Résumé de recherche sur le crime organisé numéro 1

Utilisation de l'analyse des réseaux sociaux pour cibler les réseaux criminels

L'ajout de coefficients de pondération des attributs et des liens aux ensembles de données des réseaux sociaux relatifs aux réseaux criminels peut signaler quels membres du réseau sont les plus intéressants à cibler aux responsables de l'application de la loi.

L'analyse des réseaux sociaux offre aux responsables de l'application de la loi un outil potentiellement puissant pour schématiser les rapports entre chacun des délinquants à l'intérieur du même marché ou de la même organisation criminelle ainsi qu'entre des organisations criminelles distinctes. Ces schématisations, ou sociogrammes, comme on les appelle dans le domaine de l'analyse des réseaux sociaux, procurent à la fois une représentation visuelle des rapports sociaux ainsi qu'une possibilité pour les analystes de déterminer mathématiquement qui sont les principaux protagonistes au sein d'un réseau.

L'analyse des réseaux sociaux est axée principalement sur les propriétés structurales des groupes et la combinaison des données des réseaux sociaux, comme les types de rapports (p. ex. les liens de communication, les liens d'obéissance). La combinaison des données statistiques sur les groupes ou les individus liés à l'intérieur du réseau peut nous permettre de déterminer non seulement qui est important au sein d'un réseau donné, mais pourquoi ces personnes sont importantes et quelle importance elles ont dans le fonctionnement du réseau. Une telle combinaison de techniques permet une analyse plus détaillée des réseaux criminels.

Pour combiner ces deux types de données, Schwartz et Rousselle proposent un modèle de pondération des réseaux binaires. Le modèle intègre des coefficients de pondération des acteurs au sein du réseau et des liens qui les relient, et les coefficients de pondération attribués aux acteurs sont basés sur des attributs individuels pertinents. Même si les auteurs n'appuient aucun mode de pondération particulier, ils utilisent en guise d'exemple la série de scores produits par la matrice des menaces Sleipnir communément employée par le secteur de l'application de la loi canadien. Dans ce cas particulier, ils pondèrent le score Sleipnir de chaque individu au sein du réseau pour le convertir en une valeur se situant entre 0 et 1 et ils utilisent le coefficient obtenu pour déterminer l'importance des liens de l'individu en question avec les autres acteurs.

Le fondement théorique de cette approche repose sur le concept du « capital du réseau », c'est-à-dire toutes les ressources tangibles et intangibles que possèdent les acteurs du réseau pouvant être mises à la disposition des autres acteurs avec lesquels ils ont un lien direct ou indirect. Les auteurs calculent le capital du réseau au moyen de ce qu'ils appellent le coefficient de pondération du partage des ressources, c'est-à-dire simplement le pourcentage de ressources disponibles que les membres du réseau acceptent de partager.

Lorsqu'on combine cette approche, comme le proposent les auteurs, avec d'autres mesures des réseaux sociaux récemment mises au point permettant à l'analyste de déterminer les principaux protagonistes au sein du réseau (p. ex. les mesures du degré de fragmentation et de portée de Borgatti), nous obtenons un outil pouvant servir au repérage des acteurs optimaux à cibler au sein d'un réseau criminel, approche qui s'avère souvent nécessaire pour mieux diriger les efforts d'appplication de la loi sur les secteurs où ils auront le plus d'efficacité. Contrairement aux simples mesures de la fragmentation, une approche pondérée nous permet toutefois de tenir compte des facteurs propres à chacun des membres du réseau.

Une faiblesse possible du modèle signalé par les auteurs est le calcul des coefficients de pondération du partage des ressources. Vu l'absence de recherches antérieures dans ce domaine, les auteurs proposent une combinaison d'une approche itérative à la détermination de tels coefficients s'appuyant sur l'opinion d'expert des enquêteurs et des analystes du renseignement. Même si une telle approche est certainement utile en l'absence de méthodes et de données plus rigoureuses, les auteurs affirment que des recherches plus poussées dans ce domaine, plus précisément sur le volume de réciprocité et de partage des ressources au sein des réseaux criminels, pourraient infiniment contribuer à l'exactitude et à la fiabilité du modèle.

