ARCHIVE - INFRASTRUCTURE PHYSIQUE – LES INFRASTRUCTURES D'HIER NE SATISFONT PAS LES BESOINS D'AUJOURD'HUI

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Nous avons demandé au SCC de réaliser un examen préliminaire des coûts-avantages associés à la création de complexes régionaux par rapport à l'amélioration des infrastructures actuelles, ou au maintien du statu quo. Pour ce faire, nous avons demandé au cabinet Deloitte & Touche d'examiner ces estimations des coûts, compte tenu notamment des contraintes de temps et des consultations restreintes. Selon nous, ces informations initiales viennent appuyer les investissements supplémentaires nécessaires en vue d'examiner de nouvelles approches relatives à la conception et à la construction d'installations qui fourniraient davantage de moyens d'améliorer, en toute sécurité, l'efficacité et l'efficience des services correctionnels. Le schéma suivant présente les deux principaux problèmes que connaissent les installations actuelles ainsi que les propositions d'examiner les avantages opérationnels et financiers de passer à un « modèle de complexes régionaux ».

(a) Âge des installations actuelles

Au fur et à mesure que les membres du Comité ont visité un certain nombre de pénitenciers canadiens, ils ont été impressionnés par la détermination des employés qui travaillent dans des conditions inadéquates. Nombre de pénitenciers fédéraux actuels ont été construits en fonction d'une population carcérale homogène et unique. Les membres du Comité ont visité des pénitenciers construits dans les années 1800 et au début des années 1900, que l'on a tenté, au fil des ans, d'adapter aux réalités actuelles. D'autres pénitenciers construits au milieu des années 1900 ont été conçus selon la philosophie de gestion correctionnelle de cette époque, mais à partir du principe selon lequel tous les détenus peuvent fonctionner comme un groupe homogène. Il y a même un pénitencier dont les cellules n'ont pas de toilette, et les employés doivent faire sortir chaque détenu pour qu'il utilise les installations communes. (Voir la liste des pénitenciers fédéraux par région et niveau de sécurité à l'annexe A.)

Irving Kulik, directeur général de l'Association canadienne de justice pénale décrit plus précisément le problème :

[traduction] Dans la plupart des pénitenciers actuels du SCC, on a souvent fait du « retapage », alors que dans d'autres, on a ajouté de nouvelles unités aux anciennes, perturbant ainsi les opérations pendant des années. Résultat, on a construit peu de pénitenciers modernes, fonctionnels et efficaces au cours des deux dernières décennies. L'entretien des anciennes installations coûte cher, et, par conséquent, lorsque d'autres considérations budgétaires entrent en jeu, les travaux d'entretien sont reportés. L'organisme a donc, inévitablement, une énorme collection de bâtiments délabrés qui intègrent de manière inefficace des éléments de constructions modernes56.

(b) Défis posés par les multiples sous-populations de délinquants

Bien que certaines installations plus modernes correspondent à un mode de pensée plus récent concernant la gestion correctionnelle, elles ont été construites selon un modèle qui suppose que toutes les personnes peuvent fonctionner de manière responsable. Cette approche pose problème, car, selon les statistiques du SCC, les agressions de détenus se produisent tant dans les pénitenciers à sécurité maximale que dans ceux à sécurité moyenne.

Comme il a été mentionné précédemment, on ne peut mélanger les multiples sous-populations, en raison soit de leurs incompatibilités (c.-à-d. gangs), soit de leurs vulnérabilités (c.-à-d. maladies mentales).

Le Comité a vu des aménagements pénitentiaires incohérents qui créent des différences importantes dans la manière d'offrir les services. L'aménagement physique de certains pénitenciers est une source de préoccupations sérieuses, car il crée des environnements dans lesquels les employés peuvent très difficilement interagir avec les détenus d'une manière qui permette d'assurer un bon équilibre entre la sécurité passive et la sécurité active. Dans certains aménagements, le SCC peut difficilement offrir un environnement global sûr aux employés.

Concrètement, nombre d'anciens pénitenciers ont des « angles morts » ou des zones où les employés ne peuvent voir directement les activités des détenus. Par conséquent, il y a un risque élevé d'agressions contre des employés ou d'autres délinquants. Pour tenter de corriger cette situation dans les pénitenciers existants, il faut recourir soit à des travaux de construction très dispendieux dans un espace restreint, soit, si toute construction est impossible, à une solution encore plus dispendieuse associée à la dotation en personnel.

