La réintégration sociale des délinquants et la prévention du crime

Curt T. Griffiths, PhD.
Yvon Dandurand
Danielle Murdoch

Le Centre international pour la réforme du droit criminel et la politique en matière de justice pénale (CIRDC)

Avril 2007

Sommaire exécutif

Si nous voulons briser le cercle vicieux qui fait obstacle à la réadaptation sociale des délinquants remis en liberté, les programmes de prévention du crime doivent inclure des mesures efficaces pour réduire la récidive. Les ex-détenus sont en effet confrontés à de multiples problèmes qui affectent leur aptitude à devenir des citoyens respectueux de la loi. Ceci vaut en particulier pour les délinquants à haut risque, dont le casier judiciaire est lourdement chargé. L'attention portée à la réinsertion des délinquants dans la communauté constitue l'élément clé de tout programme de prévention et de toute intervention, dont l'objectif consiste à réduire le taux de récidive. Ces interventions comprennent une palette très variée de mesures et témoignent des efforts consentis dans ce domaine par le système de la justice pénale, en collaboration avec les agences et organismes communautaires. Les programmes de réintégration sociale visent en premier lieu les facteurs de risque associés à la récidive, tandis que des initiatives plus ponctuelles s'attaquent aux problèmes que le délinquant rencontre à sa sortie de prison, comme l'abus de substances et le manque d'accès à l'emploi. D'autres interventions ciblent des groupes particuliers, comme les délinquants sexuels ou les jeunes délinquants à haut risque. On distingue généralement parmi les programmes de réinsertion des interventions en milieu carcéral, des programmes de surveillance dans la phase de transition, des programmes d'assistance dans la phase de transition et des programmes intégrés de soins continus.

Il n'existe à l'heure actuelle que peu d'études d'évaluation rigoureuses nous permettant d'identifier les bonnes pratiques et de juger de l'efficacité d'interventions spécifiques. Malgré les limites que présentent les évaluations effectuées, il est toutefois possible de conclure que certaines formes d'intervention semblent avoir un effet positif, en contribuant efficacement à la réintégration des ex-détenus dans la communauté et en réduisant le taux de récidive. Ces programmes couvrent de façon continue la phase de détention, la sortie de prison et la période après la libération, leur mise en œuvre faisant recours à une étroite collaboration entre les instances judiciaires, les services sociaux, les agences de santé, les familles des ex-détenus et les organismes communautaires.

Il nous paraît important que le développement d'interventions visant à rendre plus aisée la réintégration sociale des délinquants et à réduire le taux de récidive tienne compte des résultats obtenus par les programmes mis en place à ce jour. Les pratiques de prévention présentées dans ce rapport pourront ainsi inspirer les praticiens et servir de guide à tous ceux qui sont impliqués dans le développement de mesures et de stratégies préventives dans ce domaine. Ce rapport aboutit à un certain nombre de considérations pratiques et de recommandations, dont il faudrait tenir compte lors qu'il s'agit de décider de la mise en œuvre de nouvelles interventions.

Introduction

Si elles veulent être efficaces, les stratégies de prévention du crime doivent cibler les facteurs associés aux nombreux crimes commis par des personnes qui ont subi une peine privative de la liberté et qui n'ont pas su ou pu trouver leur place au sein de la communauté, en tant que citoyens respectueux de la loi, après leur sortie de prison (Rakis, 2005). Faute d'assistance matérielle, psychologique et sociale lors de la remise en liberté, les ex-détenus rencontrent des difficultés qui ne leur permettent pas de rompre le cercle vicieux de la récidive. Des courtes peines de prison, suivies par des renvois en pénitencier pour des sentences de longue durée, n'offrent que des possibilités limitées pour des traitements efficaces et pour des interventions aptes à prévenir une rechute. La plupart des détenus ont déjà été condamnés au moins une fois auparavant, pendant leur jeunesse ou à l'âge adulte. Un tiers des récidivistes ont déjà subi au moins une condamnation par le passé, 75 % parmi eux ont été condamnés à plusieurs reprises. Si nous voulons augmenter la sécurité de nos communautés, il faut que les gouvernements et les collectivités locales s'engagent à développer des interventions efficaces aidant les ex-détenus à s'intégrer dans la communauté et à éviter de commettre de nouveaux crimes. La gestion du processus de réinsertion des délinquants et les programmes mis en œuvre dans ce domaine, sont de plus en plus populaires. Ils offrent en effet un moyen de prévenir le crime tout en réduisant les coûts afférents. Ainsi, les décideurs et les praticiens manifestent un intérêt accru pour des programmes et stratégies qui vont aider les détenus à réintégrer la société sans commettre de nouveaux crimes.

L'efficacité de ces programmes, notamment leur capacité à faciliter l'intégration sociale des ex-détenus et à réduire le taux de récidive, est toutefois controversée. À l'heure actuelle, peu de programmes seulement ont fait l'objet d'une évaluation (Visher, 2006). Parmi les projets de prévention mis en place, la plupart d'entre eux ont été développés à partir d'évaluations de programmes dans des domaines connexes (comme le traitement des toxicomanes, la formation à l'emploi, le counseling, la surveillance en milieu communautaire) : évaluations dont les résultats sont par ailleurs contradictoires. Les hypothèses relatives à ce qui, en théorie, devrait être efficace, ne manquent certes pas. En contrepartie, les résultats des études d'évaluation sont déconcertants. Étant donné que la plupart des programmes de réintégration n'ont pas fait l'objet d'évaluations contrôlées et rigoureuses, il n'est pas possible d'identifier les approches les plus efficaces. Bien souvent, il semble que la recherche et la pratique suivent chacune des pistes bien différentes (Petersilia, 2004).

Les études examinées dans ce rapport montrent toutefois que certains programmes permettent d'obtenir des résultats prometteurs. Ceci est notamment le cas, lorsque les interventions visant les facteurs qui prédisposent au comportement criminel adoptent une approche holistique et lorsque celles-ci tiennent compte des besoins physiques et sociaux des délinquants pendant et après l'emprisonnement (Travis, Solomon et Waul, 2001). Ceci dit, rendre plus aisée la réintégration des ex-détenus représente une tâche extrêmement complexe, au même titre que l'évaluation des résultats d'interventions spécifiques. Mesurer l'impact de ces programmes en fonction du taux de récidive est déjà en soi problématique, car l'estimation de celui-ci dépend des indicateurs utilisés pour saisir les infractions commises après la sortie de prison. En outre, le taux de récidive peut varier en fonction du moment auquel l'ex-détenu est appréhendé par l'une ou l'autre instance du système de la justice criminelle (Lievore, 2004).

Ce rapport donne un aperçu des résultats des études sur l'efficacité des programmes et des interventions visant à réduire la récidive par une meilleure intégration des délinquants dans la communauté suite à leur incarcération. Il présente également des pratiques et des programmes qui semblent être efficaces dans la réalisation de ces objectifs.

Qu'est-ce que la réintégration sociale?

Lorsqu'il est question de réintégration sociale, on se réfère généralement à l'aide accordée aux ex-détenus après leur sortie de prison en vue de faciliter leur retour dans la société. Une définition plus large couvre toutefois l'ensemble des interventions suivant l'arrestation, notamment toute mesure alternative, comme la justice réparatrice ou la thérapie, permettant au délinquant d'éviter un retour dans le système de la justice pénale. Une telle définition inclut aussi des sanctions dans la communauté, qui facilitent l'intégration sociale des délinquants, au lieu de les marginaliser et de les soumettre aux effets pervers de l'emprisonnement. Pour ceux qui subissent une condamnation à une peine privative de liberté, la notion de réintégration sociale se réfère à l'ensemble des programmes mis en œuvre en milieu correctionnel ainsi qu'à des interventions post-pénitentiaires (United Nations Office on Drugs and Crime, 2006). Pour définir les aspects communautaires des interventions effectuées après la sortie de prison, on utilise des termes tels : « aftercare », « transitional care », « reentry » ou « reentry support », « reintegration » ou « resettlement ». À souligner enfin que certaines interventions post-pénitentiaires commencent pendant que le délinquant est encore en prison, ceci pour le préparer à s'adapter à la vie en société.

Au Canada, l'expression « réintégration des délinquants » correspond généralement aux termes anglais « reentry » ou « resettlement ». Dans le cadre de ce rapport, nous allons utiliser ces termes comme synonymes, pour désigner les interventions, les programmes et services conçus pour aider les ex-détenus à vivre dans la communauté en respectant les lois. Le terme « réintégration » ne doit toutefois pas être pris trop à la lettre, étant donné que certains délinquants, avant leur entrée en prison, n'étaient pas intégrés à la communauté, vivaient en marge de la société et n'avaient pas acquis les attitudes et les compétences nécessaires pour fonctionner de façon socialement productive comme la plupart des citoyens.

Dans les dernières années, on semble privilégier le développement d'interventions globales, basées sur la continuité de la prise en charge et sur une aide cohérente aux délinquants, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de la prison. On reconnaît que la préparation du retour à la vie en société doit commencer avant que les détenus quittent le milieu carcéral. Immédiatement après la libération, il faut tout d'abord s'assurer que la transition entre le milieu carcéral et la vie dans la communauté est facilitée par des mesures de soutien appropriées. Il s'agira ensuite de mettre en place des interventions aidant l'ex-détenu à consolider les aptitudes acquises en milieu carcéral, jusqu'à ce que le processus d'intégration sociale soit parachevé avec succès (Fox, 2002). Cette approche, consistant en des interventions de type systémique, est généralement appelée « assistance continue » (en anglais: throughcare) (Borzycki, 2005 :11; Borzycki et Makkai, 2007). Indépendamment de la méthode adoptée, toutes ces interventions font partie d'approches intégrées, conçues pour répondre aux besoins et aux problèmes spécifiques de chaque délinquant. À relever enfin que les approches dites axées sur le renforcement des ressources (strength-based approaches) retiennent de plus en plus l'attention des milieux concernés par la réinsertion sociale des délinquants. Il s'agit d'interventions consistant à mobiliser et à renforcer l'ensemble des ressources personnelles et communautaires disponibles pour aider les ex-détenus à faire face aux défis auxquels ils sont confrontés et à retrouver ainsi leur place dans la société (Maruna et LeBel, 2002).

Les défis de la remise en liberté

Lors de la remise en liberté, les délinquants doivent faire face à toute une série de problèmes, de nature sociale, économique et personnelle, qui font obstacle à un mode de vie en respect de la loi (Borzycki et Baldry, 2003; Visher, Winterfield et Coggeshall, 2005). Parmi ces problèmes, certains relèvent des expériences passées du délinquant, d'autres sont directement associés aux conséquences de l'incarcération et aux difficultés du retour dans la communauté (Borzycki, 2005).

Certains détenus ont un passé fait d'isolation sociale et de marginalité, d'abus physiques et psychiques, d'emplois précaires ou de chômage, voire d'un mode de vie criminel adopté dès leur plus jeune âge. D'autres sont affectés par des handicaps physiques et/ou psychiques, voire par des problèmes de santé reliés à l'abus de substances et à la toxicomanie. D'autres encore doivent composer avec des déficits comme les difficultés dans les relations sociales, un niveau de scolarisation insuffisant, l'analphabétisme, un fonctionnement cognitif et émotionnel déficitaire, l'incapacité de planifier et gérer un budget : difficultés qui réduisent d'emblée leurs chances de succès dans une société compétitive. Par ailleurs, le retour à la vie en liberté n'est pas sans poser une multitude de problèmes très concrets, comme trouver un logement convenable avec peu ou pas de moyens, s'en sortir financièrement en attendant un emploi, se procurer des biens de première nécessité, accéder à des services et à de l'assistance couvrant des besoins spécifiques.

Aux difficultés du passage de l'emprisonnement à la vie en liberté s'ajoute le stress inhérent à la supervision au sein de la communauté. Le temps passé en prison n'est pas sans avoir des effets collatéraux sur les ex-détenus (Borzycki, 2005, 36; Borzycki et Makkai, 2007, 10). Certains parmi eux ont perdu leurs moyens de subsistance et ce qu'ils possédaient, d'autres n'ont plus de logement pour eux-mêmes et pour leur famille, d'autres encore ont perdu contact avec leurs amis et connaissances à cause de leur incarcération. À souligner enfin que les délinquants ont pu connaître, pendant leur incarcération, des problèmes de santé mentale, ou avoir acquis des tendances et attitudes auto nuisibles (self-defeating). En particulier, les problèmes de logement peuvent amener certains jeunes délinquants à retomber dans le crime après leur sortie de prison (Arnull et coll., 2007).

Un retour dans la communauté qui se solde par un échec entraîne des coûts sociaux non négligeables, que ce soit financièrement ou au niveau de la sécurité publique. Il importe donc d'évaluer les coûts des programmes facilitant la réinsertion sociale des délinquants en tenant compte des coûts sociaux et économiques importants que de tels programmes ont permis d'éviter.

Les facteurs de risque

Le développement de programmes efficaces dans ce domaine doit tenir compte des facteurs qui exposent l'ex-détenu, une fois en liberté, au risque de commettre de nouveaux délits.

Les facteurs criminogènes à considérer dans le cadre de services thérapeutiques en milieu institutionnel et communautaire ont trait à la formation scolaire, à l'emploi, au logement, aux drogues et à l'alcool, à la santé mentale, au capital social, aux habiletés cognitives et aux attitudes. Ces facteurs de risque, contrairement à d'autres, sont dynamiques, c'est-à-dire qu'ils sont susceptibles à un changement (Harper et Chitty, 2004). Des études d'évaluation menées au Royaume-Uni ont permis d'identifier un certain nombre d'interventions réduisant l'impact des facteurs de risque, notamment : la formation préscolaire, la littératie (literacy) dans la famille, l'information et l'assistance aux parents, l'acquisition d'habiletés cognitives et de compétences sociales, des changements dans l'organisation scolaire et l'apprentissage de la lecture (Stephenson et Jamieson, 2006).

L'efficacité de ces programmes est variable et aucun programme n'est complètement satisfaisant. Certaines interventions n'atteignent pas leur objectif, parce qu'une partie seulement des délinquants se soumettent au traitement envisagé. En effet, les résultats dépendent en grande partie de la volonté des délinquants à assumer leurs responsabilités et de leur motivation au changement. La participation de jeunes délinquants à des programmes de formation scolaire et professionnelle se heurte par exemple à plusieurs obstacles, comme la méconnaissance des enjeux chez les personnes qui dispensent la formation et des programmes dont les objectifs entrent mutuellement en conflit (Stephenson et Jamieson, 2006).