Daniel Schwartz et Tony Rousselle. « Using social network analysis to target criminal networks » Trends in Organized Crime, 2009, vol. 12 no 2, p. 188-207.

Lois visant la richesse inexpliquée en Australie

Il faut équilibrer l'éventuelle capacité des lois visant la richesse inexpliquée de perturber le crime organisé avec les droits de la personne et de l'ensemble de la collectivité.  

Les gouvernements de certains territoires australiens se sont récemment dotés de mesures de recours civiles pour lutter contre les cas de richesse inexpliquée. Les lois visant la richesse inexpliquée imposent à l'individu dont la richesse est remise en question le fardeau de la preuve pour qu'il démontre, selon la prépondérance des probabilités, qu'il a acquis les richesses en question par des moyens légaux. Ces lois ciblent les personnes qui semblent vivre au-delà de leurs moyens de subsistance légitimes.  

L'Australie-Occidentale, le Territoire du Nord et le Quennsland ont tous adopté des dispositions visant la richesse inexpliquée. L'Australie-Méridionale et le Commonwealth ont préparé des projets de loi qui devraient entrer prochainement en vigueur et l'État de Nouvelle-Galles du Sud a lui aussi signalé son intention de se doter de lois visant la richesse inexpliquée. On estime que plus de 40 millions de dollars de biens présumément acquis de façon criminelle ont été saisis dans le Territoire du Nord et en Australie-Occidentale en vertu des dispositions visant la richesse inexpliquée depuis 2003.

Les moyens grâce auxquels les responsables de l'application de la loi et les procureurs peuvent obtenir de l'information au sujet des biens acquis de façon criminelle varient légèrement d'un État à l'autre. En Australie-Occidentale et dans le Territoire du Nord, le directeur du ministère public (DMP) peut soumettre aux tribunaux une demande d'ordonnance lui permettant d'effectuer un examen d'un individu suspect pouvant obliger l'intéressé à fournir au tribunal de l'information ou des documents; d'obtenir des documents relatifs à des biens en demandant une ordonnance de communication; et de soumettre au tribunal une demande d'ordonnance obligeant une institution financière à surveiller ou à suspendre le compte d'une personne et à fournir l'information pertinente à la police ou au DMP. Ce dernier ou la police peuvent en plus obliger une institution financière à fournir de l'information au sujet des transactions ou des actifs d'une personne particulière. Finalement, la police peut détenir une personne si elle a des motifs raisonnables de soupçonner que la personne en question possède des biens qui pourraient faire l'objet d'une confiscation ou des documents qui préciseraient ou détermineraient la valeur de la richesse inexpliquée d'une personne.

L'auteur postule que la confiscation des produits tirés d'activités criminelles en vertu des dispositions visant la richesse inexpliquée n'est pas toujours efficace à l'égard des personnes qui maintiennent leur indépendance par rapport à la perpétration des infractions, en particulier lorsque les infractions sont isolées. Les arguments en faveur des lois visant la richesse inexpliquée allèguent qu'elles dissuadent les personnes envisageant une activité criminelle en réduisant la possibilité de gains ou de profits découlant d'une telle activité; qu'elles préviennent la criminalité en réduisant la capacité des délinquants de financer les activités criminelles futures dans lesquelles ils pourraient s'engager; et qu'elles remédient à l'enrichissement injuste des criminels qui profitent de leurs activités au détriment de la société. Les lois visant la richesse inexpliquée ciblent les bénéfices accumulés par les individus posant le plus de difficulté aux organismes d'application de la loi.

Les dispositions visant la richesse inexpliquée peuvent par contre être considérées comme des mesures très intrusives.

Ces genres de loi peuvent être considérées comme des mesures entrant en conflit avec les droits et les libertés civils, notamment la présomption d'innocence et les droits liés au respect de la vie privée. Ces lois soulèvent le risque de la confiscation de biens de personnes innocentes et les personnes qui refusent de collaborer pourraient s'exposer à la perte de biens obtenus légalement. Les lois visant la richesse inexpliquée présentent la possibilité d'accomplir un bien considérable mais aussi de causer des préjudices considérables.

