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À l'étape de la divulgation guide pour les travailleurs communautaires de première ligne à qui des actes de violence sexuelle sont divulgués dans les collectivités autochtones

À l'étape de la divulgation guide pour les travailleurs communautaires de première ligne à qui des actes de violence sexuelle sont divulgués dans les collectivités autochtones Version PDF (313 Ko)

AUTEURS :

Judie Bopp
Michael Bopp

Les opinions exprimées dans ce rapport ne sont pas nécessairement celles du ministère du Solliciteur général du Canada.

Guide pour les travailleurs communautaires de première ligne à qui des actes de violence sexuelle sont divulgués dans les collectivités autochtones

CA 2 APC-TS (1997)

Collection sur les Autchtones - série technique

Pour obtenir un exemplaire de ce document, s'adresser à :

Groupe de la politique correctionnelle autchtone
Sécurité publique Canada
340, av. Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0P8

Photocopie autorisée. Ce document se trouve également au site Internet suivant : securitepublique.gc.ca

No de cat. : JS5-2/2-1997F
ISBN : 0-662-82483-0

Table des matières

INTRODUCTION

Objectif du guide

Le présent guide vise à aider les travailleurs communautaires de première ligne, en particulier ceux qui travaillent dans les collectivités autochtones, à intervenir plus efficacement lorsqu'un cas de violence sexuelle est porté à leur connaissance. Bien que l'ouvrage traite essentiellement de questions se rapportant à la violence sexuelle, la plupart des renseignements qui y sont donnés seront également utiles aux intervenants qui travaillent auprès de personnes ayant subi une autre forme de violence.

Bon nombre des travailleurs communautaires, notamment les conseillers en santé mentale ou en toxicomanie, les éducateurs, les travailleurs de la santé, les intervenants en services sociaux, les bénévoles et les travailleurs qui s'occupent d'activités récréatives, les personnes qui travaillent auprès des jeunes, les membres du clergé et les laïcs travaillant auprès du clergé et la police communautaire, peuvent recevoir les confidences d'une personne qui a été victime d'un acte de violence ou percevoir des signes indiquant qu'une personne subit de la violence. Cette situation peut être une source de grand stress pour les travailleurs communautaires. Ne sachant pas avec précision quelle est leur responsabilité légale en pareil cas et bouleversés par la souffrance des victimes, beaucoup se demandent ce qu'il convient de faire. Dans certaines collectivités, le dilemme est encore plus difficile à résoudre lorsque le travailleur communautaire connaît l'agresseur ou la victime, ou les deux, ou encore lorsqu'il a des liens de parenté avec l'une de ces deux personnes, voire les deux.

Le guide ne porte pas sur tous les aspects de la violence sexuelle. Il a plutôt été élaboré pour aider les travailleurs de première ligne à intervenir plus efficacement à l'étape de la divulgation, qui ne représente que l'un des aspects de ce problème social grave et complexe. C'est au moment de la divulgation des actes de violence sexuelle que beaucoup de travailleurs communautaires se trouvent confrontés pour la première fois à cet épineux problème. Le présent guide leur permettra de mieux comprendre les nombreux facteurs dont ils doivent tenir compte lorsqu'un cas de violence sexuelle est porté à leur connaissance et pour faire en sorte que les besoins de toutes les personnes visées par cette situation sont pris en considération. Un examen plus détaillé de la question de la violence sexuelle et de la méthode pouvant être utilisée pour mettre sur pied des équipes d'intervention dans la collectivité est présenté dans un document complémentaire intitulé Lutte contre les agressions sexuelles - Mise sur pied d'équipes d'intervention communautaires en cas d'agression sexuelle, qui est également publié par le Groupe de la politique correctionnelle autochtone du ministère du Solliciteur général du Canada.

Aperçu du guide

Le présent guide peut servir d'ouvrage de référence au travailleur communautaire ou à une équipe multidisciplinaire composée d'employés de divers organismes et de bénévoles de la collectivité qui ont décidé de s'unir pour former un groupe d'intervention communautaire auprès des victimes de violence physique ou sexuelle. L'ouvrage a été conçu pour aider ces personnes à bien situer le contexte de la violence sexuelle dans les collectivités autochtones et à comprendre les raisons pour lesquelles les nombreuses approches qui sont utilisées actuellement ne sont pas efficaces. On y donne tout d'abord un bref aperçu des approches communautaires auxquelles on a recours pour lutter contre le problème de la violence, ainsi que plusieurs exemples de modèles utilisés actuellement et qui s'avèrent efficaces. On y fournit ensuite des lignes directrices visant à faciliter la divulgation des cas de violence et les enquêtes sur les allégations de violence. Les problèmes et les besoins de tous les groupes ou personnes que la violence touche de près ou préoccupe (par exemple, la victime et sa famille, l'agresseur et sa famille, la collectivité dans son ensemble et le système de justice) y sont aussi exposés. Enfin, les auteurs donnent quelques suggestions et des lignes directrices pour aider à planifier le processus de guérison et à rétablir l'équilibre qui est rompu par suite de la divulgation d'un acte de violence sexuelle.

PARTIE 1 - RENSEIGNEMENTS PRéLIMINAIRES

A. Qu'est-ce que la violence?

Lorsque le travailleur communautaire reçoit les confidences d'une personne qui dit avoir été victime de violence ou perçoit des signes indiquant qu'une personne subit de la violence, il doit en premier lieu chercher à savoir s'il y a vraiment eu violence. De nos jours, le terme violence est galvaudé. Il n'est donc pas toujours facile de déterminer s'il y a véritablement eu violence dans le sens où une intervention morale ou judiciaire serait justifiée.

Dans la langue courante, le terme violence en est venu à désigner (tant dans le contexte du processus de guérison que dans la loi) tout acte par lequel une personne exerce son pouvoir sur une autre personne pour obtenir ce qu'elle veut. La violence peut être de nature physique, sexuelle, verbale, psychologique ou même spirituelle. Toute situation de violence comporte les deux aspects clés suivants :

  1. deux personnes, dont l'une a plus de pouvoir que l'autre (par exemple, un adulte et un enfant, ou encore une personne violente et une personne ayant moins de force physique);
  2. la violation d'un droit (le dépassement d'une certaine limite), c'est-à-dire l'accomplissement d'un acte par lequel la personne ayant le plus de pouvoir force ou manipule l'autre personne pour qu'elle lui obéisse, se soumette à elle ou coopère avec elle (sur le plan physique, sexuel ou autre).

On peut établir une distinction entre un comportement violent et un comportement malsain, ou même nuisible. Par exemple, des relations sexuelles non protégées où les partenaires ne pensent qu'au plaisir et ne se soucient pas des conséquences peuvent être nuisibles, mais il n'y a pas nécessairement de violence. Dans une situation de violence, il y a une personne qui exerce une forme de domination sur une autre personne pour obtenir ce qu'elle veut (par exemple, des faveurs sexuelles).

Les comportements énumérés ci-dessous peuvent représenter des formes de violence sexuelle :

En ayant à l'esprit cette définition de la violence, il sera plus facile pour un travailleur de première ligne ou un autre membre de la collectivité de déterminer s'il y a eu des actes de violence sexuelle et d'appliquer les mesures qui s'imposent selon les situations.

B. Pourquoi la violence sexuelle est-elle un problème grave dans les collectivités autochtones?

Dans la présente section, nous verrons pourquoi le problème de la violence sexuelle menace gravement le bien-être des collectivités autochtones. Il y a trois aspects importants à considérer : la santé et le bien-être des personnes, la loi et les points de vue divergents de la société dominante et de la société autochtone.

1. Le bien-être des personnes

La violence sexuelle est perçue comme une atteinte très grave au bien-être d'un individu. Elle peut avoir des effets extrêmement dommageables sur les victimes, leurs relations matrimoniales actuelles ou futures, leurs enfants et leur descendance. Exercer de la violence sexuelle envers une personne (surtout un enfant), c'est comme injecter un virus dangereux dans son corps. Bien que les effets de cette violence puissent être difficiles à déceler au départ, on sait que la violence sexuelle peut nuire au développement de l'enfant, causer une grande angoisse conduisant à la dépression ou même au suicide, détruire les relations matrimoniales actuelles ou futures, affecter les enfants de la victime (soit directement, si la victime devient un agresseur, ou indirectement, étant donné que ces enfants grandiront dans une famille dysfonctionnelle) et déchirer des familles ou même toute une collectivité plusieurs années plus tard.

David Finkelhor et Angela Browne (1985)Note de bas de page 1 ont établi quatre catégories de dommages subis par les victimes de violence sexuelle. (Nous croyons que ces quatre types de victimisation ont des effets profonds sur les victimes adultes ainsi que sur les personnes ayant subi des violences sexuelles par le passé.)

  1. Développement dysfonctionnel (sexualisation traumatisante) - La sexualité de l'enfant est façonnée dans un contexte inapproprié sur le plan du développement et dysfonctionnel sur le plan interpersonnel. L'enfant qui vit ce grave traumatisme peut être amené :
    • à avoir peur de sa propre sexualité ou des contacts sexuels avec les autres (angoisse sexuelle);
    • à douter de son identité sexuelle (hétérosexualité ou homosexualité);
    • à confondre les contacts sexuels et les démonstrations d'affection;
    • à se servir de faveurs sexuelles pour obtenir l'approbation des autres, des privilèges, etc.;
    • à utiliser les relations sexuelles pour manipuler les autres;
    • à accorder une attention démesurée à certaines parties de son corps;
    • à avoir des idées perverses sur le plan sexuel et sur le plan moral;
    • à garder un souvenir effrayant des contacts sexuels;
    • à la promiscuité;
    • à avoir une faible estime de soi.
  2. Sentiment de trahison - La victime se sent trahie lorsqu'elle réalise qu'une personne en qui elle avait confiance ou de qui elle dépend lui a fait du mal. Parfois, cette trahison ne vient pas seulement de l'agresseur, mais aussi des membres de sa famille qui ne veulent pas ou ne peuvent pas mettre fin à la violence sexuelle. Ce type de trahison peut conduire à la dépression, à la détérioration de la capacité de la victime de faire confiance aux autres et de juger de leur loyauté ainsi qu'à une rage et une colère quasi permanentes (la victime est en colère la plus grande partie du temps et ne sait pas pourquoi).
  3. Stigmatisation - La victime se sent marquée, honteuse, sale, coupable ou méchante. Ces sentiments sont imprimés sur l'image que l'enfant a de lui-même par suite de la violence qu'il a subie. Il perçoit des interprétations négatives des actes commis.
    • L'agresseur rejette le blâme sur l'enfant. Par ses attitudes et par le fait qu'il garde le secret, il transmet à l'enfant un sentiment de honte ou le dénigre (le rabaisse) (« Quel genre de personne es-tu pour consentir à faire cela avec moi? »).
    • L'enfant se sent lui-même honteux. Il peut lui-même considérer comme mauvais et immoraux les actes de violence sexuelle qu'il a subis et se sentir coupable.
    • Les membres de sa famille, les professionnels qu'ils rencontrent ou d'autres personnes peuvent aussi lui renvoyer une image négative, surtout si ces personnes se montrent dégoûtées de ce que l'enfant a fait, rejettent le blâme sur lui et utilisent des termes comme « moralité relâchée » ou « pourriture »;
    • Le fait de garder le secret pendant longtemps augmente la souffrance et les effets de la violence subie.
    Cette stigmatisation a des effets qui se font sentir tout au long de la vie de la victime. Elle peut entraîner des problèmes de toxicomanie (pour alléger la souffrance), une faible estime de soi (« Je ne vaux rien »), l'acceptation d'une prédiction qui se réalise (« Si je ne vaux rien, je ferais aussi bien d'être méchant »). Ces problèmes peuvent conduire à des actes criminels, au « sabotage » de sa propre vie (« Cela ne me ressemble pas de réussir dans la vie car je ne suis bon à rien ») et même au suicide (« Comme je ne suis bon à rien, aussi bien mourir »).
  4. Sentiment d'impuissance - La victime a le sentiment de ne plus pouvoir être elle-même et de ne plus être en mesure d'agir sur le cours des événements. La violence engendre chez la victime un sentiment d'impuissance et l'incapacité de prendre en charge sa propre vie. La volonté et les désirs sont fortement ébranlés et la victime se sent en quelque sorte paralysée. Lorsqu'il y a atteinte répétée à l'intégrité physique ou domination parce que l'agresseur use de sa force physique (comme dans les cas de viol), un sentiment d'impuissance s'installe et est renforcé chaque fois.

Ce sentiment d'impuissance se fait sentir tout au long de la vie. Il a notamment les effets suivants :

2. La loi

Vu la souffrance et la peine considérables que la violence sexuelle engendre, cette forme de violence est considérée comme un acte illégal dans les codes criminels de la plupart des pays (notamment au Canada et aux états-Unis). Ainsi, au Canada, la violence sexuelle constitue toujours une violation de la loi et l'agresseur peut être arrêté, jugé et incarcéré. Au Canada, la loi exige que toute personne informée d'un cas de violence sexuelle signale ce cas à la police (et aux services de protection à l'enfance, si la victime est un enfant).

3. Différences culturelles

Au Canada, ce cadre juridique cause divers types de problèmes dans un grand nombre de collectivités autochtones. Dans la plupart de ces collectivités, on a tendance à considérer la violence sexuelle comme une maladie nécessitant un processus de guérison plutôt que comme un crime devant être puni. Lorsqu'une collectivité autochtone commence à s'attaquer à ce problème (parfois d'une grande ampleur), elle se heurte à plusieurs difficultés.

  1. Souvent, la victime ne veut pas parler de la violence répétée dont elle fait l'objet si cela implique qu'un membre de sa parenté ira en prison, ce qui contribue à perpétuer cette violence.
  2. Les proches de la victime exercent des pressions sur elle pour qu'elle « pardonne et oublie », mais aussi parce qu'ils ne veulent pas que la personne qu'ils aiment soit traduite devant le « système de justice des Blancs ».
  3. Pour ces collectivités, la criminalisation n'est pas une « solution » au problème. De nombreux Autochtones croient que le système de justice de la société dominante ne s'attaque pas aux causes profondes du déséquilibre qui est à l'origine du problèmeNote de bas de page 2.
  4. Les travailleurs de première ligne (travailleurs sociaux, travailleurs de la santé et intervenants en toxicomanie, dirigeants politiques, etc.) subissent des pressions contraires : soit celles des Autochtones, qui voient le problème sous un certain angle, et celles de la société dominante, qui conçoit et cherche à résoudre le problème d'une façon tout à fait différente. Les exigences du système juridique et de la bureaucratie peuvent avoir pour effet de renforcer ces pressions lorsque les travailleurs communautaires ne suivent pas l'approche de la société dominante et sont menacés d'un rappel à l'ordre. Il est possible de tirer parti de cette tension et de trouver une solution créative et satisfaisante pour les deux parties, mais cela n'est pas facileNote de bas de page 3.
  5. Un bon nombre de collectivités autochtones n'ont pas encore établi de politiques, de modèles et de méthodes efficaces pour gérer le problème de la violence. De même, les ressources affectées aux programmes communautaires sont souvent insuffisantes compte tenu de l'ampleur du problème. Par conséquent, les victimes, les agresseurs, les membres de leur famille et les autres personnes touchées sont souvent incapables d'obtenir l'aide dont ils ont besoin.

C. Données sur la violence sexuelle

La violence sexuelle peut prendre plusieurs formes et survenir dans n'importe quel type de familles. Des individus de tous âges et des deux sexes peuvent en être victimes. Les agresseurs peuvent être vieux ou jeunes, de sexe masculin ou féminin, riches ou pauvres. Il peut s'agir de personnalités très connues ou de parias. Les travailleurs communautaires devraient être au courant des faits suivants concernant la violence sexuelle dans les collectivités autochtonesNote de bas de page 4.

  1. Environ une femme sur deux et un homme sur trois ont été victimes d'un ou de plusieurs actes sexuels non désirés à un moment ou à un autre de leur vie. On entend notamment par acte sexuel non désiré le fait d'être témoin d'exhibitionnisme, de faire l'objet d'attouchements, de menaces de nature sexuelle, d'une tentative d'agression sexuelle ou d'une agression sexuelle.
  2. Les enfants représentent un pourcentage très élevé des victimes. Dans la plupart des cas, les agresseurs ont recours à la ruse ou à des récompenses plutôt qu'à la force.
  3. La majorité des agresseurs sont des hommes.
  4. La plupart des victimes connaissent leur agresseur, qui est un membre de la famille nucléaire ou de la famille élargie (c'est ce qu'on appelle l'inceste).
  5. L'agresseur peut aussi être un ami ou une connaissance de la famille - c'est la deuxième catégorie la plus importante.
  6. Les filles sont plus souvent victimes de violence sexuelle que les garçons.
  7. La violence sexuelle subie par les garçons est tout aussi dommageable que celle subie par les filles.
  8. L'agresseur est souvent un enfant plus âgé que la victime ou un adolescent, qui a lui-même subi de la violence sexuelle lorsqu'il avait l'âge de la victime.
  9. Il arrive que l'agresseur soit une femme.
  10. Parfois l'agresseur est un Aîné ou même un guérisseur respecté.
  11. Il arrive aussi que l'agresseur soit un chef respecté, un fournisseur de services, un religieux en situation d'autorité, un enseignant ou un agent de la paix.
  12. Certains comportements violents sont reliés à l'alcool, mais la consommation d'alcool n'est pas la cause de la violence sexuelle et ne peut jamais servir d'excuse ou constituer une défense devant un tribunal.
  13. Dans bien des cas, les membres de la famille et les amis de la victime ou de l'agresseur sont au courant des actes de violence, mais l'affaire est gardée secrète. Il est courant que les proches fassent semblant de ne rien voir, mettent en doute ou nient les faits, ou n'en parlent tout simplement pas à cause des « conséquences » que la divulgation de ces faits pourrait avoir.
  14. L'inceste a tendance à se perpétuer d'une génération à l'autre, c'est-à-dire que les personnes qui ont elles-mêmes été victimes d'inceste durant leur enfance sont plus susceptibles de commettre un inceste plus tard (voir le no 18).
  15. En général, les enfants ne mentent pas lorsqu'ils disent être victimes de violence sexuelle, bien que cela arrive parfois.
  16. Les enfants gardent le silence parce qu'on leur a dit de ne rien dire, parce qu'on les a menacés ou parce qu'ils craignent de ne pas être crus ou de créer des problèmes à l'agresseur ou aux membres de leur famille.
  17. La plupart des enfants croient que ce qui leur arrive est de leur faute.
  18. Il est possible de rompre le cycle de la violence sexuelle (pour éviter que la victime ne devienne un agresseur et que la violence ne se perpétue de génération en génération). Cette situation n'est pas inévitable. Les victimes ne deviennent pas toutes des agresseurs.