Le Comité a en outre remarqué que l'aménagement des postes de contrôle de quelques pénitenciers ne permet pas d'offrir la meilleure sécurité possible dans certaines unités résidentielles. Pendant que les employés et les gestionnaires à l'échelle locale essaient de trouver des solutions réalistes, cette lacune entrave la prestation efficace des services correctionnels et devient parfois une source de différends entre les employés de première ligne et les gestionnaires.

Étant donné tout ce que le Comité a entendu concernant le changement du profil des délinquants et le taux d'agressions entre détenus classés au niveau de sécurité moyenne, le Comité se préoccupe d'établir un juste équilibre entre la sécurité active et la sécurité passive au sein de toute unité résidentielle correctionnelle nouvellement construite. La sécurité des employés et des délinquants est primordiale, mais si l'équilibre penche vers la sécurité passive, un vide se crée entre le personnel de correction et les détenus, et cette situation ne favorise pas le processus de gestion correctionnelle intégrée proposé. De plus, un environnement qui ne permet pas de maîtriser correctement une situation peut compromettre la sécurité de tous. Les membres du Comité ont été surpris de constater le manque de barrières dans certaines des nouvelles unités à sécurité moyenne qu'ils ont visitées aux établissements de Springhill et de Collins Bay. Ainsi, les nouveaux pénitenciers doivent être conçus de manière à permettre au SCC de gérer chaque population séparément. Cette exigence a été appuyée par le SACC-CSN qui a suggéré ce qui suit dans son mémoire au Comité :

Idéalement, la construction de nouvelles unités [… donnerait] au SCC la capacité de séparer physiquement les populations carcérales selon leur cote de sécurité et leur engagement à poursuivre leur plan correctionnel57.

Le Comité reconnaît que le SCC a essayé de corriger ces lacunes en rénovant ou en remplaçant les constructions au fil des ans; toutefois, la réalité est que le budget de construction du Service ne permet pas de traiter ces problèmes dans tous les pénitenciers en temps voulu. De plus, les modifications mineures apportées constamment aux infrastructures existantes dans les espaces réduits des pénitenciers actuels sont souvent indirectement la source d'autres problèmes ou préoccupations.

(c) Installations séparées et distinctes

Bien que l'infrastructure physique à l'intérieur des murs/clôtures pose problème, le Comité a aussi signalé d'autres facteurs qui nuisent à la prestation de services correctionnels efficaces. Par exemple, l'emplacement, ou plus précisément, l'isolement de certains pénitenciers par rapport aux autres installations d'une même région fait en sorte qu'il est extrêmement difficile d'utiliser des approches pour gérer les divers enjeux présentés par la population carcérale. Si les responsables d'un pénitencier ont de la difficulté avec un certain groupe ou une certaine catégorie de délinquants, ils peuvent difficilement combiner les ressources communes à une région lorsque les autres installations se trouvent à des centaines de kilomètres de distance. Dans une situation de crise ou s'il faut accéder aux services professionnels offerts dans une autre installation, la distance géographique qui sépare les pénitenciers crée des problèmes particuliers.

Pour le Comité, il est clair que la distance géographique entre les pénitenciers d'une même région empêche la mise en œuvre d'un modèle de planification correctionnelle plus efficace et efficient. Actuellement, lorsqu'un détenu est transféré dans un autre pénitencier, il n'y a pas de continuité dans les soins en place. Dans de nombreux cas, les employés au pénitencier de réception doivent recommencer des éléments du processus de planification correctionnelle, et un temps précieux est perdu dans la gestion de la peine du délinquant.

Le Comité est en outre convaincu que, en ayant une infrastructure physique qui conserve le modèle d'installations séparées, des économies d'échelle sont perdues en raison de la réplication de structures de gestion, d'administration et de fonctionnement identiques dans 58 pénitenciers de l'ensemble du pays. Bien que cette structure soit nécessaire en raison de l'approche actuelle et de l'emplacement des pénitenciers, le SCC n'est pas en mesure de réaliser des économies ni d'effectuer des réaffectations au moyen d'une approche mieux consolidée.

(d) Création proposée de complexes régionaux

Le SCC a fait savoir au Comité que les problèmes mentionnés précédemment pourraient être résolus par la construction de complexes régionaux partout au Canada et en s'éloignant du concept d'installations autonomes.