Les délinquants qui suivent les programmes de traitement jusqu'à la fin ont plus de chances de réintégration dans la société que les autres. Les facteurs qui exercent une influence positive sur la participation à des programmes de traitement sont les suivants :

Les objectifs et les caractéristiques des programmes de réinsertion sociale

Les programmes de réinsertion sociale se basent principalement sur une approche du type « gestion de cas ». Ces interventions aident les détenus à préparer leur sortie de prison en développant chez ceux-ci les habiletés et compétences nécessaires à la réussite de leur intégration dans la communauté, en abordant les problèmes personnels des délinquants et les facteurs responsables de leur engagement dans la délinquance et en établissant des contacts et des relations au sein de la communauté. Certains de ces programmes prévoient également des formes variables de surveillance.

Les programmes sont généralement développés à partir des connaissances acquises sur les facteurs de risque associés à la récidive, sur les besoins des délinquants et sur les problèmes auxquels sont confrontés les détenus sortant de prison. Les programmes varient selon les facteurs de risque considérés et les problèmes de réinsertion ciblés (toxicomanie, abus de substances, manque d'emploi). Certains programmes de réintégration ciblent des catégories spécifiques de délinquants, notamment les délinquants invétérés, les délinquants toxicomanes, les jeunes délinquants, ceux qui ont des problèmes de santé mentale ou enfin les délinquants sexuels considérés comme dangereux.

On peut distinguer trois types principaux de programmes de réintégration sociale :

  1. les programmes en milieu institutionnel, y compris ceux offerts par des organismes communautaires;
  2. les programmes de transition basés sur la surveillance;
  3. les programmes de transition basés sur l'assistance.

Nous allons tout d'abord passer en revue chacun de ces types de programmes, bien qu'aucun parmi eux ne semble avoir donné des résultats satisfaisants en ce qui concerne la réduction du taux de récidive. Seront présentées, ensuite, les formes d'intervention s'étant avérées, à ce, jour comme les plus prometteuses, notamment les programmes de réinsertion intégrés et à assistance continue (integrated and throughcare programs).

Programmes en milieu institutionnel

Les programmes en milieu institutionnel, conçus pour préparer les détenus à réintégrer la société, comprennent la formation scolaire, les soins en santé mentale, les traitements relatifs aux abus de substances, la formation professionnelle, le counseling et le mentorat. L'efficacité de ces programmes est d'autant plus grande qu'ils se basent sur une évaluation et un diagnostic complets des délinquants. Parfois, ces programmes sont dispensés par des organismes communautaires disposant des compétences et des ressources requises pour suivre les ex-détenus après la libération et pour assurer un suivi de traitement.

Les programmes en milieu institutionnel s'avèrent efficaces lorsqu'ils ciblent des facteurs de risques dynamiques ou des besoins spécifiques pour préparer la sortie de prison et favoriser l'intégration sociale des détenus. La participation à ces programmes étant facultative, un grand nombre de détenus s'abstiennent et sont ainsi relâchés dans la communauté sans préparation aucune. Certes, la probation et la libération conditionnelle ne sont accordées qu'aux détenus ayant suivi de tels programmes. Il est cependant difficile d'évaluer dans quelle mesure ces détenus sont effectivement prêts à réintégrer la communauté.

Les programmes de traitement relatifs à l'abus de substances, administrés par le Service correctionnel du Canada en milieu carcéral, semblent avoir un impact positif sur le taux de récidive, tout particulièrement chez les délinquants ayant bénéficié d'assistance et de soutien pendant la période de suivi de traitement. Chez les détenus ayant complété ces programmes, on a constaté un taux de récidive jusqu'à 50 % moins élevé que chez les autres détenus.

Les praticiens engagés dans le traitement et la réintégration sociale des délinquants reconnaissent que les interventions en soutien de la réinsertion requièrent une étroite collaboration entre les services correctionnels et les organismes communautaires. On constate, en effet, qu'il ne suffit pas de diriger les sortants de prison vers des organismes communautaires pour que le retour dans la communauté s'effectue sans accrocs. En l'absence de services de suivi de traitement substantiels, ces transferts sont généralement inefficaces. Il importe donc d'assurer la continuité du soutien par l'établissement de liens étroits entre les interventions en milieu institutionnel et les programmes dispensés dans la communauté.

Tableau 1 - Programmes en milieu institutionnel de préparation à la sortie de prison
Titre Intervention Impact sur le taux de récidive
High Intensity Treatment (HIT) Centre
Thorn Cross Young Offender Institution (YOI)
Warrington, U.K.
(Farrington et coll., 2002)
Le traitement à haute intensité combine l'entraînement militaire et les traitements pour jeunes contrevenants dont l'efficacité a été confirmée par des études d'évaluation. Ces traitements comprennent une formation scolaire, le développement des aptitudes à la vie quotidienne (life skills), la formation professionnelle, des programmes ciblant les structures de pensée ainsi que le comportement criminel et la recherche d'emploi dans la communauté.
  • Sur une période d'une année, la probabilité de récidive est significativement moins élevée chez les jeunes contrevenants ayant participé au programme que chez ceux du groupe témoin. Ceci est le cas aussi bien pour les contrevenants ayant complété le programme que pour ceux qui l'ont suivi pour au moins six semaines. Si aucune différence significative n'a pu être constatée entre les taux de récidive des deux groupes après une période de deux ans, les participants aux programmes HIT ont commis moins de crimes et ont reçu des condamnations moins sévères que les non participants.
Colchester Military Corrective Training Centre (MCTC)
U.K.
(Farrington et coll., 2002)
Il s'agit d'un établissement destiné aux jeunes délinquants enrôlés dans l'armée et géré par des militaires. Aucun programme visant le comportement criminel n'est administré dans cet établissement. Toutefois des efforts soutenus sont entrepris pour aider les jeunes contrevenants au moyen d'une formation scolaire de base, une formation commerciale, une formation relative aux demandes d'emploi et à la gestion d'un budget, ainsi que d'autres formations pouvant aider les contrevenants à gérer les problèmes de la vie quotidienne.
  • Il n'y a pas de différence significative entre la probabilité de récidive des participants aux différentes formations et celle du groupe de contrôle, que ce soit sur une période d'un an ou de deux ans.
Programme d'intervention pour délinquantes toxicomanes (PIDT)
(résultats intermédiaires)
Canada
(Furlong et Grant, 2006)
Le PIDT est un modèle multidimensionnel adapté aux femmes (gender-responsive) couvrant à la fois des interventions et l'environnement dans lequel celles-ci sont effectuées. Le programme offre une palette d'interventions reliées entre elles offrant aux femmes un soutien continu, à partir de l'admission en institution jusqu'à l'expiration de la sentence, et les aidant à choisir un style de vie responsable.
  • Les premiers résultats de l'évaluation effectuée après une année montrent un taux de participation élevé, une amélioration dans les compétences et aptitudes des participantes, et un haut niveau de satisfaction.
New Horizons Chemical Dependency Treatment
USA
(Mosher and Phillips, 2002)
Ce programme, en cinq phases et destiné aux femmes, offre un traitement de la toxicomanie, celle-ci étant considérée comme une maladie biopsychique. Le programme aide les femmes délinquantes à développer des habiletés pro sociales au niveau cognitif, comportemental et affectif. Les approches et traitements utilisés comprennent des techniques de modification du comportement et la thérapie comportementale, des groupes de pairs, le développement de compétences dans la résolution de problèmes, le développement d'habiletés rationnelles, cognitives et émotionnelles, la formation à la pensée positive (assertiveness), la formation scolaire ainsi que la gestion de la colère et de l'agressivité.
  • D'après l'évaluation effectuée, les participantes au programme ont un taux de récidive moins élevé que le groupe de contrôle, même en tenant compte de la durée de la période à risque. Les différences constatées sont statistiquement significatives après un suivi de deux ans.
Les unités de soutien intensif (USI) pour les délinquants toxicomanes ou alcooliques
Services correctionnels Canada
(Grant, Varis et Lefebvre, 2005)
Ces unités sont conçues pour fournir aux délinquants (1) un milieu favorable faisant appel à un personnel ayant reçu une formation spéciale, (2) un milieu ou la présence de drogue et d'alcool est contenue par des fouilles systématiques et par des tests de dépistage plus nombreux que le prévoit la loi canadienne. Les délinquants choisissent de leur plein gré de résider dans une USI et participent aux activités courantes de l'établissement. Ils participent, ou ont participé, à des programmes de traitement pour détenus toxicomanes.
  • Les participants des USI étaient moins susceptibles, dans une proportion de 36 %, d'être réincarcérés que les délinquants du groupe de référence (25 % contre 39 %). De plus, ils étaient moins susceptibles, dans une proportion de 68 %, d'être réincarcérés par suite d'une nouvelle infraction que les délinquants du groupe de référence (6,5 % contre 10,9 %). Selon d'autres résultats des questionnaires mesurant les perceptions concernant les USI, le milieu favorable des USI aidait les délinquants à s'attaquer à leur problème de toxicomanie en raison d'un certain nombre de facteurs, dont l'orientation professionnelle des membres du personnel des USI (plus empathiques, axés sur la réadaptation, satisfaits de leur travail) et le recours aux activités de répression qui réduisaient la présence des drogues et de l'alcool.
Le Programme intensif de traitement de la toxicomanie (PITT)
Services correctionnels
Canada
(Grant, Kunic, MacPherson, McKeown, et Hansen, 2003)
Programme intensif pour répondre aux besoins des délinquants aux prises avec un important ou grave problème de toxicomanie.
  • D'après leur évaluation, les trois quarts (77 %) des participants au PITT avaient une importante ou grave dépendance à la drogue, alors que le quart (24 %) d'entre eux avait une importante ou grave dépendance à l'alcool. Globalement, les données montrent que 90 % des participants au programme étaient aux prises avec une dépendance grave ou importante à l'alcool et/ou à la drogue d'après leurs résultats à des tests standardisés. Les autres 10 % ont été orientés vers le PITT par leurs agents de libération conditionnelle, qui jugeaient leur problème de toxicomanie assez grave pour qu'ils participent à ce programme intensif.
  • Les résultats aux pré-tests et post-tests mesurant les attitudes, croyances et façons de penser des participants ont révélé la présence d'un changement positif attribuable au programme. Ces mesures intermédiaires des résultats donnent à croire que le programme a atteint ses objectifs. Les résultats indiquent que le PITT a un effet positif sur le comportement en établissement : le taux global d'infractions disciplinaires a diminué (passant de 0,48 à 0,15) de même que le pourcentage des participants qui comptaient au moins une infraction disciplinaire (passant de 27 % à 12 %). Lorsque l'analyse porte sur un suivi d'une durée fixe de six mois, les résultats révèlent que les participants au PITT étaient moins susceptibles que les sujets de l'échantillon apparié d'être réincarcérés (26 % contre 32 %) et de voir leur libération conditionnelle révoquée pour avoir commis une nouvelle infraction (4 % contre 8 %).
Le Programme prélibératoire pour toxicomanes (PPT)
Services correctionnels
Canada
(Millson, Weekes, et Lightfoot, 1995).
Le PPT est un programme d'intervention multidimensionnelle en matière de toxicomanie axé sur le comportement et les aptitudes cognitives. Il a été mis sur pied pour répondre aux besoins des délinquants ayant des problèmes de toxicomanie modérés ou importants.
  • Au cours de la période de suivi, 31,4 % des délinquants ayant achevé le programme ont été réincarcérés sous responsabilité fédérale: 19,9 % (57 délinquants) pour manquement à une condition de leur mise en liberté et 13,6 % (39 délinquants) pour avoir commis une nouvelle infraction. Des analyses plus approfondies ont révélé que des caractéristiques qui étaient évidentes avant la participation au programme, comme la gravité des problèmes de toxicomanie, le niveau de risque et de besoins, et le type d'infraction, ont continué à influer sur le comportement des délinquants après cette participation (ce que traduit le taux de réincarcération). Chez les délinquants dont le niveau de rendement était supérieur à la moyenne, le taux de réincarcération pour de nouvelles infractions ainsi que le taux global de réincarcération pour manquements aux conditions de la mise en liberté étaient sensiblement plus faibles.
Le traitement d'entretien à la méthadone en milieu carcéral (TEM)
Services correctionnels Canada
(Johnson, van de Ven et Grant, 2002)
Le TEM est un traitement visant à réduire la consommation d'héroïne par injection et le partage de seringues en milieu carcéral.
  • Dans l'ensemble, on constate que les participants au TEM affichaient des taux de réincarcération inférieurs et qu'ils étaient réincarcérés moins rapidement que les non participants. Pour une période de 12 mois, les délinquants du groupe témoin étaient plus susceptibles, dans une proportion de 28 %, d'être incarcérés à nouveau. En outre, les délinquants du groupe traité étaient moins susceptibles de se trouver illégalement en liberté ou de violer une condition d'abstinence en consommant de l'alcool pendant leur mise en liberté sous condition. Bien que, d'un point de vue statistique, on ait obtenu des résultats similaires pour les deux groupes en ce qui a trait à la récidive ainsi qu'au nombre et aux types de nouvelles infractions, la tendance dégagée des données laisse supposer un taux de récidive moins élevé chez le groupe traité. De façon globale, il ressort que la participation à un programme de TEM en établissement a une incidence favorable sur l'issue de la mise en liberté. Des recherches supplémentaires sont toutefois nécessaires pour examiner des questions comme la poursuite du traitement dans la collectivité et d'autres effets positifs du TEM pour la sécurité communautaire.
InnerChange Freedom Initiative
A Pre-release faith-based program
USA
(Johnson et Larson, 2003)
Il s'agit d'un programme prélibératoire à orientation chrétienne, conçu pour dispenser aux délinquants une formation scolaire, du travail, des aptitudes à maîtriser les problèmes de la vie quotidienne, une restructuration des valeurs et un contrôle très serré, ceci dans un environnement religieux. Ce programme, basé sur l'enseignement de la Bible, le développement d'aptitudes à la vie quotidienne et de relations responsables, comprend deux phases. La première phase, dure de 16 à 24 mois et est axée sur l'instruction biblique. La deuxième phase, dont la durée est de 6 à 12 mois, est une période de suivi de traitement destinée aux délinquants en libération conditionnelle.
  • Les participants ayant terminé le programme avec succès présentent des taux de réarrestation plus bas que le groupe de contrôle. Il en est de même pour ce qui est du taux de réincarcération. Toutefois, les participants qui n'ont pas complété le programme ont approximativement les mêmes taux de réarrestation que les non participants.
Pre-release Employment Program at Herman Toulson Boot Camp
Maryland, USA
(Truesdale, 2001)
Ce programme poursuit les objectifs suivants : mettre à la disposition de la population ciblée du personnel qualifié en matière d'évaluation de besoins en éducation, de profiles d'employabilité et d'accès à des services; développer un réseau de services de soutien, y compris des liens avec les agences et services gouvernementaux; mettre en place des outils de formation aidant les clients à trouver des emplois leur permettant de devenir économiquement autonomes; et créer un atelier consacré à la formation entrepreneuriale des personnes désirant fonder une petite entreprise. Le programme d'embauche administré avant la sortie vise tout particulièrement les jeunes de race noire et les jeunes « à risque ».
  • L'impact du programme sur le taux de récidive n'est pas connu. Il n'y a aucune différence statistiquement significative entre le taux d'emploi des participants et des non participants.
Prison Industry Enhancement Program
USA
(Smith, 2002, 2007; Smith et. coll., 2006)
Le programme vise à faciliter la recherche d'un emploi et à satisfaire les besoins financiers des détenus, en s'assurant que ceux-ci ont un travail et un revenu pendant leur incarcération, leur permettant d'avoir un peu d'argent lorsqu'ils sont libérés.
  • Une étude d'évaluation utilisant des groupes témoins et des échantillons appariés a permis de constater que le programme a un impact non négligeable (entre 5 % et 10 %) sur le taux de réarrestation, de nouvelles condamnations et de réincarcération. Les détenus ayant participé au programme ont mieux réussi leur réinsertion que les autres : ils ont plus souvent trouvé un emploi, l'ont conservé et évité de commettre d'autres infractions à la loi.

