Rapport annuel sur le recours à des dispositions du régime de justification de l'application de la loi par la GRC (2003-2004)

I. Introduction

Les articles 25.1 à 25.4 du Code criminel prévoient une justification limitée, sur le plan juridique, d'actes et d'omissions qui constitueraient par ailleurs des infractions s'ils étaient commis par des agents désignés de la paix (et les personnes qui agissent sous leur direction) dans le cadre d'une enquête sur une infraction à une loi fédérale, dans la mise en application d'une loi fédérale ou dans le cadre d'une enquête sur une activité criminelle. Les dispositions du régime de justification de l'application de la loi sont assujetties à une exigence juridique en matière du caractère raisonnable et de la proportionnalité.

Les dispositions du régime de justification de l'application de la loi prévoient aussi l'établissement d'un système de responsabilisationNote de bas de page 1 en vertu duquel l'autorité compétente - le solliciteur général du Canada Note de bas de page 2, dans le cas de membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) - est tenue par la loi de rendre public un rapport annuel sur le recours, par des membres de la GRC, à des dispositions précises du régime de justification de l'application de la loi.

Le solliciteur général doit rapporter notamment :

Le premier rapport sur le recours, par la GRC, à des dispositions précises du régime de justification de l'application de la loi a été déposé devant le Parlement le 13 juin 2003.

Le présent rapport rend compte exclusivement du recours, par la GRC, à des dispositions précises du régime de justification de l'application de la loi du 1er février 2003 au 31 janvier 2004.

II. Vue d'ensemble du régime de justification de l'application de la loi

En avril 1999, dans la décision R. c.Campbell et Shirose, la Cour suprême du Canada a déclaré qu'en vertu de la common law, les policiers ne jouissaient pas d'une immunité lorsqu'ils commettaient des actes criminels au cours d'une enquête. La Cour ajoutait que « s'il y a lieu de conférer à la police une certaine forme d'immunité d'intérêt public… il revient au Parlement de circonscrire la nature et la portée de l'immunité ainsi que les faits qui y donnent ouverture ». Note de bas de page 8

Le 18 décembre 2001, le projet de loi C.24, Loi modifiant le Code criminel (crime organisé et application de la loi), a reçu la sanction royale. La plupart des portions du projet de loi C.24 sont entrées en vigueur le 7 janvier 2002. Quant aux dispositions du régime de justification de l'application de la loi, qui font l'objet des articles 25.1 à 25.4 du Code criminel, elles ont été promulguées le 1er février 2002.

Les dispositions du régime de justification de l'application de la loi donnent suite à la décision R. c. Campbell et Shirose en prévoyant une justification limitée des actes et des omissions qui constitueraient par ailleurs des infractions s'ils étaient commis par des agents de la paix (et les personnes qui agissent sous leur direction) dans le cadre d'une enquête sur une infraction à une loi fédérale, dans la mise en application d'une loi fédérale ou dans le cadre d'une enquête sur une activité criminelle. Elles prévoient aussi l'établissement d'un système de responsabilisation.

Les dispositions du régime de justification de l'application de la loi sont assujetties à une exigence juridique en matière du caractère raisonnable et de la proportionnalité. Le caractère raisonnable et la proportionnalité sont évalués à la lumière des circonstances et en tenant compte de certaines questions telles que la nature de l'acte ou de l'omission, la nature de l'enquête et la disponibilité raisonnable d'autres moyens pour exécuter les tâches des agents. Certains types de conduite, comme le fait de causer des lésions corporelles, de porter atteinte à l'intégrité sexuelle d'une personne ou de tenter volontairement d'entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice, sont exclus des dispositions du régime de justification de l'application de la loi. Note de bas de page 9

Les dispositions du régime de justification de l'application de la loi prévoient aussi l'établissement d'un système de responsabilisation. Un élément essentiel des dispositions du régime de justification de l'application de la loi est qu'elles s'appliquent seulement aux fonctionnaires publics désignés. Note de bas de page 10 Dans le cas des agents de la GRC, c'est le solliciteur général du Canada qui est l'autorité compétente responsable des désignations. Note de bas de page 11

Le solliciteur général du Canada est également responsable de la désignation d'un fonctionnaire supérieur, qui le conseillera par la suite à propos des désignations de fonctionnaires publics. Note de bas de page 12 En temps normal, seul le solliciteur général du Canada peut désigner des agents de la GRC comme fonctionnaires publics. Mais quand l'urgence de la situation l'exige, un fonctionnaire supérieur peut désigner des fonctionnaires publics à titre temporaire. Un fonctionnaire supérieur peut lui-même désigner un fonctionnaire public pour une période maximale de 48 heures, s'il estime qu'en raison de l'urgence de la situation, le solliciteur général du Canada peut difficilement le désigner, ou s'il estime que le fonctionnaire public est justifié de commettre un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction. Note de bas de page 13