D. Questions particulières reliées à la violence sexuelle dans les collectivités autochtones

Il importe de comprendre le contexte historique qui a contribué au dysfonctionnement des individus, des familles et des collectivités, lequel est à l'origine des taux élevés de violence sexuelle observés dans certaines collectivités autochtones. Les travailleurs communautaires qui comprennent ce contexte pourront plus facilement établir des stratégies efficaces qui faciliteront la divulgation et la gestion de cas de violence sexuelle.

1. Faire appel à la sagesse ancestrale

Il y a plusieurs centaines de cultures autochtones au Canada, et à chacune de ces cultures sont associés une langue ou un dialecte, une certaine conception du monde et une histoire qui lui est propre. En dépit de cette vaste diversité, il est évident que les collectivités autochtones ont des fondements spirituels et philosophiques riches en sagesse, en connaissances et en techniques diverses, qui étaient autrefois soigneusement protégés et transmis de génération en génération par les enseignements, les contes, les cérémonies, les protocoles, les tabous et autres mécanismes d'équilibre social. Bien qu'il puisse parfois sembler que la plus grande partie de ces connaissances se soit perdue, de nombreuses collectivités autochtones se rendent compte qu'une démarche visant à découvrir cette riche source de connaissances n'est pas tant une exploration du passé qu'un pas vers un avenir plus sain, qui prendra ses racines dans la sagesse, les connaissances et l'expérience traditionnelles des peuples autochtones.

Pour rétablir la sécurité, la paix, le bien-être et la prospérité dans les collectivités, il est important de comprendre la nature de l'être humain et la façon dont les êtres humains devraient vivre ensemble sur la terre pour être heureux. Les connaissances traditionnelles des tribus de l'Amérique du Nord renfermaient souvent un enseignement bien précis à ce sujet. Par exemple, la nécessité d'un équilibre entre les dimensions mentales, affectives, physiques et spirituelles de l'individu et le respect de la Terre (représentant la mère pour les Autochtones) et de tout ce qui est vivant.

De plus, toutes les tribus ont établi des méthodes et des stratégies pour favoriser la guérison et maintenir l'équilibre et l'harmonie au sein des familles et des collectivités. Un grand nombre de tribus avaient une discipline spirituelle comprenant la prière, la méditation, le jeûne et l'observation d'un code de conduite rigoureux. Les pratiques cérémonielles telles que la cérémonie de purificationNote de bas de page 5, la quête de vision, la cérémonie du calumet et la cérémonie de la suerie avaient leur place dans la vie des peuples autochtones. Les contes, les sagas, les chants, les images visuelles, comme le cercle d'influences, et les enseignements particuliers, comme ceux donnés à une jeune fille ou à un jeune garçon lorsqu'ils entrent dans le monde des adultes, faisaient tous partie du répertoire culturel. En plus des pratiques cérémonielles et sociales, un grand nombre de tribus avaient leurs propres méthodes pour guérir ou aider les malades, les blessés et les infirmes : préparations d'herbes médicinales, diètes, chaleur, froid, exercices ou repos.

Si on se reporte à un passé lointain, on constate que la plupart des collectivités autochtones avaient des tabous, des interdits, des proverbes et des protocoles prescrits (p. ex., règles de conduite) qui indiquaient aux membres de la tribu comment se comporter et les choses à éviter sur le plan de la sexualité et des rapports entre les sexes. Par exemple, dans beaucoup de nations autochtones, il y a avait des règles limitant les contacts avec les membres de la belle-famille. Dans toutes les cultures, des limites étaient imposées au comportement sexuel. La promiscuité sexuelle, telle que définie par les différentes cultures, n'était pas tolérée et l'inceste était formellement interdit. Le viol était très peu fréquent et considéré comme une infraction grave et l'auteur du viol devait supporter de lourdes conséquences. De même, les actes sexuels entre adultes et enfants étaient interdits.

Un aspect clé des enseignements anciens est la notion de « limites ». Chacun savait exactement qui il était, qui était chacun des membres de la tribu et quelles relations il devait avoir avec les autres, en particulier sur le plan sexuel. Dans la plupart des tribus, les règles et les rôles définissant les relations entre les membres étaient clairement établis - par exemple, les relations entre un enfant et un adulte, un père et ses filles, une mère et ses fils, les cousins, les frères et les soeurs, les guérisseurs et les malades, les enseignants et les élèves, les oncles et leurs nièces, les forts et les faibles. En général, le terme « parents » ne désignait pas uniquement les membres de la famille nucléaire. Les règles de conduite fixant les limites dans les relations entre les sexes s'appliquaient à tous les types de relations, et à chaque type de relation étaient associés un nom et un enseignement.

En bref, la plupart des tribus avaient des règles et des limites clairement établies concernant les contacts sexuels et, comme le mode de vie des membres de la tribu était conforme à ces règles et avait pour effet de les renforcer, ces règles et ces limites étaient presque toujours respectées. Ce n'est que lorsque ces systèmes de soutien se sont effondrés et que les Autochtones ont commencé à ne plus adhérer aux enseignements anciens que la violence sexuelle est devenue chose plus courante.

2. La destruction des anciens systèmes de soutien

Pour les nations autochtones de l'Amérique du Nord, le contact avec les explorateurs et les colons européens a marqué le début d'une série de changements très rapides et d'une portée considérable. Ces changements ont souvent eu des effets dévastateurs sur le mode de vie des Autochtones, qui ne pouvaient traiter sur un pied d'égalité avec les nouveaux arrivants ni négocier le processus de changement avec justice et équité et dans le respect mutuel. Cette situation tient au fait que, au moment des premiers contacts, les Européens considéraient les Autochtones comme des enfants, des sauvages ou voyaient en eux un obstacle à l'atteinte de leurs objectifs (usage des terres et des ressources minérales, végétales et animales).De plus, avec l'introduction du système juridique des nouveaux arrivants, toutes les terres ont été désignées propriété de la Couronne et la liberté des Autochtones a été assujettie à de nombreuses restrictions, notamment dans le cadre de la Loi sur les Indiens.

Les principaux facteurs qui ont eu de grandes conséquences sur les Autochtones à l'époque des premiers contacts comprennent :

3. Les conséquences du contact avec les Européens et de la colonisation

Les facteurs énumérés ci-dessus ont eu des effets traumatisants et durables sur les Autochtones. Parmi ces effets, mentionnons :

  1. L'aliénation et l'abandon des ressources philosophiques et spirituelles de leur culture. Ce bouleversement a créé un vide chez un grand nombre d'Autochtones, qui ont traversé une longue période sombre. La colonisation a menacé ou parfois fait disparaître certains concepts culturels, comme l'interrelation entre les choses (approche écologique), la responsabilité mutuelle, le partage, le souci des autres, le respect, l'imposition de limites et les techniques et méthodes visant à rétablir l'équilibre et l'harmonie.
  2. La pauvreté est un facteur important dans ce que vivent actuellement les Autochtones. Les peuples autochtones ont déjà été indépendants et extrêmement efficients, car ils assuraient leur subsistance en tirant parti de leur environnement. Actuellement, les collectivités autochtones sont aux prises avec une dépendance chronique à l'égard du bien-être social, qui se perpétue d'une génération à l'autre, avec des taux de chômage de 80 à 90 p. 100 et avec une culture de pauvreté (toxicomanie, dépendance, apathie et sentiment d'impuissance) et tentent tant bien que mal de surmonter ces difficultés.
  3. Les traités et la loi - La plupart des collectivités autochtones sont aux prises avec un système politique qui leur est étranger (un chef et un conseil), qui semble perpétuer la fragmentation, la désunion et la corruption et décourager, voire miner, le pouvoir politique du peuple. De même, le système de justice qui leur a été imposé repose sur une conception très différente de la déviance, du dysfonctionnement et du déséquilibre du comportement et sur des moyens d'intervention différents.

Tous ces bouleversements ont entraîné progressivement une profonde dégradation du tissu social, dont les signes et symptômes ont été l'augmentation graduelle de l'alcoolisme (qui a atteint un taux de 90 p. 100 ou plus dans les années 50 lorsqu'il est devenu légal de vendre de l'alcool aux Autochtones au Canada), les luttes de pouvoir et la jalousie engendrées par l'instauration d'un nouveau système politique, les désaccords au sujet de la religion, l'ampleur qu'a prise progressivement le problème de la violence sexuelle par suite de la fréquentation des pensionnats, la violence au sein des familles et de la collectivité, le suicide et les autres problèmes de santé mentale et l'augmentation de la pauvreté, de la négligence envers les enfants et de la dépendance découlant de la toxicomanie et du dysfonctionnement.

4. Une nouvelle ère

Pour un grand nombre de collectivités autochtones du Canada, les années 50 à 80 font partie des années les plus sombres de leur histoire, mais représentent aussi les années qui ont précédé l'aube d'une ère nouvelle. En effet, les dernières années ont été caractérisées par une prise de conscience des valeurs spirituelles, de l'identité autochtone et des possibilités de guérison reliées à ce retour aux sources.

Pour beaucoup d'Autochtones, tant aux états-Unis qu'au Canada, les années 60 ont été une période de renouveau sur les plans politique et culturel. La naissance du mouvement de revendication des droits des Autochtones, au sein de deux principales organisations, l'AIM (American Indian Movement) aux états-Unis et la Fraternité des Indiens du Canada, a marqué, de façon manifeste et aux yeux du grand public, le début d'une nouvelle ère, celle de la modernisation du processus de guérison des Autochtones. Cette étape a été très importante, mais le processus de transformation en cours dans des centaines de collectivités autochtones du Canada comportait une autre dimension. En plus du processus de revendication de pouvoirs politiques, trois autres courants fondamentaux ont contribué à l'émergence de ce qui est manifestement un mouvement de guérison des peuples autochtones. Ces courants sont  :

  1. La renaissance de la spiritualité traditionnelle - Le fait d'avoir redonné une légitimité aux enseignements spirituels et culturels qui font partie des traditions autochtones a déjà grandement contribué aux processus de développement et de guérison des collectivités. En effet, l'essentiel des idées modernes qui ont trait à la définition du processus de guérison, à la façon de le promouvoir et de le préserver et à la manière dont il s'inscrit dans le cercle de vie, qui englobe les individus, les familles, les groupes, les organisations, les collectivités et les nations, repose sur les fondements de la culture autochtone. Cette conception de la guérison représente un modèle dont s'inspirent les professionnels de la santé de la société dominante, qui y voient une approche fort efficace.
  2. L'introduction des processus de croissance personnelle et de guérison comme principale mesure d'intervention dans la collectivité dans le cadre de programmes tels que celui des Alcooliques Anonymes (AA) et la mise en œuvre d'un vaste ensemble de stratégies et de programmes destinés à combattre la toxicomanie, la violence sexuelle et la violence en général et à répondre aux besoins sur le plan de la croissance personnelle. Ces approches sont axées sur la santé et le bien-être plutôt que sur la maladie et mettent en valeur les notions traditionnelles de santé et de guérison des Autochtones.
  3. La promotion de la santé, tant chez l'individu que dans l'ensemble de la collectivité, est considérée par les professionnels de la santé de la société dominante comme une stratégie tout à fait valable pour résoudre des problèmes de santé de base. C'est en grande partie grâce à ces initiatives que des ressources et du soutien technique ont pu être fournis pour la mise en œuvre de programmes pour les Autochtones dans les domaines de la santé, des services sociaux et du développement économique.

E. Problèmes reliés aux approches appliquées actuellement dans la lutte contre la violence

Comme l'a dit un jour Albert Einstein, la manière de voir le problème constitue en soi le problème. Il y a de toute évidence des différences fondamentales entre la manière dont les Autochtones voient et conçoivent le problème de la violence sexuelle et le point de vue de la société dominante, dont les fondements sont européens. Les divergences de points de vue portent notamment sur le concept de la justice. Une autre différence fondamentale a trait à la manière de comprendre le lien entre la violence sexuelle et les autres aspects de la vie personnelle, familiale et communautaire.

En raison de ces différences de points de vue, il a été difficile pour beaucoup de collectivités autochtones d'établir des politiques et des programmes efficaces visant à combattre la violence sexuelle. Ces différences ont également causé des frictions entre le système de justice et les collectivités autochtones à l'égard d'un problème social que les deux sociétés considèrent comme crucial.

1. La justice réparatrice et la justice rétributiveNote de bas de page 6

La plupart des collectivités autochtones ont tendance à accorder beaucoup plus d'importance à la justice réparatrice (qui vise à rétablir l'équilibre et l'harmonie), qu'à la justice rétributive (qui est axée sur la punition) et soutiennent que la guérison et le rétablissement de bonnes relations humaines sont ce dont ont besoin la victime et l'agresseur. Ce point de vue contraste parfois avec celui de la police, des tribunaux et des services sociaux responsables de la protection de l'enfance, qui tendent à voir la violence sexuelle avant tout comme un crime devant être puni. Souvent, ces organismes ne donnent pas de services de soutien appropriés à la victime et aux familles de la victime et de l'agresseur.

En partie en raison de ces divergences de points de vue, il arrive trop souvent que les cas de violence sexuelle dans les collectivités autochtones ne soient pas signalés, de sorte que le besoin de protection de la collectivité et les besoins de la victime et de l'agresseur sur le plan de la guérison ne sont pas satisfaits. Pour les collectivités autochtones, le défi est d'élaborer une stratégie de lutte contre la violence sexuelle qui permette de répondre aux besoins de toutes les personnes visées sur les plans de la protection, de la guérison et de la justice, tout en cherchant à rétablir l'harmonie dans les relations humaines.

2. Une approche axée sur le bien-être plutôt que sur la maladie

Le concept de la justice réparatrice est étroitement lié à celui de l'interdépendance de tous les aspects de la vie. Les Premières nations affirment depuis longtemps que toutes les dimensions de la vie personnelle, familiale et communautaire sont indissociables et que la santé et le bien-être d'un de ces éléments dépendent de la santé et du bien-être des autres éléments. Il ressort clairement de ces enseignements que la violence sexuelle n'est pas un phénomène isolé des autres aspects de la vie. Elle est reliée à de nombreux autres facteurs, notamment :

Selon les Autochtones, ces facteurs ne sont pas les causes de la violence sexuelle. Pour eux, ces facteurs représentent un ensemble complexe de liens qui engendre des maladieset un déséquilibre dans la vie des individus et des familles et dans la collectivité. L'une des manifestations de ces maladies est la violence sexuelle. Selon leur point de vue, la violence sexuelle peut être comparée à un arbre et les facteurs énumérés ci-dessus, comme la perte de l'identité personnelle et culturelle, la faible estime de soi, la dévalorisation et la détresse persistante découlant d'expériences traumatisantes, aux racines de cet arbre. Le manque d'harmonie, de soutien et d'affection dans les relations et l'absence de valeurs constructives représentent pour eux le sol dans lequel l'arbre est planté. Un arbre est un système organique. Si tout le système est malade, il est inutile de traiter une seule des racines en espérant que l'arbre dans son ensemble retrouvera sa vigueur. Il faut traiter l'arbre et le sol dans lequel il pousse.

Essayer de combattre la violence sexuelle sans tenir compte du contexte général dans lequel s'inscrit cette violence, c'est comme essayer de soigner une maladie en traitant les symptômes sans s'attaquer aux causes. On peut traiter un symptôme, mais la maladie finira par resurgir sous une autre forme. Il faut rétablir l'équilibre et la santé dans tout l'organisme pour que le malade puisse guérir. De même, la violence sexuelle ne peut être considérée isolément sans tenir compte des facteurs présents dans le milieu où elle a pris naissance, faute de quoi elle ne pourra jamais être enrayée. Le cadre de vie complexe dont fait partie la violence sexuelle doit être transformé. Ainsi, il faut rétablir l'équilibre de la personne sur les plans mental, affectif, physique et spirituel, c'est-à-dire se préoccuper de tous les aspects de sa vie sur lesquels la violence sexuelle a eu des répercussions. Le but visé est de rétablir la santé politique, économique, sociale et culturelle des familles et des collectivités. Il est également essentiel de définir clairement ce qu'on entend par « santé de l'individu, de la famille et de la collectivité » et d'amener les personnes à participer à leur guérison et à leur développement personnel.

En considérant le problème de la violence sexuelle sous l'angle de la maladie, on cherche à s'attaquer au problème en soi et à l'éliminer. Par contre, si on considère ce problème sous l'angle du bien-être général, on cherche à créer les conditions favorables à la santé et au bien-être de tout le système, de manière que le problème soit moins susceptible de survenir et que, lorsqu'il se présente, on puisse chercher à le résoudre en rétablissant la santé et l'équilibre aussi efficacement que possible. La première approche est axée sur le mal à enrayer, alors que la seconde est axée sur les conditions à créer pour que les choses aillent bien.

Actuellement, les autorités dans les domaines de la justice, de la santé et des services sociaux favorisent généralement l'approche centrée sur la maladie plutôt que celle centrée sur le bien-être dans la lutte contre la violence sexuelle. Elles mettent l'accent sur le délinquant et la victime plutôt que sur les relations au sein de la famille et de la collectivité auxquelles ils appartiennent. La violence sexuelle est considérée comme un comportement déviant qui requiert une intervention, une punition et un traitement. Il est rare que les programmes visent à répondre aux besoins de la personne dans sa globalité ou à agir sur les facteurs économiques, sociaux, politiques et culturels qui contribuent au déséquilibre chez l'individu ainsi que dans sa famille et sa collectivité.

3. L'évolution des programmes communautaires d'intervention et de traitement en matière de violence sexuelle qui sont fondés sur la culture autochtone

Les différences fondamentales entre le point de vue des Autochtones et celui de la société dominante font ressortir la nécessité d'élaborer des programmes d'intervention et de traitement en matière de violence sexuelle qui répondent aux besoins des collectivités autochtones du Canada. Au cours des dix dernières années, plusieurs programmes novateurs et très stimulants ont été mis en oeuvreNote de bas de page 7. Dans la plupart des cas, on cherche à consolider les programmes en établissant un partenariat productif entre une équipe de la collectivité autochtone et des représentants de la justice et des services sociaux de la société dominante, de manière que les exigences de la loi puissent être respectées et qu'une approche centrée sur le bien-être et fondée sur le principe de la justice réparatrice puisse être adoptée. Des renseignements plus détaillés sur ces programmes sont fournis à la section D ci-dessous.