Le tableau 1 passe en revue quelques interventions en milieu institutionnel portant sur les besoins des détenus avant leur libération et les facteurs de risque. Les résultats montrent que ces programmes sont efficaces et réduisent sensiblement la probabilité d'une récidive. En particulier, les programmes mis en place par le Service correctionnel du Canada, notamment le traitement d'entretien à la méthadone, le programme intensif de traitement de la toxicomanie et le programme prélibératoire pour toxicomanes, ont comme effet une diminution du taux de récidive des ex-détenus ayant des problèmes d'abus de substances. Les programmes à orientation religieuse, mis en place aux États-Unis , ont également réussi à obtenir des résultats positifs. Par contre, les résultats obtenus par les programmes destinés à améliorer les chances d'emploi et les aptitudes à la maîtrise des problèmes de la vie quotidienne sont plus difficiles à évaluer. Il est possible que l'efficacité de ces interventions dépende essentiellement de la motivation et de l'engagement à la fois du personnel et des détenus, ainsi que de dynamiques institutionnelles, dont l'impact est difficile à estimer dans le cadre d'études d'évaluation.

Programmes de surveillance

Les programmes de surveillance sont axés sur la supervision des ex-détenus dans la communauté. Il existe quatre modèles de surveillance des détenus en libération conditionnelle : (1) la supervision basée sur le risque, (2) la supervision basée sur les besoins, (3) la supervision basée sur une combinaison des deux modèles précédents (middle-ground), et (4) la supervision basée sur le renforcement des ressources (strength-based) (Maruna et Le Bel, 2002). La supervision basée sur le risque part de l'idée que, les délinquants étant fondamentalement dangereux, il faut les surveiller de près et les soumettre à un contrôle constant. Ce type de contrôle « suggère la nécessité d'un « panoptique électronique » ou d'une approche de la supervision « pee 'em and see 'em» (Gordon, 1991; Maruna et LeBel, 2002; p. 164). La surveillance basée sur les besoins vise les besoins criminogènes des délinquants et aide les détenus à recevoir des traitements appropriés dans le cadre de programmes comme le développement de compétences cognitives ou le counseling en matière d'abus de substances. (Burnett et Maruna, 2006). Les connaissances scientifiques qui justifient cette dernière stratégie de supervision sont davantage fondées que celles qui soutiennent les stratégies axées sur le risque. Lorsque les programmes de traitement sont ajustés aux caractéristiques des délinquants, la surveillance basée sur les besoins aboutit à une légère réduction du taux de récidive (Maruna et LeBel, 2002).

Le modèle de surveillance appelé « middle-ground » représente une combinaison des deux modèles précédents, basés sur le postulat d'un manque chez le délinquant : combinaison qui est censée satisfaire les défenseurs de l'une et de l'autre approche. Toutefois, cette approche dualiste n'est pas sans poser de problèmes, vu que les agents de probation ne savent pas toujours quand utiliser quel modèle (Maruna and LeBel, 2002). À propos de ce problème, Fogel (1978), à qui on doit l'identification de ce problème, écrit : « En voyant un agent de probation faire sa ronde avec Freud dans une main et une Smith & Wesson .38 dans l'autre, on peut se demander si c'est Freud qui soutient la .38 ou vice-versa » (pp. 10-11).

Il y a enfin le modèle du renforcement des ressources (strenght-based model), dont la recherche a fait peu de cas à ce jour. Cette stratégie est issue de l'idée selon laquelle les délinquants « constituent un capital à exploiter et non un fardeau à porter » (Maruna et LeBel, 2002:167-168). Selon cette approche, les détenus sont stigmatisés et c'est le stigma de l'emprisonnement, plutôt que leur dangerosité, qui les conduit à commettre de nouveaux crimes.

Les artisans de l'approche basée sur le renforcement des ressources personnelles pensent que le processus de réinsertion sociale passe par une réconciliation des délinquants avec la communauté et par la démonstration de la valeur et du potentiel qu'ils représentent. Ces interventions fournissent aux ex-détenus la possibilité de connaître la réussite dans des rôles de soutien et de leadership, le but étant de transformer les détenus sortant de prison de consommateur d'assistance en des pourvoyeurs d'assistance. Dans la mesure où le délinquant est perçu comme ayant quelque chose à offrir, ce processus aboutit à sa dé-stigmatisation au sein de la communauté. (Maruna et LeBel, 2002). Comme nous l'avons déjà souligné, l'approche dite « strength-based » n'a pas fait l'objet de beaucoup de recherches. Celles qui ont été réalisées montrent toutefois que les principes de base de cette stratégie sont pertinents (Maruna, 2001; Sampson and Laub, 2001).

La surveillance des détenus est-elle efficace?

Selon les études d'évaluation menées à ce sujet, il apparaît que les programmes de supervision intensive ne sont pas à même de réduire le taux de récidive (Paparozzi et Gendreau, 2005). Il y a lieu de penser que le manque d'efficacité de ces programmes est dû au fait que ceux-ci ciblent des délinquants à bas risque, au lieu de viser une population à haut risque. Or, les connaissances dont nous disposons actuellement montrent bien que c'est chez les délinquants à haut risque que des interventions intensives en milieu carcéral et en milieu communautaire ont le plus de chances de succès (Andrews et Bonta, 2003; Paparozzi et Gendreau, 2005). Selon une étude menée par Paparozzi et Gendreau (2005), le « New Jersey Intensive Surveillance and Supervision Program » (ISSP) a réussi à réduire le taux de récidive des délinquants à haut risque participant au programme d'environs 30 %, comparativement aux délinquants soumis à une forme de surveillance traditionnelle : ceci, malgré le fait que le groupe expérimental comprenait des délinquants à risque plus élevé que ceux du groupe témoin. Les délinquants ayant participé au ISSP présentaient par ailleurs davantage de violations des conditions de libération (7 % de plus), moins de nouvelles condamnations (28 % de moins) et un taux de révocations moins élevé (21 % de moins). Ces différences se sont avérées comme étant statistiquement significatives, même après contrôle des effets des variables intervenantes par une analyse de régression logistique.

L'analyse de régression a montré enfin qu'il existe une relation entre le style de supervision des agents de probation et le taux de récidive. En effet, la récidive était moins fréquente chez les délinquants soumis à une approche équilibrée de la supervision que chez les délinquants ayant à composer avec des agents, dont le style de supervision s'en tenait de façon rigoureuse au modèle du « travail social » ou à celui de « l'application de la loi ». (Paparozzi and Gendreau, 2005).

Selon les chercheurs, les résultats obtenus permettent de conclure que l'ISSP peut être un moyen efficace pour réduire la récidive. Parmi les facteurs produisant des résultats positifs sur les taux de récidive, de violation des conditions, de révocation de la liberté conditionnelle et de nouvelles condamnations, les plus importants sont les suivants :

  1. l'accès à davantage de traitements pour les délinquants participant au ISSP;
  2. la mise en place de l'ISSP dans un environnement institutionnel favorable, dans lequel le programme est appuyé par le personnel, et;
  3. la collaboration d'agents de probation qui adoptent une approche équilibrée de la surveillance, plutôt qu'une approche répressive ou une approche de type « travail social ».

Au Canada, une étude d'évaluation du programme « Pratiques de surveillance intensive (PSI) », mis en place auprès de délinquants à haut risque, a montré que les participants au programme avaient des taux de réadmission après révocation plus bas et restaient plus longtemps en liberté (avant une suspension ou une révocation) que les non-participants (Serin, Voung et Briggs, 2003).

La surveillance des jeunes contrevenants

Dans les années 90, beaucoup d'efforts ont été consacrés au développement de programmes de suivi de traitement destinés aux jeunes contrevenants, dans l'espoir de trouver des moyens plus efficaces pour faciliter leur réintégration dans la société et réduire la récidive (Altschuler et Armstrong, 1994; Loeber et Farrington, 2000). Les résultats obtenus par les interventions mises en place au cours des dix dernières années sont toutefois mitigés. Au Royaume-Uni, le Comité pour la justice des mineurs (Youth Justice Board) a contribué au développement de toute une palette d'interventions destinées aux jeunes à risque. Comme nous allons le voir dans les paragraphes suivants, ces interventions n'ont pas été couronnées de succès et n'ont su contribuer ni à une intégration sociale réussie ni à une réduction du taux de récidive.

Surveillance électronique

La surveillance électronique (SE) fait souvent partie des stratégies de surveillance intensive (Bonta, Wallace-Capretta et Rooney, 1999). Les indicateurs utilisés pour en évaluer l'efficacité sont les révocations, les nouvelles infractions portées à connaissance de la police et la récidive. Les évaluations effectuées par le passé tendent à prouver que la surveillance électronique réduit le taux de récidive. Il est toutefois probable que ce résultat ait été influencé par la sélection de délinquants à risque peu élevé (Gable et Gable, 2005). Une méta-analyse des études sur les effets de la surveillance électronique chez les délinquants à haut risque et à risque modéré a montré par ailleurs que ce type d'intervention n'est pas plus efficace que d'autres mesures alternatives (Renzema et Mayo-Wilson, 2005). Il est donc recommandé d'utiliser la surveillance électronique en combinaison avec des traitements dont l'efficacité a été prouvée (Renzema et Mayo-Wilson, 2005).

Le « Learning Resources Program » (LRP) fournit aux délinquants en probation et sous surveillance électronique la possibilité de participer à du counseling de groupe ou individuel, ainsi qu'à un programme de développement d'habiletés et compétences diverses. Les effets du LRP ont été évalués au moyen d'un plan quasi-expérimental, dans le cadre duquel des participants sous surveillance électronique et ayant subi en même temps un traitement du type cognitif comportemental ont été appariés, en fonction des facteurs de risque et des besoins, avec des délinquants en probation et des détenus remis en liberté. Les résultats de cette étude montrent que les délinquants à haut risque soumis à la surveillance électronique et à un traitement intensif présentent des taux de récidive plus bas que les délinquants à haut risque n'ayant reçu aucun traitement (31.6 % versus 51,1 %). Cette étude confirme également les conclusions de recherches précédentes, selon lesquelles les délinquants à bas risque ne sont pas touchés par les programmes de traitement intensif et que de tels traitements peuvent même augmenter la probabilité de récidive chez cette catégorie de délinquants. Selon Bonta et coll. (2000b), les délinquants à bas risque soumis à des traitements intensifs présentent des taux de récidive plus élevés (32.3 %) que les délinquants n'ayant subi aucun traitement (14.5 %) (voir Gendreau, 1996).

Ces résultats ne prouvent pas que la surveillance électronique, à elle seule, constitue un moyen efficace pour réduire la récidive, vu que le taux de récidive des délinquants sous surveillance électronique (31.5 %) et celui des délinquants exempts de surveillance (35.3 %) ne diffèrent pas de façon statistiquement significative. Cette évaluation est toutefois importante, dans la mesure où elle confirme l'efficacité de mesures intensives de réhabilitation combinant surveillance et traitement. En effet, le programme LRP réduit sensiblement le taux de récidive des délinquants à haut risque. Il semble donc que la stratégie de supervision basée sur le risque soit efficace dans la gestion sociale des délinquants à haut risque, pour autant que la surveillance communautaire intensive aille de pair avec des services de traitement intensifs (voir aussi Finn et Muirhead-Steves, 2002).

