Youth Advocate Program

L'épreuve des faits : sommaires d'évaluation 2012-SE-25

1. IntroductionFootnote 1

Les données de la Police régionale d'Halifax (PRH) indiquent une augmentation de la criminalité chez les jeunes en 2006 par rapport à 2005. La PRH a suivi les activités liées aux gangs et a repéré sept gangs actifs sur le territoire de la municipalité régionale d'Halifax (MRH), y compris les anciennes villes d'Halifax et de Dartmouth.

À cette époque, il était estimé que 80 jeunes étaient mêlés directement à des activités de gangs, tandis que 20 autres jeunes fréquentaient des membres de gangs ou étaient associés à des activités d'un gang. Des activités de gangs ou la présence de violence liée aux gangs étaient aussi observées dans quatre projets de logements sociaux de la MRH, où habitaient plus de 400 jeunes âgés de 9 à 14 ans, issus principalement de familles monoparentales ou recevant une aide au revenu.

En réaction à l'augmentation du niveau des activités liées aux gangs, la MRH a présenté une demande au Fonds de lutte contre les activités des gangs de jeunes (FLAGJ) du Centre national de prévention du crime (CNPC) et a reçu 1,9 million $ pour mettre en œuvre le Youth Advocate Program (YAP) entre 2008 et 2011. Le financement reçu incluait le coût de l'évaluation des effets. En réaction aux activités des gangs, le YAP a été mis en œuvre dans six collectivités sur le territoire de la MRH, entre autres dans le cadre des quatre projets de logement mentionnés ci-dessus. Ces six emplacements ont été choisis en fonction des renseignements obtenus des services de police et à l'aide d'une consultation menée auprès d'intervenants œuvrant dans la collectivité.

Le YAP visait à empêcher les jeunes appartenant au groupe d'âge cible, soit de 9 à 14 ans, ce qui correspond habituellement aux jeunes de la 4e à la 9e année, de participer à des activités associées aux gangs et d'adopter des comportements antisociaux et criminels.

Le YAP proposait une intervention orientée sur la collectivité pour répondre le mieux possible aux besoins de la population ciblée. En fonction de ce mandat, la méthode Wraparound a été choisie comme approche du YAP. L'approche Wraparound (une approche globale) est conçue pour fournir une série complète de mesures de soutien aux participants. Un programme efficace fondé sur l'approche Wraparound comprend les éléments suivants : la priorité accordée aux personnes et à leurs besoins; une attention portée sur la famille en tant que système complet; la participation des personnes à leur plan d'intervention; la sécurité; le respect des cultures; une continuité à travers le temps; une approche dépourvue de blâme; un plan unique visant l'intégration pour un réseau de soutien et de fournisseurs de services et un accent mis sur ce qui est efficient et efficace (VanDenBerg et VanDenBerg, 2005Footnote 2).

2. Description du programme

Le YAP visait à atténuer les facteurs de risque qui rendent les jeunes vulnérables à l'influence des gangs et susceptibles de venir gonfler leurs rangs, comme le manque d'un sentiment d'appartenance à l'école, l'absence d'exemples à suivre, la faible estime de soi, le comportement antisocial, les relations familiales déficientes et l'intimidation.

Le programme portait sur trois facteurs clés :

Le projet prévoyait la participation de six intervenants du programme, un par quartier, travaillant directement auprès d'un maximum de cinq participants. Quiconque était en relation avec un jeune pouvait l'aiguiller vers le programme. Un intervenant du programme recevait la recommandation, ouvrait un dossier et communiquait avec le parent/tuteur du jeune pour organiser un rendez-vous afin de discuter du programme. Il planifiait ensuite une évaluation, et, en fonction de celle-ci, le jeune était accepté dans le programme ou aiguillé vers une solution de rechange plus convenable. Le parent/tuteur intervenait à chaque étape du processus.

L'intervenant du programme concevait ensuite un plan d'action du participant en consultation avec le jeune, sa famille, son école et d'autres intervenants de la collectivité. Le plan d'action comportait cinq heures par semaine d'activités conçues selon les besoins du jeune : activités de loisirs, séances de thérapie, tutorat scolaire, counseling et discussion en groupe, équipes de soutien des jeunes, période seul à seul avec l'intervenant, recommandations à l'intention des parents et promotion des intérêts du jeune et de sa famille auprès des fournisseurs de services. Le plan d'action était un document laissant place à des modifications selon les circonstances et les besoins du participant. Enfin, il incluait des indicateurs de rendement permettant de déterminer la fin du programme.