À l'heure actuelle, ces programmes présentent un certain nombre de lacunes, qui peuvent être résumées ainsi :

  1. Actuellement, le financement de ces programmes communautaires est très insuffisant. En général, lorsqu'un programme d'intervention et de traitement en matière de violence sexuelle est mis en œuvre dans une collectivité, il y a une augmentation importante du nombre de cas de violence sexuelle signalés. Par conséquent, il arrive souvent que les responsables du programme manquent de personnel et qu'ils n'aient pas accès aux spécialistes (de l'extérieur le plus souvent) dont ils auraient besoin dans certains cas. De plus, le personnel affecté au programme n'a pas toujours reçu la formation appropriée et n'est pas toujours en mesure de participer régulièrement à des séances de perfectionnement.
  2. Les procédures de consignation des renseignements et de suivi ne sont pas toujours satisfaisantes, de sorte qu'il est difficile d'évaluer l'efficacité du programme et les progrès des clients. Par conséquent, la collectivité n'est pas toujours protégée comme elle devrait l'être, certains clients échappent à la surveillance des responsables et n'ont pas, de ce fait, de comptes à rendre quant à l'observation des conditions du programme de traitement et de guérison.
  3. Les programmes communautaires sont encore souvent controversés dans la collectivité même où ils sont mis en œuvre.Ils ne reçoivent pas toujours l'appui politique de la collectivité, qui permettrait de leur donner une légitimité et d'obtenir les ressources suffisantes. Certains secteurs de la collectivité s'opposent vivement au travail accompli dans le cadre de ces programmes, de sorte que les responsables n'ont pas le pouvoir d'intervenir dans tous les cas.

F. L'équipe d'intervention communautaire, une approche différente

Comme il a été mentionné précédemment, les divergences de vues entre les Autochtones et la société dominante à l'égard des interventions et des traitements en matière de violence sexuelle ont favorisé l'établissement d'approches nouvelles. Souvent, ces approches comprennent la création d'une équipe d'intervention communautaire. L'idée fondamentale sur laquelle repose la création d'une telle équipe a été exposée par Patricia Graves et Suzanne SgroiNote de bas de page 8 au début des années 80. Voici les principales caractéristiques de cette approche :

  1. L'équipe d'intervention communautaire (EIC) est composée de professionnels et de bénévoles de la collectivité qui représentent les groupes d'intervenants qui ont un rôle à jouer dans la lutte contre la violence sexuelle, c'est-à-dire :
    • la collectivité dans son ensemble;
    • les services de protection de l'enfance;
    • la police et le système judiciaire;
    • les services de santé.
    La participation de ces intervenants en tant que membres actifs des EIC est essentielle pour assurer l'efficacité des interventions. En absence des intervenants clés, les différentes façons de voir le problème (philosophie, point de vue), les différents mandats, les différentes responsabilités légales et les différents modes de fonctionnement risquent fort d'entrer en conflit et les interventions seront loin d'être efficaces.
  2. L'équipe d'intervention établit un plan détaillé qui explique comment seront intégrées et coordonnées l'intervention des membres de la collectivité et celle des organismes dans les cas de divulgation d'actes de violence sexuelle. Le but visé est de satisfaire aux besoins et aux exigences de toutes les personnes visées. Ces besoins comprennent :
    • la protection, surtout durant la période de panique qui découle de la divulgation;
    • la guérison des personnes affectées;
    • la communication des renseignements aux autorités compétentes et la consignation de ces renseignements;
    • la coordination de la procédure judiciaire et du processus de guérison au sein de la collectivité.
  3. L'équipe d'intervention travaille dans le cadre d'un ensemble d'ententes conclues entre les principaux intervenants, qui lui permet de répondre aux besoins sur le plan de la guérison tout en satisfaisant aux exigences de la loi. L'établissement et la mise en application d'ententes (entre la collectivité, la police et les tribunaux, les services de protection de l'enfance et les services de santé) sont les étapes initiales sur lesquelles repose le travail de l'équipe d'intervention.
  4. Cette approche peut être appliquée, dans le cas d'un délinquant reconnu coupable d'une infraction sexuelle (ou encore d'un délinquant qui a plaidé coupable à une telle accusation), lorsque le juge de la cour criminelle peut exiger que ce délinquant participe à un programme de traitement dans le cadre de la peine imposée. De cette façon, le système de justice pénale peut exercer son pouvoir pour que le délinquant suive un programme de traitement et de réadaptation plutôt que d'aller en prison.

PARTIE II - LES MESURES VISANT À FAVORISER LA DIVULGATION DES ACTES DE VIOLENCE SEXUELLE ET LES ENQUÊTES

A. Les signes de violence

Pour pouvoir s'acquitter de leurs obligations conformément au Code criminel et intervenir efficacement dans les cas de violence sexuelle, les travailleurs communautaires de première ligne doivent être capables de reconnaître les signes de violence sexuelle. La présente section indique certains des signes les plus courants qui permettent de reconnaître qu'une personne est ou a été victime de violence sexuelle. Bien entendu, la présence d'un ou de plusieurs de ces indicateurs chez un enfant ou un adulte ne signifie pas nécessairement que la personne a subi de la violence sexuelle. D'autres expériences ou comportements peuvent être à l'origine des faits observés. Cependant, la présence de ces signes doit amener le travailleur à envisager sérieusement la possibilité que la personne subisse ou ait subi de la violence sexuelle.

1. Signes observés chez les enfants

Il va sans dire que la violence sexuelle peut avoir des effets dévastateurs chez l'enfant. Elle peut pénétrer en lui comme un poison, affecter son moral et lui briser le coeur. Les signes ou symptômes énumérés ci-dessous ne représentent qu'une partie de ceux pouvant être observés chez les jeunes victimes de violence sexuelleNote de bas de page 9.

a. Signes physiques

b. Signes psychologiques

c. Signes sur le plan social

d. Signes sur le plan scolaire

2. Signes observés chez les adultes

Chez les adultes qui ont subi de la violence sexuelle dans le passé ou qui en subissent encore, certains des signes suivants peuvent être présentsNote de bas de page 10.

a. Signes chez l'individu

b. Signes dans les relations interpersonnelles

B. Circonstances entourant la divulgation

Le fait qu'une personne subisse ou ait subi de la violence sexuelle doit être révélé d'une façon ou d'une autre pour que cette personne ou d'autres victimes possibles soient protégées contre d'autres actes de violence sexuelle dans l'avenir et qu'un processus de traitement et de guérison puisse être entrepris.

Dans beaucoup de cas, la violence sexuelle a été gardée secrète pendant longtemps, surtout lorsque les victimes sont des enfants. L'agresseur incite l'enfant à garder le secret, souvent par des menaces (il dit à l'enfant ce qui risque de lui arriver ou d'arriver à une personne qu'il aime s'il n'obéit pas) ou par des récompenses (sur le plan matériel ou affectif - l'enfant reçoit beaucoup d'affection ou d'attention). Même lorsque l'enfant est devenu adulte, il peut éprouver de la difficulté à révéler les faits (parce qu'il a honte ou qu'il a encore peur des conséquences que cela pourrait avoir). Les adultes qui subissent de la violence sexuelle ont aussi des raisons de garder le secret. Ils peuvent eux aussi éprouver de la honte et une certaine gêne, ils ont peur qu'on ne les croit pas et ils craignent d'avoir à souffrir des conséquences de la divulgation.

En général, les faits sont divulgués et le processus de traitement et de guérison est entrepris parce que quelque chose s'est produit ou que quelqu'un est intervenu. La divulgation peut venir de la victime elle-même, d'un membre de sa famille, d'un ami, d'un membre de la collectivité, d'un fournisseur de services qui sait reconnaître les signes de violence sexuelle, de l'agresseur ou de son conjoint -- bref, la divulgation peut venir de presque n'importe quelle personne qui a des liens avec la victime ou l'agresseur.

La divulgation peut avoir lieu dans différentes circonstances.

1. Découverte

Dans ce cas, une personne de l'entourage de la victime (habituellement un adulte si la victime est un enfant) reconnaît les signes de la violence sexuelle et intervient. La personne peut découvrir la violence sexuelle de façon directe, par exemple être témoin de cette violence, constater des lésions corporelles ou observer des signes de traumatisme (énumérés dans la section précédente), ou elle peut reconnaître des signes subtils de cette forme de violence au sein de la famille de la victime ou de l'agresseur et en déduire, en se fondant sur son expérience, qu'il y a de la violence sexuelle dans cette famille. Dans cette situation, la victime ou l'agresseur est amené(e) progressivement, avec de l'aide, à révéler les faits.

2. Divulgation accidentelle

Le secret est révélé par mégarde. Souvent, en pareil cas, la victime n'est pas tout à fait prête à révéler tous les faits, et il faut prendre soin de l'aider, surtout s'il s'agit d'un enfant, et ne pas la forcer à tout raconter.

3. Divulgation volontaire

La victime (ou l'agresseur) confie à quelqu'un qu'elle subit de la violence sexuelle. Cela se produit souvent après qu'a été reçue de l'information sur la violence sexuelle (à l'école, à la télévision, etc.). Souvent, la victime rompt le silence pour protéger une personne de son entourage contre cette violence ou pour se venger de l'agresseur pour une raison quelconque.

4. Divulgation dans le cadre d'un processus de guérison

Il arrive aussi que des adultes ayant été agressés sexuellement durant leur enfance parviennent, dans le cadre d'un processus de guérison et parce qu'ils se sentent suffisamment en sécurité pour révéler ce secret, à avouer qu'ils ont été victimes et, dans certains cas auteurs, de violence sexuelle. Parfois, le processus de guérison amène la personne à se remémorer des actes de violence subis durant l'enfance -- des souvenirs qui avaient été refoulés pour éviter de souffrir. Il n'y a pas de limite de temps imposée pour la divulgation des actes de violence sexuelle subis durant l'enfance et pour les poursuites pouvant être engagées à cet égard. Dans certains cas, l'agresseur a été incarcéré plus de trente ans après la perpétration des actes.

C. L'intervention initiale

Une fois qu'il y a eu divulgation, des mesures doivent être prises. Dans la présente section, nous décrivons certains facteurs pouvant avoir une influence sur l'intervention initiale et les objectifs qu'on devrait chercher à atteindre à cette étape.

1. Facteurs ayant une influence sur l'intervention initiale

Lorsqu'il y a eu divulgation, des mesures doivent être prises dans les plus brefs délais. Plusieurs facteurs doivent être pris en considération. Par exemple, si la victime est un enfant, diverses questions doivent être considérées immédiatement. Il faut assurer sa sécurité, favoriser sa guérison et prendre les mesures qui s'imposent conformément à la loi. L'intervention sera différente selon que la victime subit actuellement de la violence ou en a subi dans le passé. Si l'agresseur est un membre de la famille, les facteurs à considérer ne sont pas les mêmes que s'il ne fait pas partie de la famille.

L'intervention diffère également selon les circonstances de la divulgation. Par exemple, si la divulgation est accidentelle, c'est-à-dire que le secret est révélé par mégarde (ce qui se produit parfois lorsque l'agresseur exerce des pressions sur l'enfant pour qu'il se taise), la victime n'est pas toujours prête à révéler les faits (présents ou passés) et il faut chercher à connaître les faits en prenant bien soin de ne pas presser l'enfant de dire ou de faire quelque chose pour lequel il n'est pas prêt. Si une personne « découvre » la violence parce qu'elle en a reconnu les signes et a mené une enquête qui a confirmé ses doutes, une autre dynamique s'établit. Par exemple, l'agresseur est pris de panique, son conjoint ou des membres de sa famille nient les faits ou tentent de les camoufler, et des pressions sont exercées sur l'enfant pour qu'il se taise ou qu'il nie, s'il a déjà dit quelque chose. Tous ces facteurs et toutes ces mesures prises doivent être portés à la connaissance de la personne qui coordonne l'intervention dans la collectivité.

2. Buts de l'intervention initiale

En gardant à l'esprit ces facteurs, on devrait chercher à atteindre les buts suivants à la première étape du processus d'intervention.

a. Une approche coordonnée et concertée

Les intervenants suivants ont tous un rôle à jouer à l'étape de la divulgation et du suivi.

Il est essentiel que ces intervenants clés travaillent en collaboration et de façon concertée. S'ils ne se sont pas entendus à l'avance sur la façon de procéder, il peut se produire des luttes de pouvoir sur la façon d'intervenir dans des situations déjà très délicates et potentiellement explosives. Occupés à régler leurs différends, les organismes perdent de vue les besoins des victimes et les conséquences sont parfois dramatiques.

b. L'établissement des faits

L'équipe d'intervention communautaire ou l'organisme chargé d'intervenir dans les cas de violence sexuelle doit en premier lieu chercher à savoir ce qui s'est réellement passé et évaluer soigneusement la situation. Dans les cas de violence sexuelle, il est utile de voir la divulgation comme un processus qui n'est complet que lorsque tous les faits ont été révélés. Parfois, le processus de divulgation commence par de vagues allusions ou insinuations selon lesquelles il y aurait (ou il y aurait eu) de la violence sexuelle. Il est essentiel, pour plusieurs raisons, d'établir clairement les faits de façon qu'aucun doute ne subsiste.

Pour toutes ces raisons, il est très important que l'enquête sur les allégations de violence sexuelle soit menée avec persévérance et qu'elle respecte les principes suivants : équité, recherche honnête de la vérité, détachement émotionnel (neutralité)Note de bas de page 12 et respect de toutes les personnes touchées, y compris l'agresseur.

c. La protection

La sécurité, le bien-être et la guérison de la victime passent avant tous les autres besoins et exigences. À cette étape, il est important d'évaluer la situation de la victime et de déterminer ce qui doit être fait pour assurer sa sécurité et la protéger contre d'autres actes de violence ou traumatismes. Il est également important de veiller à ce que toutes les victimes potentielles soient protégées.

d. Réactions

En se basant sur les faits recueillis et sur la connaissance générale qu'on a de la famille de la victime, de l'agresseur et des personnes que le problème touche de près, l'objectif visé à cette étape est de prévoir les réactions probables de l'agresseur, de son conjoint, des membres de la famille de la victime et de la victime elle-même par suite de la divulgation des faits et de se préparer à faire face à ces réactions (et aussi s'attendre à ce que des réactions imprévues se manifestent).

(Nota : Prévoir les réactions ne signifie pas qu'on sait à l'avance quelles réactions se manifesteront. Ici, lorsqu'on dit qu'il faut prévoir les réactions probables, on veut dire qu'il faut être prêt à faire face aux différentes réactions qui pourraient se manifester. On ne peut jamais prévoir avec certitude ce qui se produira, mais il est souvent possible de se faire une idée des réactions qui sont le plus susceptibles de se produire, en se fondant sur les relations qu'entretiennent les membres de la famille élargie ou de la collectivité qui sont touchés par les événements.)

e. Corroboration des faits

Il est capital à cette étape de recueillir les types de renseignements qui seront nécessaires pour prouver ou réfuter devant le tribunal les allégations de violence sexuelle. La corroboration des actes de violence sexuelle est une partie essentielle du processus de rétablissement de l'équilibre. La violence sexuelle est fondamentalement un abus de pouvoir. Par conséquent, il est nécessaire que la personne qui a subi l'abus de pouvoir reçoive du soutien de l'extérieur et que des pouvoirs soient exercés en son nom (SGROI, 1983, p. 88) afin de rétablir l'équilibre qui a été rompu lorsque l'agresseur s'est servi de son pouvoir pour se livrer à des actes de violence sexuelle. À l'étape de l'enquête, il est essentiel de recueillir des renseignements exacts et incontestables qui corroborent les faits révélés à l'origine, de sorte que le pouvoir conféré par la loi et la volonté d'un grand nombre de personnes de la collectivité puissent être utilisés pour confronter l'agresseur aux témoignages. Il est important que des professionnels bien formés orientent l'enquête de façon que le processus se déroule correctement. Une enquête mal menée peut avoir des conséquences graves sur le plan légal et pour la collectivité, soit parce qu'une personne innocente fait l'objet d'une poursuite ou que l'agresseur demeure en liberté.

f. Répercussions

Il y a une autre étape capitale qu'il convient d'entreprendre immédiatement après la divulgation des faits. Il s'agit de l'évaluation de la victime sur les plan mental, psychologique, physique et spirituel et du choix des soins de santé dont elle a besoin. C'est la première étape du processus de guérison, car on reconnaît la souffrance de la victime et on peut lui apporter du soutien. Il est également important de commencer immédiatement à établir un plan de guérison en fonction des besoins de la victime.

g. Soutien de la famille et du réseau social

On cherchera aussi, à cette étape, à déterminer dans quelle mesure la victime pourra recevoir un soutien constant et approprié de sa famille et de son réseau social, soutien qui lui permettra de surmonter ses difficultés au moment de la divulgation et d'entreprendre un véritable processus de guérison. Si l'intervention, le traitement et le processus de guérison sont confiés à une équipe d'intervention communautaire, il est important de comprendre que cette équipe aura parfois besoin d'une aide professionnelle parce que les problèmes auxquels elle devra faire face exigeront parfois une formation professionnelle poussée. Par exemple, la victime peut être gravement traumatisée et souffrir d'un trouble mental grave, la situation peut être particulièrement explosive à cause des risques de violence, d'autres actes de violence peuvent être commis et il peut y avoir un risque de suicide très réel (chez la victime, l'agresseur, le conjoint de l'agresseur ou un autre membre de la collectivité parce que les événements peuvent avoir fait resurgir des émotions intenses associées à la violence sexuelle). Dans ces situations, une évaluation professionnelle par un spécialiste peut s'avérer nécessaire pour déterminer l'ampleur des problèmes et les mesures qu'il convient de prendre.

