œuvre du programme. Les données des informateurs clés et des groupes de discussion indiquent que la période entre l'évaluation des besoins et la formation était trop courte. Les chargés de cas se concentraient sur le recrutement de nouveaux clients, ce qui les a empêchés de mettre l'accent sur l'évaluation des clients, l'établissement de plans et la mise en œuvre de toutes les exigences du programme.

De façon générale, un certain nombre de difficultés se sont posées, ce qui indique que le programme n'a pas été mis en œuvre comme prévu.

Résultats de l'évaluation d'impacts

Les résultats présentés ci-dessous portent sur les impacts à court et à long terme. Les impacts à court terme correspondent aux mesures prises à la fin du programme (neuf mois après le début du programme), et les impacts à long terme correspondent aux mesures prises six mois et douze mois après la fin du programme.

Attitudes

Attitudes à l'égard de la criminalité, de la violence et des gangs

Les participants ont connu une augmentation des attitudes prosociales à l'égard de la criminalité, de la violence et des gangs, tandis que pour le groupe de référence, les résultats n'ont pas changé entre le prétest et le post-test. Ce résultat donne à penser que le programme PIT a entraîné un changement positif dans les attitudes à l'égard de la criminalité, de la violence et des gangs. Les sujets interrogés présentant des niveaux de risque élevés, selon les mesures de la personne effectuant la sélection, ont connu des améliorations plus importantes dans les attitudes à l'égard de la criminalité. Toutefois, il est à noter que cet impact positif a semblé se maintenir au fil du temps, car le groupe expérimental et le groupe de référence ont connu les mêmes taux de changement six mois après la fin du programme.

Attitudes à l'égard du système de justice pénale

Les résultats indiquent que les participants au programme ont connu une amélioration statistiquement significative de leurs attitudes à l'égard des tribunaux à court terme, ce qui donne à penser que le programme a entraîné un changement positif dans les façons de penser qui contribuent à renforcer les facteurs de protection. D'un autre côté, l'examen des changements entre le prétest et le suivi de six mois après la fin du programme n'a révélé aucune différence statistiquement significative entre les participants au programme PIT et le groupe de référence, ce qui indique que l'impact positif du programme est plus marqué à la fin du programme.

Attitudes à l'égard de l'éducation

Il n'existe pas de différences statistiquement significatives dans les attitudes à l'égard de l'éducation entre les participants et le groupe de référence. En effet, selon les résultats, l'augmentation des attitudes positives a été semblable pour les deux groupes après le programme et à la mesure de suivi de six mois. L'augmentation des attitudes positives des participants ne peut donc pas être attribuée au programme, puisque les jeunes qui n'ont pas suivi le programme ont augmenté leurs attitudes positives de manière semblable.

Attitudes à l'égard de l'emploi

Selon les mesures prises avant et après le programme, les participants ont connu une amélioration statistiquement significative de leurs attitudes à l'égard de l'emploi comparativement aux jeunes qui n'ont pas suivi le programme. Cependant, ces résultats positifs n'ont pas été maintenus aux mesures de suivi de six et de douze mois.

Facteurs de risque et de protection

Association avec des pairs impliqués dans des gangs

En général, rien ne laisse entendre que les participants ont connu une baisse statistiquement significative à court terme (six mois) ou à long terme (un an) du nombre d'amis impliqués dans des gangs au sein de leur réseau social. Bien que les participants aient fait état d'une légère baisse du nombre d'amis impliqués dans des gangs au fil du temps, des baisses semblables ont été observées dans le groupe de référence, ce qui fait qu'on ne peut attribuer ce résultat au programme.

Toutefois, il est à noter que les participants qui ont reçu beaucoup d'interventions de lutte contre la criminalité étaient plus susceptibles de réduire leurs échanges avec des pairs impliqués dans des gangs que ceux ayant reçus peu de services. Ce résultat vient appuyer quelque peu l'efficacité du programme PIT.