Lorana Bartels, « Unexplained wealth laws in Australia » Trends & issues in crime and criminal justice, juillet 2010, no 395, p. 1-6.

Les cheminements criminels au sein du crime organisé

Les délinquants du crime organisé commencent généralement leur carrière criminelle plus tard au cours de leur vie que les autres délinquants.

Le concept de la délinquance débutant à l'âge adulte a largement été négligé dans la recherche sur les cheminements criminels. La criminologie axée sur le parcours de vie suppose que la délinquance à l'âge adulte nécessite un comportement antisocial au cours de l'enfance, de sorte que de nombreuses études se sont limitées à la période relativement brève s'étendant de l'enfance au début de l'âge adulte.

Les conclusions de ces études renforcent généralement l'hypothèse de l'insuffisance de preuves de délinquance débutant à l'âge adulte.

Les recherches sur les criminels en col blanc laissent toutefois supposer que ces délinquants diffèrent substantiellement du délinquant de rue typique et qu'ils ne semblent par conséquent pas s'insérer dans les théories typiques exposées par la criminologie axée sur le parcours de vie.

L'étude s'attarde sur l'observation que le profil d'âge des délinquants en col blanc diffère des délinquants ordinaires en examinant quels liens, le cas échéant, ont existé entre les cheminements au sein du crime organisé et les types d'activités criminelles dans lesquelles s'engagent les gens. Les chercheurs ont prélevé des données de l'Outil de surveillance du crime organisé hollandais pour repérer 854 délinquants qui étaient tous actifs au sein du crime organisé et dont le passé criminel complet était accessible dans les dossiers judiciaires.

L'échantillon a été analysé en fonction de quatre rôles différents de délinquants et de trois principaux domaines d'activité criminelle. Les rôles de délinquants définis comprenaient les dirigeants, qui assument un rôle de direction, les coordonnateurs chargés de la planification et de la gestion, les suspects de niveau inférieur qui exécutent des actes concrets, et les autres (comme les facilitateurs responsables de processus logistiques ou techniques particuliers). Les trois différents types d'activités criminelles définies comprenaient le trafic de stupéfiants, la fraude organisée et les autres activités criminelles (p. ex. le passage d'immigrants clandestins, la traite de personnes, le trafic d'autres marchandises illégales, la fraude).

Les résultats de l'étude révèlent que le délinquant moyen était âgé de 38 ans et que 68 % des délinquants avaient entre 30 et 50 ans. Plus de la moitié des délinquants étaient des suspects de bas niveau. La majorité (67 %) des délinquants du crime organisé de l'échantillon étaient impliqués dans des activités de trafic de stupéfiants.

Quatre groupes de cheminements ont été définis : les délinquants précoces, les délinquants persistants, les délinquants débutant à l'âge adulte et les délinquants primaires. Même si on n'a découvert aucun lien clair entre les infractions antérieures et les rôles des délinquants, la délinquance débutant à l'âge adulte constituait le cheminement le plus important : ce groupe représentait 40 % de l'échantillon. Cette constatation présente un contraste marqué avec la courbe classique de la criminalité en fonction de l'âge situant les premières infractions à un jeune âge. Elle permet de supposer que les cheminements criminels des délinquants du crime organisé sont nettement différents. Les individus plus âgés pourraient être mieux équipés pour s'engager dans le crime organisé en raison de leurs réseaux sociaux bien établis, de la capacité qu'ils ont acquise de gérer les complexités logistiques et de leurs meilleurs liens avec les possibilités criminelles de profits et avec des contacts internationaux.

Même s'il existe peu de recherches sur la délinquance à partir de l'âge adulte, ce type de cheminement ne doit pas être considéré comme un phénomène rare et les recherches futures dans ce domaine pourraient s'avérer particulièrement utiles dans la conception de stratégies de prévention et d'intervention relativement au crime organisé, tout en aidant à l'analyse du renseignement utilisé dans les efforts de lutte.