Des éléments de formation et de perfectionnement quant aux aptitudes à la vie quotidienne faisaient également partie du plan d'action pour orienter le jeune vers des comportements sains et prosociaux. Ces thèmes étaient traités dans le cadre d'exercices d'apprentissage par expérience, dirigés par les intervenants du programme pendant les « périodes propices à l'apprentissage », plutôt que dans le cadre d'atelier. Les « périodes propices à l'apprentissage » étaient des moments choisis compte tenu des occasions qui se présentaient, soit pendant les périodes passées seul à seul avec l'intervenant du programme, soit au moment d'un événement ou d'un incident important. Les modules d'acquisition d'aptitudes à la vie quotidienne étaient également examinés par les parents, individuellement ou en groupe.

Enfin, les interventions prévues dans le cadre du programme incluaient des activités conjointes avec le jeune et sa famille. Il fallait pour ce faire la collaboration des représentants de l'école du jeune dans le but d'améliorer ses résultats scolaires, ce qui comprend l'assiduité, le comportement, les devoirs et la participation aux activités parascolaires. Les interventions permettaient également de choisir des activités auxquelles le jeune pouvait participer dans la collectivité et d'aider celui-ci à le faire, par exemple en soutenant les parents dans leur accès au transport.

Participants au programme

Les jeunes étaient acceptés dans le programme en fonction de plusieurs variables, dont les scores obtenus au questionnaire de l'outil d'évaluation du Youth Advocate Program. Les motifs de la référence et les comportements à risque étaient décrits par les jeunes eux-mêmes. Les participants affichaient des caractéristiques qui les rendaient susceptibles de se joindre à un gang ou de participer aux activités d'un gang, comme la difficulté de nouer des relations appropriées pour leur âge, des problèmes de maîtrise de la colère et d'impulsivité, et des degrés élevés de comportement délinquant et de consommation de drogue et d'alcool. Enfin, ils acceptaient davantage les comportements et la violence liés aux gangs.

Dans l'ensemble des six quartiers à risque élevé, le groupe des participants au programme était composé de garçons dans une proportion de 84 % et de filles dans une proportion de 16 %, et 61 % avaient de 12 à 15 ans, tandis que 39 % étaient âgés de 9 à 11 ans. La plupart habitaient chez leurs parents ou tuteurs et, de ce nombre, 68 %, avec un parent seul. Les jeunes acceptés dans le programme affichaient un degré plus élevé de rapports avec les services à l'enfance et à la famille ou avec les services correctionnels, ce qui indiquerait un degré supérieur de risque. Les renseignements obtenus de sources externes, comme les services de police, l'école ou le personnel de probation, étaient également examinés avant que le jeune soit accepté dans le programme.

En novembre 2010, 73 jeunes avaient été référés et évalués, et 57 jeunes avaient été acceptés dans le programme. Parmi eux, 15 jeunes ont réussi le programme, 15 autres ont quitté le programme pour d'autres raisons (p. ex. incarcération, déménagement) et les 27 autres avaient continué de participer activement au programme. En moyenne, les jeunes ayant réussi le programme y ont participé pendant 16 mois et ont fait l'objet d'interventions à raison de cinq heures par semaine.

3. Évaluation du programme

L'évaluation visait à établir la viabilité du YAP, au chapitre des processus, des coûts et des résultats, comme intervention pour empêcher les jeunes de se joindre à un gang. L'évaluation a adopté un modèle quasi expérimental faisant appel à un groupe témoin apparié, et utilisé des méthodes de collecte de données qualitatives et quantitatives.

L'évaluation comportait trois volets, soit des questionnaires, des entrevues et l'examen de dossiers, afin que de multiples points de vue soient intégrés dans l'étude dans le but d'éviter de privilégier celui d'un intervenant.

Enfin, un processus de réciprocité dialogique a été intégré au modèle d'évaluation afin d'atténuer les problèmes de validité conceptuelle. Les évaluateurs ont aussi consulté les participants, les parents et des professionnels pour déterminer si l'interprétation des données par l'équipe de recherche était confirmée par les personnes concernées par l'évaluation.