Tableau 2 - Programmes de réintégration basés sur la surveillance
Titre Type d'intervention Effets sur la récidive
HotSpot Community Initiative
Maryland, USA
(Piquero, 2003)
Surveillance intensive au sein de communautés considérées comme des « points chauds ». Les communautés participant au programme sont prêtes à mobiliser des ressources et disposent de services de police communautaire, de services de probation, des programmes de soutien et de maintien des liens communautaires, des activités de prévention destinées aux jeunes et des instances de coordination au niveau local. Dans chaque communauté des équipes HotSpot, composés d'agents de probation, d'agents de la police communautaire et de conseillers en matière de jeunes, sont mis en place. Les membres des équipes HotSpot sont responsables de la surveillance des probationnaires dans leur communauté respective et se chargent d'activités telles que le contrôle du couvre-feu et des visites à domicile. Le taux de récidive des délinquants sous surveillance intensive ont été comparés à ceux soumis à un régime de probation « normal ». L'étude d'évaluation du programme n'a pu déceler aucune différence entre les deux groupes pour ce qui est des violations des conditions de probation. On a pu toutefois constater que les réarrestations étaient plus fréquentes que les violations des conditions chez les délinquants participant au programme. Le suivi à long terme du programme de surveillance indique que les participants au programme présentaient une plus grande probabilité de commettre de nouvelles infractions.
The Anchorage (Alaska) Coordinated Agency Network (CAN)
Alaska, USA
(Giblin, 2002; O'Rourke, et coll., 1998)
Le programme CAN se propose de réduire la récidive (1) en augmentant et améliorant la surveillance systématique des jeunes probationnaires, et (2) en fournissant aux jeunes des modèles de référence positifs au sein de leur communauté. En vue de la réalisation du premier objectif, un officier de police, s'étant engagé de son propre gré à participer au programme, a été chargé de visiter les jeunes probationnaires deux fois par mois, et de s'assurer qu'ils se conforment aux conditions de probation. L'officier peut interroger les jeunes et leurs parents ou tuteurs, fournir des conseils aux jeunes et répondre le cas échéant aux questions des jeunes ou de leurs parents. Ceci revient essentiellement à augmenter le nombre de contacts personnels entre les représentants de la justice pénale (agents de police et agents de probation) et les probationnaires. Les jeunes qui participent au programme ont une probabilité plus que trois fois plus grande que les non participants de violer les conditions de probation. Ceci s'explique moins par le fait que les participants au CAN ont violé les conditions plus souvent, que par une probabilité accrue, vu le nombre de visites, d'être pris en faute par l'agent de police ou par l'agent de probation.
The Learning Resources Program (LRP). Electronic monitoring
Canada
(Bonta, Wallace-Capretta et Rooney, 2000a)
Le LRP fournit aux probationnaires sous surveillance électronique une formation individuelle en gestion de la colère et en habileté à la pensée critique et une participation à des discussions de groupes sur l'abus de substances et à des plans de prévention de la récidive développés par chaque groupe. Il s'agit de groupes fortement structurés, basés sur une approche cognitive comportementale, qui se réunissent quatre fois par semaine pour une durée totale de 9 heures hebdomadaires. Les délinquants à haut risque sous surveillance électronique et suivant un traitement intensif ont des taux de récidive moins élevés que les délinquants non soumis à un traitement (31.6 % versus 51.1 %). La différence entre le taux de récidive des probationnaires sous surveillance électronique (31.5 %) et celui des probationnaires sans surveillance (35.3 %) n'est pas statistiquement significative.
Intensive Supervision and Surveillance Program (ISSP).
U.K., Youth Justice Board.
(Grey, et coll., 2005)
Il s'agit d'un programme à composantes multiples, conçu pour tenir compte des besoins des jeunes contrevenants dans tous leurs aspects. En combinant supervision et surveillance, ce programme essaie de structurer la vie quotidienne des jeunes de façon à mieux gérer les risques et réduire la probabilité de récidive. Les objectifs poursuivis sont les suivants : la réduction de la probabilité de nouvelles infractions commises par le groupe ciblé de 5 %, la réduction de la gravité des infractions commises, s'occuper des problèmes des jeunes, en ce qui concerne en particulier la formation scolaire et exercer la supervision et la surveillance d'une façon rigoureuse et cohérente. Parmi les participants au programme, la fréquence de nouvelles infractions a diminué de 40 % sur la période d'un an, et de 39 % sur deux ans. La fréquence d'infractions graves a diminué de 13 % sur un et deux ans. Toutefois la proportion de délinquants faisant l'objet d'au moins une nouvelle condamnation pendant un suivi de deux ans a atteint 91 % parmi les participants au programme. Ce résultat n'est pas tout à fait inattendu, étant donné que « les jeunes contrevenants avaient commis en moyenne 11.6 infractions dans les deux ans précédant l'administration du programme ». Les résultats statistiquement significatifs sur une période d'un an ne le sont plus après 24 mois de suivi. Ce qui suggère que les effets du programme diminuent avec le temps. Ces résultats ont aussi été constatés dans d'autres évaluations de programmes. Il faut d'ailleurs noter que les jeunes contrevenants ayant complété le programme étaient ceux avec le moins de besoins. Les jeunes à haut risque ont ainsi obtenu des résultats moins favorables que les autres.

Une analyse des études d'évaluation relatives aux programmes de surveillance montre que cette approche ne facilite pas la réintégration sociale des délinquants ni réduit le taux de récidive. Si de tels programmes réussissent à atteindre leurs objectifs dans un premier temps, les effets constatés tendent à diminuer avec le temps. Il faut en conclure que l'approche basée sur la surveillance ne constitue pas une stratégie d'intervention efficace, si elle n'est pas appliquée en combinaison avec des traitements appropriés.

Programmes de soutien et d'assistance

Délinquants avec des problèmes de santé mentale

Pour les délinquants souffrant de troubles mentaux, la sortie de prison s'avère particulièrement ardue. Seuls, sans relations sociales dans la communauté, souvent avec des problèmes d'abus de substances : pour ces délinquants, trouver un logement et un emploi convenables représente tout un défi. La plupart d'entre eux ont par ailleurs besoin de services médicaux et thérapeutiques, ainsi qu'une aide pour la gestion de leur budget. Pour ces différentes raisons et aussi parce qu'ils ne se conforment pas aux traitements imposés dans le cadre de la probation, ces délinquants constituent un danger pour eux-mêmes et pour les membres de la communauté (Hartwell et Orr, 1999).

Les multiples problèmes auxquels sont confrontés les délinquants souffrant de troubles mentaux requièrent la mise en place d'un modèle de traitement en milieu communautaire leur fournissant des soins continus et tenant compte des risques, des besoins et des vulnérabilités qui les caractérisent. Ces programmes de traitement et de soins continus en milieu communautaire peuvent réduire sensiblement les risques pour le public et pour les délinquants eux-mêmes, tout en diminuant la probabilité d'un retour en prison par le biais de mesures de diversion appropriées. (Griffiths, 2004; Hartwell et Orr, 2004). Selon les résultats de recherches menées à ce sujet, la continuité des soins constitue un élément essentiel dans le traitement des problèmes de santé mentale, dont souffrent des personnes ayant à faire avec la justice pénale. Ce soutien continu comprend d'une part la gestion de cas dans le cadre de traitements psychiatriques et de l'intervention des services sociaux, d'autre part une aide pour la recherche d'un logement, pour la nourriture, pour l'obtention de prestations d'invalidité, ainsi qu'une formation professionnelle.

Selon les spécialistes de médecine légale, les éléments clé de toute intervention aidant les délinquants souffrant de troubles mentaux à réintégrer la communauté, sont les suivants :

  1. Stabiliser les troubles dont souffre le délinquant;
  2. Améliorer leur autonomie dans la vie quotidienne;
  3. Minimiser la probabilité de comportements violents et criminels par l'entretien des mécanismes de contrôle internes et externes;
  4. Mettre en place une collaboration entre le personnel chargé du traitement et le système de la justice pénale;
  5. Aider les délinquants à structurer leur vie quotidienne;
  6. Faire usage de l'autorité de façon conviviale;
  7. Gérer l'agressivité et l'impulsivité des délinquants;
  8. Intégrer le traitement et la gestion de cas;
  9. Fournir un logement dans un milieu thérapeutique; et,
  10. Travailler avec la famille du détenu, en s'assurant qu'elle constitue une source fiable de soutien social.

L'efficacité d'interventions visant à réduire les comportements criminels et à gérer les besoins en soins de santé mentale des jeunes a été évaluée dans le cadre d'une étude portant sur les besoins en soins de santé mentale et sur l'efficacité des dispositions relatives aux jeunes contrevenants en milieu institutionnel et en milieu communautaire (Harrington et Bailey, 2005). Les jeunes touchés par cette étude se sont déclarés très satisfaits avec les services offerts, à l'exception de la continuité des soins, qui a souvent connu des problèmes. Les jeunes contrevenants en milieu communautaire présentaient davantage de besoins que les jeunes délinquants en milieu institutionnel, les besoins étant encore plus importants chez les délinquants sortant d'établissements à haute sécurité. Ni les besoins relatifs à la santé mentale ni la présence de problèmes reliés à l'abus d'alcool et/ou de drogues s'est avéré être un prédicteur fiable de nouvelles infractions. L'étude a permis de constater que la continuité des soins variait d'un cas à l'autre et que souvent les besoins des jeunes contrevenants restaient insatisfaits, les personnes chargées du programme n'étant pas capables de les identifier. Ces résultats soulignent l'importance de la continuité des soins et la nécessité de disposer d'outils structurés de dépistage, permettant d'identifier les besoins des jeunes contrevenants avec des troubles mentaux de modérés à graves. Il faudrait également mettre en place des interventions « sur mesure », utilisant des approches cognitives comportementales et le développement de compétences dans la résolution de problèmes, après avoir évalué les risques, les besoins et les aptitudes à l'apprentissage. Bref, les interventions doivent être multimodales et axées sur l'individu, la famille et les groupes de pairs.

L'évaluation du programme « San Francisco Mentally Ill Offender Crime Reduction Grant » (MIOCRG) a montré que le groupe soumis à un traitement amélioré présentait moins d'arrestations, de condamnations et de jours d'incarcération que le groupe ayant suivi le traitement usuel. Tous les résultats étant statistiquement significatifs, il y a lieu de conclure que l'approche utilisée dans le cadre de ce programme est très probablement efficace (The Center on Juvenile and Criminal Justice, 2003).

Cette étude nous apprend en particulier que:

  1. Une approche du type "prêt-à-porter" ne fonctionne pas. De tels projets ne fonctionnent que s'ils sont basés sur la collaboration des instances impliquées et tiennent compte des lacunes constatées dans les services dispensés aux personnes souffrant de troubles mentaux en milieu carcéral et dans la communauté.
  2. Le traitement des troubles mentaux permet souvent de diminuer la dépendance aux drogues illégales et de développer les compétences requises pour conduire une vie sans dépendance aux drogues.
  3. La stratégie de la réduction des dommages, consistant à contenir les effets de l'usage de drogues sur la santé, tout en maintenant l'abstinence comme objectif à long terme, s'est avérée plus réaliste et plus efficace chez les personnes atteintes de troubles mentaux graves, que les stratégies misant sur l'abstinence à tout prix.
  4. Les clients soumis à une surveillance intensive n'ont pas respecté les conditions de la libération conditionnelle plus souvent que les clients suivant des programmes de traitement moins intensifs. Il faut toutefois tenir compte du fait que des taux plus élevés de récidive peuvent être le résultat de contacts plus fréquents avec les clients dans le cadre d'une gestion de cas plus rigoureuse. Aussi, les agents de probation chargés de l'application d'une abstinence stricte insistent pour que les probationnaires respectent les consignes.
  5. La décision de renvoyer en prison les clients ayant brisé les conditions, plutôt que de les soumettre à un traitement, est lourde de conséquences. Si le client retourne en prison, il se peut qu'il soit plus tard relâché sans avoir subi de traitement.
  6. Une étroite collaboration entre les services de probation et les services de santé mentale ainsi que le partage des méthodes de traitement peuvent contribuer à diminuer le nombre de bris de condition chez les délinquants souffrant de troubles mentaux.

Emploi / Aide à l'accès au marché du travail

« Un emploi représente plus qu'une source de revenu permettant de d'assurer une qualité de vie tant soit peu adéquate. Travailler signifie également bénéficier d'une structure et d'une routine dans l'emploi du temps, voire une opportunité pour élargir son propre cercle de connaissances, en y incluant d'autres membres productifs de la société. Avoir un emploi contribue enfin à augmenter l'estime de soi et le bien-être psychique en général » (Graffam et coll., 2004: 1).

Au Canada, environ 75 % des délinquants admis dans les établissements correctionnels de juridiction fédérale ont des problèmes d'emploi. (Motiuk, 1997; Gillis et Andrews, 2005). Pour les détenus qui sortent de prison, la recherche d'un emploi se heurte à de multiples problèmes, notamment : peu d'estime de soi, peu de motivation, des compétences déficitaires, le manque de formation, la présence de troubles mentaux, l'abus de substances, pas de logement convenable. Aux difficultés d'ordre personnel viennent s'ajouter des problèmes sociaux comme l'influence négative exercée par les pairs, l'absence de soutien de la part de la famille et un dossier d'emploi peu garni (Visher et coll., 2005; Rakis, 2005; Graffam et coll., 2004). Le fait d'avoir réussi à trouver un emploi légal constitue un des meilleurs prédicteurs d'une libération couronnée de succès (Visher, Winterfield et Coggeshall, 2005). Les délinquants eux-mêmes considèrent le fait de trouver un emploi comme étant la clé d'une sortie de prison réussie (Burke, 1997).

Selon les recherches menées à ce sujet, les ex-détenus capables de trouver un emploi légal, en particulier un emploi de haut niveau et bien rémunéré, récidivent moins souvent que ceux qui n'ont pas d'emploi. Si le fait d'avoir un emploi assume une telle importance, c'est que, selon la théorie du contrôle social, le travail agit comme un mécanisme informel de contrôle social (Sampson et Laub, 1997). La thèse selon laquelle l'emploi réduit la probabilité de récidive est confirmée par une étude menée au Royaume-Uni. Une analyse de données recueillies en 2001 dans le cadre de l'enquête sur le replacement des détenus (Resettlement Survey) a montré que les délinquants assurés d'avoir une paie et un emploi après la remise en liberté estimaient que leur probabilité de récidiver était moins grande de celle des détenus sans perspectives d'emploi à la sortie de prison (Niven et Olagundoye, 2002). Des résultats semblables ont été obtenus aux États-Unis dans le cadre de programmes d'emploi financés par la Safer Foundation (Finn, 1999).

Toutefois, d'autres études aboutissent à des résultats moins probants. Selon une analyse menée par Visher, Winterfield et Coggeshall (2005), les programmes d'aide à l'emploi n'ont aucun effet statistiquement significatif sur la probabilité d'être arrêté à nouveau. À souligner que cette étude était basée sur l'attribution aléatoire des participants au groupe expérimental et au groupe témoin. D'autres études quasi-expérimentales de programmes d'emploi en milieu communautaire n'ont pu déceler d'effet significatif au niveau de la réduction de la récidive (Finn and Willoughby, 1996; Turner and Petersilia, 1996).

Si des considérations d'ordre théorique portent à croire que le fait d'avoir un emploi diminue le risque de récidive des délinquants, la relation entre emploi et récidive est loin d'être évidente (Webster et coll., 2001). Selon certains auteurs, les effets de l'emploi sur la récidive seraient le résultat de la qualité de l'emploi obtenu et non du simple fait d'avoir trouvé du travail (Uggen, 1999). Il est aussi possible que la relation entre l'accès à un emploi et la diminution de la récidive soit influencée par les facteurs suivants : disposer d'un logement stable, avoir des compétences facilitant une embauche, absence de problèmes reliés à l'abus de substances, adopter une stratégie de recherche d'emploi proactive et savoir obtenir de l'aide (Niven et Olagundoye, 2002). Selon les chercheurs, il est essentiel que ce genre d'interventions soit fondé sur l'identification des besoins spécifiques des ex-détenus et des services pertinents. Les interventions les plus importantes au niveau de l'emploi doivent idéalement comprendre des cours de préparation à l'emploi, des cours de formation professionnelle et d'initiation au travail, ainsi que le contrôle de la présence au travail par un agent de gestion de cas (Visher, Winterfield et Coggeshall, 2005).