3. Facteurs ayant une incidence sur l'enquête

Comme nous l'avons mentionné précédemment, une fois que la violence sexuelle a été dévoilée, il faut mener une enquête pour découvrir ce qui s'est vraiment passé. Il est important qu'il n'y ait pas de délai (pas même quelques jours) entre le moment où les faits sont dévoilés pour la première fois et le début de l'enquête.

a. Types de renseignements nécessaires

Au cours de l'enquête, il faut veiller à obtenir les types de renseignements suivants :

b. L'importance du premier contact avec la victime

Le premier contact de l'équipe d'intervention communautaire ou d'un autre intervenant avec une victime de violence sexuelle représente un moment critique qui est extrêmement important. Si des mesures appropriées sont prises à cette étape, la victime pourra être protégée contre d'autres actes de violence et s'engager pour de bon dans un processus de guérison, et les renseignements recueillis donneront à la collectivité et à la justice la possibilité de confronter l'agresseur au témoignage de la victime, de sorte que le cycle de la violence sera brisé. Par contre, si les premières étapes de l'intervention et de l'enquête ne sont pas exécutées correctement, les résultats seront inutiles ou désastreux. La victime pourrait alors subir à nouveau de la violence sexuelle et de la violence physique (ou quelque chose de pire). Il arrive que tous les membres de la famille tentent de cacher la vérité. L'explosion des émotions qui suit la divulgation des faits peut causer des préjudices à l'agresseur et à sa famille ou aux proches de la victime. La victime peut être tellement traumatisée par les conséquences de la divulgation des faits (réactions de son entourage) que sa santé mentale peut en être affectée.

D. Le processus d'enquête lorsque la victime est un enfant

1. Connaissances et compétences requises pour travailler auprès d'un enfant à l'étape de la divulgation

L'enquête menée dans les cas d'allégations de violence sexuelle requiert des connaissances, des compétences et des méthodes différentes selon que la victime est un enfant (ou un adolescent) ou un adulte. Pour travailler efficacement auprès d'un enfant à l'étape de la divulgationNote de bas de page 13, il est important, notamment, de savoir comment :

  1. gagner la confiance de l'enfant et établir une relation de travail avec lui;
  2. déterminer quel stade de développement l'enfant a atteint et comment il perçoit le monde, c'est-à-dire comment il comprend la notion de nombre et la notion de temps, comment il voit et décrit les personnes plus âgées que lui, ce qu'il croit que les gens savent ou ne savent pas, ce qu'il croit être bon ou mauvais, comment il comprend les liens de causalité (quelle est la cause de telle ou telle chose), ses connaissances ou ce qu'il pense de son corps ou de sa sexualité;
  3. aider l'enfant à décrire en détail ce qui s'est réellement passé;
  4. éviter de forcer l'enfant à révéler des choses qu'il n'est pas prêt à révéler ou des choses qui ne correspondent pas à ce qu'il pense;
  5. éviter d'exercer une influence, de quelque façon que ce soit, sur le contenu des déclarations de l'enfant (pour être considérés par le tribunal, les renseignements doivent venir de l'enfant, sans que les questions ne soient formulées de façon à lui suggérer ce qu'il doit dire, à l'amener ou à l'inciter à dire certaines choses)Note de bas de page 14;
  6. évaluer les effets de la violence sexuelle sur l'état mental, psychologique, physique et spirituel de l'enfant;
  7. évaluer les besoins de l'enfant sur le plan de la protection -- contre d'autres actes de violence sexuelle, un acte de vengeance, une punition ou une tentative pour amener l'enfant à rétracter (dire qu'elle a menti) ce qu'elle a dit;
  8. établir le plan de guérison de l'enfant et le mettre en oeuvre;
  9. évaluer le soutien que l'enfant reçoit de sa famille et de la collectivité.

2. Renseignements à recueillir

Les renseignements à recueillir durant la première entrevue avec l'enfant sont énumérés dans la liste qui suit, qui a été établie par le Metropolitan Toronto Chairman's Special Committee on Child Abuse (1983) :

3. Lignes directrices pour l'entrevue avec l'enfant

Préparation

a. Choisissez un endroit neutre (c'est-à-dire un endroit autre que celui où les actes de violence sexuelle ont eu lieu) qui procurera l'intimité, la tranquillité et le confort.

b. S'il s'agit d'un jeune enfant, apportez des jouets, du papier, des marqueurs de couleur et un dessin montrant clairement les parties de l'anatomie d'une fille ou d'un garçon pour que l'enfant puisse montrer du doigt les endroits où il y a eu attouchements ou contact sexuel.

c. Si possible, travaillez en équipe (p. ex., un policier et un représentant des services de protection de l'enfance) et déterminez à l'avance qui dirigera l'entrevue. Entendez-vous avant l'entrevue sur l'approche qui sera suivie.

d. Disposez les sièges de façon que l'enfant ne se sente pas menacé. L'enfant se sentira plus à l'aise dans un cercle que si les adultes se tiennent devant lui de façon imposante ou si deux adultes lui font face. S'il y a plusieurs adultes, l'un d'eux peut s'asseoir à côté de l'enfant et l'autre en face (ou les deux de chaque côté de lui).

e. Dans certaines collectivités, on désigne un « allié » -- qui n'est pas un proche parent (pour éviter qu'il tente d'influencer les propos de l'enfant) -- qui sera assis derrière l'enfant, hors de son champ de vision. Si l'un des parents a commis les actes de violence sexuelle ou encore s'il a caché les faits ou fermé les yeux sur cette violence, il ne devrait pas être présent.

f. Utilisez un magnétophone activé par la voix ou une caméra vidéo pour enregistrer l'entrevue.

étape préparatoire de l'entrevue

g. Expliquez à l'enfant votre rôle en termes simples (« Mon travail est d'aider les enfants qui semblent avoir des problèmes. »). Dites à l'enfant que vous avez déjà parlé avec d'autres enfants qui ont des problèmes.

h. Prenez le temps de bavarder avec l'enfant pour qu'il puisse faire connaissance avec vous et avec les membres de votre équipe. Posez-lui des questions sur sa vie -- parlez-lui de son école, de ses amis, de ses passe-temps préférés.

i. Au cours de la conversation, posez des questions qui vous permettront d'évaluer le niveau de développement de l'enfant.

(Nota : Les habitudes de vie de l'enfant et les journées spéciales dans sa vie lui donneront des points de référence à partir desquels il sera amené à parler de la violence sexuelle qu'il a subie. Les jeunes enfants ne peuvent généralement pas préciser que les actes de violence sexuelle se sont produits tel jour, à telle heure -- p. ex., le 19 septembre, à 14 h 30. Ils se souviendront plutôt de certains détails « Je venais tout juste d'arriver de la garderie. Maman était au travail. Mon oncle Jacques est encore venu dans ma chambre, etc.)

j. Dites à l'enfant : « Nous allons parler uniquement de ce qui s'est réellement passé, ce n'est pas un jeu, il faut dire la vérité. »Note de bas de page 15 Expliquez à l'enfant qu'il a le droit de dire « Je ne sais pas. »

k. Aborder la question de façon générale au début, puis soyez plus précis. Orientez peu à peu la conservation vers ce que vous voulez savoir en vous fondant sur les réponses que l'enfant vous donne. Commencez par parler de ce que tout le monde sait. Vous pouvez dire, par exemple : « Nous avons entendu dire qu'il t'est arrivé quelque chose qui t'a rendu triste. Est-ce vrai? Quelqu'un t'a-t-il fait de la peine dernièrement? » Si cela ne donne pas de résultats, dites : « Nous avons entendu dire que tu avais mal lorsque tu t'asseyais. Que t'est-il arrivé? »

l. Si l'enfant commence à décrire ce qui s'est passé, écoutez-le et n'essayez pas d'interpréter ce qu'il dit avant qu'il n'ait terminé.

m. Répétez ce que l'enfant a dit, dans ses propres mots. Posez-lui des questions pour l'amener à préciser le sens de certains mots (comme « mes fesses »).

n. Essayez d'obtenir des détails sur l'incident et de savoir comment l'agresseur s'y est pris pour arriver à ses fins (p. ex. :« Il m'a regardé, m'a promis une récompense, m'a touché par-dessus mes vêtements et a enlevé son pantalon. J'ai enlevé mon pantalon. Il a touché à son machin. Ensuite, j'y ai touché aussi ».) Si l'enfant a de la difficulté à formuler sa pensée :

o. Demandez à l'enfant pourquoi il s'est décidé à révéler son secret. (Parfois, cette question amène l'enfant à révéler les changements qu'il souhaite et à parler de sa situation familiale.)

p. Demandez à l'enfant ce qui va arriver, selon lui ou elle, et comment les membres de sa famille vont réagir par suite de la divulgation des faits.

q. Remerciez l'enfant et félicitez-le de sa bravoure et de son honnêteté. Dites-lui que ce qui est arrivé n'est pas de sa faute et que vous croyez ce qu'il a dit.

étapes à suivre après l'entrevue

r. évaluez les effets de la violence sexuelle sur l'enfant (état physique, psychologique, mental et spirituel). L'aide-mémoire suivant peut être utile à cette finNote de bas de page 16 :

s. Prenez un rendez-vous avec le médecin le plus tôt possible pour un examen médical complet. Demandez au médecin de dire à l'enfant que tout est normal. Prévenir l'enfant qu'il subira un examen complet.

t. évaluez le risque pour déterminer s'il y a lieu d'intervenir afin de protéger l'enfant contre d'autres actes de violence ou traumatismes ou contre des pressions visant à amener l'enfant à se rétracter. Suzanne Sgroi suggère de considérer les aspects suivantsNote de bas de page 17 :

4. Exigences de la loi

Si vous avez des preuves suffisantes qu'un enfant a été victime de violence sexuelle, vous êtes tenu par la loi de prendre les mesures qui suivent :

a. signaler le cas au service de police ou à un officier de la justice et

b. au service de protection de l'enfance de votre région.

À moins que vous ne soyez membre d'une équipe d'intervention communautaire qui a conclu des ententes avec ces deux services sur la façon de gérer les cas d'enfants victimes de violence sexuelle, ces services mèneront probablement leur propre enquête séparément.

(Nota  : Comme nous l'avons mentionné précédemment, un grand nombre de collectivités autochtones cherchent à mettre sur pied des équipes d'intervention communautaires comprenant des représentants des organismes d'application de la loi et des services de protection de l'enfance. Une telle approche exige une intervention intégrée et concertée de la part des travailleurs communautaires, des organismes d'application de la loi et des services de protection de l'enfance chargés des cas de violence sexuelle chez les enfants.)

5. Le risque de traumatisme répété

Chaque fois que l'enfant doit raconter son histoire, il revit les émotions pénibles reliées à la violence qu'il a subie. Par conséquent, nous recommandons fortement que l'entrevue initiale, l'enquête et l'intervention soient menées par une équipe composée de représentants de tous les organismes compétents (en général, les services de santé mentale communautaires, la police et les tribunaux et les services de protection de l'enfance), de manière que l'enfant n'ait à raconter son histoire qu'une seule fois. Il peut s'avérer nécessaire d'interroger l'enfant à nouveau pour une connaissance plus approfondie des faits ou pour obtenir des éclaircissements, mais au moins l'enfant n'aura pas à être interrogé maintes et maintes fois. S'il est nécessaire de l'interroger à nouveau après l'entrevue initiale, il est préférable habituellement que ce soient les mêmes personnes qui mènent l'entrevue (qui ont déjà gagné la confiance de l'enfant).

E. Si la victime est un adulte

La plupart des lignes directrices énoncées ci-dessus s'appliquent aussi lorsque la victime est un adulte. Il y a cependant certaines différences, dont voici les plus importantes :

  1. Dans la plupart des cas, la violence sexuelle a eu lieu dans le passé, au moment où la victime était un enfant ou un adolescent.
  2. Le traumatisme et les conséquences de la violence sur le développement de la personne ont eu des répercussions plus tard à l'âge adulte, de sorte qu'il faut habituellement tenir compte de tous ces aspects durant le processus de guérison.
  3. Il n'y a pas de limite de temps imposée quant au moment où des poursuites peuvent être intentées contre un délinquant sexuel. Des accusations peuvent être portées même trente ans plus tard. La différence entre les enfants et les adultes à cet égard est que l'adulte doit lui-même décider de porter plainte et d'engager des poursuites, s'il le souhaite. L'enfant, lui, n'a pas à prendre de décision. Les cas de violence sexuelle chez un enfant doivent toujours être signalés aux autorités et des accusations sont automatiquement portées si les circonstances justifient une intervention de la justice.

De plus amples détails sur les expériences et les besoins des adultes victimes de violence sexuelle sont donnés dans la partie III.

F. Confrontation de l'agresseur

Une autre étape du processus d'enquête est la confrontation de la personne accusée de violence sexuelle. À moins que l'équipe d'intervention communautaire ou l'organisme qui intervient ne soit a) habilité par la loi et les ententes conclues avec les organismes d'application de la loi et b) n'ait reçu la formation nécessaire à cette fin, la confrontation de l'agresseur devrait relever des professionnels qui ont cette responsabilité en vertu de la loi et en raison de leur formation. L'étape de la divulgation peut représenter pour l'accusé une période de tension extrême. Une confrontation menée par des personnes qui n'ont pas une formation et une expérience suffisantes peut avoir les conséquences suivantes : négation des faits et camouflage permanent de la violence sexuelle, nouveaux actes de violence ou dommages encore plus graves subis par la victime ou encore comportement violent ou suicidaire chez l'agresseur, la victime, la conjointe (ou le conjoint) de l'agresseur ou même chez un autre membre de la collectivité qui se remémore la violence qu'il a lui-même subie dans le passé. Qu'il suffise de dire que la confrontation de l'agresseur fait partie du processus de guérison et qu'elle exige de la préparation et une formation approfondie et que des ententes préalables aient été conclues.

Les lignes directrices qui suivent ont été établies par l'équipe d'intervention communautaire d'Hollow Water (Manitoba) pour faciliter la confrontation de l'accusé. Ces lignes directrices s'appliquent uniquement aux collectivités qui ont une équipe d'intervention communautaire et qui sont habilitées, dans le cadre d'une entente avec le système de justice, à prendre en charge les agresseurs reconnus coupables qui doivent suivre un programme communautaire de traitement et de guérison.

  1. Abordez le présumé agresseur et présentez-lui les renseignements recueillis à l'étape de la divulgation.
  2. Indiquez-lui les mesures qui ont été prises pour assurer la sécurité de la victime.
  3. Expliquez-lui qu'il est possible que l'affaire se règle dans la collectivité, selon a) la gravité de l'infraction (des infractions) et b) sa volonté de collaborer au processus conformément à l'entente conclue entre le système de justice et l'équipe d'intervention communautaire.
  4. Dites-lui clairement que toute tentative de sa part pour nuire au processus ou à la victime aura pour conséquence que la collectivité n'aura plus qu'un rôle secondaire et que l'affaire sera prise en charge principalement par le système judiciaire.
  5. Assurez-vous que le présumé agresseur a un allié. Cette personne devra être bien consciente du fait que l'agresseur pourrait tenter de se suicider ou de manifester de la violence envers les autres et elle devra lui offrir du soutien sans lui faire de menaces, ni le juger et ne pas l'encourager à nier les faits.
  6. Informez le présumé agresseur que, s'il choisit l'approche communautaire, il devra a) accepter l'entière responsabilité de ses actes et b) consentir à subir une évaluation psychologique.
  7. Dites au présumé agresseur qu'on communiquera avec lui dans les cinq prochains jours pour l'informer  a) des conclusions de l'équipe d'intervention communautaire suite à son évaluation et b) de ce que la collectivité peut lui offrir dans le cadre d'une approche traditionnelle axée sur la guérison, compte tenu des actes qu'il a commis.
  8. Prenez les dispositions nécessaires à l'endroit de l'agresseur (p. ex., évaluation psychologique, groupe d'agresseurs).

G. L'importance de consigner les renseignements

Il est essentiel que les travailleurs communautaires, qu'ils fassent partie ou non d'une équipe d'intervention communautaire, consignent les renseignements recueillis durant le processus de divulgation, et ce du moins pour les raisons suivantes.

  1. La consignation des renseignements permet à toutes les parties (la collectivité, la police, les tribunaux, les services de protection de l'enfance et les services de santé) d'harmoniser leur intervention et d'être au courant des activités des autres intervenants. Les rapports de police peuvent aider les professionnels de la santé mentale à comprendre les conséquences de la violence sexuelle chez les enfants qui en ont été victimes. Les rapports des conseillers en santé mentale peuvent aider le tribunal à déterminer dans quelle mesure l'agresseur s'est réadapté. Plusieurs autres exemples pourraient être donnés à cet égard.
  2. De même, la consignation des renseignements permet aux professionnels de l'extérieur qui interviennent à une étape quelconque du processus de savoir exactement ce qui s'est passé et de connaître l'état de la situation dans un cas précis. De plus, en raison du roulement des intervenants dans la collectivité et de l'absentéisme, la consignation des renseignements est nécessaire pour que les personnes qui doivent intervenir et qui n'ont pas une connaissance approfondie du dossier puissent prendre part au processus et assumer le rôle de conseiller ou de défenseur devant le tribunal. Sans la consignation des renseignements, il ne serait pas possible de procéder ainsi.
  3. La supervision du travail des membres d'une équipe d'intervention communautaire ou d'autres travailleurs communautaires par des psychologues ou des conseillers juridiques ayant reçu une formation spéciale exige également que toutes les mesures et activités des membres de l'équipe soient consignées.
  4. La consignation des renseignements peut contribuer à concilier le point de vue des Autochtones avec celui des institutions de la société dominante (comme les services de protection de l'enfance, les services de police et les ministères de la Justice) à l'égard des interventions et des traitements à offrir en matière de violence sexuelle. Si les renseignements sont bien consignés, les différents ministères auront davantage confiance en la capacité des collectivités autochtones de jouer un rôle actif et formatif dans la gestion des cas de violence sexuelle.
  5. Si les collectivités autochtones désirent maintenir ou accroître le financement de leurs programmes communautaires d'intervention et de traitement en matière de violence sexuelle, elles doivent être en mesure de démontrer l'efficacité de ces programmes. La consignation des renseignements ainsi que l'évaluation et le contrôle périodiques des programmes sont des moyens importants pour démontrer l'efficacité de l'équipe d'intervention communautaire.
  6. Il est important d'établir des procédures de consignation uniformes et appropriées si on veut assurer l'efficacité des programmes communautaires d'intervention en matière de violence sexuelle et des relations de travail entre la collectivité, le système de justice et les services de protection de l'enfance. Les travailleurs communautaires qui sont appelés à gérer les divulgations d'actes de violence sexuelle auront la tâche plus facile durant cette période stressante et éprouvante s'il existe des formules et des procédures de consignation uniformisées.