Les discussions avec le Comité ont porté principalement sur le fait qu'en adoptant le principe de complexe régional pour la construction de ses pénitenciers, le SCC pourrait établir une stratégie correctionnelle plus efficace qui répondrait à plusieurs des inquiétudes formulées précédemment.

En gros, un complexe régional comprendrait des secteurs de logement à sécurité minimale, moyenne et maximale adéquatement séparés à l'intérieur d'une clôture périmétrique, mais permettant l'accès à des services ou à un espace communs à des moments différents. Par exemple, les détenus de chacun des différents segments de la population auraient un accès séparé aux aires communes destinées aux programmes ou à la formation professionnelle, ou encore, les services d'alimentation seraient fournis à partir d'une même unité.

L'idée des complexes n'est pas étrangère au SCC. Lorsqu'il s'est rendu dans les régions, le Comité a vu des pénitenciers qui étaient presque des complexes ou qui étaient en voie de le devenir (p. ex., l'Établissement de Sainte-Anne-des-Plaines, le Pénitencier de la Saskatchewan, le Centre régional de traitement de l'Établissement du Pacifique) même si l'infrastructure de gestion et les services communs fonctionnent encore en vase clos.

L'approche du complexe régional permettrait de prendre en charge, avec efficacité et efficience, un plus grand nombre de détenus en un même lieu, et d'élargir le bassin des ressources disponibles, ce qui permettrait de mieux répondre aux besoins des détenus.

Le Comité a également signalé qu'il faudrait faire une utilisation plus ciblée des ressources liées aux programmes et se demander s'il est indiqué d'essayer d'offrir plusieurs programmes de base dans les pénitenciers à sécurité maximale. Un complexe permettrait certainement de concentrer davantage le personnel de manière à offrir aux délinquants certains programmes ciblés. Il est raisonnable de présumer que l'on pourrait réduire les listes d'attente pour les programmes et que les délinquants n'auraient plus besoin, comme c'est parfois le cas, d'attendre un transfèrement dans un autre pénitencier avant de pouvoir participer à un programme.

Le Comité constate aussi qu'on pourrait également empêcher plus facilement l'entrée des drogues dans un complexe. Si quatre ou cinq pénitenciers partageaient le même périmètre, le SCC pourrait investir dans du matériel relativement sophistiqué pour contrôler non seulement les personnes, mais aussi les véhicules qui entrent dans le complexe. De plus, ce concept permettrait une utilisation optimale des chiens détecteurs de drogue.

Au lieu de loger des détenus ayant la même cote de sécurité dans des pénitenciers d'une capacité allant de quelques centaines à 500 ou 600 délinquants, on les accueillerait dans un complexe régional d'une capacité de 1 500 à 2 000 détenus. Le complexe régional pourrait également accueillir dans des locaux adaptés et séparés des délinquants de divers niveaux de sécurité, mais dont les plans correctionnels et les progrès au cours de leur incarcération seraient suivis par une seule équipe de gestion.

Dans un complexe régional, le SCC serait en mesure de maximiser l'utilisation des ressources, car il tirerait profit d'une variété de compétences au sein d'un même périmètre sans avoir à transférer les détenus dans une autre ville. À lui seul, ce facteur permettrait d'éviter des dépenses inutiles associées au transfèrement des détenus, les problèmes de transition qui surviennent parce que le dossier d'un délinquant passe à une nouvelle équipe de gestion des cas chaque fois qu'il est transféré et éliminerait la nécessité d'offrir toute une panoplie de programmes dans chaque pénitencier, peu importe sa taille.

Un grand avantage du concept de complexe régional est qu'il encourage un modèle de gestion correctionnelle global axé sur l'obligation qu'ont les délinquants de suivre leur plan correctionnel. Le SCC n'aura plus à déplacer les délinquants d'un pénitencier à l'autre, dans une même province ou ailleurs au Canada. En principe, ceux-ci devraient demeurer dans le complexe et y être pris en charge, mais on leur assignerait un secteur en fonction de leur motivation à participer aux programmes prévus dans leur plan correctionnel. Les ressources et les services offerts au détenu dans le complexe dépendraient de sa motivation et de sa participation.

Un complexe régional permettrait également de concentrer des ressources pour intervenir auprès de certains groupes de la population ou pour répondre à leurs besoins particuliers. Par exemple, les détenus qui ont un besoin constant de soins de santé pourraient être incarcérés dans des centres de santé régionaux, ce qui permettrait d'éliminer les frais importants associés aux séjours prolongés dans des hôpitaux externes. De plus, les délinquants atteints de troubles mentaux auraient plus facilement accès aux services dont ils ont besoin si ces services étaient regroupés en un même lieu et non dispersés dans plusieurs pénitenciers.