Bien qu'il n'y ait pas de preuve démontrant que la participation à des programmes d'aide à l'emploi réduit de façon significative la probabilité de récidive, il ne fait pas de doute qu'avoir un emploi joue un rôle important en vue d'une réinsertion sociale sans accrocs (Rakis, 2005; Seiter, 2002). Il est par ailleurs essentiel que les services d'aide à l'emploi soient dispensés de façon continue, du moment où le délinquant entre en prison jusqu'à son retour dans la communauté. En particulier, l'évaluation des besoins en formation professionnelle devrait intervenir au début de la peine d'emprisonnement et orienter les services d'aide à l'emploi dispensés ultérieurement. L'évaluation des besoins en formation professionnelle fournirait également des repères permettant de mesurer les progrès accomplis par le délinquant en matière de préparation à l'emploi.

La réussite d'une telle assistance continue peut dépendre du développement de politiques et procédures mises en place au sein des services correctionnels, des agences de libération conditionnelle, des services correctionnels communautaires, du secteur privé et des organismes communautaires. Il est également important que les agences de libération conditionnelle aient l'occasion de renseigner les agents des services correctionnels sur l'aide offerte aux détenus en matière de formation professionnelle et de préparation à l'emploi. En procédant de la sorte, les mesures mises en place avant la libération pourraient mieux tenir compte des besoins des détenus à la sortie. (Gendreau, Little et Goggin, 1996; Gillis et Andrews, 2005; Rakis, 2005).

Aide au logement et assistance financière

Les délinquants qui sortent de prison reçoivent généralement peu ou pas d'assistance dans la recherche d'un logement adéquat et sont par conséquent incapables de trouver une demeure qui leur convient. L'isolation sociale, une expérience vécue par bien d'ex-détenus, contribue à en faire des sans-abri ou, dans le meilleur des cas, à ce qu'ils ne trouvent qu'une possibilité de logement précaire, ne répondant pas à leurs besoins. Les délinquants récidivistes font remarquer que l'absence de logement représente un obstacle majeur à une réinsertion sociale réussie (Baldry et coll., 2002; Lewis et coll., 2003). À défaut de logements convenables accessibles aux délinquants sortant de prison, le risque est grand que les ex-détenus soient concentrés dans des quartiers à problèmes, avec un taux de criminalité élevé et sans services d'assistance adéquats.

Nous disposons de peu d'informations à propos des expériences des ex-détenus en matière de recherche de logement dans la communauté. En ce qui concerne la relation entre conditions de logement et récidive (Baldry et coll., 2002), il semblerait que ce lien est indirect et « brouillé » par des facteurs de risque comme le chômage et l'abus de substances. Une telle interrelation rend extrêmement difficile toute intervention ne prenant en charge qu'un seul aspect de la vie quotidienne des ex-détenus. Les délinquants avec des problèmes de logement ont une plus grande probabilité d'encourir une nouvelle condamnation que les délinquants ayant trouvé une demeure convenable (Nilsson, 2003).

L'enquête de 2003 sur le replacement des détenus menée au Royaume-Uni a montré qu'il existe bel et bien une relation indirecte entre les conditions de logement et la récidive. En effet, la probabilité d'avoir suivi une formation ou avoir obtenu un emploi au moment de la sortie de prison était plus de quatre fois plus grande chez les ex-détenus ayant un logement que chez ceux qui n'avaient pas de logement (Harper et Chitty, 2004).

Soutien familial

Les familles des délinquants constituent une source potentielle de soutien et d'assistance lors de la sortie de prison. Il faut toutefois tenir compte du fait que les personnes qui entrent en conflit avec la loi ne reçoivent généralement pas ou peu de soutien de la part de leur famille. À défaut d'études d'évaluation sur le rôle du soutien et de l'assistance familiales et leurs effets sur le processus de réintégration, il n'est pas possible de dire quoi que ce soit de définitif sur les facteurs qui facilitent, voire font obstacle au rôle de soutien joué par la famille des délinquants.

Interventions visant l'abus de substances

« Les délinquants en état de dépendance de la drogue sont prisonniers d'un cercle vicieux. À moins que le traitement dont ils ont bénéficié en prison soit maintenu après leur retour dans la communauté, il y a des chances qu'ils retombent dans la drogue et qu'ils commettent de nouvelles infractions pour financer l'usage de substances. À défaut d'accès à des services de soutien adéquats dans la communauté, ces détenus vont retourner en prison encore et encore, en perpétuant ainsi le cycle de la criminalité » (Burrows, et coll., 2001: 1).

Généralement, les délinquants admis dans des établissements correctionnels ont une chose en commun : ils abusent des drogues avant et pendant leur incarcération. Environs 80 % des délinquants admis dans des pénitenciers canadiens de juridiction fédérale ont des problèmes d'abus de substances, ceux-ci étant reliés aux comportements criminels pour lesquels ils ont été condamnés à une peine de prison (Grant, Kunic, MacPherson, McKeown et Hansen, 2004).

Selon une étude menée au Royaume-Uni et les données recueillies dans le cadre de l'enquête sur la criminalité et l'usage auto reporté de drogues et d'alcool, la moitié des détenus ayant participé à l'enquête ont déclaré avoir consommé de l'héroïne, du crack ou de la cocaïne pendant l'année précédant l'incarcération. Plus de la moitié parmi eux estimaient que leurs crimes étaient reliés à l'usage de drogues, en particulier à la nécessité de financer leur consommation (Harper et Chitty, 2004). Parmi les délinquants ayant des problèmes d'abus d'alcool, un quart seulement considéraient qu'il y avait un lien entre le comportement criminel et l'abus d'alcool, ce dernier provoquant un manque de discernement et de jugement.

Si de nombreuses études documentent la relation entre l'abus de substances et le comportement criminel, on ne connaît pas grande chose à propos de l'usage de drogues et d'alcool une fois que les délinquants quittent la prison (Boyum et Kleiman, 1995). Si les ex-détenus ont un haut niveau de consommation de drogues et/ou d'alcool, ceci peut porter préjudice à leur capacité de trouver un emploi et un logement convenables (Kinner, 2006; Niven et Olagundoye, 2002). Le fait que les personnes avec un grave problème de dépendance à la drogue commettent souvent un grand nombre de crimes, a amené les responsables des politiques publiques à porter leur attention sur les infractions liées à la drogue plutôt que sur celles liées à l'alcool (Harper et Chitty, 2004). Une telle stratégie semble être adéquate, dans la mesure où des recherches menées à ce sujet montrent que la probabilité de récidive et le risque de violer les conditions de probation et de la libération conditionnelle sont particulièrement élevés chez les délinquants qui abusent de la drogue (Belenko, 1998; Chanhatasilpa et coll., 2000; Lipton, 1996).

Les interventions et traitements en milieu communautaire visant l'abus de substances chez les délinquants comprennent les programmes de traitement ambulatoires, les programmes résidentiels selon le modèle de la communauté thérapeutique, et des services de désintoxication. Ces programmes utilisent des stratégies allant d'approches qui s'inspirent du travail social et offrant un apprentissage des compétences sociales et/ou du counseling en matière d'abus de substances, à des approches plus répressives axées sur les tests de dépistage et la surveillance (Chanhatasilpa et coll., 2000). Des programmes de soins continus relatifs à l'abus de drogues offrent aux détenus des traitements et du soutien facilitant la transition de la prison à la communauté.

Selon des études menées dans ce domaine, les modèles du type « communauté thérapeutique » mis en place en milieu institutionnel et en milieu communautaire se sont avérés comme étant les plus efficaces dans la réduction de la récidive, que ce soit immédiatement après la sortie de prison ou à plus long terme (MacKenzie, 1997). Des rapports de recherche consacrés au lien entre l'abus de substance et le comportement criminel se dégage une recommandation importante : les acquis obtenus à la suite de traitements en milieu carcéral ne peuvent être conservés que si le délinquant a accès à des services de suivi de traitement adéquats après la sortie (Harper et Chitty, 2004; Lattimore et coll., 2005). Les effets sur le taux de récidive sont d'autant plus grands que le délinquant participe à des programmes en prison et à des programmes de suivi de traitement (Wexler et coll., 1999; Banks et Gottfredson, 2003).

D'après une autre étude, les détenus ayant subi un traitement en prison et bénéficié d'un programme suivi de traitement dans la communauté présentaient un taux de réincarcération de 27 % sur un suivi de 3 ans. Par contre, les ex-détenus n'ayant pas bénéficié de programmes de suivi de traitement et les délinquants faisant partie d'un groupe témoin sans traitement aucun avaient un taux de réincarcération respectivement de 82 %, 79 % et 75 % sur une période de trois ans. Après cinq ans de suivi, les participants aux programmes de suivi de traitement avaient des taux de réincarcération moins élevés, un taux d'emploi plus grand et restaient dans la communauté plus longtemps, avant de retourner en prison (Wexler et coll., 1999; Prendergast, et coll., 2004).

Des résultats analogues ont été obtenus par des programmes ciblant les probationnaires. Une étude réalisée en Floride et portant sur 134 000 délinquants en probation a évalué les effets de traitements non-résidentiels, relatifs à l'abus de substances, sur la probabilité d'une nouvelle arrestation. Les résultats semblent confirmer que ces traitements exercent un effet positif sur les taux de récidive. Les probabilités de récidive et de réarrestation, évaluée sur une période de 24 mois, ont en effet sensiblement diminué chez les participants à ce programme (Lattimore et coll., 2005).

Les programmes les plus prometteurs au niveau de la réduction de la récidive des délinquants toxicomanes semblent être les programmes combinant les traitements en milieu carcéral et les traitements postlibératoires en milieu communautaire (Chanhatasilpa, MacKenzie et Hickman, 2000). Selon des études utilisant une méthodologie rigoureuse, les délinquants qui participent à des traitements en milieu institutionnel et en milieu communautaire ont des taux de récidive plus bas que les délinquants faisant partie de tous ou de la plupart des groupes témoins (Martin, Butzin et Inciardi, 1995; Prendergast, Wellish et Wong, 1996; Chanhatasilpa et coll., 2000).

Par contre, plusieurs études ont montré que la surveillance intensive, la gestion de cas, le contrôle (monitoring) et la réorientation vers d'autres services se sont avérés inefficaces et n'ont eu aucun effet sur le taux de récidive des délinquants toxicomanes (Petersilia et Turner, 1992; Anglin et coll., 1996; Rhodes et Gross, 1997). Toutefois, selon une évaluation préliminaire du programme « Kentucky Reentry Courts », une stratégie d'intervention pour délinquants avec des problèmes d'usage de substances, ce type d'intervention réduit la probabilité de nouvelles infractions, à en juger par les résultats obtenus sur un échantillon relativement petit (Hiller et coll., 2002).

Un autre modèle original d'intervention thérapeutique en milieu communautaire pour les délinquants toxicomanes est le TASC (Treatment Alternatives to Street Crime). Les objectifs poursuivis par le TASC et autres programmes similaires consistent à orienter les délinquants toxicomanes, au moment de leur sortie de prison, vers des services de traitement dans la communauté. Les résultats des études évaluant l'efficacité de ces programmes ne sont pas concluants. Il n'est donc pas possible de savoir si ces programmes ont pour effet de réduire la récidive (Rhodes et Gross, 1997). Ceci est probablement dû au fait que les programmes vers lesquels sont orientés les délinquants ne présentent pas le même degré d'intensité et d'intégrité. Si l'évaluation de l'efficacité de ces programmes s'avère difficile, c'est qu'il n'était possible de contrôler ni la qualité ni la quantité des traitements effectivement dispensés aux délinquants.

Selon une évaluation des tribunaux pour infractions à la loi sur les stupéfiants, et plus particulièrement des effets de la surveillance et des traitements dispensés, les traitements sont plus efficaces que la surveillance lorsque les délinquants présentent un risque élevé de récidive. Par ailleurs, les délinquants soumis à la fois au traitement et à la surveillance se sont abstenus de commettre de nouveaux crimes pendant une période de temps plus longue. De tous les résultats relatifs aux interventions visant l'abus de substances, le plus important et le plus consistant est celui qui souligne la nécessité de soins continus pendant l'emprisonnement et après le retour dans la communauté.

Verbrugge et coll. (2002) Footnote 1 ont mené une étude sur les prédicteurs d'une révocation de la libération conditionnelle chez les femmes délinquantes dépendantes de la drogue et/ou de l'alcool. L'échantillon était constitué de femmes condamnées par un tribunal de juridiction fédérale ayant bénéficié d'une libération conditionnelle entre 1995 et 2000 et présentant un problème d'abus de substances. La libération conditionnelle comprend la semi-liberté, la libération conditionnelle totale et la libération d'office. L'étude tenait compte des variables indépendantes suivantes : l'âge, le type de délit à l'admission, le traitement relatif à l'abus de substances et l'échelle d'intervention communautaire (EIC; Motiuk et Porporino, 1989b). Au niveau de la variable dépendante, trois types d'échec de la libération conditionnelle ont été considérés: (a) la révocation générale, (b) la révocation suite à un nouveau délit, et (c) la révocation suite à un nouveau délit impliquant la violence : la révocation étant définie comme le retour en établissement fédéral après la libération et avant l'expiration du mandat.

Le taux de révocation générale était élevé (48 %), le taux de révocation suite à un nouveau délit, modéré (16 %), et celui concernant la révocation suite à un délit violent, assez faible (4 %). On a pu observer une relation négative statistiquement significative entre le taux de révocation et l'âge, une corrélation positive avec le type de délit, notamment avec le vol, différents délits non-violents et le brigandage (robbery). Cinq des sept catégories de problèmes utilisées par la EIC, c'est-à-dire l'emploi, les fréquentations, la toxicomanie, le comportement dans la collectivité et les attitudes, présentaient une relation statistiquement significative avec la révocation. Les scores globaux de l'EIC relatifs aux dimensions des besoins et des risques n'étaient que modérément associés avec la révocation, tandis que le fait d'avoir subi un traitement relatif à l'abus de substances n'entretenait aucune relation avec l'issue de la libération conditionnelle.