Association avec des pairs antisociaux

Les résultats indiquent que les participants ont connu une augmentation statistiquement significative de leurs amitiés prosociales entre les entrevues du prétest et du post-test. Cette augmentation était plus prononcée que celle connue par les membres du groupe de référence, ce qui laisse entendre que le programme PIT contribue à renforcer ce facteur de protection lié aux pairs.

Fréquentation scolaire, problèmes disciplinaires et rendement scolaire

Les données indiquent que, entre le prétest et la première entrevue de suivi, les participants étaient plus susceptibles de rester à l'école (ou de retourner à l'école) que les membres du groupe de référence. Des analyses approfondies révèlent que le degré d'intervention lié à l'éducation était un prédicteur important de la fréquentation scolaire. Entre le prétest et l'entrevue de suivi de six mois, les participants ayant reçu un volume élevé de services liés à l'éducation étaient plus susceptibles de rester à l'école ou de retourner à l'école que les participants ayant reçu relativement peu de services liés à l'éducation. Cependant, les données révèlent que le programme PIT n'a eu aucun impact à long terme sur la fréquentation scolaire.

Le programme a eu un impact positif sur la conduite à l'école. Entre les entrevues du prétest et du post-test, les participants étaient plus susceptibles de connaître des diminutions des problèmes disciplinaires à l'école que les membres du groupe de référence. Toutefois, des différences à long terme entre les participants et le groupe de référence n'ont pu être relevées.

De plus, les résultats laissent entendre qu'à court terme, les participants étaient en fait moins susceptibles de signaler un rendement scolaire amélioré que les membres du groupe de référence. Ce résultat est contraire aux attentes du programme. En outre, le degré d'intervention n'avait aucun impact sur les changements dans le rendement scolaire au fil du temps, ce qui indique que ce n'est pas en mettant davantage l'accent sur le rendement scolaire que le programme PIT peut entraîner des changements positifs.

En général, les résultats de l'évaluation donnent à penser que le programme PIT a eu un impact positif à court terme sur la fréquentation scolaire et la conduite à l'école, mais n'a pu entraîner de changements positifs dans le rendement scolaire.

Estime de soi

La participation au programme PIT était associée à un accroissement important de l'estime de soi auto-déclarée par les jeunes entre les entrevues du prétest et du post-test. Toutefois, un examen approfondi au suivi de six mois indique que l'intervention n'a eu aucun impact à long terme. Par ailleurs, le degré d'exposition aux services du programme ne laissait pas entrevoir un accroissement de l'estime de soi; ceux qui ont reçu relativement peu de services se sont autant améliorés à court terme que ceux qui ont reçu de nombreuses heures d'intervention.

Relations familiales

Les résultats laissent entendre que la participation au programme PIT n'était pas associée à des améliorations générales dans les relations familiales. Bien que celles-ci se soient considérablement améliorées pour les participants au fil du temps, le groupe de référence a connu des changements positifs semblables. L'amélioration des relations familiales ne peut être attribuée au programme en raison des changements semblables connus par le groupe de référence.

Participation à des activités prosociales

La présente étude examine la contribution du programme à un changement dans la participation à des activités prosociales (bénévolat, fréquentation de l'église, loisirs, sports, etc.). Les résultats donnent à penser qu'à court terme, les participants étaient plus susceptibles de signaler une augmentation des activités prosociales que les membres du groupe de référence. Les différences entre les participants et le groupe de référence ne sont toutefois pas statistiquement significatives à long terme. De façon générale, les résultats indiquent que le programme PIT a accru la participation à des activités prosociales à la fin du programme.

Maîtrise de soi, résolution de conflits et maîtrise de la colère

Les attitudes hostiles auto-déclarées par les jeunes ont diminué au fil du temps, mais cette amélioration ne peut être attribuée au programme. En effet, les membres du groupe de référence se sont autant améliorés que les participants. En outre, les données laissent entendre que le degré d'exposition aux services du programme PIT n'a pas entraîné de changements dans les attitudes hostiles au fil du temps.