La mise en œuvre de ce concept serait également l'occasion de régler de manière uniforme les problèmes que suscite le besoin d'avoir des unités d'isolement dans tous les pénitenciers à sécurité maximale et à sécurité moyenne du SCC. La création, dans chaque complexe, d'une unité d'isolement commune serait une façon logique de faire face aux problèmes de gestion du comportement d'un faible pourcentage de la population carcérale. Des unités communes, où des employés bien formés adopteraient la même approche envers les détenus, seraient préférables aux petites unités d'isolement auxquelles on n'affecte pas suffisamment de personnel et inciteraient les délinquants à améliorer leur comportement.

En outre, le fait que les délinquants devraient, en principe, demeurer dans le même complexe régional pendant toute la durée de leur peine pourrait augmenter leurs chances d'entretenir des liens familiaux solides. C'est l'observation faite par le Regroupement canadien d'aide aux familles des détenus :

[traduction] […] la création de complexes devrait être encouragée parce qu'elle pourrait permettre d'éliminer le dilemme « géographique » auquel sont confrontées les familles, de tenir compte des considérations liées à la qualité de vie et du besoin d'entretenir des relations interpersonnelles et aussi d'accroître la possibilité d'obtenir le soutien de la collectivité pendant la réinsertion sociale58.

Bien que le SCC n'ait pas eu la possibilité d'évaluer avec précision les économies de coûts globales que représenterait la création de complexes régionaux, le Comité et le SCC croient tous les deux que la nouvelle approche permettrait de réduire les dépenses.

Afin d'appuyer le mieux possible cette hypothèse, le Comité a demandé à un cabinet indépendant, Deloitte & Touche, d'examiner l'estimation des coûts de construction et de fonctionnement d'un complexe régional en les comparant avec la situation actuelle.

Dans l'ensemble, les experts de Deloitte & Touche ont conclu que, même si l'on a fait preuve de beaucoup de rigueur pour plusieurs aspects des estimations des coûts et respecté les méthodes et les pratiques en vigueur au SCC, il est possible que l'analyse soit trop axée sur les « pratiques actuelles ». Autrement dit, même si les estimations des coûts d'immobilisations et de fonctionnement et du cycle de vie du matériel ont été faites en appliquant les méthodes du SCC, elles ne sont pas nécessairement à la fine pointe de ce que font actuellement, par exemple, d'autres ministères (pour le calendrier d'exécution), d'autres administrations ou des conseillers externes. Les hypothèses sur lesquelles s'appuie l'analyse ne sont considérées comme acceptables que dans la mesure où les données et les normes du SCC (comme les indicateurs de ressources) sont acceptables. À bien des égards, le projet de complexes peut être considéré comme un modèle d'entreprise en transformation, pour lequel il faudra peut-être faire appel à de nouvelles méthodes et à de nouvelles normes de fonctionnement. (Voir l'annexe F pour le rapport complet.)

RECOMMANDATIONS

  1. Le Comité recommande que le SCC investisse des fonds d'immobilisations et de fonctionnement pour la construction d'un nouveau type de complexe pénitentiaire régional qui corrige les problèmes de rentabilité et d'efficacité opérationnelle de son infrastructure physique actuelle.
  2. Le Comité recommande que le SCC mette au point une « proposition d'élaboration de projet » qui tienne compte des recommandations découlant de l'examen indépendant fait par le cabinet Deloitte le 4 octobre 2007, à la demande du Comité, concernant l'estimation des coûts de la construction et du fonctionnement de nouveaux complexes régionaux.
  3. Le Comité recommande que, entre-temps, le SCC établisse des critères précis de manière à réduire au minimum l'approbation de projets de rénovation.

56 Mémoire présenté au Comité d'examen du SCC, Association canadienne de justice pénale, le 28 mai 2007, page 9.

57 « Conséquences et récompenses : Un Service correctionnel du 21ième siècle – Un mémoire au Comité d'examen sur l'avenir du Service correctionnel du Canada », UCCO-SACC-CSN, juin 2007, page 28.

58 Mémoire présenté au Comité d'examen du SCC, Regroupement canadien d'aide aux familles des détenus, le 23 mai 2007, page 4 (en anglais).

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