Une régression logistique descendante a ensuite permis de réduire le nombre des variables prédictives à six: l'âge, le score EIC des besoins, l'emploi, la toxicomanie, les attitudes et le type de délit (vol, fraude et entrée avec effraction). Il semble donc qu'il soit possible, pour ce qui est des femmes toxicomanes sortant de prison, d'améliorer les pronostics relatifs à l'issue de la libération conditionnelle, en tenant compte des facteurs de risque et des besoins mentionnés ci-dessus.

Dans une étude réalisée par Dowden et Blanchette (1999), Footnote 2 les délinquantes toxicomanes ont été comparées à celles qui ne le sont pas selon différents critères, soit les variables relatives au risque et aux besoins, les données démographiques et les données sur la récidive.

Les renseignements nécessaires à la réalisation de cette étude ont été fournis par le Système de gestion des détenus (SGD), par une base de données automatisée du SCC, ainsi que par les dossiers du Centre d'information de la police canadienne (CIPC). L'échantillon final comptait 251 délinquantes pour lesquelles on disposait de données sur leur participation à des programmes en milieu institutionnel. Près de 60 % d'entre elles ont suivi avec succès un programme de traitement de la toxicomanie au cours de leur incarcération. Les délinquantes toxicomanes avaient en général un taux de récidive plus élevé que les autres délinquantes, mais la différence n'est pas statistiquement significative. Le taux de récidive des délinquantes toxicomanes remises en liberté après avoir suivi un programme adapté à leurs besoins a été comparé à celui des délinquantes toxicomanes n'ayant suivi aucun traitement. Bien que le taux de récidive était relativement faible dans les deux groupes, les délinquantes ayant suivi un programme de traitement de la toxicomanie risquaient beaucoup moins d'être réincarcérées que celles qui n'y avaient pas participé.

Programmes pour les délinquants sexuels

Les résultats des recherches menées à ce sujet suggèrent que la gestion des délinquants sexuels devrait reposer sur les principes suivants :

  1. Les interventions devraient être basées sur l'évaluation et la réévaluation des risques présentés par le délinquant;
  2. Les interventions devraient cibler les facteurs reliés à des comportements criminels spécifiques;
  3. Il faudrait mettre en place des stratégies de contrôle pertinentes dans la communauté; et,
  4. Il faut à tout prix s'assurer qu'il y a partage de l'information entre les services concernés, le personnel affecté à la surveillance et le personnel chargé des traitements. (Motiuk, Belcourt et Bonta, 1995; Wilson et coll., 2000)

Dans le cadre de cette approche, les délinquants les plus « dangereux » et représentant un risque élevé devraient faire l'objet d'une surveillance très stricte et sur une longue période de temps.

D'après les résultats de la recherche, les facteurs ayant la plus forte corrélation avec la récidive des délinquants sexuels sont des intérêts sexuels déviants et des orientations antisociales, voire un mode de vie instable (Hanson et Morton-Bourgon, 2004). En particulier, les caractéristiques de styles de vie criminels sont étroitement associées à la récidive générale et à la récidive comportant de la violence chez les délinquants sexuels (Hanson et Morton-Bourgon, 2004), les délinquants en général (Gendreau, Little et Goggin, 1996) et les délinquants souffrant de troubles mentaux (Bonta, Law et Hanson, 1998).

Le Service correctionnel du Canada a mis en place un « programme pour délinquants à haut risque » et un « programme de maintenance » à l'intention des délinquants sexuels relâchés dans la communauté. Le premier, basé sur une approche cognitive comportementale, offre du counseling individuel et de groupe, ainsi qu'une thérapie de groupe axée sur quatre facteurs reliés à la délinquance sexuelle, notamment les sentiments, les fantasmes, le futur et la persévérance. Il s'agit d'un programme multidisciplinaire comportant des réunions mensuelles réunissant les agents de probation responsables de la surveillance, le personnel de l'hôpital psychiatrique chargé des traitements et le directeur du programme de maintenance. Dans le cadre de ces rencontres mensuelles sont examinés tous les problèmes relatifs à la surveillance, notamment l'emploi, les ordonnances interdisant des contacts, les relations avec la famille et l'attitude des délinquants face à la surveillance. Le personnel chargé des traitements participe à la conférence pour évaluer les progrès accomplis par les délinquants et apporter le cas échéant les modifications qui s'avèrent nécessaires (Wilson et coll., 2000). Footnote 3

Le « programme de maintenance » est destiné aux délinquants sexuels qui reconnaissent leur responsabilité pour les crimes commis et qui nécessitent des interventions hebdomadaires de prévention d'une rechute moins intensives que celles qui sont administrées aux participants au « programme pour délinquants à haut risque ». Ces délinquants bénéficient d'une thérapie individuelle et/ou de groupe visant à stabiliser les progrès accomplis en milieu institutionnel. Le « programme de maintenance » est suivi de deux phases, la première consistant « en une réunion bimensuelle avec les délinquants qui ont complété avec succès deux cycles de 12 semaines avec le groupe des participants au programme », et la deuxième « en une réunion mensuelle destinée à la maintenance à long terme chez les délinquants sexuels ayant une expérience substantielle des traitements et ayant accompli des progrès » (Wilson et coll., 2000; p. 182).

Wilson et coll. (2000) ont analysé les taux de récidive de 107 délinquants sexuels soumis à surveillance en milieu communautaire, dont 75 participants au « programme de maintenance » et 32 au « programme pour les délinquants à haut risque ». Il en ressort que le taux de récidive sexuelle est plus faible que le taux observé dans le cadre d'études effectuées antérieurement. Les taux de récidive après un suivi moyen de trois ans étaient respectivement de 3.7 % pour de nouveaux délits sexuels, de 21.0 % pour de nouveaux délits en général et de 10.3 % pour de nouveaux délits impliquant la violence (Wilson et coll., 2000). Étant donné que l'étude ne prévoyait pas un groupe témoin, il est impossible de dire si les résultats obtenus sont le fruit d'une approche combinant traitement et surveillance, ou d'autres facteurs ou interventions. Malgré cela, les auteurs de l'étude estiment que les faibles taux de récidive obtenus constituent une preuve de l'efficacité de l'approche mise en place, notamment la gestion de cas pour délinquants sexuels soumis à une surveillance dans la communauté et bénéficiant de services de traitement individualisés, en combinaison avec une surveillance relative au respect des conditions de libération conditionnelle.

Un équilibre entre surveillance et soutien

Si une surveillance et un monitorat intensifs ne sauraient à eux seuls produire une diminution effective de la criminalité, il y a lieu de croire que la combinaison de supervision, de soutien et de traitements dans la communauté peut réduire le risque de récidive (MacKenzie, 1997; 2000). Le niveau de surveillance et de contrôle doit alors être proportionnel au risque de récidive, une application conséquente et immédiate des conditions de supervision pouvant réduire la récidive (May et Wadwell, 2001).

Tableau 3 - Programmes de réintégration basés sur l'aide et le soutien
Titre Intervention Effets sur la récidive
The Male Adolescent Program for Positive Sexuality (MAPPS).
Royal Children's Hospital,
Melbourne, Australia
  • Ce programme, qui se veut une alternative à l'emprisonnement, est axé sur la réhabilitation de jeunes délinquants sexuels (âgés de 14 à 17 ans) et sur la réduction de la violence dans la communauté. Ce programme met en lumière l'importance d'une prise de responsabilité de la part des jeunes contrevenants impliqués dans des crimes de nature sexuelle et de leur motivation à envisager des changements leur permettant de contrôler leur comportement, l'objectif étant un avenir sans crimes. Bien que la participation à ce programme soit volontaire, la plupart des délinquants sont obligés d'y prendre part sur ordre du tribunal. Les délinquants incapables de fonctionner correctement dans un groupe ou qui participent à des programmes à cause de troubles mentaux sévères sont orientés vers des services équipés pour pouvoir satisfaire leurs besoins spécifiques.
  • MAPPS est basé sur un modèle de prévention de la rechute. La durée de la participation correspond à la durée de la sentence prononcée par le tribunal, en moyenne 11 mois en raison d'une séance par semaine. Le programme privilégie des traitements basés sur la thérapie de groupe, sans exclure pour autant des séances thérapeutiques individuelles ou familiales, lorsque celles-ci semblent appropriées. Les interventions adoptent généralement une approche multi systémique et holistique, de façon à pouvoir tenir compte des besoins des adolescents et des carences de leur développement. On essaie d'autre part de mettre en place un réseau de soutien facilitant l'échange d'informations entre le personnel du MAPPS, les travailleurs sociaux et les familles ou toute autre personne pouvant fournir de l'aide et de la supervision aux jeunes qui retournent dans la communauté. Les services fournis aux parents et aux proches aidants comprennent des soirées d'information, des séminaires, des groupes de soutien et la participation au programme de thérapie de groupe.
Le traitement a eu comme effet une réduction de la récidive comportant des crimes de nature sexuelle. En particulier:
  • 5 % seulement des 138 délinquants faisant l'objet de l'étude ont commis de nouvelles infractions d'ordre sexuel;
  • Les délinquants ayant complété le programme avaient une probabilité plus que huit fois moins élevée de retomber dans des délits sexuels que les délinquants ayant désisté (0.7 % contre 4 %);
  • Les délinquants ayant complété le programme avaient une probabilité six fois moins élevée de commettre des délits non sexuels que les décrocheurs (5 % contre 32 %);
  • Pour les délinquants ayant complété le programme, la probabilité de retomber dans n'importe quel crime était deux fois moins grande que chez les délinquants ayant désisté (14 % contre 27 %); et,
  • Plus de la moitié (53 %) de tous les clients faisant l'objet de l'étude n'avaient pas de casier judiciaire.
The Allegheny County (PA) Mental Health Court.
USA
(Ridgely et coll., 2007).
Le Mental Health Court (MHC) est conçu comme alternative à la justice pénale pour des délinquants souffrant de troubles mentaux et ayant commis des crimes non violents. Il oriente ces personnes vers des institutions spécialisées dans le traitement des maladies mentales, tout en préservant la sécurité publique.
  • Selon une évaluation de ce programme, la participation au MHC conduit à une utilisation plus fréquente des services thérapeutiques de santé mentale pendant la première année et à une diminution du temps passé en prison. Il s'ensuit une réduction des dépenses d'incarcération qui compensent presque totalement les coûts des services de traitement. Selon les résultats de l'analyse de suivi d'un sous-échantillon de participants au MHC sur une période de temps plus longue, les coûts d'incarcération ont diminué de façon drastique pendant la deuxième année de participation au MHC. Cette analyse a également montré que la participation au MHC réduit le taux de récidive.
The Massachusetts Department of Mental Health Forensic Transition Program.
USA
(Hartwell et Orr, 2004)
Ce programme a été conçu pour faciliter la transition de la prison à la communauté chez les délinquants souffrant de troubles mentaux. L'accent est mis sur la coordination des services et sur l'aide fournie aux délinquants en vue de leur retour dans la communauté, plus particulièrement pendant les trois mois qui suivent leur libération.
  • Pendant la première année, le programme a été administré à 233 délinquants avec des troubles mentaux. Au début de l'évaluation, le 1er avril 1999, 74 clients avaient été démis du programme après avoir complété une période de monitorat de trois mois; parmi eux, 42 vivaient dans la communauté et bénéficiaient de services de santé mentale. En ce qui concerne les autres clients, 20 % ont été hospitalisés immédiatement après la libération, 10 % sont retournés en prison, 3 % ont été hospitalisés après un bref séjour dans la communauté et 11 % ont « disparu » et n'ont pas pu être suivis ultérieurement. Malgré quelques limitations d'ordre méthodologique cette étude préliminaire a montré que les délinquants souffrant de troubles mentaux ont reçu l'assistance dont ils avaient besoin pour réussir leur réintégration dans la communauté.
Youth Justice Board's Mentoring Projects
UK.
(Tarling, Davison, et Clarke, 2004)
Des mentors adultes accompagnent des jeunes, leur servent de guide et leur fournissent du soutien et des conseils. Le programme vise à réduire ou à prévenir la criminalité et le risque de récidive, en ciblant en particulier des facteurs de risque comme des résultats scolaires insuffisants et des compétences sociales déficientes. 65 % des jeunes orientés vers ce programme n'avaient pas de casier judiciaire.
  • Après un suivi d'une année, le taux de récidive était de 55 %, un taux donc nettement plus élevé que celui constaté dans le cadre d'études de suivi d'une cohorte de jeunes contrevenants (26 %). Ceci est d'autant plus étonnant que les participants au programme n'avaient aucun antécédent pénal.
Youth Justice Board's Education, Training and Development Projects.
U.K.
(Hurry et Moriarty. 2004).
Ces projets couvrent trois types de programmes : la formation scolaire, la formation professionnelle et la pratique du travail, le choix d'établissements de formation ou d'employeurs adaptés aux besoins des étudiants, et les activités de diversion.
  • Les jeunes ayant accompli des progrès en littératie et amélioré leurs qualifications et leur formation professionnelle, ont un taux de récidive moins élevé que les jeunes avec moins de réussite. Toutefois, 60 % des jeunes participant au programme ont commis une infraction au cours de l'année suivant le début du programme. Il y a donc lieu de penser que « ce n'est pas réaliste de s'attendre à ce que de tels programmes produisent des réductions importantes de la criminalité immédiatement après le début de l'intervention ».
Cercles de soutien et de responsabilité (CSR)
Canada
(Cesaroni, 2001; Wilson, Picheca et Prinzo, 2005).
Ce programme a été conçu pour faciliter la réintégration de délinquants sexuels à haut risque relâchés après l'expiration du mandat. La participation au programme est volontaire, étant donné qu'il n'existe aucune disposition légale contraignant les délinquants à se soumettre au monitorat. Les membres de la communauté y jouent un rôle actif, en fournissant de l'aide et en exerçant un contrôle sur les personnes qui représentent un risque pour la communauté. Un cercle de soutien est constitué par un groupe de cinq ou six bénévoles qui s'occupent d'un délinquant et l'aident à s'établir dans leur communauté. L'assistance couvre tous les aspects de la réintégration sociale, notamment le logement, l'emploi, la gestion du budget et des finances, le développement spirituel et le soutien moral.
  • Les délinquants estiment que les cercles de soutien ont contribué positivement à leurs efforts en vue d'éviter la récidive et la rechute dans l'abus de drogues et d'alcool, facteurs étroitement associés aux infractions d'ordre sexuel. Ce programme peut exercer un impact considérable sur les délinquants, les bénévoles, les professionnels et sur la communauté. Les délinquants ayant participé au CSR avaient un taux de récidive nettement inférieur à celui des non-participants, indépendamment du type d'infraction.
  • Chez les participants au CSR on a constaté une diminution de la récidive à caractère sexuel de 70 %, comparativement au groupe témoin apparié (5 % contre 16,7 %); une diminution de 57 % de la récidive pour l'ensemble des crimes violents, y inclus les crimes sexuels (15 % contre 35 %) et une diminution de 35 % pour tout type d'infraction, y inclus les crimes violents et de nature sexuelle (28,3 % contre 43,4 %).
  • Enfin, la récidive des participants au CSR concernait des infractions moins graves que celles qui ont été commises auparavant.