M. Vere van Koppen, Christianne J. de Poot, Edward R. Kleeman et Paul Nieuwbeerta. « Criminal trajectories in organized crime » British Journal of Criminology, 2010,  vol. 50, no 1, p. 102-123.

La fraude en matière d'octroi d'hypothèques et la crise économique mondiale

La fraude hypothécaire a constitué un catalyseur déterminant au cours de la récente crise économique mondiale. Des observations sont formulées sur la perpétration de ce crime en col blanc et sur la façon de le prévenir au cours de l'avenir.

Les forclusions au sein du marché des prêts hypothécaires aux emprunteurs à risque ont constitué un facteur déterminant dans la précipitation de la crise américaine des liquidités et du crédit bancaire qui a déclenché la crise mondiale actuelle. À leur tour, des manquements aux hypothèques des emprunteurs à risque ont découlé de fraudes endémiques perpétrées au sein du marché des hypothèques aux emprunteurs à risque, concentré parmi 15 prêteurs en Californie.

L'étude documente, au moyen d'entrevues avec des initiés de l'industrie et des emprunteurs, une culture d'occasions et d'affaires structurées au sein de l'industrie soutenant la perpétration de fraudes répandues. Dans certains secteurs de l'industrie hypothécaire, une proportion atteignant jusqu'à 70 % de l'ensemble des prêts ayant donné lieu à un manquement reposaient sur des déclarations inexactes frauduleuses dans les demandes, et les dossiers frauduleux ont augmenté de 1 411 % entre 1997 et 2005.  

On avait assisté au cours des années 1990 à une croissance du marché non réglementé des courtiers et à une augmentation extraordinaire de la valeur des propriétés immobilières. Le marché non réglementé avait également créé des produits de prêts de rechange, comme des prêts ne nécessitant aucune documentation, appelés « prêts mensongers », qui offraient une grande possibilité de fraude. La hausse constante du marché immobilier a essentiellement dissimulé les pratiques frauduleuses et retardé la victimisation de nombreux emprunteurs jusqu'à la baisse du marché immobilier californien de 2007qui lance une cascade de forclusions.

Outre l'emprunteur, cinq acteurs clés interviennent dans l'octroi des prêts et le financement : 1) le courtier; 2) le prêteur; 3) l'évaluateur; 4) le tiers convenu; et 5) les agents de titres. Tous les acteurs de l'industrie intervenant dans l'octroi d'un prêt dépendent les uns des autres en ce qui a trait à la profitabilité : un nombre accru de prêts de valeur supérieure représentent plus de profits pour chacun des acteurs de l'industrie.

Les acteurs clés de l'industrie qui sont prêts à « contourner les règles », en particulier, sont souvent récompensés par le processus des affaires.

Même si le « contournement des règles » peut également répondre à l'objectif de l'emprunteur d'obtenir un prêt, l'approche peut également mener à une victimisation financière du fait que les emprunteurs détiendront des hypothèques inabordables en vertu de conditions injustes.

Une caractéristique de nombre de crimes en col blanc est la mince ligne qui sépare la perpétration des crimes (p. ex. fraude hypothécaire) et les pratiques risquées ou douteuses (p. ex. prêts à des conditions abusives). L'étude documente les techniques de neutralisation qui permettent à des individus de rationaliser leurs gestes déviants tout en conservant une image de soi positive et elle montre comment ils arrivent à adopter une attitude professionnelle qui perçoit « de nombreux gestes de fraude en matière d'octroi d'hypothèques comme des gestes inséparables des pratiques conventionnelles de prêt essentielles au « succès » des affaires légitimes auprès des emprunteurs à risque » (p. 601). Cette culture professionnelle de la criminalité amène les prêteurs (gestionnaires de comptes et fournisseurs de garanties) à conseiller directement les courtiers sur la façon de structurer la documentation des prêts pour faciliter l'approbation. De leur côté, les courtiers compétitionnent entre eux pour rehausser au sein de leur firme leur statut en tant que courtiers les plus habiles et les plus « créatifs » pour obtenir le financement de prêts, en ayant recours à n'importe quelles méthodes qui s'avèrent nécessaires.