PARTIE III PROBLÈMES ET BESOINS À L'éTAPE DE LA DIVULGATION

Dans la présente section, nous examinerons le problème de la violence sexuelle en nous plaçant du point de vue des principaux intéressés, de façon à nous faire une idée claire des différents types de besoins et de problèmes qui surviennent à cette étape. Nous nous rendrons vite compte que ces personnes voient la situation de façon différente, qu'elles ont des priorités et des besoins différents et que, par conséquent, les interventions des professionnels et des travailleurs communautaires doivent être différentes selon les personnes à qui elles s'appliquent.

Dans le guide, nous avons suggéré qu'une équipe d'intervention communautaire soit chargée de s'occuper des cas de violence sexuelle. Dans les collectivités autochtones, un grand nombre de travailleurs communautaires travaillent de façon relativement isolée. Divers programmes, notamment les programmes en matière de santé et d'éducation, les programmes des services de police et ceux des services sociaux, fonctionnent indépendamment les uns des autres et les personnes chargées d'un même programme ne travaillent pas nécessairement en collaboration. Cette situation rend difficile la tâche des travailleurs communautaires qui s'occupent des cas de violence sexuelle. Ces derniers ne reçoivent pas de soutien de leurs collègues dans des situations qui sont souvent stressantes et ils ne peuvent pas profiter des avantages de travailler au sein d'une équipe formée de membres provenant de plusieurs organismes, ce qui leur permettrait de s'assurer que tous les aspects du problème sont pris en considération.

Par conséquent, il est important de mettre sur pied une équipe communautaire qui sera chargée d'intervenir à l'étape de la divulgation. Dans certaines collectivités, cette équipe établira des liens officiels avec le système de justice et les services de protection de l'enfance afin d'offrir aux agresseurs des programmes de traitement et de guérison comme solution de rechange à l'incarcération. Dans d'autres cas, l'équipe communautaire travaillera de façon plus informelle, mais ses membres auront quand même la possibilité de travailler en collaboration avec le système de justice et les services de protection de l'enfance. Dans les pages suivantes, on entend par « équipe communautaire » les membres de la collectivité qui ont accepté de travailler ensemble afin de mener des interventions intégrées et efficaces à l'étape de la divulgation d'actes de violence sexuelle.

Les personnes et groupes suivants ont tous des besoins et des problèmes qui doivent être pris en considération à l'étape de la divulgation : a) la victime, b) l'agresseur, c) la famille de la victime, d) la conjointe ou le conjoint de l'agresseur, e) la famille de l'agresseur, f) la collectivité, g) les services de protection de l'enfance, h) le système de justice et i) le travailleur communautaire qui facilite la divulgation ou effectue l'enquête.

A. La victime

Les travailleurs communautaires à qui des actes de violence sexuelle ont été divulgués ou qui exécutent des programmes communautaires en collaboration avec le système de justice, les services sociaux ou les services de santé ont principalement pour rôle de protéger la victime et de lui apporter du soutien tout au long du processus de divulgation, qui représente pour elle une période de grand désarroi. Les points énumérés ci-après, qui décrivent ce que ressentent les victimes de violence sexuelle et qui indiquent le type de soutien dont ces personnes ont besoin pour passer, en toute sécurité, de l'étape de la divulgation à celle de la guérison, seront utiles aux travailleurs communautaires, qui doivent s'assurer que les besoins des victimes sont pris en compte et que les mesures prévues par la loi sont appliquées à l'endroit du présumé agresseur.

  1. Ce que la victime peut éprouver :
    • Peur que quelqu'un découvre les faits.
    • Peur de représailles de la part de l'agresseur.
    • Peur des conséquences de la divulgation (découlant de ce que quelqu'un lui a fait croire).
    • Honte (je suis sale, je suis méchante).
    • Culpabilité (c'est de ma faute).
    • Culpabilité face aux sensations ressenties.
    • Peur de perdre sa famille, son foyer ou ses parents (dans les cas d'inceste).
    • Peur d'être blâmée ou accusée d'avoir causé des ennuis.
    • Souffrances physiques reliées à la violence sexuelle.
    • Peur d'avoir des lésions corporelles permanentes.
    • Peur d'avoir été salie (personne ne pourra m'aimer).
    • Désespoir, idées de suicide.
    • Trop grand éveil sexuel (pour son âge).
    • Sentiment d'impuissance et incapacité d'agir sur le monde qui l'entoure.
    • Difficulté à se concentrer à l'école ou au travail.
    • Incapacité de ressentir, de donner ou de recevoir de l'affection (sauf, dans certains cas, par des actes sexuels).
    • Incapacité de se faire des amis ou de les garder.
  2. Ce que l'équipe communautaire peut faire pour aider la victime :
    • Croire ce qu'elle raconte.
    • Lui dire que ce qui s'est passé n'est pas de sa faute.
    • La protéger contre d'autres actes de violence ou traumatismes.
    • La protéger contre les tentatives de certaines personnes pour la forcer à se rétracter / à nier ce qu'elle a divulgué.
    • Lui fournir un allié sur qui elle pourra compter (une personne qui croit l'enfant et en qui ce dernier a confiance et vers qui il peut se tourner pour obtenir de l'aide, des conseils et des encouragements.
    • Lui faire subir une évaluation mentale, psychologique, physique et spirituelle.
    • Intervenir rapidement pour qu'elle commence le plus tôt possible sa guérison.
    • Lui offrir une certaine stabilité dans ses activités quotidiennes.
    • Lui fournir un foyer où elle sera en sécurité.
    • Lui donner beaucoup d'affection, de la confiance en elle-même et l'accepter.
    • Lui dire qu'elle pourra guérir.
    • Lui dire ce qui va être fait pour rétablir l'équilibre.

B. L'agresseur

Lorsqu'une personne est confrontée à des allégations de violence sexuelle, elle peut être prise de panique. Il s'agit d'une période de tension extrême où l'accusé peut manifester de la violence envers des personnes qui représentent une menace à sa sécurité et à son mode de vie. L'accusé peut être tenté de se suicider plutôt que de devoir affronter une situation extrêmement pénible, c'est-à-dire démontrer son innocence ou assumer la responsabilité de ses actes ‑‑ processus de guérison et dédommagement de la victime. Les relations avec le présumé agresseur sont parfois très difficiles en raison de sa colère, de sa dépression, de sa négation des faits et, par conséquent, de son refus de collaborer aux processus d'enquête, de traitement et de rétablissement de l'équilibre et de l'harmonie au sein de la famille et de la collectivité.

Ainsi, il est extrêmement important que les travailleurs communautaires comprennent ce que le présumé agresseur ressent et ce dont il a besoin pour pouvoir traverser les étapes de la divulgation et de l'enquête et en arriver finalement à assumer l'entière responsabilité de ses actes et suivre un programme de traitement pour devenir un membre équilibré de la collectivité.

  1. Ce que l'agresseur peut éprouver :
    • panique,
    • peur d'aller en prison,
    • peur de la colère des membres de sa famille,
    • peur de perdre sa conjointe et ses enfants,
    • peur de perdre le respect de la collectivité,
    • se sent démoralisé, sale et bon à rien,
    • honte et culpabilité,
    • colère envers ceux qui ont divulgué des faits, surtout envers la victime,
    • blâme la victime de lui avoir causé des ennuis,
    • nie les faits ou la gravité des actes,
    • dépression,
    • idées de suicide,
  2. Ce que l'équipe communautaire peut faire pour aider l'agresseur :
    • Le traiter avec justice et équité.
    • Le voir comme un être humain qui doit s'engager dans un processus de guérison.
    • Le confronter avec honnêteté et objectivité aux faits qui ont été divulgués.
    • L'encourager à admettre tout ce qu'il a fait subir à la victime.
    • L'encourager à admettre tous les actes de violence sexuelle qu'il a fait subir à d'autres victimes.
    • L'amener à comprendre que personne ne naît agresseur, mais qu'on peut le devenir et qu'il est possible de mettre fin au cycle de la violence et de guérir.
    • L'informer des conséquences de ses actes sur le plan légal et des méthodes de guérison qui lui sont offertes comme solution de rechange à l'incarcération.
    • Le protéger contre lui-même et contre les autres (suicide ou représailles sous forme d'actes de violence).

C. Les membres de la famille de la victime

Les membres de la famille de la victime peuvent éprouver un grand désarroi lorsqu'ils apprennent qu'un des leurs subit ou a subi dans le passé de la violence sexuelle. La violence sexuelle est perçue par la société comme une chose tellement répugnante qu'il arrive que les membres de la famille de la victime tentent de nier ou de camoufler les faits parce qu'ils ne veulent pas faire l'objet d'une enquête policière et, s'il s'agit d'un enfant, d'une enquête menée par les services de protection de l'enfance, auquel cas l'affaire deviendrait « publique », avoir à comparaître en justice ou soutenir la victime durant le long processus de traitement et de guérison qu'elle devra entreprendre. Cette situation est encore plus grave si le présumé agresseur est un membre ou un ami de la famille de la victime.

Il peut aussi arriver que certaines membres de la famille de la victime en veuillent tellement à l'agresseur qu'ils soient tentés de faire eux-mêmes justice, ou encore qu'ils se sentent trahis et tellement en colère qu'ils négligent les besoins de la victime. Il est également possible que la divulgation des faits incite d'autres membres de la famille à admettre le fait qu'ils ont déjà été eux-mêmes victimes ou agresseurs. En raison de leurs propres besoins, ces personnes peuvent avoir de la difficulté à apporter du soutien à la victime durant cette période de grand désarroi et de peur.

étant donné ces réactions assez courantes chez les membres de la famille de la victime, il est important que les travailleurs communautaires répondent aussi aux besoins de ces personnes durant le processus de divulgation. Si les travailleurs communautaires manquent à cette tâche, la souffrance de la victime pourra être plus grande encore, il sera peut-être plus difficile de connaître les faits exacts et il risque de se produire une réaction en chaîne entraînant des problèmes de santé mentale chez les membres de cette famille.

  1. Ce que les membres de la famille de la victime peuvent éprouver :
    • Sentiments divers, selon l'identité de l'agresseur.
    • Si l'agresseur est un membre de la famille, certains pourront nier les faits ou tenter de les camoufler.
    • Sentiments divers chez les frères et sœurs de la victime, qui peuvent eux aussi avoir subi de la violence sexuelle ou qui savaient que cette forme de violence était exercée : ils peuvent se sentir soulagés et apporter du soutien à la victime ou, au contraire, avoir peur, nier les faits et être en colère contre la victime pour avoir exposé leur souffrance au grand jour ou pour avoir brisé leur famille.
    • Sentiments variés chez les membres de la famille élargie : soutien de la victime et sympathie pour elle, ou encore incrédulité, négation des faits, peur qu'on découvre qu'ils subissent eux aussi de la violence sexuelle ou honte pour leur famille.
    • Grand besoin de connaître les faits.
    • Si l'agresseur ne fait pas partie de la famille, il arrive souvent que les membres de la famille apportent du soutien à la victime et sympathisent avec elle.
    • Les membres de la famille qui ont déjà subi de la violence sexuelle et qui n'en ont jamais parlé revivent des sentiments pénibles.
  2. Ce que l'équipe communautaire peut faire pour aider les membres de la famille de la victime :
    • Leur donner l'occasion d'exprimer leurs sentiments.
    • Leur apporter du soutien lorsqu'ils expriment leurs sentiments.
    • Leur indiquer de quelle façon ils peuvent aider la victime.
    • Les encourager à dire tout ce qu'ils savent au sujet du cycle de la violence au sein de leur famille et les inciter à entreprendre leur propre processus de guérison.
    • Leur dire comment protéger les membres de leur famille qui ont vécu un drame semblable (suicide et actes de violence).
    • Les encourager à participer au rétablissement de l'équilibre (processus judiciaire et processus de guérison).
    • Leur dire ce qui va être fait pour rétablir l'équilibre.

D. La conjointe (ou le conjoint) de l'agresseur

Le traumatisme vécu par la conjointe d'une personne accusée de violence sexuelle est aussi intense que celui que vit une personne qui voit mourir son partenaire de longue date. La tendance naturelle de la conjointe est de nier les faits et de blâmer la victime d'avoir bouleversé si profondément sa vie. La conjointe éprouve aussi naturellement de la gêne et de la honte en raison de la perception très négative qu'a la société de la violence sexuelle. Souvent, la conjointe a un choix difficile à faire. Doit-elle tenter d'apporter du soutien à son conjoint au cours de la procédure judiciaire, de l'enquête ou du traitement ou encore le quitter pour entreprendre une vie nouvelle avec ses enfants?

La conjointe de l'agresseur peut faire une dépression ou même tenter de se suicider, ou manifester de la colère ou de la violence envers l'agresseur ou la victime. Il arrive souvent que la conjointe se blâme pour ce qui est arrivé, ce qui peut accroître sa honte et son désarroi. Il est évident que la conjointe de l'agresseur a besoin d'un soutien particulier pour être capable de composer avec les sentiments pénibles qu'elle ressent et de continuer de répondre aux besoins élémentaires des membres de sa famille.

  1. Ce que la conjointe de l'agresseur peut éprouver :
    • choc,
    • besoin de protéger l'agresseur,
    • incapacité d'accepter les faits, incrédulité,
    • nie les faits et tente de les camoufler,
    • peur de briser son mariage, de perdre sa sécurité, etc.
    • ressent de la colère envers la victime, qui, selon elle, a menti ou causé des ennuis,
    • ressent de la colère envers la victime et la blâme d'avoir séduit l'agresseur et être à l'origine des actes qu'il a commis,
    • sentiments de colère ou même de rage envers l'agresseur,
    • sentiments d'avoir été rejetée, bafouée et d'être indigne,
    • se blâme de n'avoir pas été une bonne conjointe (sur le plan sexuel ou à d'autres égards),
    • sentiment de perte (comme lors d'un deuil), dépression,
    • idées de suicide.
  2. Ce que l'équipe communautaire peut faire pour aider la conjointe de l'agresseur :
    • Lui expliquer clairement ce qui s'est passé.
    • Lui trouver un allié qui soit en mesure de lui apporter du soutien et de l'accompagner tout au long du processus.
    • Lui donner l'occasion d'exprimer ses sentiments.
    • Lui dire comment se dérouleront la procédure judiciaire et le processus de guérison.
    • Lui dire qu'il est possible de rétablir l'équilibre (guérison), mais que cela prendra du temps.
    • Lui assurer que la collectivité apportera une aide concrète aux membres de sa famille et comblera leurs besoins (argent, counseling, etc.).
    • Dans les cas d'inceste, lui indiquer comment aider la victime tout en considérant que l'agresseur est un être humain et qu'il a des chances de guérir avec le temps.
    • Lui dire qu'on ne naît pas agresseur, mais qu'on peut le devenir.
    • Lui indiquer comment apporter du soutien à l'agresseur au cours du processus de guérison.

E. Les membres de la famille de l'agresseur

Les membres de la famille de l'agresseur ressentent en grande partie les mêmes sentiments que les membres de la famille de la victime. Ils éprouvent du désarroi, de la peur, de la gêne et de la honte. Mais contrairement aux membres de la famille de la victime, qui reçoivent dans certains cas du soutien et de la sympathie de la collectivité, ils se sentent généralement isolés et ont l'impression que les membres de leur collectivité les fuient. Ils peuvent aussi, comme la conjointe de l'agresseur, être ambivalents - devraient-ils apporter du soutien à l'agresseur et même nier les faits ou bien devraient-ils le renier et ne plus avoir de relations avec lui?

Comme les membres de la famille de la victime, ils peuvent se remémorer, par suite de la divulgation, la violence sexuelle qu'ils ont eux-mêmes subie ou fait subir. Ils sont ainsi accablés par leur peine et leur désarroi. Il est donc très difficile pour eux d'entretenir de bonnes relations avec la victime ou l'agresseur et de contribuer au rétablissement de l'équilibre et de l'harmonie au sein de la collectivité. Ici encore, il est important que les travailleurs communautaires connaissent les sentiments et les besoins spéciaux des membres de la famille de l'agresseur de façon à les aider à demeurer forts durant cette période traumatisante.

  1. Ce que les membres de la famille de l'agresseur peuvent éprouver :
    • Si l'agresseur et la victime font partie de la même famille (inceste), voir la section ci-dessus qui porte sur les membres de la famille de la victime.
    • Si l'agresseur n'est pas un membre de la famille de la victime, les membres de la famille de l'agresseur peuvent ressentir les sentiments suivants :
    • choc,
    • incrédulité et négation des faits,
    • besoin de cacher les faits,
    • besoin de protéger l'agresseur,
    • colère envers la victime,
    • croient que les allégations de violence sexuelle représentent une attaque de la part de la famille de la victime,
    • ressentent le besoin de protéger la bonne réputation de la famille,
    • peur que l'agresseur ou des membres de leur famille soient la cible d'actes de vengeance,
    • peur de l'éclatement de la famille,
    • colère envers l'agresseur,
    • rejet de l'agresseur,
    • se remémorent des actes de violence sexuelle subis dans le passé et non révélés.
  2. Ce que l'équipe communautaire peut faire pour aider les membres de la famille de l'agresseur :
    • Leur trouver un allié qui soit en mesure de leur apporter du soutien et de les accompagner tout au long du processus.
    • Les mettre au courant de ce qui s'est réellement passé.
    • Leur donner l'occasion de s'exprimer (p. ex., exprimer leurs sentiments).
    • Les encourager à entreprendre un processus de guérison individuel.
    • Leur expliquer ce qui va probablement se passer.
    • Leur dire qu'on peut guérir avec le temps.
    • Leur indiquer que personne ne naît agresseur, mais qu'on peut le devenir et que l'agresseur reste la même personne, celle qu'ils continuent d'aimer.
    • Leur dire comment apporter du soutien à l'agresseur au cours de la procédure judiciaire et du processus de guérison.
    • Leur indiquer comment faire pour protéger l'agresseur de ses tendances à l'autodestruction.

F. Les membres de la collectivité

Il n'y a pas que la victime, l'agresseur et les membres de leur famille qui subissent les effets de la violence sexuelle. En fait, tous les membres de la collectivité en subissent les conséquences. La divulgation d'actes de violence sexuelle peut faire resurgir de la souffrance et de la colère reliées à de la violence sexuelle qu'ils ont eux-mêmes subie dans le passé et dont ils n'ont jamais parlé. Les conséquences peuvent être nombreuses, par exemple : suicides, augmentation de la consommation d'alcool et autres drogues, violence et autres problèmes sociaux. Il peut arriver aussi que la divulgation d'actes de violence sexuelle encourage d'autres membres de la collectivité à parler de la violence sexuelle qu'ils subissent ou ont déjà subie dans le passé. En plus de ses conséquences sur les individus et les relations au sein de la collectivité, la divulgation peut aussi avoir pour effet d'affaiblir de façon importante la capacité des membres de la collectivité de s'attaquer au problème de la violence sexuelle.