Le programme PIT était associé à une baisse importante des crises de colère auto-déclarées par les jeunes entre le prétest et le post-test, mais l'intervention n'a eu aucun impact à long terme. Par ailleurs, le degré d'exposition aux services ne laissait pas entrevoir une diminution des niveaux de colère des participants.

En général, les résultats de l'évaluation indiquent que les participants ont connu des changements positifs à l'égard de la maîtrise de soi, de la résolution de conflits et de la maîtrise de la colère, mais le groupe de référence a connu des changements positifs semblables.

Consommation de drogues et d'alcool

Des données laissent entendre que les participants étaient plus susceptibles que les membres du groupe de référence de réduire leur consommation de marijuana entre les entrevues du prétest et du post-test. Cependant, il est à noter que selon des examens approfondis, cette réduction n'est pas liée au degré d'intervention du programme. Les jeunes ayant connu des changements positifs avaient reçu la même quantité de services que ceux n'ayant connu aucun changement dans leur consommation de marijuana.

Les données donnent à penser que les participants n'ont pas connu une baisse importante de la fréquence à laquelle ils se soûlent entre les entrevues du prétest et du post-test. Tout changement positif survenu entre le prétest et le suivi de six mois était semblable à la tendance observée chez le groupe de référence.

Les données recueillies sur le degré d'intervention indiquent que très peu de services du programme PIT ciblaient les problèmes de consommation de drogues et d'alcool. Pendant la formation de groupe, par exemple, une seule séance par site portait sur les questions d'abus d'alcool ou d'autres drogues, ce qui explique peut-être pourquoi l'impact du programme a été relativement faible sur la consommation de drogues et d'alcool.

Comportements

Victimisation criminelle

Les résultats indiquent que les participants ont connu une baisse statistiquement significative de la victimisation criminelle entre les entrevues du prétest et du post-test. Dans les études relatives aux gangs, le taux de victimisation constitue l'un des indicateurs de la renonciation croissante d'un jeune aux gangs. La baisse chez les participants est beaucoup plus marquée que celle observée chez le groupe de référence. En général, selon les résultats de l'évaluation, le programme PIT aurait contribué à réduire la victimisation criminelle chez les participants à court terme, mais ces résultats ne se sont pas maintenus au suivi d'un an.

Infractions criminelles

Les participants ont connu une plus grande baisse à court terme du nombre d'infractions non violentes que les membres du groupe de référence. Bien que les participants aient aussi connu une baisse importante du nombre d'infractions non violentes à long terme entre le prétest et le suivi de six mois, cette baisse n'était pas très différente de celle observée chez le groupe de référence.

Une analyse approfondie indique que le degré d'intervention total et le degré d'intervention lié à la criminalité ne sont pas associés à des baisses du nombre d'infractions non violentes au fil du temps. En d'autres termes, ceux qui ont reçu peu de services dans le cadre du programme étaient tout aussi susceptibles de connaître une baisse du nombre d'infractions non violentes que ceux ayant reçu de nombreux services.

Par ailleurs, les participants ont connu des baisses à court terme et à long terme du nombre d'infractions violentes. Au cours des deux périodes, les baisses ont été beaucoup plus grandes chez les participants que chez le groupe de référence. Ce résultat correspond aux attentes du programme. Cependant, une analyse approfondie indique que ni le degré d'intervention total, ni le degré d'intervention lié à la criminalité n'étaient associés avec la baisse du nombre d'infractions violentes au fil du temps. En d'autres mots, les participants qui ont reçu un faible degré d'intervention étaient tout aussi susceptibles de connaître une baisse du nombre d'infractions violentes que ceux ayant reçu un degré d'intervention élevé. La participation au programme est importante, mais le degré d'intervention ne compte pas.

En général, les résultats de l'évaluation laissent entendre que le programme PIT a contribué à faire baisser le nombre d'infractions criminelles chez les participants, les résultats étant relativement plus solides en ce qui concerne les infractions violentes.

Démêlés avec le système de justice

Les résultats indiquent que les participants ont connu une légère baisse du nombre d'arrestations auto-déclarées entre le prétest et le post-test. Une grande baisse statistiquement significative du nombre d'arrestations a été observée entre le prétest et le suivi de six mois.