Les chercheurs ont utilisé plusieurs instruments et méthodes de collecte de données:

L'évaluation comportait une série de mesures d'évaluation. Les jeunes qui avaient été référés vers le YAP ont fait l'objet d'une évaluation initiale au moyen du questionnaire d'évaluation. Après avoir été accepté dans le YAP, le jeune participant faisait l'objet d'autres évaluations tous les six mois. Après avoir réussi le programme ou au moment de le quitter, les jeunes faisaient l'objet d'une évaluation de fin de programme, suivie d'une évaluation finale, six mois après leur départ.

L'outil d'évaluation du YAP était le principal outil de collecte de données quantitatives aux fins de l'évaluation. Il comporte deux évaluations, l'une pour les jeunes de 9 à 11 ans et l'autre pour les jeunes âgés de 12 à 14 ans. Cet outil comporte également des échelles validées d'évaluation des facteurs déterminants dans la prévention de la participation des jeunes à un gang.

Les trois domaines clés sont les suivants:

L'outil d'évaluation à l'intention de la personne la mieux renseignée a été administré aux parents ou tuteurs. Il porte sur les trois mêmes domaines clés et permet d'ajouter leurs points de vue à ceux des participants. Des groupes de discussion et des entrevues ont été menés pour 20 % (n = 14) des participants, actifs et inactifs, et les dossiers rédigés par les intervenants du programme ont été examinés. Dans le cadre de l'analyse, la méthode comparative constante a été appliquée au fur et à mesure que les tendances au chapitre des réactions ont été dégagées.

Les statistiques générées étaient dans une large mesure descriptives. Trois tests statistiques ont été utilisés pour observer les changements au fil du temps. Des tests t pour échantillons appariés ont été utilisés pour les comparaisons au sein du groupe. Des tests t pour échantillons indépendants ont été utilisés pour mesurer les différences statistiques au fil du temps relativement au groupe témoin dans la collectivité. Enfin, des tests d'analyse de variance (ANOVA) à mesures répétées unidirectionnelles ont été utilisés pour déterminer les changements au fil du temps.

4. Résultats de l'évaluation

Résultats liés au processus

Modèle Wraparound

Le YAP a fait intervenir les familles et des acteurs de la collectivité dans la prestation des services prévus dans le plan d'action des jeunes, incluant ceux qui étaient destinés à la famille des participants. Les principes du modèle ont été respectés, notamment la nécessité d'accorder la priorité au jeune et à ses besoins, de prêter attention à la famille en tant que groupe formant un tout et de prôner le respect de la culture et de la sécurité du participant, ainsi qu'une approche dépourvue de blâme.

Un seul aspect du modèle Wraparound n'a pas été suivi à la lettre, soit les réunions des équipes des services aux jeunes. Des liens ont été établis entre les fournisseurs de services de manière virtuelle. Les réunions en personne étaient rares, et les intervenants du programme agissaient comme intermédiaires entre chaque élément. Il en a été de même de la coordination des services, bien que les intervenants du programme aient dû accomplir un travail plus important.

Population cible

Le YAP a réussi à joindre la population cible prévue. Les jeunes qui ont été acceptés dans le YAP ont montré de la difficulté à nouer des relations appropriées pour leur âge avec les pairs, étaient plus susceptibles d'exprimer de la colère et de l'impulsivité par des comportements problématiques et avaient fait preuve de comportements délinquants et consommé de la drogue et de l'alcool dans des proportions beaucoup plus élevées. Ils avaient une attitude beaucoup plus positive à l'égard des manifestations d'agressivité et une meilleure connaissance de l'existence des gangs que les jeunes qui n'ont pas été acceptés dans le programme.

Mobilisation de la famille 

L'expérience a été positive pour les familles. Les parents ont fait remarquer qu'ils se sentaient soutenus par les intervenants du programme dans leur rôle de parent et au sein de la collectivité. Les parents se sont davantage familiarisés avec les services offerts à leurs enfants dans la collectivité et étaient capables de mieux défendre leurs intérêts, ainsi que ceux de leurs enfants, particulièrement quand ils avaient dû faire face auparavant à des obstacles pour obtenir des services. Un effet inattendu du programme a été la très grande dépendance de certains parents à l'égard des intervenants du programme pour obtenir et maintenir un soutien.