Les membres de la collectivité peuvent aussi craindre pour leur propre sécurité et penser que l'agresseur a peut-être commis des actes de violence sexuelle contre une personne qu'ils connaissent et qu'ils aiment. Ils peuvent être mal à l'aise face aux relations qu'ils entretiennent avec la victime, l'agresseur ou des membres de leur famille. La violence sexuelle brise l'équilibre et l'harmonie au sein de la collectivité et la divulgation de ce type de violence force la collectivité à rétablir l'équilibre d'une façon ou d'une autre. Les membres de la collectivité peuvent battre en retraite ou blâmer les autres, mais ils peuvent aussi voir cette situation comme une occasion d'entreprendre un processus de guérison et de développement personnel. Les travailleurs communautaires ont un rôle important à jouer à cet égard, soit s'assurer que la collectivité dans son ensemble est capable de profiter de l'occasion qui lui est donnée de progresser sur le plan social, plutôt que de tomber dans les commérages ou les médisances, la consommation d'alcool ou autre drogue, l'aliénation et le désespoir.

  1. Ce que les membres de la collectivité peuvent éprouver:
    • La divulgation d'actes de violence sexuelle peut faire resurgir de la souffrance chez les membres de la collectivité qui ont déjà subi de la violence sexuelle, mais qui n'en ont jamais parlé.
    • Les membres de la collectivité ont besoin de parler de ce qu'ils ressentent dans le cadre d'un processus de guérison constructif.
    • Les personnes qui ont déjà subi de la violence sexuelle ont besoin de savoir à qui elles peuvent s'adresser pour obtenir de l'aide.
    • Il arrive parfois que la divulgation d'actes de violence sexuelle entraîne la divulgation d'autres actes de violence de même nature (il est déjà arrivé que 5, 10 et même 20 personnes se soient décidées à raconter ce qu'elles avaient déjà vécu).
    • Parfois, la divulgation d'actes de violence sexuelle a pour effet de faire resurgir des souvenirs douloureux, de la honte et de la culpabilité qui avaient été enfouis et tous ces sentiments peuvent mener au suicide.
    • Il arrive qu'on assiste à une série de suicides simultanés (comme une épidémie) ou en chaîne.
    • À l'étape de la divulgation, les sentiments intenses de souffrance ou de colère que vivent certains membres de la collectivité les rendent plus ouverts à de rapides changements d'attitudes à l'égard de la violence, du processus de guérison communautaire, de la négation et du camouflage des faits.
  2. Ce que l'équipe communautaire peut faire pour aider les membres de la collectivité:
    • Leur donner concrètement des occasions d'exprimer leurs sentiments.
    • Les encourager à demander de l'aide à l'équipe d'intervention communautaire.
    • Mettre sur pied un projet de surveillance communautaire, qui amènera les membres de la collectivité à être attentifs aux autres (surtout aux jeunes) afin de déceler les signes indiquant qu'une personne a des problèmes sur le plan émotionnel et a besoin d'aide.
    • Leur expliquer clairement ce qui s'est réellement passé.
    • Consacrer beaucoup d'efforts à l'information et à la prévention en matière de violence sexuelle car, bien qu'elle puisse avoir des conséquences graves pour certains, la divulgation peut aussi amener les membres de la collectivité à prendre conscience du problème de la violence sexuelle.
    • L'équipe doit être prête à affronter une série de révélations (par imitation) et une vague de traumatismes dans l'ensemble de la collectivité.
    • Expliquer aux membres de la collectivité ce qui sera fait pour rétablir l'équilibre.

G. Les services de protection de l'enfance

Les services de protection de l'enfance des provinces et des territoires ont, conformément à la loi, un rôle spécial qui consiste à intervenir lorsque des actes de violence sexuelle leur sont signalés. Leur responsabilité est de s'assurer que les enfants sont protégés contre la violence sexuelle et leur mandat les autorise à placer les enfants dans un milieu sûr. Ils ont aussi le pouvoir de veiller à ce que les enfants victimes de violence sexuelle reçoivent une aide thérapeutique et de communiquer les renseignements utiles au système de justice pour que les allégations fassent l'objet d'une enquête approfondie. Par conséquent, les services de protection de l'enfance doivent être informés de tout cas de violence sexuelle contre des enfants, et les personnes qui appliquent les programmes communautaires de traitement destinés aux victimes de violence sexuelle doivent travailler en étroite collaboration avec ces services (il y a souvent un représentant de ces services au sein de l'équipe d'intervention communautaire). Dans les collectivités où il n'y a pas d'équipe d'intervention communautaire, il est tout de même très important que les travailleurs communautaires comprennent les besoins spéciaux des services de protection de l'enfance de leur province et qu'ils entretiennent avec eux des relations efficaces.

  1. Le rôle des services de protection de l'enfance
    • La loi a conféré aux services de protection de l'enfance un mandat qui consiste à prendre les mesures nécessaires pour que la victime de violence sexuelle soit protégée contre d'autres actes de violence, qu'elle reçoive l'aide thérapeutique nécessaire et que les mesures prévues par la loi soient appliquées à l'endroit de l'agresseur.
    • Pour mener à bien leur tâche, les représentants des services de protection de l'enfance doivent savoir de façon précise ce qui s'est passé et quelle est la situation familiale de la victime.
    • Il est parfois nécessaire de placer la victime dans un foyer où elle sera en sécurité pour la protéger contre d'autres actes de violence sexuelle.
  2. Ce que l'équipe communautaire peut faire pour aider les services de protection de l'enfance
    • Tous les cas de divulgation d'actes de violence sexuelle subis par des enfants doivent (conformément à la loi) être signalés aux services de protection de l'enfance.
    • L'équipe d'intervention communautaire doit comprendre des représentants des services de protection de l'enfance.

H. Le système de justice

Tout comme les services de protection de l'enfance, le système de justice a, en vertu de la loi, des responsabilités et des pouvoirs dans les cas de violence sexuelle. Il est important que les travailleurs communautaires entretiennent des relations de travail efficaces avec la police, le bureau du procureur de la poursuite et les juges qui sont chargés des cas de violence sexuelle dans la collectivité. La plupart des équipes d'intervention communautaires comprennent des représentants des services de police et des tribunaux.

  1. Le rôle du système de justice
    • Les services de police et les tribunaux sont tenus, par la loi, de faire enquête sur tous les cas de violence sexuelle contre des enfants qui leur sont signalés.
    • Pour pouvoir accomplir leur travail, les policiers et les officiers de la justice doivent savoir de façon précise ce qui s'est réellement passé.
    • Il est parfois nécessaire (selon les ententes conclues entre la collectivité et le tribunal) d'arrêter le présumé agresseur, de porter des accusations contre lui et de le placer sous garde jusqu'à ce que le tribunal rende son jugement.
  2. Ce que l'équipe communautaire peut faire pour aider le système de justice
    • Tous les cas de violence sexuelle doivent (conformément à la loi) être signalés à la police ou à un officier de justice qui a accepté la responsabilité de s'occuper de ces cas.
    • L'équipe d'intervention communautaire doit comprendre des représentants du service de police et du tribunal et ceux-ci doivent jouer un rôle actif.

I. Le travailleur communautaire qui facilite la divulgation et effectue les enquêtes

Les travailleurs communautaires qui sont chargés des cas de violence sexuelle ont leurs propres besoins et préoccupations. S'ils n'ont pas la formation nécessaire, ils se sentiront peut-être dépassés. Ils ne parviendront peut-être pas à faire abstraction de leurs sentiments intenses face au problème de la violence sexuelle, ce qui est nécessaire pour pouvoir traiter la victime et l'accusé d'une manière juste et impartiale. La divulgation d'actes de violence sexuelle peut faire resurgir chez eux, tout comme d'autres membres de la collectivité et d'autres membres de la famille de la victime ou de l'agresseur, des souvenirs de violence sexuelle qu'ils ont eux-mêmes subie dans le passé. Il sera alors difficile pour eux de se concentrer sur les besoins des personnes qui sont directement touchées par cette violence.

  1. Ce que le travailleur communautaire peut éprouver :
    • Se sent débordé et insuffisamment préparé.
    • Se sent seul et désemparé.
    • Ne connaît pas très bien ses responsabilités sur les plans légal et moral.
    • Ressent de la colère envers l'accusé.
    • Ressent de la colère envers la victime pour l'avoir placé dans une situation difficile.
    • La violence sexuelle lui inspire de la répugnance.
    • Ne se sent pas capable de répondre aux besoins de toutes les personnes touchées par la violence sexuelle.
    • Ressent de la peine et de la colère en raison de la violence qu'il a lui-même subie dans le passé et dont il n'a jamais parlé.
    • Se sent frustré par le manque de collaboration des autres services et organismes de la collectivité.
  2. Ce que l'équipe communautaire peut faire pour aider le travailleur communautaire:
    • Lui apporter du soutien s'il a vécu lui-même de la violence dans le passé.
    • L'aider à traverser cette période de grand stress où il doit faciliter la divulgation et mener des enquêtes, apporter du soutien au cours de la procédure judiciaire et exercer un suivi sur les personnes qui participent à des programmes de traitement et de guérison.
    • Lui donner l'occasion de travailler au sein d'une équipe composée de travailleurs communautaires qui représentent tous les organismes et services communautaires compétents afin qu'il puisse s'assurer que son intervention en matière de violence sexuelle est équilibrée et globale.

Résumé

Dans la partie III, nous avons exposé brièvement les problèmes et les préoccupations de divers individus et organismes qui sont concernés par la divulgation d'actes de violence sexuelle. Les points qui y sont énumérés constituent des listes de contrôle que les travailleurs communautaires pourront utiliser pour s'assurer qu'ils comprennent les préoccupations de ces individus et organismes et pour savoir de quel genre d'aide ils ont besoin pour rétablir l'équilibre et l'harmonie dans leur vie et dans leurs relations au sein de leur famille et de la collectivité. Cette partie du guide pourra aussi servir de document de planification qui aidera les équipes communautaires à s'assurer que les programmes mis en place tiennent compte de la nature complexe du problème de la violence sexuelle et de ses répercussions sur l'ensemble de la collectivité.

PARTIE IV - RéTABLIR L'éQUILIBRE : LA PLANIFICATION DU PROCESSUS POSTéRIEUR À LA DIVULGATION

Même si le présent guide porte essentiellement sur l'étape « divulgation » de l'intervention en matière d'agression sexuelle, il ne faut pas oublier que la divulgation doit être simplement considérée comme la première étape d'un processus beaucoup plus vaste qui englobe des activités de traitement, de guérison et de prévention. Le travailleur communautaire ne sera peut-être pas appelé à prendre part à toutes ces étapes, mais il doit avoir une certaine compréhension de l'ensemble du processus afin de pouvoir s'acquitter le plus efficacement possible de son rôle.

Comme nous avons l'avons déjà affirmé, la meilleure façon de comprendre le phénomène de la violence sexuelle dans les collectivités autochtones est de l'envisager dans le contexte de la structure globale de la vie familiale et communautaire et dans le contexte d'une perspective culturelle qui préconise le rétablissement de l'équilibre et du mieux-être de la collectivité comme objectif des programmes d'intervention et de traitement. Ce point de vue peut se situer à l'opposé de celui de la société dominante, laquelle considère souvent que l'agression sexuelle est une aberration comportementale individuelle et que les objectifs fondamentaux de l'intervention sont le châtiment et la réadaptation éventuelle du délinquant, ainsi que la protection de la collectivité.

En raison de ces différences de point de vue, de nombreuses collectivités autochtones commencent à mettre sur pied divers types de programmes communautaires axés sur l'intervention, le traitement et la prévention dans le domaine de la violence sexuelle. La constitution d'une équipe d'intervention communautaire est l'une des formules que l'on adopte. Nous avons présenté dans la Partie I du guide des éléments d'information préliminaires sur le mode de fonctionnement possible d'une équipe de ce genre. On trouvera des renseignements plus détaillés à ce sujet dans un document complémentaire, également publié par le Groupe de la politique correctionnelle autochtone du ministère du Solliciteur général du Canada, intitulé Lutte contre les agressions sexuelles : Mise sur pied d'équipes d'intervention communautaires en cas d'agression sexuelle.

Qu'une collectivité décide ou non d'assumer la responsabilité première du traitement des cas de violence sexuelle en mettant sur pied une telle équipe, elle n'en aura pas moins à élaborer des programmes efficaces de prévention et de guérison pour atteindre un plus grand degré de mieux-être et d'équilibre. L'une des premières étapes de ce processus est de faire en sorte que la collectivité soit prête à s'engager dans des activités de prévention, d'intervention, de traitement et de guérison.

A. Créer un milieu propice à la participation de la collectivité

Pour que les membres de la collectivité en viennent à s'engager dans des initiatives d'intervention, de prévention et de traitement, ils doivent sentir qu'ils peuvent le faire en toute sécurité et que leurs efforts produiront des résultats importants pour la collectivité. Ils se formeront une opinion à ce sujet tout autant d'après la façon dont les travailleurs communautaires se comportent que d'après la nature de leur action. Voici certaines suggestions relatives à l'établissement d'un climat de confiance qui favorisera la participation de la collectivité.

1. Consignes à l'intention des travailleurs communautaires

  1. Toujours respecter les principes de la confidentialité afin que les gens sentent qu'ils peuvent se confier en toute sécurité aux membres de l'équipe d'intervention ou aux autres travailleurs communautaires.
  2. Exposer avec une clarté absolue les obligations juridiques et morales du travailleur communautaire en ce qui concerne le signalement des infractions et la reddition de comptes pour éviter que les gens ne se sentent trahis.
  3. Parler des problèmes et non pas des gens.
  4. Reconnaître tout apport et tout pas franchi dans la voie de la guérison, quelque petit qu'il soit.
  5. Croire en la capacité des gens de se guérir eux-mêmes et de faire des choix positifs; communiquer cette conviction à la collectivité.
  6. Ne jamais prendre parti pour un camp au détriment d'un autre. Les gens verront ainsi que l'équipe travaille dans l'intérêt de la justice et de la sécurité de tous les membres de la collectivité.
  7. Présenter les programmes et les initiatives de façon positive en mettant l'accent sur l'accroissement du mieux-être des personnes, des familles et de la collectivité.
  8. établir des lignes directrices pour veiller à ce que la collectivité ait très facilement accès aux membres de l'équipe d'intervention ou aux autres travailleurs communautaires, mais aussi pour fixer des limites protégeant les travailleurs communautaires contre le surmenage et les relations inopportunes.
  9. Créer des programmes dynamiques et intéressants afin que les gens aient envie d'y participer.
  10. Habiliter les gens à prendre des mesures qui assureront leur santé et leur sécurité plutôt que de les décharger de leurs responsabilités (p. ex., en faisant pour eux des choses qu'ils doivent en réalité faire eux-mêmes.

2. La sensibilisation par l'instruction

L'instruction est l'une des façons les plus sûres et les plus efficaces de commencer à obtenir le soutien de la collectivité. On peut adopter à cette fin diverses façons de procéder :

  1. Aider les gens à avoir accès à l'information - par exemple, en veillant à ce qu'il soit facile d'obtenir des brochures et des fiches d'information, en posant des affiches ou en aménageant des étalages dans les bibliothèques ou les librairies. On peut aussi avoir recours aux journaux ou à la radio et à la télévision pour diffuser une information de base auprès des membres de la collectivité.
  2. Réunions d'information publiques - avec, par exemple, projection de films, débats d'experts ou conférenciers invités. Même si les gens n'assistent pas à la réunion, ils peuvent quand même tirer de l'information de la publicité faite autour de la rencontre.
  3. Ateliers ou séminaires - fournir des occasions d'échange plus approfondi d'information sur un aspect particulier de la violence sexuelle (par exemple, les conséquences des agressions sexuelles pour les enfants). Il ne faut pas oublier que les rencontres de ce genre n'ont pas pour but de donner lieu à des divulgations, mais bien d'informer les gens et de lutter contre le déni et la résistance au changement.
  4. Semaines ou jours de sensibilisation - on peut faire appel à diverses techniques comme les annonces publiques, les présentoirs, ou la publicité dans les médias et organiser d'autres activités éducatives comme des conférences.

3. Déterminer les ressources et les alliés

Déterminer les ressources et les alliés dans la collectivité est une autre chose importante que peuvent faire les travailleurs communautaires. En misant sur ces ressources et ces alliés, on consolide le programme et l'on aide à établir une solide assise de soutien et de participation dans la collectivité. Voici quelques exemples de ressources et d'alliés possibles :

  1. Les Aînés, qui peuvent collaborer aux recherches culturelles sur les valeurs, les croyances et les pratiques auxquelles on a traditionnellement fait appel pour éduquer les gens sur une sexualité saine et pour rétablir l'équilibre lorsqu'un membre de la collectivité s'est comporté d'une façon répréhensible.
  2. Les personnes qui sont prêtes à raconter leur histoire ou à prendre publiquement position contre la violence sexuelle.
  3. Les fournisseurs de services (p. ex., le personnel scolaire, les professionnels de la santé, les responsables de l'application de la loi, les travailleurs sociaux, les autorités religieuses) qui sont prêts à collaborer avec les programmes de prévention, d'intervention et de traitement au lancement d'initiatives particulières (p. ex., programme de prévention en milieu scolaire, activités de sensibilisation ou cercles de guérison).
  4. Les imprimés et les documents audiovisuels que l'on peut utiliser dans le cadre des activités éducatives.
  5. Les dirigeants politiques ou culturels qui sont disposés à appuyer publiquement la mise en place d'un programme efficace de lutte contre la violence sexuelle.
  6. Les bénévoles qui sont prêts à accomplir des tâches déterminées (p. ex., élaborer le matériel à l'intention des médias, rédiger des propositions, distribuer des brochures, assurer la permanence à une table d'exposition).
  7. Les familles disposées à s'occuper d'enfants qui sont retirés de leur foyer pour leur propre sécurité.
  8. Les autres programmes de la collectivité qui s'occupent de problèmes sociaux connexes (p. ex., programmes de prévention et de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie).
  9. Les chefs spirituels et culturels qui peuvent offrir du counseling et présider à des cérémonies ou à d'autres activités culturelles.
  10. Les « aidants naturels » au sein de la collectivité (les personnes vers lesquelles les autres se tournent souvent pour obtenir des conseils et de l'aide).
  11. Les sources de financement auxquelles on peut faire appel pour les activités de prévention et de traitement.