Une analyse approfondie révèle que les baisses à court terme et à long terme du nombre d'arrestations connues par les participants n'étaient pas statistiquement différentes des baisses connues par le groupe de référence au cours de la même période.

Participation à des activités de gangs

Les résultats de l'évaluation indiquent qu'une baisse statistiquement significative de la participation à des activités de gangs a été observée chez les participants au cours de la période visée par l'étude. Par exemple, 34 % des participants ont avoué être membres d'un gang à l'entrevue du prétest, mais ce chiffre baisse à seulement 9,0 % à l'entrevue de suivi d'un an. Cependant, même si la participation à des activités de gangs a connu une baisse statistiquement significative chez les participants entre le prétest et le suivi de six mois, le taux de renonciation aux gangs était plus élevé chez les membres du groupe de référence.

Un examen des participants en isolement indique que ceux qui ont reçu un très grand nombre de services dans le cadre du programme étaient moins susceptibles de renoncer aux gangs que ceux qui ont reçu relativement peu de services. Durant les entrevues du post-test, la majorité des participants ont déclaré que le programme PIT les avait aidés à rester loin des gangs et à éviter toute activité criminelle liée aux gangs. Le tiers (33 %) des participants avaient toutefois l'impression que le programme ne les avait pas aidés à éviter les gangs.

La majorité des intervenants étaient d'avis que le programme PIT avait aidé les jeunes à éviter les gangs. Toutefois, la plupart des intervenants s'entendaient pour dire que le programme convenait plus à la prévention qu'à l'intervention. Selon les chargés de cas, le programme a aidé seulement quelques membres fortement impliqués dans des gangs à abandonner ce style de vie.

Leçons retenues et recommandations

Prestation du programme

Les chargés de cas du programme PIT devraient choisir toutes les nouvelles recrues à l'aide de l'entrevue de sélection normalisée. Celle-ci devrait toujours être dirigée par un chargé de cas et avoir lieu individuellement en privé. Toutes les questions délicates devraient être posées durant l'entrevue.

Une évaluation normalisée du risque devrait être obligatoire pour tous les participants et jeter les bases de l'élaboration de plans individualisés. En outre, il faudrait permettre aux chargés de cas d'évaluer en profondeur les besoins de leurs participants au moyen d'activités informelles d'établissement de rapports.

Les superviseurs du programme PIT doivent surveiller de près les activités des chargés de cas afin de s'assurer que les plans individualisés sont suivis. Ils devraient embaucher des chargés de cas qui possèdent déjà une vaste expérience de la gestion de cas et qui savent déjà qu'il est nécessaire de bien consigner les plans individualisés et d'en faire un suivi complet.

Les superviseurs du programme PIT devraient peaufiner leur programme de formation de groupe et y inclure des plans de cours détaillés portant sur des sujets précis, lesquels devraient être directement liés aux facteurs de risque prédominants que présentent les participants au programme. Les chargés de cas devraient recevoir une formation supplémentaire sur l'objectif du programme de formation et la façon de donner les cours à un public de jeunes à risque élevé.

Afin d'améliorer la fidélité au programme, les superviseurs du programme PIT doivent augmenter le nombre de visites des sites pendant la formation de groupe afin de s'assurer que la formation est offerte de façon uniforme dans tous les sites.

Une réduction du nombre total de cas (10 par chargé de cas) et une légère augmentation des heures des chargés de cas (jusqu'à 40 heures) pourraient améliorer de beaucoup la capacité du programme PIT d'offrir les services nécessaires aux participants individuels.

Le programme PIT devrait changer ses heures de service afin d'accroître la participation des jeunes à risque élevé résidant dans les quartiers défavorisés. Il est recommandé que le programme offre désormais ses services les jours de semaine entre 13 h et 21 h, et au moins un après-midi la fin de semaine. Cet horaire conviendra davantage aux participants qui vont à l'école ou qui travaillent.