Personnel et formation 

Dans le cadre du programme, un très faible roulement du personnel a été observé, bien que des préoccupations relatives à l'épuisement professionnel du personnel et au stress aient été soulevées. Pendant la durée du programme, il y a eu plus de 36 activités de formation. Les qualifications des employés variaient, certains n'avaient pas de diplôme universitaire, mais tous devaient posséder un degré élevé de connaissance de la collectivité et des compétences en matière d'intervention directe. Les observations des participants et des familles au sujet des compétences des intervenants du programme étaient extrêmement positives. Le seul aspect pour lequel les intervenants du programme ont eux-mêmes soulevé des préoccupations précises concernait leur capacité de fournir des interventions à l'égard des filles. Ils avaient le sentiment que les programmes ordinaires n'abordaient pas toujours certains des problèmes précis auxquels sont confrontées les filles présentant un risque de s'associer à un gang.

Partenariats 

Selon les procès-verbaux, différentes organisations de la collectivité ont participé aux réunions pour échanger des renseignements avec les intervenants du programme et pour établir des partenariats et des relations professionnelles avec le personnel du YAP. À maintes occasions, le personnel du YAP a participé à des activités dans la collectivité pour sensibiliser des gens au programme. Dans l'évaluation, il est noté que le personnel du YAP a établi des partenariats avec 25 organisations sans but lucratif, du secteur privé et gouvernementales, pour soutenir le programme et les participants.

Résultats obtenus

Les scores des participants se sont améliorés pour la plupart des variables mesurées par l'outil d'évaluation. Les résultats ont indiqué des tendances positives sur les variables clés, même s'ils n'étaient pas significatifs au plan statistique. L'analyse a également révélé une amélioration au chapitre des aptitudes pro-sociales et à la vie quotidienne. Parallèlement à cette amélioration, une augmentation de la résilience a été observée, laquelle est considérée comme une protection contre la délinquance, les comportements associés aux gangs et l'affiliation à un gang.

Le YAP semble avoir permis de réduire l'isolement, ainsi que les pulsions négatives des jeunes présentant un risque de participation à des activités de gangs et d'améliorer leurs aptitudes pro-sociales et leurs aptitudes à la vie quotidienne. Les résultats ont effectivement montré que les scores des jeunes baissaient parfois avant d'augmenter. Cette baisse peut être attribuable à l'évolution des relations avec les intervenants du programme ou à l'âge des participants.

Sensibilisation

La sensibilisation est un des éléments clés qui a connu beaucoup de succès avec les parents. Les entrevues avec les parents ont montré qu'avant la participation du jeune ou du parent au programme, ils n'étaient souvent pas conscients de l'existence des divers programmes et services offerts dans leur propre quartier. Cette sensibilisation a constitué une première étape cruciale pour aider les parents à obtenir les services offerts à leurs enfants.

Attitudes

Des changements positifs ont été observés au moment où les participants ont quitté le programme quant aux deux principales préoccupations soulevées dans le cadre du YAP, c'est-à-dire le fait que les jeunes puissent faire preuve d'une attitude positive à l'égard des armes à feu, de la violence et des gangs et le fait qu'ils banalisent l'agressivité. Les croyances positives des participants au sujet de l'agressivité se sont atténuées légèrement entre le début et à la fin du programme. L'attitude des participants à l'égard des armes à feu et de la violence avait aussi diminué à la fin du programme, comme l'indique une réduction de presque 40 % du score moyen. Leur attitude à l'égard des gangs est également devenue plus négative, le score moyen approchant zéro, la limite inférieure de l'échelle. Ces résultats ont aussi été validés de manière qualitative à l'aide des entrevues avec les participants, leur famille et les services de police.

Les scores des jeunes qui ont réussi le programme quant à leur sentiment d'appartenance à l'école (mesuré par l'assiduité) ont connu une augmentation (score moyen de 4,08 [ET = 0,50] à la fin du programme, ce qui se rapproche du score maximal possible sur l'échelle de 5,00). Les liens avec les enseignants se sont également intensifiés légèrement tandis que les problèmes avec les pairs ont connu une légère baisse. Bien que non significatifs au plan statistique, ces résultats montrent effectivement une diminution de l'isolement combinée à un accroissement du sentiment d'appartenance. Pour ce qui est du groupe témoin, une diminution des liens avec les enseignants, une diminution du sentiment d'appartenance à la famille et une augmentation des difficultés avec les pairs ont été observées.