4. élaborer un plan intégré de mieux-être collectif

Cette mesure est liée à celle que nous avons décrite à la section 3, mais elle suppose une collaboration plus intensive avec certains organismes communautaires. étant donné que la violence sexuelle n'est pas un problème isolé et qu'il faut transformer tout le contexte de vie qui la favorise, il est essentiel d'établir un lien entre les programmes de prévention, d'intervention et de traitement relatifs aux agressions sexuelles et les autres programmes de mieux-être. Il est impossible de régler adéquatement le problème de la violence sexuelle si l'on ne s'occupe pas, dans la collectivité, d'autres problèmes comme l'alcoolisme et la toxicomanie, la guérison et l'épanouissement personnel, la dynamique de la vie, le développement politique et la revitalisation culturelle.

C'est pourquoi l'équipe d'intervention en matière de violence sexuelle doit travailler avec d'autres organismes de la collectivité pour élaborer et appliquer un plan global et intégré de mieux-être collectif. Voici une brève description de certaines des mesures que l'on doit prendre à cette fin :

  1. Déterminer les partenaires éventuels. Tout organisme ou groupe de la collectivité qui se préoccupe du mieux-être collectif est un partenaire éventuel (p. ex., autorités religieuses, services de santé, groupes de soutien, organismes de prévention et de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie, milieu scolaire, services sociaux, groupes culturels). Au début, l'équipe aura sans doute à rencontrer ces partenaires un à un pour discuter de la possibilité d'élaborer en commun un plan global et intégré de mieux-être collectif. Les partenaires éventuels n'accepteront peut-être pas tous de travailler ensemble selon cette formule, mais il sera possible d'amorcer le processus avec quiconque sera disposé à collaborer.
  2. Les partenaires de la collectivité se réunissent pour former un groupe de travail interorganismes. La première tâche de ce groupe consiste à préciser les objectifs de la collaboration et à s'entendre sur la démarche à adopter pour l'élaboration du plan global et intégré de mieux-être collectif. Puisqu'il importe de faire participer le plus grand nombre possible de membres de la collectivité à la mise au point de certains aspects de ce plan, il faut que le groupe de travail détermine d'abord la façon d'obtenir la participation dont il a besoin de la part de la collectivité.
  3. Le groupe de travail interorganismes doit déterminer ses propres besoins en matière de mieux-être et se doter d'une façon de travailler ainsi que d'outils concrets destinés à aider ses membres dans leur propre épanouissement personnel (p. ex., appliquer des modèles de prise de décisions par consensus et réserver du temps lors de chaque réunion aux échanges personnels entre les membres). Cette action doit se poursuivre tout au long des activités ultérieures du groupe de travail.
  4. On entreprend un processus global d'évaluation des besoins de la collectivité et d'élaboration des perspectives d'avenir. Pour que le plan global et intégré de mieux-être collectif soit fructueux, il importe de faire participer la collectivité à son élaboration en lançant une série d'initiatives conçues pour aider la collectivité :
    • à évaluer sa situation actuelle sous l'angle du mieux-être collectif;
    • à recenser ses forces et ses ressources, ainsi qu'à déterminer les ressources culturelles et les leçons du passé qui peuvent trouver une application dans la situation actuelle;
    • à élaborer un schéma ou un modèle décrivant les relations réciproques entre les divers problèmes liés au mieux-être (p. ex., entre la violence sexuelle, l'alcoolisme et la toxicomanie, entre la violence familiale et le développement économique);
    • à formuler une vision claire de ce que la collectivité (y compris ses membres et ses familles) serait si elle était en bonne santé;
    • à déterminer les objectifs prioritaires et les premiers lieux d'intervention;
    • à déterminer les stratégies possibles pour amorcer les travaux de réalisation des objectifs prioritaires;
    • à déterminer les besoins en apprentissage de divers groupes de la collectivité dans la perspective de l'accroissement du mieux-être collectif.
  5. Le groupe de travail interorganismes rédige une ébauche de plan de mieux-être collectif. Se fondant sur l'information recueillie au cours de l'étape précédente, le groupe de travail élabore un plan simple de mieux-être collectif qu'il pourra soumettre à l'approbation de la collectivité. Ce plan devrait comporter un énoncé clair des perspectives d'avenir, plusieurs objectifs bien définis, des stratégies appropriées de réalisation des objectifs et des modes d'action précis pour la mise en œuvre des stratégies. Le plan doit indiquer très clairement qui a la responsabilité des divers aspects du travail (p. ex., quels aspects du travail devront être assumés par des personnes et des familles de la collectivité, avec l'aide des organismes communautaires, et quels autres aspects devront être assumés par des organismes ou des groupes interorganismes, avec l'aide des membres de la collectivité). Le plan doit aussi énoncer très clairement la provenance des ressources requises (p. ex., mise en commun des ressources dont disposent déjà des organismes déterminés, collecte de fonds pour certaines activités ou certaines composantes du plan).
  6. Le groupe interorganismes élabore également un plan de surveillance et d'évaluation. Ce plan devrait décrire les indicateurs de succès auxquels on fera appel (les seuils de référence qui indiqueront si les activités menées permettent ou non de rapprocher la collectivité de ses objectifs et de sa vision du mieux-être), les outils que l'on utilisera pour mesurer les progrès en fonction de ces indicateurs et les responsables de la collecte des divers types de données. Le plan de surveillance et d'évaluation devrait également indiquer comment les membres de la collectivité participeront au processus d'évaluation et quelles personnes auront accès aux données d'évaluation, et à quelles fins. (Pour de plus amples renseignements à ce sujet, consulter le rapport intitulé : Planification et évaluation des projets de justice dans les collectivités autochtones, produit par le Groupe de la politique correctionnelle autochtone du ministère du Solliciteur général du Canada.)

B. Les programmes de prévention de la violence sexuelle

Manifestement, il vaut beaucoup mieux prévenir la violence sexuelle que d'avoir à faire face aux conséquences dévastatrices de ce tragique problème social. Nous décrirons brièvement dans la présente section les personnes et les groupes qui peuvent faire l'objet d'activités de prévention, de même que trois types d'activités concrètes de prévention.

1. Les groupes cibles des activités de prévention

Un programme global de prévention compte au moins quatre groupes cibles précis (les groupes cibles sont les groupes de gens que le programme vise à atteindre) :

a. les victimes potentielles

b. les agresseurs potentiels

c. le personnel des organismes communautaires et les autres fournisseurs d'aide dans la collectivité

d. les familles et les membres de la collectivité

Nous passerons brièvement en revue dans les pages qui suivent les types d'activités de prévention que l'on peut mener à l'égard de chacun de ces quatre groupes cibles.

a. Les victimes potentielles

Les activités de prévention qui s'adressent aux victimes potentielles ont pour but de sensibiliser celles-ci aux dangers possibles, de leur enseigner des techniques de protection personnelle et de les informer sur les ressources auxquelles elles peuvent s'adresser pour obtenir de l'aide et des renseignements additionnels.

Les enfants, souvent très jeunes, représentent de loin la plus forte proportion de victimes d'agressions sexuelles. Il importe donc de commencer à leur apprendre des techniques de protection personnelle à un jeune âge. Ces techniques devraient être enseignées à la maison; elles peuvent aussi être enseignées dans la collectivité au moyen de programmes en milieu scolaire ou de programmes de développement de l'enfant. Certains excellents documents imprimés et audiovisuels ont été mis au point pour aider les parents et les autres adultes qui travaillent auprès des enfants à aborder ce sujet de façon appropriée.

Les jeunes adultes des deux sexes et les femmes de tout âge sont d'autres victimes potentielles qui ont besoin d'un programme de prévention des agressions sexuelles. Comme dans le cas des enfants, les programmes créés à l'intention de ces groupes devraient mettre l'accent sur la nature des comportements qui constituent une agression sexuelle, l'étendue du problème, les techniques de protection personnelle et les ressources auxquelles on peut s'adresser pour obtenir de l'aide et des renseignements additionnels. Certaines personnes peuvent, dans un premier temps, ne pas être disposées à discuter de ces questions en groupe. Le counseling personnel et les documents imprimés ou audiovisuels constituent d'autres options.

Il importe d'être conscient du fait que les activités de prévention sont une bonne occasion de dépister les personnes susceptibles d'avoir été victimes de violence sexuelle. Ces personnes peuvent :

Les activités de prévention ne devraient pas être utilisées comme des tribunes pour encourager les divulgations, mais elles peuvent indiquer qu'il y a lieu de mener une intervention plus poussée.

b. Les agresseurs potentiels

Même s'il est impossible ‑ et certainement malavisé ‑ de classer des membres de la collectivité comme agresseurs potentiels, il est tout de même possible de prendre certaines mesures pour empêcher les gens de commettre des agressions (plutôt que de se concentrer uniquement sur l'enseignement des techniques de protection aux victimes potentielles).

L'un des aspects de cette action consiste à susciter dans la collectivité une forte sensibilisation générale aux conséquences traumatisantes des agressions sexuelles pour les victimes. Cette information aura à tout le moins le mérite de renseigner les agresseurs potentiels sur toute la somme de douleur et de souffrances qu'ils provoqueront s'ils choisissent d'agir de façon violente. Les agresseurs potentiels doivent également comprendre que la collectivité est prête à adopter une position très ferme contre la violence sexuelle et ne tolérera plus en silence les comportements d'agression. Les agresseurs sexuels seront tenus d'assumer les conséquences de leurs actes, que ce soit par l'entremise du système judiciaire ou dans le cadre d'un programme communautaire.

Il ressort clairement de la documentation publiée sur la violence sexuelle que beaucoup d'agresseurs ont eux-mêmes été victimes d'agressions sexuelles dans le passé. Il est possible d'instruire et d'aider ces gens pour les amener à prendre conscience du caractère trans-générationnel d'une grande partie de la violence sexuelle, ainsi que des mesures qui peuvent être prises pour rompre ce cycle. Les agresseurs potentiels ont besoin d'aide pour s'établir un plan de mesures de sécurité qui les aidera à éviter les types de circonstances où ils risquent de se livrer à des agressions sexuelles.

c. Les fournisseurs d'aide et les aidants des victimes potentielles

Les activités de prévention axées sur les membres de ce groupe cible visent à leur permettre de fixer les limites et de mettre en place les conditions qui rendront les familles et la collectivité les plus sûres possible pour les victimes potentielles. Les parents et les autres personnes qui s'occupent des enfants doivent comprendre l'ampleur de la violence sexuelle et les types d'agression courants, de même que les effets dévastateurs susceptibles d'être occasionnés par la violence sexuelle. Ils doivent aussi pouvoir déceler les signes avertisseurs et comprendre ce qu'ils doivent faire s'ils soupçonnent que les enfants dont ils ont la responsabilité sont maltraités. En outre, ils doivent aussi savoir comment parler de sexualité aux enfants et enseigner à ceux-ci des techniques de base de protection personnelle.

Les adultes peuvent également être victimes de violence sexuelle. Il importe donc que l'ensemble des membres de la collectivité comprennent la nature des comportements qui peuvent constituer des agressions sexuelles, les types de comportement susceptibles d'indiquer qu'un ami ou un membre de la famille est ou a été victime de violence sexuelle, les conséquences des agressions sexuelles tant pour la victime que pour l'agresseur et les mesures à prendre si quelqu'un leur révèle être victime de violence sexuelle ou manifeste certains des signes avertisseurs.

Dans le cadre d'un programme de prévention, les membres de la collectivité devraient être mis au courant de l'importance qu'il y a de prendre position contre la violence sexuelle et de fixer ensemble des normes collectives claires sur les types de comportement acceptables et inacceptables. Ils doivent comprendre les relations réciproques entre la violence sexuelle et les autres types de problèmes présents dans la collectivité, et assumer la responsabilité de l'évolution de leur collectivité vers la santé et l'équilibre. Un programme de prévention peut également mettre l'accent sur les valeurs, croyances et pratiques traditionnelles qui ont aidé dans le passé à préserver la santé et la sécurité des collectivités et sur la façon dont on peut appliquer ces enseignements à la situation contemporaine.

d. Le personnel des organismes communautaires et les autres fournisseurs d'aide dans la collectivité

Les organismes communautaires et les autres fournisseurs d'aide dans la collectivité (p. ex., les clubs philanthropiques, les groupes religieux, etc.) ont besoin du même genre d'information que celle qui est décrite dans les deux sections précédentes. De plus, ils doivent apprendre à travailler avec les membres de la collectivité en vue d'établir des normes collectives claires sur les comportements sexuels et d'élaborer une vision commune du mieux-être de la collectivité. Il faut les mobiliser afin qu'ils mettent leurs ressources en commun pour élaborer un plan global et intégré de mieux-être collectif (voir la Partie III plus haut). Il faut également les guider dans l'élaboration de politiques et procédures appropriées qui permettront d'accroître la sécurité et la santé de la collectivité.

2. Les activités concrètes de prévention

Nous décrirons brièvement ci-dessous trois types d'activités de prévention afin de donner aux travailleurs communautaires une idée des démarches qu'ils pourraient adopter dans le cadre d'un programme global de prévention.

a. Fournir l'information nécessaire et enseigner les techniques requises

L'instruction est peut-être l'activité de prévention la plus courante. Elle peut être dispensée dans le cadre de programmes scolaires ou communautaires et adopter de nombreuses formes. Nous avons déjà fait des suggestions, dans la section précédente portant sur les groupes cibles, quant aux types d'information et de techniques sur lesquelles on aurait avantage à axer les activités de prévention et nous ne répéterons pas cette infirmation ici.

b. Créer un programme de surveillance du mieux-être collectif

Un programme de surveillance du mieux-être collectif est un système qui permet de surveiller les membres de la collectivité et, tout particulièrement, ceux qui présentent des risques de comportements déviants et ceux qui ont été traumatisés par les agressions sexuelles qu'eux-mêmes, un ami intime ou un parent ont subies. L'équipe d'intervention communautaire, en collaboration avec les autres organismes ou chefs de la collectivité, peut prendre les mesures suivantes pour mettre sur pied un programme de surveillance du mieux-être collectif :

  1. Dresser un inventaire ou un plan de la collectivité indiquant tous les ménages et les circonstances dans lesquelles ceux‑ci peuvent être exposés à la violence sexuelle. (La réalisation de ce plan ou de cet inventaire a également été recommandée à la Partie IV du présent chapitre.) Parmi les circonstances dans lesquelles une famille est exposée à un risque, on compte les suivantes :
    • cas antérieurs d'agression sexuelle, que la personne touchée ait été victime ou agresseur;
    • alcoolisme ou toxicomanie chez l'un des membres de la famille;
    • violence familiale;
    • l'un ou l'autre des signes d'avertissement que peut manifester une victime d'agressions sexuelles et que nous avons énumérés plus haut, par exemple, dépression, accès de colère inexplicables, connaissances sur les questions sexuelles anormalement étendues pour une personne de cet âge, difficultés de concentration ou problèmes de comportement à l'école.
  2. Assigner un copain ou un autre type d'aidant à la famille ou aux membres de la famille qui sont en danger. Cette personne a pour rôle d'être à l'affût d'indices de l'existence de problèmes chez la personne ou dans la famille, d'encourager et d'aider les personnes vulnérables et de les orienter au besoin vers les ressources communautaires. Manifestement, cette fonction doit être exercée avec délicatesse, avec l'entière collaboration de la personne ou de la famille à risques.
  3. Outre la mise sur pied du système de surveillance des personnes et des familles décrit aux points i) et ii) ci-dessus, le système de surveillance du mieux-être collectif devrait comprendre la tenue de consultations régulières (p. ex., mensuelles) par l'équipe d'intervention communautaire (et ses alliés) sur l'état de santé général de la collectivité. Ces consultations devraient porter sur des questions comme les suivantes :
    • Y a-t-il eu récemment des événements traumatisants dans la collectivité, par exemple, des morts violentes, des suicides, des décès résultant d'alcoolisme ou de toxicomanie, ou une disparition soudaine d'emplois ou d'autres possibilités de développement économique?
    • Y a-t-il eu des événements importants qui auront une influence sur la santé sociale de la collectivité, par exemple, le lancement d'un projet d'exploitation des ressources qui a occasionné l'arrivée d'un grand nombre de travailleurs de l'extérieur ou des changements soudains dans les conditions économiques de la collectivité?

Grâce à un mécanisme de consultation de ce genre, l'équipe d'intervention communautaire peut modifier ses plans de prévention et envisager de nouvelles mesures à prendre pour que la collectivité continue de centrer son attention sur la responsabilité qu'elle a d'établir un milieu sain et sûr pour tous ses membres.

c. Faire appel à des groupes centraux pour transformer la dynamique dans la collectivitéNote de bas de page 18

Le mot « centre », tel que nous l'utilisons ici, fait référence à la notion de coeur ou de noyau. Le noyau du processus de mieux-être collectif est constitué de personnes qui, par leur vision commune, leur engagement personnel envers l'épanouissement et leur rôle de direction (souvent par l'exemple), créent les modèles de comportement que les autres peuvent imiter à mesure que des changements positifs surviennent dans la collectivité.

Il est très peu probable que la collectivité dans son ensemble amorce d'un seul coup un processus de changement général. Habituellement, la dynamique est la suivante : on peut motiver de petits groupes d'intérêts spéciaux à travailler ensemble à régler des problèmes qui touchent personnellement leurs membres. Par la suite, il est possible d'établir progressivement des liens entre ces groupes pour donner naissance à un véritable mouvement de mieux-être collectif.

Ainsi, par exemple, un groupe de mères chefs de famille, un groupe d'Aînés, un groupe de jeunes, un groupe de victimes d'agressions sexuelles et un groupe s'intéressant à la promotion du développement économique pourraient tous devenir des groupes centraux dans le processus d'épanouissement de la collectivité. La clé du succès est que les membres du groupe saisissent le lien entre leurs préoccupations personnelles et le mieux-être de l'ensemble la collectivité. Puisque tous les éléments sont interdépendants dans les processus de mieux-être humain et collectif, travailler à améliorer un aspect quelconque de la vie, c'est travailler à l'amélioration de l'ensemble. Il est donc raisonnable d'amener progressivement des groupes d'intérêts à première vue distincts et isolés à offrir leur collaboration et leur appui à la cause des autres groupes.