Il faudrait établir un code de conduite et un protocole de sécurité stricts et informer les participants des règlements du programme à l'admission. Toute infraction à ces règlements devrait entraîner un renvoi du programme.

Le programme PIT devrait comporter deux volets : un  pour les jeunes de 13 à 16 ans et un autre pour les jeunes adultes de 17 à 24 ans. Le programme serait ainsi adapté en fonction de l'âge.

Les intervenants du programme PIT devraient s'assurer que les participants continuent à recevoir du soutien après la fin du programme. À cette fin, ils devraient diriger les jeunes vers d'autres travailleurs de soutien ou programmes communautaires au besoin.

Évaluation

Il est essentiel pour l'équipe de recherche de l'évaluation d'être entièrement accessible à tous les intervenants du programme et de répondre à toute question ou préoccupation concernant le processus d'évaluation le plus rapidement et le plus rigoureusement possible. À cette fin, il est nécessaire que l'équipe se trouve dans les sites lorsque cela est possible.

Il a été utile que les membres de l'équipe de recherche de l'évaluation prennent le temps de bien expliquer chaque élément de la stratégie d'évaluation aux intervenants du programme. Il est recommandé que les évaluateurs expliquent en quoi l'évaluation du programme peut accroître l'efficacité du programme durant la planification et la mise en œuvre du programme.

Les évaluateurs devraient tenir compte des opinions et des suggestions des intervenants du programme et des autres intervenants dans l'élaboration des stratégies d'évaluation. L'examen des stratégies proposées avec les intervenants du programme avant la mise en œuvre favorisera les relations entre les chercheurs et les intervenants et pourrait entraîner de précieuses révisions méthodologiques.

Les superviseurs du programme PIT doivent effectuer des visites périodiques des sites et entretenir des discussions régulières avec les chercheurs afin de s'assurer que les bonnes procédures d'évaluation sont suivies. Les problèmes devraient être réglés aussitôt qu'ils émergent, avant qu'ils ne compromettent la qualité des données d'évaluation.

Des incitatifs monétaires sont requis pour recruter des membres pour le groupe expérimental et le groupe de référence. En offrant de l'argent aux jeunes pour qu'ils prennent part aux entrevues d'évaluation, les intervenants encouragent les jeunes à faire les entrevues et les récompensent pour leur temps et leur honnêteté.

Afin d'assurer la sécurité de l'équipe d'évaluation, les adjoints à la recherche devraient se déplacer et travailler en groupes de deux personnes lorsqu'ils se rendent dans des quartiers à risque élevé. De plus, les entrevues devraient se tenir uniquement dans des lieux publics comme des centres communautaires et des écoles.

Il faut s'assurer que la comparabilité du groupe expérimental et du groupe de référence est mise à l'essai au début de l'évaluation. Il faut cerner les ressemblances et les différences et en rendre compte en tenant compte des facteurs suivants : l'âge, le statut socio-économique, les antécédents d'accusations, d'arrestations et d'infractions criminelles, les principaux facteurs de risque liés aux gangs, le statut scolaire et d'autres facteurs pertinents. La comparabilité des deux groupes sera ainsi clarifiée. Les différences liées à la prédisposition du groupe peuvent être statistiquement isolées et prises en considération dans l'interprétation des résultats.

Il faut déployer tous les efforts pour réduire l'attrition des sujets interrogés. Afin de faciliter le rétablissement des liens avec les sujets interrogés pour les entrevues de suivi, les chercheurs devraient tenter de faire appel à diverses stratégies de communication, dont les numéros de téléphone, les amis ou les membres de la famille, les chargés de cas, les travailleurs communautaires, les comptes Twitter, les textos et Facebook. En outre, pendant l'entrevue du prétest, l'intervieweur devrait demander au sujet interrogé quel est le meilleur moyen de communiquer avec lui à l'avenir.