Compétences

Les jeunes membres d'un gang ont présenté des scores moins élevés en ce qui concerne les aptitudes pro-sociales et les aptitudes à la vie quotidienne (à l'exception de leur estime de soi, aux évaluations de début et de fin de programme) comparativement à ceux du groupe témoin. Il est important de souligner que les scores obtenus à la fin du programme étaient généralement plus élevés que ceux observés au début du programme. Les scores globaux relatifs aux aptitudes pro-sociales et à l'estime de soi des participants du YAP ont connu un accroissement longitudinal entre le début et la fin de programme. Bien qu'aucun de ces résultats ne soit significatif au plan statistique, les scores de fin de programme montraient effectivement une amélioration comparativement aux scores de l'évaluation de début de programme.

Comportement

Selon une analyse longitudinale, les jeunes quittant le programme présentaient une diminution des problèmes de comportement, de la victimisation, de l'impulsivité et de la délinquance. La variation dans les scores relatifs à la victimisation est importante (p = 0,22), la taille de l'effet étant élevée (53 %, n2 = 0,53). Dans l'ensemble, les croyances des participants concernant l'agressivité, leurs attitudes à l'égard des gangs et leur impulsivité avaient diminué au jalon T = 2 (T2), bien qu'elles aient augmenté de nouveau à la fin du programme. Pour ce qui est des pulsions négatives, une amélioration a été observée sur l'échelle des problèmes de comportement, le score moyen initial de 5,20, score compris dans l'intervalle correspondant à la personnalité limite/anormale, s'étant amélioré pour passer à 4,72, compris dans l'intervalle correspondant à la norme établie pour le groupe cible du YAP.

Résultats de l'analyse des coûts

L'évaluation a montré que le YAP présentait un bon rapport coût-efficacité; en effet, le coût par participant était beaucoup moins élevé que la prise en charge ou la garde d'un enfant. Au cours de la troisième année du programme, le coût par participant était de 27 758 $ par année ou de 2 313 $ par mois.

Les coûts associés au YAP sont d'environ un cinquième de ceux associés à l'incarcération d'un jeune contrevenant, soit environ 120 000 $ par jeune par année, ou 10 000 $ par jeune par mois (Société canadienne de psychologie, 2008).

Or, étant donné que les jeunes présentant un risque élevé de délinquance utilisent souvent de manière concurrente de multiples services, il est vraisemblable que les coûts pour la société sont encore plus élevés que ceux qui sont mentionnés ici. Cela tend à confirmer davantage l'efficience du YAP.

Limites de l'évaluation

Selon les normes d'évaluation du CNPCFootnote 4, les méthodes utilisées seraient jugées excellentes en raison de leur capacité à attribuer les effets observés aux interventions menées. Cependant, certaines limites et certains défis doivent être pris en compte au moment d'interpréter les résultats.

L'évaluation devait comporter au départ le recours à un groupe témoin constitué de jeunes en attente de participer au programme; cependant, une liste d'attente n'a jamais été établie. Pour compenser cette lacune, l'évaluateur a fait appel à différentes cohortes comme groupes de comparaison avec les jeunes participant au YAP, y compris un groupe témoin non aléatoire provenant de la collectivité, un échantillon de jeunes du premier cycle d'écoles secondaires appartenant aux mêmes collectivités que celles des jeunes participant au YAP et des jeunes ayant les mêmes caractéristiques quant au sexe et à l'âge, ainsi qu'aux scores obtenus aux mesures de la délinquance, qui participaient à d'autres études du Resilience Research CentreFootnote 5.

Pour un petit nombre de jeunes, les données qui devaient être recueillies à la fin du programme et six mois après la fin du programme ne l'ont pas été parce que certains d'entre eux avaient quitté le programme prématurément et que les évaluateurs ont été incapables de communiquer avec eux. La plupart de ces jeunes avaient déménagé ou leurs coordonnées n'étaient plus les mêmes.