Les résultats des études d'évaluation présentés dans le tableau 3 montrent que certains programmes de réintégration basés sur l'aide et le soutien contribuent à faciliter le retour des délinquants dans la communauté et à éviter de nouvelles infractions. Ces programmes ciblent divers groupes de clients, notamment les jeunes délinquants sexuels, les personnes souffrant de troubles mentaux et les délinquants sexuels adultes sortant de prison. Par contre, les programmes axés sur le mentorat, la formation scolaire et professionnelle des jeunes contrevenants ont obtenu des résultats moins concluants, ce qui met en évidence la nécessité de recherches plus approfondies sur la dynamique du programme et sur les délinquants participant à ce genre d'interventions.

Programmes intégrés d'assistance continue

Des ressources insuffisantes et le manque de collaboration entre institutions de la justice pénale et agences des services sociaux sont en partie responsables du fait que les délinquants sortent de prison sans avoir accès à des services d'assistance adéquats fournis par des organismes gouvernementaux ou communautaires :

 « Bien que les responsables de la police, des tribunaux et des services correctionnels reconnaissent de plus en plus la nécessité d'une étroite collaboration avec les agences du système de la santé et des services sociaux pour faire face aux besoins spécifiques des personnes souffrant de troubles mentaux et autres problèmes connexes, les ressources nécessaires ne sont généralement pas disponibles. Le résultat est connu : un grand nombre de personnes avec des troubles mentaux et des problèmes d'abus de substances font la navette d'une prison à l'autre, ce qui ne profite ni aux personnes concernées ni à la communauté » (The Sentencing Project, 2002, p. 12).

Pour contrer un tel état de fait, il faut développer une structure continue de soutien et d'assistance impliquant les institutions et la communauté.

Impliquer les collectivités locales

« L'implication des collectivités locales et les partenariats entre les municipalités, les écoles, les services sociaux et de santé, et le secteur privé, constituent les ingrédients de base de toute action visant la prévention de la criminalité » (Shaw, 2006).

Les collectivités locales ont un rôle important à jouer dans la réintégration des ex-détenus, leur implication est la clé de la réussite. Il faut toutefois mettre en place des stratégies appropriées pour mobiliser et maintenir l'intérêt et l'implication de la communauté dans des programmes d'aide et de surveillance. Ce n'est que par de telles stratégies qu'il sera possible de contrer la tendance des collectivités locales à s'en remettre au système de la justice pénale lorsqu'il est question de sécurité et de surveillance des délinquants. Les communautés autochtones peuvent aussi contribuer activement à la réintégration sociale des délinquants. Des programmes et services en milieu communautaire, destinés aux délinquants en libération conditionnelle, ont été développés dans les communautés autochtones un peu partout au pays. Ces programmes, issus de la culture et de la spiritualité des peuples autochtones, sont l'expression de traditions et d'idéaux de justice réparatrice et communautaire (Griffiths, 2004).

Le programme « Offender Reentry Mapping » a été conçu pour favoriser l'implication de la communauté dans l'assistance aux détenus qui réintègrent la communauté. Ce programme, axé sur les besoins des délinquants, de leur famille et du quartier (Brazzell, 2007), comprend les éléments suivants :

  1. Répertorier le soutien et l'implication des différents acteurs dans la communauté;
  2. Développer des méthodes de dissémination diversifiées et complémentaires; et,
  3. Présenter les résultats de l'étude de façon à créer les conditions pour une action communautaire positive. (Brazzell, 2007:1; LaVigne, Cowan et Brazzell, 2006)

Stratégies de réduction du crime en milieu communautaire

Actuellement, il existe plusieurs initiatives qui essayent de réduire la criminalité et la récidive et, en même temps, de mobiliser les ressources de la communauté pour favoriser la réhabilitation et la réintégration des délinquants. Parmi celles-ci, la Stratégie pour la réduction du crime mise en place à Surrey (Colombie-Britannique) en 2006 et implantée dans d'autres communautés est peut-être la plus complète. Cette stratégie se distingue par l'implication d'un grand nombre de partenaires et par une approche tenant compte des différents aspects de la criminalité et des délinquants.

La Stratégie de réduction du crime de Surrey, Colombie-Britannique Footnote 4

Participent à cette initiative tous les acteurs-clé de la communauté, y compris la GRC, des organisations à but non lucratif, les services correctionnels communautaires, la commission scolaire, la chambre de commerce et les organismes communautaires. Les détails de l'approche ont été développés et planifiés par un groupe de travail pour la sécurité publique et la réduction du crime, sous la responsabilité du maire. Chacune des quatre composantes de la stratégie couvre plusieurs initiatives spécifiques, et notamment :

  1. La prévention du crime et la dissuasion : comprend une initiative pour assurer la sécurité dans les moyens de transport (Skytrain et Transit); des programmes de formation et de conscientisation; la mise en place de groupes d'action pour contrer la drogue dans la communauté; des unités de logement sans crime; des programmes d'intervention ciblant les jeunes, etc.
  2. L'arrestation et la poursuite des délinquants : inclut l'identification des délinquants multirécidivistes et des quartiers chauds (hot spots); la mise en place d'un modèle de tribunal communautaire et d'un tribunal de nuit, et la création d'un groupe pour la gestion des délinquants multirécidivistes.
  3. La réhabilitation et la réintégration des délinquants : comprend le traitement des délinquants en collaboration avec des institutions à but non lucratif et des institutions privées; l'accréditation de maisons de réadaptation (recovery houses); la création d'une fondation pour le logement et les sans-abri; des programmes de formation scolaire et professionnelle; des groupes de soutien communautaire, etc.
  4. La perception et la réalité du crime : incluent la mise en place d'une stratégie de communication; la création de groupes d'action communautaires; le travail avec les personnes âgées et les autres groupes vulnérables, etc.

Les communautés jouent un rôle de plus en plus important dans la réponse sociale au crime et plus particulièrement dans la gestion du défi que représentent les délinquants remis en liberté. Par conséquent, les programmes de prévention mettent davantage l'accent sur l'implication et les initiatives des acteurs dans les collectivités locales, sur les efforts en vue de renforcer le leadership, les compétences et les ressources des communautés en tant que partenaires actifs de la prévention et de la réintégration, et sur le développement de partenariats au sein des collectivités locales. Parallèlement, on reconnaît qu'il est nécessaire de développer « des approches plus flexibles en ce qui concerne l'évaluation des résultats des programmes » (Shaw, 2006:14).

Ce que nous avons appris sur l'implication des communautés (Shaw, 2006:13-14)

Tableau 4 - Programmes intégrés d'assistance continue
Titre Intervention Effets sur la récidive
The Intensive After Care Program (IAP)
USA
(Altschuler, Armstrong et MacKenzie, 1999; Altschuler et Armstrong, 1994; Wiebush et coll., 2005)
Le programme IAP cible les jeunes contrevenants à haut risque et encourage l'identification des délinquants à haut risque. L'accent est mis sur la préparation, la transition et le retour dans la communauté des jeunes délinquants qui sortent d'un établissement fermé. Ce modèle d'intervention est un exemple de ce qui est appelé « enfermement réintégrateur », un régime d'incarcération axé sur une période de transition structurée et sur une période de suivi et de suivi de traitement dans la communauté combinant la surveillance et l'offre de services d'aide. Le programme est structuré en plusieurs étapes : (1) la préparation et la planification de la sortie pendant l'incarcération, (2) une transition structurée avec la participation du personnel correctionnel et du personnel chargé du suivi de traitement avant et après la libération, et (3) des activités de réintégration à long terme assurant à la fois la mise à disposition de services adéquats et un niveau adapté de contrôle social. Le taux de récidive était élevé aussi bien chez les participants au programme IAP que chez les délinquants du groupe témoin. Pendant une période de suivi de 12 mois, environs 50 à 60 % des jeunes contrevenants ont été arrêtés pour des crimes graves (felony offenses), de 60 à 70 % pour des infractions au Code criminel (criminal offenses) et 80 à 85 % pour l'un ou l'autre type d'infraction. L'analyse des résultats a montré qu'il n'existe aucune différence statistiquement significative entre les taux de réarrestation et de nouvelles condamnations des délinquants du groupe expérimental et du groupe témoin.
The South Oxnard (CA) Challenge Project (SOCP).
Ventura County's (CA), USA
(Lane et coll., 2005)
Le programme SOCP, d'une durée de quatre ans, a été conçu pour traiter et pour contrôler les jeunes délinquants. Le groupe chargé de l'administration de ce programme est composé de personnes en provenance du milieu institutionnel et du milieu communautaire, notamment d'agents de probation, de travailleurs sociaux, de spécialistes en traitement des dépendances à la drogue et à l'alcool, des travailleurs sociaux affectés aux services de santé mentale, des personnes engagées au mentorat pour la jeunesse, des agents de police, des employés des services de loisirs, et des travailleurs de proximité. Cette approche de groupe relative à l'offre de services d'assistance se traduit par la fréquence des contacts entre les jeunes et leurs familles, par un modèle de surveillance basé sur le renforcement de ressources individuelles et par l'importance accordée au contexte social du comportement des jeunes. Bien que les jeunes participant au SOCP aient été soumis à un programme intense, relativement au nombre et à la durée des contacts, ainsi qu'au type d'intervention, leur taux de récidive n'est pas très différent de celui des non participants. Pendant un suivi de deux ans, la majorité des jeunes du groupe expérimental et du groupe témoin ont été réorientés vers les services de probation ou ont été arrêtés. La plupart d'entre eux ont subi une nouvelle arrestation, bien qu'ils n'aient pas commis un délit comportant de la violence et n'aient pas été réincarcérés.
The Serious and Violent Offender Reentry Initiative (SVORI).
USA
(Lattimore, et coll., 2004).
Il s'agit d'un programme de collaboration à l'échelle nationale, mis en place aux États-Unis, visant à améliorer la réinsertion sociale des jeunes et des adultes relâchés d'un établissement correctionnel. Le programme cible les besoins des ex- détenus en matière d'emploi, de formation scolaire, de santé et de logement. Celle initiative poursuit les objectifs suivants :
  • Améliorer la qualité de vie et l'autonomie par l'emploi, le logement, la famille et l'implication dans la communauté;
  • Améliorer l'état de santé en fournissant des services relatifs à l'abus de substances (sobriété et prévention de rechutes) et à la santé physique et mentale;
  • Réduire la criminalité à l'aide de la surveillance et du contrôle du respect des conditions de libération, et réduire le taux de nouvelles infractions, de nouvelles arrestations, de nouvelles condamnations et de réincarcérations;
  • Réussir à changer le système de prise en charge par une meilleure collaboration entre les instances concernées et par des stratégies de gestion de cas.
L'évaluation de ce programme est en voie de réalisation.
The Prolific and Other Priority Offender Program (PPO)
U.K.
(Dawson et Cuppleditch, 2007).
Ce programme, qui cible le petit nombre de délinquants responsables d'un nombre disproportionné de crimes, comprend trois volets :
  1. la prévention et la dissuasion;
  2. la poursuite et la condamnation (Catch and Convict);
  3. la réhabilitation et la réinsertion.
Les résultats des volets 2 et 3 ont été évalués au moyen d'entretiens qualitatifs avec les participants au programme PPO et avec le personnel. L'évaluation comprenait également une comparaison analytique des infractions commises par les participants avant et après la mise en place du programme. Bien qu'on ait pu constater une baisse du taux de récidive, il ne pas possible de dire dans quelle mesure les changements sont attribuables aux effets du programme PPO. Dans les 17 mois qui ont suivi la mise en place du programme, le nombre d'infractions commises par l'ensemble des participants a diminué de 43 % par rapport aux infractions commises pendant les 17 mois précédant le début du programme. La proportion de nouvelles condamnations a diminué de 62 % pendant la même période de temps. Le taux moyen de récidive a passé de 0.51 condamnations par participant et par mois dans les 12 mois précédant le début du programme, à 0.39 condamnations dans les 12 mois suivant la mise en place du PPO : ce qui correspond à une réduction de 24 %. Il n'est toutefois pas possible d'attribuer les diminutions du taux de récidive aux effets du programme PPO, étant donné que les auteurs de l'étude ont connu des problèmes dans la constitution du groupe témoin à l'aide d'une procédure de randomisation appelée PSM (Propensity Score Matching).
Maryland Reentry Partnership (REP)
Baltimore (MD), USA
(Roman, et coll., 2007; Visher et coll., 2004).
Ce programme est le résultat d'une collaboration entre différentes agences dans le but de coordonner la prestation de services d'assistance aux délinquants qui sortent de prison et s'établissent dans un quartier choisi de Baltimore. Les services offerts comprennent l'assistance au logement, les traitements relatifs à l'abus de substances, les conseils en matière de santé mentale, la formation scolaire et professionnelle et d'autres services. Le programme vise à établir un partenariat entre la communauté et les institutions judiciaires pour fournir aux délinquants des services de préparation à la sortie et des services en milieu communautaire. Le programme cible aussi bien les besoins des individus que ceux de la communauté et des institutions concernées. Les ex-détenus reçoivent l'assistance nécessaire à leur réinsertion dans la communauté, y compris l'accès à des services de santé et à des services sociaux. Les organismes communautaires aident les ex-détenus à développer un réseau de relations sociales et à améliorer leur sens des responsabilités (accountability). Le programme REP coordonne les efforts entrepris par les services correctionnels et les organismes communautaires dans le but d'assurer une gestion de cas continue couvrant la transition de la prison à la communauté. Le programme REP a réussi à réduire le niveau de criminalité. En effet, la proportion de participants au programme ayant commis au moins une nouvelle infraction pendant une période moyenne de 38 mois était moins importante que celle des non participants (72 % contre 77.6 %). Les participants au programme ont également commis moins de nouveaux crimes que les non participants (68 de moins). Par contre, aucune différence statistiquement significative n'a été constatée au niveau de la période de temps précédant l'arrestation, la probabilité d'une nouvelle condamnation et la période de temps précédant la nouvelle condamnation.
The Harlem Parole Reentry Court.
USA
(Farole, 2003).
Il s'agit d'une approche d'aide à la réintégration des détenus en milieu communautaire visant une réduction du taux de récidive. Ce programme, mis en place dans un quartier délimité de Harlem, inclut une évaluation et une préparation de la sortie, une surveillance active des délinquants dès leur retour dans la communauté, une coordination des services de soutien et des sanctions et récompenses graduelles. Selon les résultats d'une évaluation préliminaire, aucune réduction statistiquement significative du taux de récidive n'a pu être constaté : ni au niveau des nouvelles condamnations, ni à celui des réincarcérations. Le manque de réussite de ce programme est à mettre en relation avec des problèmes survenus lors de sa mise en place.
Project Greenlight
Vera Institute, New York State Department of Correctional Services, New York State Division of Parole
USA
(Wilson et Davis, 2006).
Ce programme se propose de réduire la récidive en préparant les détenus à la sortie, en planifiant la mise en liberté et en les orientant vers des services de soutien dans la communauté. Le projet, axé sur une étroite collaboration entre les services correctionnels, les agents de probation et les organismes communautaires, offre aux détenus une préparation intensive à la libération, pendant les deux mois précédant la sortie, aux détenus purgeant une condamnation de longue durée. La préparation comprend des cours de formation journaliers en vue d'aider les participants à développer les compétences leur permettant de trouver un emploi, d'adopter un emploi du temps judicieux et de prendre les bonnes décisions. Aucune réduction de la récidive n'a été constatée parmi les participants au programme.
The Intensive Supervision and Surveillance Programme (ISSP)
U.K.
(Moore, et coll., 2004)
ISSP est une intervention multimodale incluant l'évaluation, un contrôle intensif, la formation scolaire et professionnelle, la surveillance des mouvements des délinquants par des contacts fréquents, la surveillance policière et des « tags » électroniques, ainsi qu'un modèle de justice réparatrice. Ce programme a été conçu pour mieux gérer les risques relatifs à la criminalité juvénile, pour satisfaire les besoins des jeunes délinquants et pour réévaluer de façon continue les risques et les besoins. Le programme ayant connu le plus de réussite cible les délinquants à haut risque et met l'accent sur la réhabilitation et le traitement. L'objectif principal du programme ISSP consiste à réduire la fréquence et la gravité des infractions commises par des jeunes après leur sortie de prison. Après un suivi de 12 mois, la fréquence et la gravité des infractions commises par les jeunes ciblés par l'ISSP a diminué. Aucune différence n'a toutefois pu être observée entre le groupe ayant participé au ISSP et un groupe de contrôle constitué par des jeunes admissibles au programme sans y avoir participé. 85 % des participants au programme ont fait l'objet d'une nouvelle condamnation pendant la période de suivi. Malgré cela, l'ISSP présente des aspects positifs, dans la mesure où il a réussi à mettre en place des programmes réalisables et à cibler les groupes de jeunes appropriés. Pour un nombre non négligeable de jeunes, l'ISSP a représenté un premier pas vers une maturation et un développement dans la bonne direction. Des progrès sensibles ont été obtenus dans les domaines de la formation scolaire, des relations familiales, de l'emploi et des attitudes vis-à-vis de la criminalité et des victimes. Il faudra toutefois consolider ces changements pour assurer leur permanence. Enfin, le programme s'est heurté à des difficultés dans sa tentative d'équilibrer la supervision et la surveillance.