Les intervenants du programme PIT doivent faire un meilleur suivi des activités qu'ils mènent et des services précis qu'ils offrent aux jeunes participants. Afin d'améliorer le rappel des chargés de cas et l'exactitude des données de suivi, les intervenants devraient consigner leurs activités sur une feuille de suivi normalisée à la fin de chaque jour ouvrable. La consignation rétroactive des activités à la fin de la semaine ou du mois pourrait contribuer à la sous-estimation ou à la surestimation des services du programme, tandis que la consignation exacte des activités du programme et des services précis offerts aux participants individuels permettra aux chercheurs de mieux déterminer les aspects du programme qui sont efficaces et ceux qui ne le sont pas.

Certains sujets interrogés pourraient hésiter à répondre à des questions au sujet des membres de leur famille et de leurs amis. Dans la mesure du possible, ces questions devraient être posées à la fin des entrevues avec les participants, une fois qu'un rapport a été établi.

L'évaluation du programme PIT et de tout autre programme de prévention du crime tirerait grandement avantage de l'acquisition des données tirées des dossiers criminels officiels de la police ainsi que des dossiers scolaires officiels des participants. Ces données permettraient aux chercheurs de comparer les résultats des entrevues auprès des participants et des intervenants avec des statistiques officielles, ce qui accroîtrait la validité des résultats de l'évaluation. Toutefois, la collecte de cette information doit être effectuée de manière à ce que les noms des participants au programme PIT ne soient pas divulgués aux représentants de la police et des écoles. À cette fin, il faut établir un partenariat solide entre les intervenants du programme, l'évaluateur et les représentants de la police et des écoles. La police devrait signer un accord de confidentialité afin que les participants au programme ne soient pas inutilement surveillés ou étiquetés en conséquence de la nécessité d'obtenir les données des dossiers officiels.

Conclusion

L'évaluation des processus a révélé que le programme avait profité au groupe cible visé, mais n'avait pas été exécuté conformément au plan original de la Ville de Toronto. Dans l'ensemble, la fidélité au programme a été faible, c'est-à-dire que le participant moyen a reçu beaucoup moins de services de gestion de cas et d'heures de formation de groupe que ce qui est recommandé.

Les résultats de l'évaluation laissent entendre qu'à court terme, les participants étaient plus susceptibles que les membres du groupe de référence d'améliorer leurs attitudes à l'égard du système de justice pénale en règle générale et de connaître des réductions de la victimisation, de la consommation de marijuana, du nombre d'infractions criminelles et de la fréquentation de pairs antisociaux. Des améliorations comparables ont été enregistrées pour ce qui est de la participation à des activités prosociales et de l'estime de soi.

Cependant, le programme a eu de la difficulté à maintenir des changements positifs à long terme et n'a pas su montrer sa capacité à influer sur les mesures liées à la fréquentation de pairs membres de gangs, à la consommation d'alcool, au rendement scolaire, à l'emploi, à la prise de risques, aux arrestations et à la participation à des activités de gangs.

Les résultats laissent également entendre qu'en raison des données limitées concernant le degré d'intervention, l'équipe d'évaluation n'a pas été en mesure de formuler des conclusions quant à la contribution du degré de participation aux changements dans les résultats mesurés.

La majorité des participants ont signalé avoir tiré avantage de leur participation au programme et avoir établi une relation de soutien solide avec leur chargé de cas. Par ailleurs, les intervenants du programme avaient l'impression que le programme avait aidé bon nombre des jeunes participants.

Les résultats de l'évaluation donnent à penser que les responsables du programme PIT et d'autres programmes de prévention du crime semblables doivent normaliser leurs procédures, assurer une supervision dans les sites, consigner clairement les activités du programme et respecter les plans ainsi que le degré d'intervention requis. Des améliorations à ces égards pourraient contribuer à accroître la capacité du programme à entraîner des changements dans la participation à des activités de gangs et d'autres facteurs de risque importants liés aux gangs.

Pour de plus amples renseignements au sujet de ce projet, ou pour obtenir une copie du rapport final d'évaluation, veuillez contacter le Centre national de prévention du crime, par courriel, à ps.prevention-prevention.sp@canada.ca.

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