Les données provenant des dossiers étaient parfois contradictoires au moment des premières étapes de la mise en œuvre du projet. Les évaluateurs ont collaboré avec les intervenants du programme et la situation s'est améliorée considérablement au cours de la troisième année.

Voici d'autres questions importantes sur la validité:

Validité statistique

La taille de l'échantillon de participants au YAP était petite, ce qui a eu pour effet de produire très peu de résultats significatifs au plan statistique. Cependant, la majorité des résultats indiquait effectivement une amélioration au fil du temps des scores des participants à l'égard de variables clés. La confiance dans ces résultats est améliorée du fait qu'ils ont été confirmés par les familles et les fournisseurs de services.

Validité des outils d'évaluation

Le personnel du YAP a fait remplir les questionnaires par les jeunes pendant et à la fin de programme. Cela peut avoir introduit une partialité dans la mesure où les jeunes peuvent avoir été enclins à fournir des réponses plus positives en raison de leur relation avec les intervenants du programme.

Validité interne

En plus des limites mentionnées plus haut, il faut aussi tenir compte des éléments normaux qui nuisent à la validité comme l'évolution des participants, leurs antécédents et la façon de faire passer les tests. Cependant, compte tenu de la rigueur du modèle d'évaluation mis en œuvre, de la qualité des données et des analyses statistiques effectuées, il est permis de penser que les résultats sont fiables.

5. Leçons retenues et recommandations

Prestation du programme

Intervenants du programme

Le statut de para-professionnel et la connaissance de la collectivité parmi les intervenants du programme ont été continuellement cités comme étant des aspects positifs. Leur disponibilité et leur accessibilité ont amélioré l'image du YAP dans la collectivité, ce qui a fait augmenter le nombre de sources de références. Le statut « para-professionnel » des intervenants a favorisé la participation des jeunes et de leur famille, la notion de « personne sur le terrain » ayant inspiré une plus grande confiance que le titre de « professionnel ».

Soutien clinique

Le besoin d'offrir un meilleur soutien clinique aux intervenants du programme avait été identifié dès la conception du programme. Même si les parents et les jeunes ont indiqué qu'ils étaient généralement satisfaits de la façon dont le programme avait été administré, le personnel travaillant auprès de jeunes et de familles ayant des besoins complexes devrait recevoir davantage de soutien. Il a été recommandé que le YAP fasse appel à un consultant clinique pour aider les intervenants du programme à faire face à leur charge et à la complexité du travail. De même, il a été proposé d'offrir une formation supplémentaire portant sur les besoins particuliers des jeunes filles participantes.

Équipes des services aux jeunes

Un autre défi inattendu était le degré de résistance auquel les intervenants du programme ont dû faire face de la part des fournisseurs de services. Les raisons étaient variées. L'approche Wraparound s'appuie fortement sur la participation non seulement des jeunes et de leur famille, mais également des fournisseurs de services communautaires, professionnels et gouvernementaux.

En conséquence, les équipes des services aux jeunes n'ont jamais été solidement établies pour chacun des participants. Pour atteindre les objectifs des équipes des services, le personnel du YAP a consulté chaque membre des équipes pour connaître son opinion et faire appel à son expertise au moment de prendre des décisions sur la façon de procéder. Cette démarche a permis d'assurer une cohérence dans tous les plans d'action, de telle sorte que les besoins du participant, du parent ou du tuteur ont été communiqués à toutes les sources de soutien, officielles et officieuses.

L'approche séquentielle est une adaptation du modèle Wraparound et permet de garder le jeune et sa famille au cœur de toute prise de décision, mais elle entraîne une augmentation considérable de la charge de travail des intervenants du programme.

Zone de sélection 

Les évaluateurs ont recommandé que l'école soit la zone de sélection des participants plutôt que le quartier. Ils avaient l'impression que ce choix permettrait d'avoir un plus grand groupe de participants, tout en ayant le même nombre de facteurs de risque, par exemple, la fréquentation de pairs et l'assiduité. De même, les écoles constituent des frontières virtuelles qui sont plus significatives que le sont les quartiers pour les jeunes, particulièrement les jeunes du groupe d'âge cible.