Les résultats des évaluations de programmes intégrés d'assistance continue présentés dans le tableau 4 sont assez mitigés. Les efforts entrepris aux États-Unis pour cibler les jeunes à haut risque au moyen d'un programme de suivi de traitement intensif n'ont pas produit des résultats statistiquement significatifs au niveau de la récidive. De même, les programmes développés au Royaume-Uni pour contenir la criminalité des multirécidivistes et autres délinquants à haut risque sont loin d'être concluants. L'ISSP mis en place au Royaume-Uni a obtenu, par contre, des résultats encourageants et devrait faire l'objet d'études plus approfondies, en vue de son adoption en tant que modèle à suivre.

Favoriser la réintégration des délinquants et prévenir la récidive : ce que nous avons appris

Les programmes de réintégration sociale font actuellement partie de l'ensemble des stratégies qui prônent une approche globale des problèmes de sécurité publique. Les stratégies de réduction de la criminalité développées aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays essaient d'intégrer les différents éléments de la réponse au crime au niveau du système de la justice pénale, de développer des partenariats au sein des collectivités locales et de coordonner les interventions en milieu institutionnel et en milieu communautaire, de façon à assurer une continuité sans faille dans les services d'assistance. Des stratégies similaires ont été développées ou sont en train de l'être dans plusieurs communautés de Colombie-Britannique (par exemple dans la ville de Surrey) et ailleurs au Canada. De telles initiatives sont basées sur la coopération et la coordination entre les agences concernées, sur la mise en place de réponses globales et sur les partenariats au sein de la communauté.

Selon les priorités locales de sécurité publique, certaines stratégies de réduction du crime ont choisi de prévenir la récidive des délinquants sortant de prison et de concentrer leurs efforts sur les délinquants dangereux et multirécidivistes. On parle dans ce cas de « délinquants à haute priorité » (« priority offenders »), ce qui tient compte du fait que les priorités en prévention de la criminalité varient d'une collectivité locale à l'autre.

Parfois, les communautés se sont rendues compte que l'incarcération des délinquants, loin de pouvoir contenir la criminalité, augmente le risque de nouveaux actes criminels. Vu que la plupart des détenus vont retourner dans la société, les instances dirigeantes des collectivités locales ont, dès lors, mis l'accent sur la gestion de la remise en liberté et sur la réintégration sociale des délinquants.

Toutes ces initiatives poursuivent les mêmes objectifs, notamment le développement de programmes efficaces et économiquement rentables, permettant de prévenir la criminalité et d'améliorer la sécurité publique. Il n'est, par ailleurs, pas surprenant que ces interventions adoptent comme modèle l'approche basée sur les résultats de la recherche scientifique. En Angleterre, des projets à large échelle ont été développés à partir des études les plus rigoureuses sur les causes de la criminalité, les formes de criminalité et les méthodes d'intervention efficaces. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, beaucoup d'efforts ont été accomplis pour essayer d'évaluer les résultats de ces différentes stratégies.

Malheureusement, force est de constater qu'aucune de ces interventions, à quelques exceptions près, n'a obtenu des résultats concluants au niveau de la réinsertion sociale et de la récidive. Si elles ont produit des résultats positifs, ceux-ci n'ont pas été mesurés. Il est possible que ce manque apparent de réussite soit dû à des problèmes dans la mise en œuvre des programmes et non à la validité de la conception et des principes sur lesquels l'intervention est fondée.

Nous pouvons toutefois tirer des leçons des programmes de réinsertion sociale et de réduction de la récidive que nous avons passés en revue. Les résultats plus que modestes, malgré les efforts fournis par les communautés, par le personnel chargé des programmes et également par les jeunes concernés, nous apprennent que la prévention de la récidive n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser.

L'évaluation des résultats obtenus jusqu'à ce jour suggère qu'il faut désormais renoncer à des interventions ad hoc, au coup par coup, sans référence aucune aux besoins des délinquants et aux défis auxquels ils doivent faire face. Ce dont nous avons besoin, ce sont des stratégies efficaces, basées sur l'équilibre entre la surveillance et l'assistance, tenant compte de la variété des besoins et des risques que représentent les délinquants à leur sortie de prison. Il nous faut également des approches intégrées et globales permettant d'une part de mettre en place une réponse consistante et structurée aux actes criminels et, d'autre part, de tenir compte des causes de la criminalité, voire des facteurs qui facilitent la réintégration dans la société. Il faut enfin que les délinquants répondent de leurs actes et se montrent responsables en participant aux programmes conçus pour améliorer leurs compétences et habiletés et en les portant à terme. À souligner qu'un certain nombre de programmes basés sur le modèle de l'assistance continue n'ont pas donné les résultats escomptés.

L'implication des communautés étant au centre de ces initiatives, certains programmes ont réussi à mobiliser les citoyens et les dirigeants des collectivités locales, à les impliquer et à les sensibiliser aux besoins des ex-détenus. Il va de soi que l'évaluation des besoins des délinquants constitue un élément clé de toute intervention couronnée de succès.

Dans la section suivante, nous allons présenter les recommandations qui se dégagent de l'analyse des études d'évaluation relatives à la réintégration sociale et à la prévention de la récidive.

Comment développer des programmes de réintégration efficaces

Dans la mesure où les interventions visent les facteurs de risque dynamiques associés à la délinquance, leurs chances de réussite seront d'autant plus grandes qu'elles se conforment aux « principes du traitement correctionnel efficace » formulés par Andrews et Bonta (1998). En ce qui concerne les programmes destinés aux délinquants sortant de prison, les conditions de leur réussite sont les suivantes :

  1. Se concentrer sur des groupes cibles spécifiques et sur les problèmes propres à ces groupes;
  2. Utiliser des méthodes appropriées pour évaluer les besoins et les facteurs de risque des délinquants;
  3. Considérer les délinquants comme des personnes responsables de leurs choix et de leurs actes;
  4. Commencer l'intervention lorsque le délinquant est incarcéré et la continuer pendant la période de transition jusqu'à ce que la situation du délinquant dans la communauté se soit stabilisée (assistance continue);
  5. Assurer l'équilibre entre la surveillance et le contrôle d'une part, et le soutien et l'assistance de l'autre;
  6. Fournir de l'aide d'une façon intégrée et générale, viser l'ensemble des défis auxquels le délinquant doit faire face (interventions « enveloppantes »);
  7. Coordonner les efforts de tous les organismes impliqués, mettre en place une étroite coopération basée sur le partenariat, des protocoles d'information, une définition univoque des rôles et des responsabilités de chaque organisme, et une spécification détaillée des services offerts et des échéances;
  8. Mettre en place des pratiques éprouvées de gestion de cas et des systèmes de gestion de l'information adéquats;
  9. Tenir compte des priorités en matière de sécurité publique dans la communauté où l'intervention a lieu;
  10. Impliquer la communauté dans la planification et dans la mise en œuvre de l'intervention, favoriser dans la communauté le sentiment d'identification avec le programme;
  11. Inclure dans le programme des éléments d'évaluation continue, de façon à ce que la démarche puisse évoluer, s'améliorer et demeurer transparente aux yeux du public en regard des résultats obtenus.

Lors de la conception et de la mise en œuvre d'interventions visant la réintégration sociale des délinquants et la réduction de la récidive, il importe de ne pas perdre de vue certains aspects de la réalité, notamment :

  1. À la sortie de prison, les ex-détenus doivent faire face à une multitude de problèmes qui risquent de les amener à commettre de nouveaux délits;
  2. Certains délinquants présentent plusieurs handicaps (compétences limitées, toxicomanie, manque de soutien familial et communautaire), qu'il faut prendre en charge de façon globale;
  3. Les services correctionnels en milieu institutionnel et en milieu communautaire doivent établir des partenariats de coopération avec les organismes communautaires et les ONG pour mettre en place des interventions sans faille, permettant de mobiliser toutes les ressources disponibles et d'aider, voire de surveiller, les délinquants remis en liberté;
  4. Les priorités des communautés en matière de prévention du crime, ainsi que l'urgence des interventions, sont différentes pour chacune d'entre elles. Certaines mettent plus particulièrement l'accent sur la nécessité de cibler les délinquants appartenant aux minorités culturelles et visibles;
  5. Dans le contexte canadien, il y a lieu de tenir compte des problèmes particuliers que pose l'assistance aux délinquants résidant dans des communautés rurales éloignées;
  6. Il faut développer et améliorer le potentiel considérable que constitue l'implication des communautés autochtones dans l'aide à la réintégration sociale des ex-détenus.

Conclusion

Les préoccupations relatives à la sécurité dans les collectivités locales ont suscité un intérêt croissant pour la réintégration des ex-détenus et pour la réduction de la récidive. Les efforts accomplis dans ce domaine ont porté sur des groupes particuliers de délinquants et sur le développement de stratégies pour venir en aide aux délinquants sortant de prison. Dans le cadre de ces interventions, l'accent a été mis sur l'aide à la recherche d'un emploi et d'un logement, sur la prise en charge des problèmes relatifs à l'abus de substances et sur l'identification des appuis dans la famille et dans la communauté.

Après avoir passé en revue les programmes mis en place au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, force est de constater que les résultats obtenus au niveau de la réintégration et de la récidive sont loin d'être satisfaisants. Les raisons de cet échec sont multiples. Premièrement, la conception et les modalités de la mise en œuvre des programmes laissent à désirer. Deuxièmement, il subsiste des obstacles à une collaboration entre les organismes concernés, bien qu'il soit reconnu que celle-ci représente une condition nécessaire à la réussite des programmes. Selon une étude menée au Royaume-Uni sur les résultats des interventions ciblant les jeunes délinquants récidivistes, des lacunes importantes subsistent dans la coopération entre organismes, dans le partage de l'information, dans l'évaluation et la planification des interventions basées sur les risques et les besoins, et dans la documentation des détails relatifs aux évaluations et aux interventions (Arnull et coll., 2005). Tout cela met encore une fois en lumière le fait que des problèmes dans la mise en œuvre des programmes peuvent compromettre la réussite des programmes les mieux conçus et réduire à néant les efforts accomplis par le personnel chargé de l'intervention et par les délinquants eux-mêmes. Au bout du compte, de telles interventions n'ont que peu ou pas d'effet sur le comportement des délinquants après leur mise en liberté. En ce qui concerne la situation au Canada, le manque d'études d'évaluation rigoureux sur les résultats des programmes en milieu institutionnel et en milieu communautaire constitue un obstacle majeur à des progrès ultérieurs dans ce domaine. Font exception les études menées par le Service correctionnel du Canada sur les résultats des programmes mis en œuvre en milieu institutionnel. Il importe donc que les interventions visant à favoriser la réintégration des délinquants et à réduire la récidive comprennent à l'avenir des volets d'évaluation. Il sera ainsi possible de faire avancer la recherche au Canada et de fournir aux praticiens les informations nécessaires pour la conception et la mise en œuvre des programmes.


Références


Notes

  1. 1 Les prédicteurs de la révocation de la liberté sous condition chez les délinquantes toxicomanes.
  2. 2 Analyse des caractéristiques des délinquantes toxicomanes : Risque, besoins et résultats après la mise en liberté.
  3. 3 Voir Wilson et coll. (2000) pour une description du programme.
  4. 4 Voir le site Surey.ca.
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