La nature organisée du crime des fausses représentations frauduleuses sur les demandes de prêts était claire, puisque la majorité des fraudes nécessitaient une collaboration directe entre un courtier et un autre acteur de l'industrie, ainsi qu'une collusion entre chacun des emprunteurs et les nombreux gestionnaires des maisons de services financiers.

Les auteurs suggèrent des mesures de prévention pour réduire la fraude en matière d'octroi d'hypothèques, mais ils n'offrent pas de stratégies d'intervention, de prévention ou de dissuasion. Il est crucial de réaliser des réformes importantes des politiques financières et des pratiques de prêt au sein de l'industrie des prêts hypothécaires aux emprunteurs à risque. Il faut notamment une formation permettant la reconnaissance du potentiel de fraude des initiés et la dissuasion, un resserrement des exigences de qualification pour l'obtention de prêts, une intensification de la supervision et de la réglementation gouvernementale, et le relèvement des normes de garantie des emprunts.

Tomson Nguyen et Henry Pontell, « Mortgage origination fraud and the global economic crisis: A criminological analysis » Criminology & Public Policy, 2010, vol. 9, no 3, p. 591-612.

Gangs, fusils et délinquance : quelle est l'importance de l'organisation?

Même lorsque le niveau d'organisation est faible, l'organisation accrue d'un groupe – et pas nécessairement l'appartenance à un gang – est associée à une probabilité supérieure de délinquance de chacun des membres du groupe.

Les recherches ont constamment révélé que les membres de gangs affichent souvent un comportement plus délinquant que leurs homologues non affiliés à un gang. Pourquoi l'appartenance à un gang contribue-t-elle au niveau de participation à des activités criminelles d'un individu? Le présent article montre que la complexité organisationnelle d'un gang de jeunes ou d'un groupe de délinquants peut influer sur le niveau de participation de ses membres à des activités criminelles.

Pour fouiller cette question, on a invité des élèves du secondaire de deux municipalités du Québec à répondre à un sondage. Cinq cent vingt-trois des 1 066 élèves qui y ont répondu ont signalé s'être engagés dans au moins un type de comportement délinquant1 au cours de la dernière année et ils ont par conséquent été inclus dans l'analyse. Les résultats des membres de gangs, de membres de groupes de délinquants et de personnes non membres de groupes sont comparés.

Les mesures typiques des organisations sont axées sur la différenciation des rôles, le leadership, les réunions et l'application des règles et des normes. Pour les fins de cette étude, on a catégorisé le degré d'organisation selon une échelle ordinale variant de zéro à sept. Les chercheurs ont bâti l'échelle organisationnelle au moyen des réponses positives au sujet de l'existence d'un nom de groupe, d'un chef du groupe, d'une hiérarchie, d'un lieu de réunion, de signes ou de codes distinctifs, de règles, d'une initiation, d'un territoire propre et de la défense de l'honneur/la réputation. Les scores supérieurs de l'échelle ont été considérés comme représentatifs de niveaux supérieurs d'organisation au sein du groupe.

L'âge, le sexe et le statut socioéconomique des membres des groupes délinquants et des gangs étaient similaires.

Lorsqu'on a comparé les personnes non membres d'un groupe aux membres d'un gang, on a constaté que les membres d'un gang étaient beaucoup plus susceptibles d'être des hommes et de provenir d'une famille à faible revenu. L'organisation et la consommation de drogues constituaient les variables explicatives les plus fréquemment associées à une activité délinquante dans cette analyse et l'appartenance à un groupe délinquant ou à un gang était associée à la participation à la production ou au trafic de stupéfiants.

Des recherches antérieures révèlent que les gangs ne constituent pas les organisations hiérarchiques hautement complexes illustrées dans les médias populaires. On a néanmoins constaté une augmentation progressive de la délinquance des personnes non membres de groupes aux membres de groupes, puis aux membres de gangs. Dans le même ordre d'idées, la consommation de cannabis et de drogues dures augmentait lorsqu'on passait des personnes non membres de groupes aux membres de groupes, puis aux membres de gangs. Les membres de gangs ont effectivement signalé des niveaux supérieurs de tous les types d'activités délinquantes comparativement à leurs homologues moins organisés.   