Enfin, il a été fortement recommandé que le programme soit élargi au plan géographique et que des intervenants supplémentaires soient embauchés. En outre, il a été suggéré que des liens plus forts soient noués avec le comité consultatif et que des comités composés d'intervenants de la collectivité soient mis sur pied.

Évaluation

Groupe témoin

Au départ, le plan d'évaluation avait prévu d'utiliser les personnes inscrites sur la liste d'attente du programme pour constituer le groupe témoin. En l'absence d'une liste d'attente, un échantillon a été formé à partir de jeunes provenant des six quartiers cibles et de jeunes qui n'avaient pas été acceptés dans le programme. Les évaluateurs ont suggéré que les prochains plans prévoient une solution de rechange en l'absence d'une liste d'attente.

Achèvement des évaluations

Une des principales difficultés a été de faire en sorte que les évaluations des participants soient terminées dans les délais, à intervalle de six mois. Les évaluations réalisées en retard ou les jeunes qui se retiraient du programme et qui ne faisaient pas l'objet d'un suivi au moment opportun, ont rendu les évaluations de fin de programme plus difficiles.

En conséquence, il n'a pas été possible d'obtenir des comparaisons significatives puisque seulement trois jeunes les ont remplies. Maintenir la communication avec les jeunes participants constitue un problème courant, puisqu'ils ont tendance à se déplacer fréquemment et à changer d'école.

Suivi des données

Il a été recommandé d'améliorer le suivi des données, particulièrement en ce qui concerne la réalisation des enquêtes, les dossiers de gestion des cas des participants et la mise à jour des coordonnées des participants.

Il a été difficile d'évaluer avec exactitude combien de temps les jeunes ont participé au programme, puisqu'ils pouvaient parfois quitter le programme et y revenir dans la même semaine. Dans ces situations, les plans d'action pouvaient être interrompus ou les services reportés, ce qui augmentait artificiellement la durée de participation en raison de la difficulté à vérifier l'intensité réelle.

Dans l'évaluation, il a été recommandé de mettre en œuvre une liste de contrôle de la fidélité afin d'assurer le respect des principes fondamentaux du programme et de faciliter les activités de suivi. Cette liste de contrôle pourrait également contribuer à la reproduction du modèle à l'avenir.

6. Conclusion

Dans l'ensemble, les résultats de l'évaluation indiquent que le YAP semble être une intervention communautaire efficace auprès de jeunes qui présentent un risque de se joindre un gang ou qui en font partie.

Selon les résultats, les membres du groupe cible ont présenté une baisse du degré d'isolement, de stress et des pulsions négatives. De plus, ils ont affiché une amélioration au chapitre de la résilience et des aptitudes pro-sociales.

Enfin, les partenaires de la collectivité, les services de police et les familles mobilisées dans le cadre du projet ont affirmé être convaincus que le YAP leur avait permis d'obtenir plus de ressources et d'outils pour faire face aux gangs de jeunes et à la violence des jeunes dans leur quartier.

Pour de plus amples renseignements au sujet de ce projet, ou pour obtenir une copie du rapport final d'évaluation, veuillez contacter le Centre national de prévention du crime, par courriel, à ps.prevention-prevention.sp@canada.ca.

Pour recevoir des informations sur les activités du CNPC, nous vous invitons à vous inscrire à la liste d'envoi électronique du CNPC en visitant notre page d'enregistrement à : http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/bt/mlng-lst-fra.aspx.

Notes

  1. 1 La note de synthèse est fondée sur l'examen et l'analyse, par l'équipe de recherche et d'évaluation du CNPC, du rapport d'évaluation final préparé par le Resilience Research Centre (2011), intitulé YAP Evaluation Final Report (no de dossier : 6735-H1).
  2. 2 Cité dans l'évaluation : J. VanDenBerg et V. VandDenBerg, Integrated systems of care, team based support models, and the recent research on the Wraparound process, exposé présenté à la National Wraparound Conference, Toronto (Ontario), 2005.
  3. 3 Exemples de pulsions négatives : comportements socialement indésirables, comme l'utilisation de drogues, les activités sexuelles comportant des risques et le vandalisme.
  4. 4 Centre national de prévention du crime, Normes d'évaluation, Ottawa (Ontario), 2007.
  5. 5 Resilience Research Centre, Université Dalhousie (Nouvelle-Écosse).
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