Voici quelques mesures que l'équipe d'intervention communautaire peut prendre pour favoriser la constitution de groupes centraux en vue d'amorcer un mouvement de mieux-être collectif :

  1. Soutenir la formation de groupes centraux axés sur des enjeux et besoins précis de mieux-être, par exemple, la lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie, l'apprentissage des compétences parentales, les victimes d'agressions sexuelles, des groupes d'entraide pour hommes et pour femmes, etc. Les membres de ces groupes centraux devraient se réunir régulièrement pour :
    • se soutenir mutuellement;
    • créer un milieu sûr, propice à leur propre démarche de guérison, d'épanouissement et d'apprentissage;
    • travailler à apporter des améliorations à la vie de la collectivité.
    À mesure qu'ils évolueront, ces groupes centraux deviendront des foyers de personnes saines qui seront en mesure d'influencer leurs amis, les membres de leur famille et leurs voisins.
  2. Lorsque les groupes centraux ont acquis assez de maturité pour pouvoir œuvrer au-delà de leur propre champ d'action, commencer à établir des liens entre les divers groupes sur des questions d'intérêt mutuel. Par exemple, on pourrait réunir les groupes centraux s'occupant d'alcoolisme et de toxicomanie, de violence sexuelle et de compétences parentales pour qu'ils se penchent sur les besoins des jeunes de la collectivité. On peut rassembler les groupes centraux dans le cadre de processus conjoints d'évaluation des besoins et de définition des perspectives d'avenir en vue d'élaborer et de mettre en œuvre un plan intégré de mieux-être collectif (voir la Partie III du présent chapitre) ou pour réaliser des projets précis (par exemple, un camp de pleine nature pour les jeunes).
  3. Outre les activités concrètes qu'ils mènent afin d'accroître le mieux-être, ces groupes centraux seront en mesure de contribuer au mieux-être de la collectivité en devenant des modèles des changements à apporter. À mesure que les membres de ces groupes établiront des relations interpersonnelles plus saines et apprendront de nouvelles façons de faire face aux situations stressantes ou aux problèmes sociaux et économiques, ils contribueront peu à peu à créer une nouvelle dynamique dans la collectivité. L'action de ces groupes centraux est analogue à une graine que l'on sème et qui croît progressivement au sein de la collectivité. À mesure qu'ils évoluent, qu'ils deviennent plus influents, que leur orientation se précise et qu'ils rassemblent les gens autour d'eux, l'ensemble du processus de mieux-être collectif s'épanouit et mûrit. Même si les membres de la collectivité ne participent pas tous concrètement aux groupes centraux, l'influence active de ceux-ci contribuera à transformer graduellement les normes, les valeurs et les comportements dans la collectivité pour donner naissance à un mode de vie plus sain et plus sûr.

C. La guérison

Les deux types de besoins de guérison les plus urgents sont généralement ceux des victimes et ceux des agresseurs. La plupart des autres réponses réactionnelles à la violence sexuelle sont motivées par les agressions, la négligence ou les autres traumatismes subis dans le passé par la personne qui réagit. Les réponses réactionnelles dans les familles de l'ensemble de la collectivité peuvent être très vives, mais elles sont difficiles à prédire et l'on ne peut vraiment y faire face que lorsqu'elles surviennent (outre les activités de sensibilisation et de mieux-être menées à l'échelle de la collectivité que nous avons brièvement décrites plus haut).

Dans la présente section, nous nous concentrerons sur les caractéristiques générales des besoins de guérison éprouvés par les victimes et, tout particulièrement, les enfants. En outre, nous aborderons brièvement les enjeux de la guérison et les processus de rétablissement courants chez de nombreux agresseurs qui se sont vu imposer une sanction communautaire plutôt qu'une peine d'emprisonnement.

1. Enjeux et processus de guérison chez les victimes d'agressions sexuelles

a. Enfants

Lors d'une agression sexuelle, l'agresseur fait usage de son pouvoir sur la victime pour satisfaire ses besoins sexuels et autres. L'enfant ne choisit pas d'être agressé (il peut être convaincu de se montrer coopératif, mais il se sentira plus tard trahi, dupé et violé). Le plus souvent, la victime a l'impression qu'elle ne pourra jamais avoir la maîtrise de sa vie, de son corps, du monde qui l'entoure, de sa situation actuelle ni de son avenir. Elle est une victime : passive et impuissante. Les victimes n'agissent pas. Elles subissent. Nous croyons que ce sentiment dominant (quelque inconscient qu'il soit) d'impuissance est l'enjeu le plus crucial et le plus déterminant de la guérison. S'il est si important, c'est que l'être humain doit choisir de s'engager dans le processus de guérison, de le poursuivre et de le mener à terme. La volition (ou la capacité de vouloir) se trouve au coeur de ce choix. Plus une victime est traumatisée, plus sa capacité de vouloir (sa capacité d'intervention, sa capacité de choisir, de décider et d'avoir un effet sur son monde) est susceptible d'être affaiblie. Si une victime croit qu'elle est impuissante et que choisir le mieux-être ne pourra jamais avoir d'effet véritable sur sa situation, elle demeure enfermée dans la prison de la douleur que peut engendrer la violence sexuelle.

Le soutien par les pairs, les jeux de rôles, les pressions positives exercées par l'entourage et les occasions de mettre à l'épreuve et de vivre un sentiment de pouvoir personnel et de maîtrise de sa propre vie peuvent être utiles. Il a été démontré que des programmes de promotion du mieux-être comme RediscoveryNote de bas de page 19 ou Outward BoundNote de bas de page 20 aidaient beaucoup certains préadolescents et adolescents. Les activités sportives, les arts ‑ en fait, toute activité qui incite l'enfant à explorer et à éprouver sa capacité d'intervention et à y croire ‑ peuvent être utiles.

Parmi les autres enjeux connexes liés à la guérison des enfants, on compte les suivants :

Voici les objectifs et les étapes de la guérison dans le cas d'un enfantNote de bas de page 21  :

  1. se sentir protégé contre les agressions ou traumatismes ultérieurs;
  2. être cru quant à la réalité de l'agression;
  3. reconnaître les sentiments liés à l'agression et exprimer les émotions négatives;
  4. savoir que l'agression n'est pas survenue par sa faute et que les agresseurs adultes sont responsables de leurs actes;
  5. savoir que le monde des adultes considère l'agression comme répréhensible et comme une transgression des frontières appropriées;
  6. savoir qu'il n'est pas une « marchandise avariée », qu'il n'est avili ni physiquement, ni d'aucune autre façon;
  7. apprendre quels sont les modes d'expression de l'affection appropriés à son âge et apprendre à s'affirmer et à dire non aux modes d'expression inopportuns;
  8. renforcer l'image de soi et l'estime de soi de l'enfant;
  9. renforcer chez l'enfant le sens de la maîtrise de soi et de la capacité d'intervention (auto-habilitation; développement de la volonté);
  10. recevoir l'aide des adultes pour faire face à la colère et à la douleur;
  11. apprendre à exprimer ses besoins et ses émotions en mots;
  12. apprendre des façons positives de faire face à la violence sexuelle pour remplacer les structures de comportement négatives qu'il a adoptées.

b. Les enjeux de la guérison chez les adultes

Les victimes adultes qui n'ont pas encore mené à terme un processus de guérison éprouvent les mêmes sentiments et font face aux mêmes problèmes que les enfants parce que la plupart ont elles-mêmes été des victimes au cours de leur enfance. À l'époque, elles ont appris de leur mieux à faire face à la vie, mais bon nombre d'entre elles sont demeurées profondément marquées et handicapées à l'âge adulte.

La plupart des victimes adultes continuent de ressentir de la culpabilité et de la peur, d'avoir une piètre estime d'elles-mêmes, d'avoir l'impression qu'elles sont des « marchandises avariées », d'éprouver de la rage et une hostilité refoulée, d'avoir beaucoup de difficulté à faire confiance aux autres, de se heurter à des problèmes dans leurs propres tentatives d'éprouver de l'affection et d'adopter une sexualité saine, d'avoir du mal à discerner les frontières et les rôles (ce qui peut les amener à devenir elles-mêmes des agresseurs), de présenter des tâches développementales inachevées et d'éprouver un sentiment général d'impuissance.

Par-dessus tout cela, les victimes adultes doivent assumer les conséquences de leurs propres modes de pensée, sentiments et comportements dysfonctionnels. Autrement dit, il y a dans leur cas deux strates (au moins) d'enjeux. La première est celle des émotions emmagasinées par suite de la violence sexuelle subie durant l'enfance. La deuxième est celle du désapprentissage et du réapprentissage de la façon de devenir un être humain équilibré, en santé et heureux.

Parfois, les victimes manifestent des réactions psychologiques plus extrêmes à la suite des agressions sexuelles. D'ordinaire, cela se produit lorsque la victime a été gravement traumatisée, lorsque les agressions se sont poursuivies sur une longue période, lorsque les suites de la divulgation ont été particulièrement douloureuses, lorsque la personne a été victimisée par plus d'un agresseur ou lorsqu'elle a été victime d'une agression « à caractère rituel ou bizarre » (Harper et coll., 1991, p. 141). Ces réactions extrêmes comprennent notamment les suivantes : i) la dissociation (c'est un genre d'amnésie ou d'oubli qui permet à la victime de se « transporter » psychologiquement et émotivement en un lieu sûr pendant que le corps subit l'agression ou la douleur); ii) le syndrome de la personnalité multiple (trouble caractérisé par l'existence chez la victime de deux ou plusieurs « personnes » ou personnalités différentes); iii) le syndrome de stress post-traumatique (dont les symptômes comprennent les rappels d'images, ou « flash-backs », et les cauchemars qui amènent la victime à revivre constamment les événements traumatisants); les émotions intenses et douloureuses ressenties par la victime lorsqu'elle prend connaissance d'événements analogues (y compris lors de l'anniversaire des traumatismes subis); l'évitement de tout ce qui concerne le traumatisme (refus d'en parler, etc.); un état constant de nervosité et de crispation où la victime a toujours les nerfs à vif, ce qui occasionne des explosions de colère ou des crises de larmes imprévisibles, de la difficulté à dormir, l'incapacité de se concentrer et de la morosité)Note de bas de page 22 .

Le cheminement de guérison de la victime adulte doit toucher à la plupart des aspects décrits plus haut relativement aux jeunes victimes, mais emprunte d'ordinaire une voie légèrement différente. Dans le volume II de Vulnerable Populations, Suzanne Sgroi énumère les étapes suivantes du rétablissement des victimes adultes, étapes qui, affirme-t-elle, suivent une spirale ascendante :

  1. reconnaître la réalité de l'agression;
  2. reconnaître et surmonter les réactions de victime vis-à-vis de l'agression;
  3. se pardonner à soi-même et mettre un terme à l'autopunition;
  4. se défaire de sa propre identité de victime d'agression sexuelle et tourner la page.

2. Les enjeux de la guérison chez l'agresseur

Il n'entre pas dans notre propos d'examiner ici de façon détaillée les programmes de traitement et de guérison destinés aux délinquants sexuels. Nous pouvons cependant donner un bref aperçu de certaines des importantes étapes que l'agresseur doit franchir :

  1. assumer la responsabilité des torts qu'il a infligés aux autres;
  2. dédommager la victime et les autres personnes auxquelles le comportement violent a porté préjudice;
  3. accepter une quelconque forme de châtiment pour son comportement (par exemple, le travail communautaire), châtiment qui, idéalement, permet à la collectivité de retirer des avantages et contribue à l'amélioration de l'estime de soi de l'agresseur;
  4. l'élaboration d'un contrat de participation au processus de guérison, pouvant stipuler divers types de counseling, la participation à des groupes d'entraide, la participation à diverses activités culturelles, l'acceptation d'une orientation de la part des chefs spirituels et culturels, etc.

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“The Healing Circle / When The Eagle Has Landed” - Part 1 & 2 - A Man Alive Special with Roy Bonisteel. A two part special on the healing processes of Alkali Lake on Sexual Abuse, 1989.

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Williams, W. (1986). The Spirit and the Flesh: Sexual Diversity in American Indian Culture. Boston: Beacon Press.

Notes de bas de page

  1. 1

    D'après FINKELHOR, David et BROWNE, Angela. A Model for Understanding: Treating the Traumas of Child Sexuel Abuse, Family Violence Research Program, Durham, University of New Hampshire, 1985.

  2. 2

    Un examen plus approfondi des divergences de vues entre les Autochtones et les Blancs sur des questions telles que la violence sexuelle est présenté plus loin dans le guide.

  3. 3

    Un modèle de ce genre, tiré des expériences des collectivités d'Alkali Lake, Hollow Water et autres collectivités autochtones, est présenté dans les derniers chapitres du guide qui portent sur l'intervention communautaire.

  4. 4

    Sources : HARPER et coll. (1991), MCEVOY (1990), SGROI (1981), JAMES et NASJLETI (1983). Rapport du Comité sur les infractions sexuelles à l'égard des enfants et des jeunes (Rapport Badgley, 1980).

  5. 5

    La cérémonie de purification est une pratique qui consiste à faire brûler de la sauge, du foin d'odeur, du genévrier ou d'autres plantes ainsi que des champignons et de se servir de la fumée pour se purifier et se préparer avant d'accomplir quelque chose d'important. Une grande variété de plantes étaient utilisées à cette fin selon les tribus mais la pratique en soi était commune à de nombreuses tribus.

  6. 6

    ROSS, Rupert. Returning to the Teachings: Exploring Aboriginal Justice, Toronto (Ontario), Penguin Books, 1996. Cet ouvrage est une étude approfondie de la différence entre la justice réparatrice et la justice rétributive et des conséquences, pour les Premières nations du Canada, des divergences de vue entre les Autochtones et la société dominante.

  7. 7

    Certaines collectivités, comme celles d'Hollow Water (Manitoba) et d'Alkali Lake (Colombie-Britannique), ont démontré que, lorsque les membres d'une collectivité autochtone unissent leurs efforts pour s'attaquer au problème de la violence sexuelle, il est possible de réaliser des progrès importants et de mettre fin au cycle de la violence.

  8. 8

    Voir SGROI, S. Handbook of Clinical Intervention in Child Sexual Abuse, Lexington, Massachusetts, Lexington Books, 1982.

  9. 9

    Cette liste de symptômes est une adaptation d'une liste paraissant dans McEVOY, Maureen (1990). Let the Healing Begin, Merrit (Colombie-Britannique), Nicola Valley Institute of Technology, p. 11-13 et SGROI, Suzanne (1981).

  10. 10

    Cette liste d'indicateurs est un résumé d'une liste parue dans The Right to be Special, The National Native Association of Treatment Directors, Calgary (Alberta), Harper et coll., 1991.

  11. 11

    L'agresseur use de son pouvoir (de son autorité, de son charisme, de sa force physique, etc.) dans le but de se servir de la victime à des fins sexuelles pour satisfaire des besoins qui, souvent, ne sont pas fondamentalement de nature sexuelle. (voir SGROI, 1983, p. 82)

  12. 12

    Il peut être très difficile de ne pas se laisser influencer par ses émotions lorsqu'on découvre les détails des actes de violence sexuelle (surtout si la victime est un enfant ou un parent). Il est cependant essentiel que le travailleur communautaire demeure émotionnellement neutre pour ne pas bouleverser davantage la victime. La plupart du temps, si le travailleur est en colère ou ressent d'autres émotions intenses, la victime peut le sentir. Ces émotions peuvent venir d'actes de violence que le travailleur a lui-même subis dans le passé et dont il n'est pas guéri -- des faits dont la victime n'est pas au courant. Elle peut croire que le travailleur ressent ces émotions à cause d'elle, et cette réaction peut avoir des effets sur le processus de divulgation ou sur le processus de guérison.

  13. 13

    On ne saurait trop insister sur le fait qu'il faut une formation très poussée et travailler sous supervision pendant un certain temps pour être en mesure d'accomplir efficacement le travail décrit ici. Il faut une formation d'environ deux ans, suivie d'une période d'apprentissage encadré d'au moins un an, pour être en mesure d'intervenir auprès des enfants victimes de violence sexuelle sans l'aide d'un autre professionnel.

  14. 14

    Même une question comme « Est-ce que ton père a touché à tes parties intimes » amènerait un bon avocat de la défense à affirmer que la question vise à suggérer à l'enfant la réponse. Il faut plutôt demander : « Que s'est-il passé? (Il m'a touché.) Où t'a-t-il touché? (À mes parties intimes.) La façon dont les questions sont formulées et dont les réponses sont données déterminera si l'agresseur est mis hors d'état de nuire ou s'il est laissé en liberté.

  15. 15

    Les phrases suggérées pour la première étape de l'entrevue et certaines des suggestions données un peu plus loin sont une adaptation des phrases suggérées dans l'ouvrage de McEVOY (1990) et de SGROI (1983).

  16. 16

    Cette liste est tirée de SGROI, Suzanne.Handbook of Clinical Intervention in Child Sexual Abuse, Massachusetts, Lexington Books, 1982. Voir aussi la section de la partie II qui porte sur les effets de la violence sexuelle sur la victime.

  17. 17

    SGROI, Suzanne. Handbook of Clinical Intervention in Child Sexual Abuse, Massachusetts, Lexington Books, 1982, p. 92‑96.

  18. 18

    L'information présentée dans cette section est tirée de Re‑Creating the World: A Practical Guide to Building Sustainable Community, de Michael et Judie Bopp, Four Worlds Centre for Development Learning, 1997.

  19. 19

    Rediscovery est un programme d'éducation et d'épanouissement personnel basé sur les activités de pleine nature qui s'adresse aux jeunes ayant des racines dans la culture autochtone. Il vise à donner aux jeunes le pouvoir de découvrir et de célébrer le monde qui les habite, le monde qui existe entre les cultures et le monde naturel. Rediscovery International (qui a établi plus de 30 camps dans le monde entier) a son siège à Vancouver (Colombie‑Britannique).

  20. 20

    Outward Bound est un autre programme international d'éducation de plein air qui trouve ses premières origines dans l'entraînement de survie dispensé aux militaires américains. L'un des points forts de ce programme est sa capacité de lancer des défis aux jeunes pour les amener à repousser les limites de leurs zones de confiance et de confort afin de renforcer leur estime et leur maîtrise d'eux‑mêmes.

  21. 21

    Sources : Sgroi (1983, 1980); B. James et M. Nasjleti (1983); McEvoy (1990).

  22. 22

    Ces descriptions s'inspirent grandement de Harper et coll. (1991).

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