Il est tout de même intéressant de noter que même lorsque le niveau d'organisation est faible, un degré accru d'organisation du groupe était associé à une probabilité supérieure de délinquance de la part de chacun des membres du groupe. Les auteurs laissent entendre que l'appartenance à un gang présente toujours quelque chose d'unique qui influe sur la délinquance au-delà de l'effet de la complexité du groupe, mais que ce quelque chose est moins important que l'organisation d'une façon générale. Le niveau d'organisation constituait le principal facteur associé à la délinquance générale, à la violence et à la participation à l'approvisionnement de drogues, indépendamment de l'appartenance à un gang.

Il faut interpréter ces données avec une certaine prudence : Elles sont basées sur un échantillon restreint propre à un quartier particulier au Québec. L'étude n'a pas non plus mesuré si une augmentation de l'organisation au sein d'un gang particulier entraîne des hausses de la criminalité et de la délinquance au sein de ce gang, en raison de la nature transversale des données.

M. Bouchard et A. Spindler, « Groups, gangs, and delinquency: Does organization matter? » Journal of Criminal Justice, 2010 no 38, p. 911-933. Les activités délinquantes englobaient les méfaits, les vols, la fraude, les voies de fait, les infractions de nature sexuelle, l'utilisation ou le port illégaux d'un fusil, la culture du cannabis, le trafic du cannabis, le trafic de drogues dures ou d'autres comportements délinquants.

Le trafic des ordures et des déchets dangereux : aperçu

Le trafic des ordures et des déchets dangereux au sein de grandes entreprises multinationales illicites met à contribution un vaste réseau de criminels, notamment des entités privées, des fonctionnaires corrompus et des groupes du crime organisé.

Ces trois dernières décennies, la prolifération de la réglementation environnementale, conjuguée à l'augmentation rapide des coûts de l'élimination légale, ont donné naissance à une économie souterraine internationale florissante dans le domaine de la gestion des ordures et des déchets dangereux, qui rapporte environ 10 à 12 milliards de dollars par année, dont un à deux milliards de dollars vont aux organisations criminelles (p. ex. groupes italiens, russes et Yakuza). Cette industrie illicite a une ampleur et une profitabilité équivalant presque au trafic mondial des stupéfiants; son succès est facilité par toute une variété d'acteurs légitimes du secteur, comme les producteurs de déchets, les sociétés de transport, les entreprises d'entreposage et les fonctionnaires corrompus.

La forme la plus répandue d'élimination des déchets illicites de masse dans de nombreux pays développés est l'exportation illégale vers des pays en voie de développement (p. ex. pays d'Afrique, des Caraïbes, et du Pacifique), aux gouvernements desquels on paie un droit de loin inférieur au coût de l'élimination légale et dont les environnements doivent supporter les dommages concomitants. De telles exportations sont facilitées par l'aisance avec laquelle les matières dangereuses sont cachées : un exemple éloquent a été la vente au Bangladesh en 1992 d'un chargement d'engrais qui avait été mêlé à de la poussière de fonderie de cuivre par des entreprises et des individus corrompus des États-Unis.

Des groupes du crime organisé sont fortement impliqués dans l'élimination des déchets dangereux illicites, en particulier aux États-Unis, en Italie et en Chine. Aux États-Unis, on s'adonne généralement à ce trafic en prenant le contrôle de syndicats existants du secteur de l'assainissement ou en ouvrant des entreprises privées spécialisées dans l'élimination illégale (p. ex. mélange de produits chimiques toxiques avec des ordures ménagères, combinaison des déchets et des hydrocarbures pour leur vente à titre de combustible, ou simplement pompage de toxines dans les rues et les égouts des villes). Des chiffres saisissants ont été rendus publics relativement à l'Italie : les autorités italiennes ont affirmé que 2 000 dépotoirs illégaux abritaient 11 millions de tonnes métriques de déchets industriels et toxiques en 1997. De plus, une enquête menée en 2007 par l'Agence de protection environnementale d'État de la Chine a révélé l'importation annuelle d'environ 1,9 million de tonnes de déchets provenant du Royaume-Uni.