Un fonctionnaire public doit recevoir l'autorisation écrite d'un fonctionnaire supérieur avant de commettre un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction et qui entraînerait vraisemblablement la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci, ou d'ordonner à une personne de commettre un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction. Note de bas de page 14

Un fonctionnaire public peut, sans autorisation écrite d'un fonctionnaire supérieur, commettre un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction et qui entraînerait vraisemblablement la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci, ou ordonner à une personne de commettre un acte ou une omission qui constituerait par ailleurs une infraction, dans des circonstances bien précises. Ce fonctionnaire public doit cependant croire, pour des motifs raisonnables, que les conditions pour obtenir l'autorisation sont réunies, mais que son obtention est difficilement réalisable et que l'acte ou l'omission est nécessaire afin :

III. Statistiques

III.I Désignations temporaires

Les alinéas 25.3(1)a), d) et e) du Code criminel exigent que les renseignements ci-dessous soient rendus publics :

Pour la période du 1er février 2003 au 31 janvier 2004, la GRC rapporte que le fonctionnaire supérieur n'a procédé à aucune désignation temporaire.

III.II Autorisations accordées pour commettre des actes ou omissions

Les alinéas 25.3(1)b), d) et e) du Code criminel exigent que les renseignements ci-dessous soient rendus publics :

Pour la période du 1er février 2003 au 31 janvier 2004, la GRC rapporte avoir accordé six autorisations d'ordonner à une personne de commettre un acte ou une omission justifié qui constituerait par ailleurs une infraction.

Pour la période du 1er février 2003 au 31 janvier 2004, la GRC rapporte n'avoir autorisé aucun fonctionnaire public à commettre des actes ou omissions justifiés qui constitueraient par ailleurs des infractions et qui entraîneraient vraisemblablement la perte de biens ou des dommages importants à ceux-ci.

III.III Nombre de fois que des fonctionnaires publics ont commis un acte ou une omission sans autorisation écrite du fonctionnaire supérieur

Les alinéas 25.3(1)c), d) et e) du Code criminel exigent que les renseignements ci-dessous soient rendus publics :

Pour la période du 1er février 2003 au 31 janvier 2004, la GRC rapporte qu'aucun fonctionnaire public n'a agi sans l'autorisation officielle d'un fonctionnaire supérieur en pareilles circonstances.

IV. Conclusion

Entre le 1er février 2003 et le 31 janvier 2004, soit la deuxième année de l'application des articles 25.1 à 25.4 du Code criminel, la GRC n'a procédé à aucune désignation temporaire. Note de bas de page 19 À six reprises, le fonctionnaire supérieur a permis à un fonctionnaire public désigné d'ordonner à une personne de commettre un acte ou une omission justifié qui constituerait par ailleurs une infraction. Note de bas de page 20 Enfin, aucun fonctionnaire public désigné n'a commis un acte ou une omission sans l'autorisation officielle d'un fonctionnaire supérieur en pareilles circonstances. Note de bas de page 21

L'examen parlementaire des articles 25.1 à 25.4 du Code criminel et de leur application, qui devrait s'amorcer en 2005, fournira l'occasion d'évaluer l'efficacité des dispositions du régime de justification de l'application de la loi dans son ensemble, et aux parties intéressées de faire connaître leurs points de vue.

Notes de bas de page

  1. 1

    Code criminel, L.R.C. 1985, c. C.45, article 25.3 [ci-après nommé le Code]

  2. 2

    Depuis le 12 décembre 2003, le solliciteur général du Canada porte maintenant le titre officiel de ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Puisque le Code criminel n'a pas encore été modifié en conséquence, le présent rapport utilise l'ancien titre  «solliciteur général du Canada ».

  3. 3

    Code, supra, note 1, paragraphe 25.1(6).

  4. 4

    Ibid., alinéa 25.1(9)a).

  5. 5

    Ibid., alinéa 25.1(9)b).

  6. 6

    Ibid., alinéa 25.3(1)d).

  7. 7

    Ibid., alinéa 25.3(1)e).

  8. 8

    R. c. Campbell et Shirose, 1999 1 R.C.S. 565.

  9. 9

    Code, supra, note 1, alinéa 25.1(8)c).

  10. 10

    Ibid, alinéa 25.1(8)b).

  11. 11

    Ibid., alinéa 25.1(1)a).

  12. 12

    Ibid., paragraphes 25.1(1) et 25.1(5)

  13. 13

    Ibid., paragraphe 25.1(6).

  14. 14

    Ibid., alinéa 25.1(9)a).

  15. 15

    Ibid., alinéa 25.1(9)b).

  16. 16

    Ibid., paragraphe 25.1(6).

  17. 17

    Ibid., alinéa 25.1(9)a).

  18. 18

    Ibid., alinéa 25.1(9)b).

  19. 19

    Ibid., paragraphe 25.1(6).

  20. 20

    Ibid., alinéa 25.1(9)a).

  21. 21

    Ibid., alinéa 25.1(9)b).

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