La contrebande de déchets radioactifs et de matières dangereuses pose également des menaces sociales et environnementales importantes. L'Agence internationale de l'énergie atomique a par exemple documenté 1 340 incidents de trafic entre 1993 et 2007. Dans les anciennes républiques soviétiques, de nombreux groupes du crime organisé (p. ex. groupes de la mafiya russe et groupes italiens, serbes et sud-africains, ainsi que d'anciens agents du KGB et soldats de l'Armée rouge) ont utilisé l'Allemagne comme conduit pour transporter des matières nucléaires à des clients en Libye, en Iraq, en Algérie et au Pakistan. Les douaniers russes croient toutefois qu'une vaste part des matières nucléaires illégalement détournées circule par des voies prétendument légales, comme des entreprises nucléaires, et des sociétés d'import-export.

Des dommages environnementaux substantiels sont par ailleurs causés par la culture de plantes illicites et de leurs produits dérivés. On estime par exemple que l'Amazone et l'Orinoco absorbent annuellement 20 millions de litres de substances chimiques toxiques utilisées pour la production de cocaïne (p. ex. éthyle, oxyde de diéthyle, acétone et ammoniac) et que 11 millions d'hectares de forêts tropicales sont déboisés chaque année pour la culture du cocaïer, principalement en Amérique du Sud et dans le Sud-Est asiatique. La production de marijuana en plein air aux États-Unis entraîne l'empoisonnement des forêts et des parcs nationaux par les pesticides et les herbicides.

Les laboratoires clandestins produisent eux aussi des déchets toxiques tout en présentant un risque élevé d'explosion.

Liddick maintient que les principales mesures de réglementation et d'application de la loi (p. ex. Convention de Bâle de 1992) ont été largement infructueuses dans la lutte contre le trafic des déchets illicites à l'échelle mondiale, principalement parce qu'elles font très peu pour réduire l'énorme demande. Les mesures de rechange varient des techniques simples de modification du comportement au niveau local (p. ex. imposition de taxes supérieures aux consommateurs de sacs d'épicerie en plastique combinée à des profits accrus pour les fabricants de « sacs écologiques ») aux progrès techniques importants détournant les possibilités d'affaires des entrepreneurs illégaux (p. ex. recyclage des PVC par les sociétés VEKA et Solvay), qui contribuent ainsi à atténuer le problème.

D. Liddick, «  The traffic in garbage and hazardous wastes: An overview » Trends in Organized Crime, 2010, 13(2-3), p. 134-146.

Effets perçus des lois visant les produits précurseurs sur la production nationale de méthamphétamines

Les lois visant les produits précurseurs réduisent la production locale de méthamphétamines mais n'ont aucun effet sur la quantité de méthamphétamines consommées à l'échelle nationale.

La possibilité d'affaires la plus répandue pour le crime organisé est la participation au marché illicite des drogues. Au cours des années 1970, les méthamphétamines (« meth ») ont été reconnues comme une drogue nuisible consommée par les toxicomanes et elles ont été criminalisées. Dans les années 1990, la popularité de la consommation des méthamphétamines a augmenté parmi plusieurs populations de consommateurs de drogues illicites, en commençant par l'Ouest de l'Amérique du Nord, lorsque les criminels organisés ont mis au point un certain nombre de méthodes novatrices de production et de distribution de méthamphétamines à l'échelle locale. Un certain nombre de méthodes de production de ces drogues créent des déchets hautement toxiques et dangereux qui peuvent avoir une incidence négative sur la santé de la collectivité et de l'environnement, ainsi que menacer la santé et la sécurité des premiers intervenants (p. ex. policiers et pompiers).    

Pour réagir à la situation, plus de 90 % des États américains ont adopté des lois et des règlements restreignant la vente et la possession des produits chimiques utilisés pour la production des méthamphétamines (« produits précurseurs »). Ces lois visent à réduire la production intérieure de méthamphétamines et à ainsi limiter l'approvisionnement pour finalement réduire la consommation. Des lois similaires visant les produits précurseurs ont été adoptées au Canada.

Les chercheurs de cette étude ont sondé les bureaux des procureurs généraux de la totalité des 50 États américains sur les perceptions au sujet de l'effet des lois visant les produits précurseurs. Ils ont comparé ces données avec les données fournies par la Drug Enforcement Administration sur les saisies des laboratoires clandestins de méthamphétamines entre 1999 et 2007.

L'entrée en vigueur des lois visant les produits précurseurs a nettement entraîné une réduction du nombre de laboratoires intérieurs produisant des méthamphéthamines. Environ 80 % des répondants estimaient que les lois visant les produits précurseurs avaient eu un effet positif sur la réduction de la production de méthamphétamines. Les données empiriques appuient cette affirmation, car les incidents mettant en cause des laboratoires clandestins ont augmenté à partir de 1999 pour inscrire un sommet en 2003, mais ils ont diminué au-dessous des niveaux de 1999 en 2007, après l'entrée en vigueur des lois visant les produits précurseurs. Le rapport laisse supposer que les laboratoires qui restaient avaient une production d'un volume inférieur en moyenne à ceux existant précédemment, car il est devenu de plus en plus difficile d'utiliser les méthodes de production au volume en l'absence de sources particulières de produits précurseurs.

Même si on assisté à des baisses de la consommation des méthamphétamines dans certains sondages concernant la consommation des drogues illicites, les taux de dépendance aux méthamphétamines ont presque doublé en même temps que la production intérieure semble avoir diminué.

Les auteurs allèguent que les sources de renseignement et les répondants aux sondages supposent que peut-être 78 % de la demande américaine de méthamphétamines est désormais comblée par des sources étrangères de production. Les sources étrangères d'approvisionnement semblent principalement provenir du Mexique, mais le Canada est plus récemment devenu un pays d'origine.

La production de méthamphétamines destinée aux marchés d'exportation au Mexique et au Canada est largement assurée par l'importation de produits précurseurs en provenance de l'Inde, de la Chine ou de l'Allemagne.

Les réseaux de vente en gros et au détail de méthamphétamines se sont subséquemment déplacés aux États-Unis. « Au lieu de la fabrication et du trafic des méthamphétamines assurés par des gangs de motards et des néo-Nazis à l'échelle locale, on a assisté à un déplacement vers des organisations de trafic de stupéfiants mexicaines internationales plus averties qui répondent à la demande de méthamphétamines en établissant des alliances avec un réseau différent de gangs de rue américains. L'étude n'a pas défini les rouages de l'éventuel approvisionnement canadien en méthamphétamines du marché américain et elle n'a pas non plus estimé le volume ou la valeur du trafic transfrontalier des méthamphétamines du Canada aux États-Unis.

Gregg Etter et Clarinda Garrett. « The Perceived Effects of Precursor Laws on Domestic Methamphetamine Production » Journal of Gang Research, été 2010, vol. 17, no 4, p. 21-37.

 

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la recherche en matière de crime organisé au sein de Sécurité publique Canada, veuillez communiquer avec l'Unité de recherche sur le crime organisé à l'adresse ocr.rco@ps-sp.gc.ca.

Résumé de recherche sur le crime organisé est publié à l'intention de Sécurité publique Canada et du Comité national de coordination sur le crime organisé (CNC-CO). Le CNC-CO et ses comités de coordination régionaux-provinciaux œuvrent à différents paliers vers un objectif commun : créer un lien entre les organismes d'application de la loi et les décideurs publics pour lutter contre le crime organisé. Résumé de recherche sur le crime organisé soutient les objectifs de la recherche du CNC-CO en mettant en relief de l'information factuelle d'intérêt particulier publiée dans des articles spécialisés sur le crime organisé. Les résumés présentés reflètent les interprétations des constatations des auteurs des rapports et ne correspondent pas nécessairement aux opinions de Sécurité publique Canada ou du Comité national de coordination sur le crime organisé.

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